samedi 3 avril 2010

La connaissance en paroles - Méthode pour l'Eveil IV

Suite du texte de Śaṃkara (le Śiṣya-pratibodha-vidhi-prakaraṇam) :


6.

Quant au maître, il (doit) être pourvu des qualités telles que la (capacité) de comprendre les objections et d'y répondre, la concentration, le calme, la compassion, le désir de prendre soin (des autres)[1]. Il a reçu la tradition[2], il ne convoite aucune fin visible ou invisible[3], il a renoncé à toutes les pratiques rituelles, il connait l'absolu, il est dans l'absolu. Sa conduite est droite[4], il est dépourvu des défauts que sont l'hypocrisie, l'arrogance, la duperie, la dissimulation, le canular[5], la jalousie, le mensonge[6], le "moi" et le "mien". Son seul but est de venir en aide à autrui, de leur procurer la science (de l'absolu). Cela étant, il doit commencer par enseigner ces paroles de la Révélation, paroles qui tendent à faire réaliser (au disciple) l'identité du Soi (et de l'absolu), comme, par exemple :

"Mon enfant, au commencement, ceci[7] n'était rien d'autre que l'être, absolument un, sans second"

"Là où il ne voit rien d'autre (, c'est la non-dualité)"

"Tout ceci n'est rien d'autre que le Soi/ que soi-même"

"Au commencement, ceci n'était rien d'autre qu'un seul et même Soi"

"A l'évidence, tout ceci est l'absolu !"

Après l'avoir instruit ainsi, le (maître) doit faire comprendre (au disciple) les caractéristiques de l'absolu au moyen de ces paroles de la Révélation et d'autres (de même sens) :

"Le Soi est dépourvu de vices"[8]

"L'absolu qui est (connu) intuitivement et sans intermédiaires"

"Ce qui est sans faim ni soif"

"Non", "non" (au "non"?)

"Ce qui n'est ni grossier ni subtil"

"Cet (absolu) que voici est "non"/"pas ainsi""

"Il est le voyant qui n'est pas vu"

"Conscience et félicité"

"Vérité, connaissance, sans fin"

"Invisible, impersonnel[9]"

"En vérité ! Voici ce Soi immense, incréé"

"De fait, il est sans souffle ni mental"

"De fait, le non né est l'intérieur et l'extérieur"

"Il n'est qu'une masse de conscience"

"Sans intérieur ni extérieur"

"Il est absolument autre que ce qui est connu, et autre que ce qui n'est pas connu"

"(Son) nom est "espace""


(Le maître doit) aussi (instruire le disciple) à l'aide des (paroles) de la Tradition, comme par exemple :

"Il ne naît pas. Il ne meurt pas"

"Il n'est affecté par les fautes de personne"

"Il est toujours présent comme l'espace"

"Et sache aussi que je suis le connaisseur du champs"[10]

"On ne dit pas qu'il est l'être, ni qu'il est non-être"

"Parce qu'il est sans commencement ni qualités"

"Le même en tous les êtres"

"Mais l'autre est l'être suprême[11]"



[1] anugraha : ce terme est traduit par "grâce" dans le contexte du śivaïsme cachemirien.

[2] āgama : là encore, désigne les tantras dans le contexte du śivaïsme du Cachemire.

[3] Il n'est attaché ni aux choses de ce monde (visibles), ni au choses de l'au-delà, comme le paradis, etc.

[4] abhinna : "intègre".

[5] māyā : litt. "la magie", la prestidigitation, les tours de passe-passe.

[6] anṛta : tout ce qui va contre l'ordre des choses (ṛta).

[7] Le maître accompagne ce mot d'un geste de la main, geste qui indique tout ce qui est, l'ensemble de l'être.

[8] Litt. : "a ses péchés anéantis". "Péché" ou vice (pāpa) désigne ce qui "fait tomber" de plus en plus bas. On pourrait aussi rendre cela par "malheur" ou "calamité", "malchance", voire "faux-pas".

[9] anātmya : litt. "absence de soi", "non soi". Selon M. Williams, désigne également le manque d'affection envers sa propre famille.

[10] C'est l'absolu qui parle par la bouche de Kṛṣṇa. Le "connaisseur du champs", c'est le Soi qui connaît "le champs", c'est-à-dire l'ensemble des objets connaissables.

[11] Il y a deux personnes (puruṣa) en chaque personne : l'une, incarnée, est connue. L'autre est "suprême" parce qu'elle ne devient jamais un objet connu, et donc limité, né, voué à la mort, la faim, la soif, etc.

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