lundi 22 février 2010

Y a-t-il un état de sommeil profond ?


Carotte-le-lapin : Salut Dharma-le-chien. Quelle belle journée ! J'ai bien dormi. Mais, comme tu l'avait prédit, je n'en suis pas ressorti plus "éveillé". Si le mental est l'obstacle à l'Éveil, pourquoi ne suis-je pas éveillé, et pourquoi le sommeil profond n'est-il pas une merveilleuse expérience de conscience et de félicité ?

Dharma-le-chien : Parce que le mental n'est pas l'obstacle qui t'empêche de voir ta vraie nature. Le mental, c'est-à-dire l'imagination, projette mille choses sur cette vraie nature. Mais en plus, il y a le fait de ne pas voir ta vraie nature, le Soi.

Carotte : Je ne vois pas la différence...

Dharma : Prends l'exemple de la corde prise pour un (vilain) serpent. D'abord, tu ne vois pas la corde. Sur la base de cet aveuglement, tu projettes sur elle le souvenir d'un serpent. Ce sont deux formes d'erreur distinctes. Or, durant le sommeil profond, toute projection cesse bien. Mais l'aveuglement persiste. Il n'y a plus de serpent projeté sur la corde, mais la corde n'est pas vue pour autant.

Carotte : Mais alors, quelle est l'expérience du sommeil profond ?

Dharma : C'est l'expérience de cet aveuglement massif, que certains nomment "ignorance". Le mental étant absent, il ne peut être considéré comme la cause de cette ignorance. C'est elle, au contraire, qui est la "cause" du mental, de même que la non appréhension de la corde est la "cause" ou la condition de la projection imaginaire du serpent sur elle. Donc, cesser d'imaginer ou de penser, ce n'est pas automatiquement voir notre vraie nature.

Carotte : Mais comment faire cesser cet aveuglement que tu appelles "ignorance" ? Si même la disparition des pensées ne déchire pas ce voile de stupeur, que faire ?

Dharma : Une fois que le mental est informé de ces deux formes d'ignorance, il se tourne vers les intervalles entre les pensées, vers le sommeil profond, comme vers un océan de conscience dans lequel il se dissout à chaque instant. La torpeur se transmute ainsi, progressivement, en pure présence. En réalité, le sommeil profond est déjà notre vraie nature. Mais paradoxalement, c'est son caractère trop évident qui nous empêche de la voir, comme l'espace est "caché" par son omniprésence.

Carotte : Mais alors, le mental joue un rôle dans l'Éveil ?

Dharma : Bien sûr. Seul le mental "s'éveille". Il devient alors plus subtil, jusqu'à se confondre avec la pure présence.

Carotte : Mais tu as dit avant que l'ignorance était antérieure au mental ? Comment ce dernier pourrait-il faire cesser sa propre cause ?

Dharma : Exactement de la même façon qu'un antidote, après avoir neutralisé un poison, s'élimine lui-même du corps. Le mental est informé de sa vraie nature, puis il s'abolit dans cette vision. Du reste, le mental n'a jamais été autre chose que cette pure présence qui est notre vraie nature, simplement oubliée temporairement.
Cela étant, l'état de sommeil profond n'existe pas vraiment.

Carotte : Hein ? Quoi ? Mais n'est-ce pas un des trois états décrits par les Grands Sages de l'Autre Côté ? Veille, rêve, sommeil profond : les trois états qui se déploient sur fond de pure présence ?

Dharma : Pas tout à fait. Pas du tout, en fait. Cette description commode est une concession au sens commun qui prend les apparences pour la réalité. Mais en réalité, il n'y a pas d'états, à commencer par le sommeil profond. En effet, qu'est-ce que j'expérimente ? Le soir, je ferme les yeux, le réveil indique 22h. Puis je les ouvre, le réveil indique 8h. Et qu'y a-t-il entre les deux ? Rien. Ou plutôt, un instant de pure présence, sans forme et intemporel. Il n'y a pas continuité de la conscience, il y a présence sans durée.

Carotte : Mais alors, pourquoi les Sages ont-ils parlé de ces trois états, et des intervalles entre les pensées ?

Dharma : C'est pédagogique. Quand on veut montrer une constellation d'étoiles à quelqu'un, on peut lui dire "Regardes cette étoile, tu vois, juste sur la branche de cet arbre !". Mais, en réalité, l'étoile n'est pas, et n'a jamais été, "sur" la branche d'arbre. De même, notre vraie nature n'a jamais été "entre" les pensées. La pure présence n'est pas située. De même, dire que notre vraie nature est "ce qui perçoit", "ce qui pense", "le Témoin des pensées", "l'espace entre deux pensées" ou "l'espace vide au-dessus des épaules", ce sont des indications très utiles, mais pas la réalité finale. Quand on retourne son attention au-dessus des épaules, vers "ce qui regarde", on découvre un espace, et l'espace est partout et nulle part. Il n'est pas ici ou là-bas. Ces formules sont des moyens habiles, pas des déclarations sur "la réalité ultime".

Carotte : Et la veille et le rêve, ce ne sont pas des états ?

Dharma : C'est sans importance, une fois que l'on a vu ce qu'il fallait voir.

4 commentaires:

  1. Bonjour David,

    j'aime beaucoup l'esprit de ces deux derniers articles ! encore, encore, encore !

    très intéressant !

    (j'espère juste que le chien n'est pas un caniche, ou un horrible chiwawa)

    bonne journée !

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  2. Dharma est un authentique chien ... qui a du chien ! Voir ici :
    http://shivaisme-cachemire.blogspot.com/search/label/Toutou%20Rimpoche
    C'est un chien parfait. la perfection faite chien.

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  3. Alors oui vraiment si le David il continue il va devenir le Tigre Cosmique.....

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  4. Le chien est un Golden Retriever, je l'ai vu dans un rêve accompagné d'un chien en carton.

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Pas de commentaires anonymes, merci.

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