mercredi 30 mars 2011

The Big Game


Chapitre 9 de La Liberté de la conscience : les niveaux d'être


Ce que (les traités) nomment impureté,

Est un jeu de construction par pure liberté.

La destruction de l'impureté n'est que liberté.

Et il y a trois sortes d'impureté. 1


L'impureté d'individualité est contraction.

L'impureté de māyā est vision de la dualité (sans unité).

Quant à l'impureté du karma, elle est mérite et péché, racine du saṃsāra.

Telles sont ces trois impuretés. 2


Dieu monte et descend librement cette échelle.

Il expérimente sept niveaux d'être,

Depuis ceux qui sont doués de toutes leurs facultés[1]

Jusqu'à celui qui n'en n'a aucune[2]. 3


Tous les êtres jusqu'aux dieux sont

"Doués de toutes les facultés".

Affectés des trois impuretés, ils sont toujours noyés dans le saṃsāra.

Et 'ceux qui n'ont aucune faculté" se reposent dans le vide.

Ils sont "délivrés" .... jusqu'au début du prochain cycle cosmique ! 4


Les sujets "dépourvus de leurs facultés suite au discernement"[3]

Sont pure lumière consciente,

(Mais) distincts les uns des autres.

En fin de compte, ils sont comme (les sujets précédents identifiés à un état de) vide. 5


Les sujets "seigneurs de la science" sont pure conscience dynamique.

Ils sont distincts les uns des autres et des choses également.

Ils possèdent à la fois la science véritable

Et l'illusion dualiste. 6[4]


Ceux qui prennent leurs aises dans la catégorie dite "du Seigneur"

Sont appelés "Mantras".

Au-dessus d'eux se trouvent les "Grands seigneurs des Mantras"

Dans un profond repos au niveau de "l'Eternel Śiva". 7[5]


Dépourvue de toute faculté (limitée),

Le seigneur Śiva se divertit,

Plus que comblé par ses infinies Puissances.

C'est par les pouvoirs qu'ils ont reçu de lui que

Brahmā, etc.[6] sont objets de louanges dans le monde. 8


Ceux qui s'intéressent à l'action sont "doués de toutes leurs facultés".[7]

Les Bouddhistes expérimentent le niveau de "ceux qui sont dépourvus de toute faculté".[8]

Les êtres paisibles, partisans du Vedānta

Deviennent généralement[9] des êtres "dépourvus de facultés suite au discernement". 9


Les gens de bien doivent savoir que

Les êtres accomplis grâce aux enseignements des Bhāgavatas[10], etc.

Sont des seigneurs de la science.

De même, les Śivaïtes (dualistes) deviennent des Mantras ou des Seigneurs des Mantras,

Selon la hiérarchie (précédente des cinq niveaux d'être). 10[11]


Le souffle, c'est l'énergie vitale.

Selon nous, elle infuse tous les niveaux d'être.

Cette (énergie) s'exprime en cinq visages

Depuis les êtres ordinaires jusqu'à Śiva. 11


Le souffle expiré est l'élimination corporelle, verbale ou mentale.

Le souffle inspiré est assimilation.

L'interruption entre ces deux activités

Est le souffle égal,

S'accordent à dire les êtres accomplis. 12[12]


Le souffle vertical s'élève au centre.

Pareil à un feu, il consume les concepts.

Enfin, le souffle omniprésent infuse toute chose.

Il est suprême prise de conscience du Grand Seigneur. 13


L'énergie vitale s'exprime : comme souffles expirés et inspirés (principalement)

Pour les êtres ordinaires dans les états de veille et de rêve.

Pour les sujets dissous dans le vide, dans l'état de sommeil profond,

C'est le souffle égal qui prédomine. 14[13]


Jusqu'à l'état de l'Eternel Śiva, c'est ensuite le souffle vertical

Qui s'épanouit dans le quatrième (état).

Enfin, dans l'état de Śiva, c'est le souffle omniprésent

Dans l'état qui transcende le quatrième état. 15[14]


Le dieu qui règne sur la création du monde

En tant que création séparée (de lui)

Est Brahmā. Le régent de la subsistance est Viṣṇu,

Tandis que Rudra résorbe la dualité. 16[15]


Le dieu Īśvara règne sur l'occultation (de l'unité)

Alors que l'Éternel Śiva accorde la grâce.

Tels sont les cinq agents divins

Selon l'opinion commune et les traités. 17


Balajinnātha Paṇḍita, Le Miroir de la liberté (Svātantrya-darpaṇaḥ), Munshiram Manoharlal, Delhi, 1993



[1] Les êtres comme nous : relativement libres, capables de désirer, d'agir et d'épuiser ainsi leur karma.

[2] Śiva.

[3] Ceux qui sont dans un état de dissolution total, durant l'intervalle entre deux cycles de création, durant le sommeil, l'évanouissement, le coma, ou dans un état acquis par la pratique de la méditation. Ce sont en particulier les adeptes du Sāṃkhya ou du Vedānta. Ils reconnaissent leur nature de pure conscience, mais en excluent toute activité. Dès que l'activité inhérente à la conscience reviendra, ils déchoiront de leur état de "pure conscience". Comme dit Abhinavagupta "la conscience est comme un océan et l'océan n'est jamais sans vagues".

[4] Ce niveau d'être est par excellence celui de l'homme parfait selon la Reconnaissance. Il est à la fois dans la dualité et dans la conscience de l'unité. Pour lui, la māyā est une libre illusion, la participation au jeu divin.

[5] Ce sont des niveaux d'êtres où la dualité est toujours présente, mais toujours plus intégrée à l'unité, jusqu'à une parfaite harmonie.

[6] Les dieux mondains, soumis à l'illusion de la dualité. Bref, l'ensemble des religions en dehors du śivaïsme.

[7] Et ils restent prisonniers de ce niveau d'être, fut-ce dans un des innombrables paradis conçus par leur imagination. La vraie liberté intègre l'action, mais il faut d'abord renoncer à l'action.

[8] Interprétation śivaïte du nirvāṇa bouddhiste.

[9] Car certains, nourris par leur amour divin, dépassent cet état statique et deviennent des "seigneurs de la science".

[10] Ecole viṣṇouïte assez ancienne, proche du śivaïsme du Cachemire selon l'A.

[11] Stance importante : le śivaïsme de l'A. reconnaît que d'autres écoles que le śivaïsme peuvent atteindre des niveaux équivalents ou supérieurs à ceux de certaines formes de śivaïsme.

[12] L'A. donne ici l'interprétation des cinq sortes de souffle selon l'enseignement de son maître, Amṛtavāgbhava.

[13] La veille est assimilation de nouvelles expériences. Le rêve est élimination. Le sommeil profond est le souffle égal, porte de l'éveil. La conscience s'épanouit entre veille et sommeil, entre acceptation et rejet.

[14] A noter que, selon l'A. les adeptes du yoga de Patañjali, du Sāṃkhya et du Vedānta atteignent le seuil du quatrième état, mais n'y entrent pas.

[15] Ce sont là des fonctions cosmiques, des offices divins que certains êtres reçoivent selon la volonté de Śiva, seul et unique dieu réel. On peut comparer ces hiérarchies aux hiérarchies néoplatoniciennes reprises dans les religions du livre.

samedi 26 mars 2011

Qu'est-ce que le sommeil mystique ?



Il faut que la foi de Dieu présent dans le fond de nos cœurs nous porte à nous enfoncer fortement en nous-mêmes, recueillant tous les sens au-dedans, empêchant qu'ils ne se répandent au-dehors.

...

L'âme par le moyen du recueillement se tourne au-dedans d'elle, pour s'occuper de Dieu qui y est présent.

Qu'arrive t-il à cet enfant qui avale doucement le lait en paix sans se mouvoir ? Qui pourrait croire qu'il se nourrit de la sorte ? Cependant plus il tête en paix, plus le lait lui profite. Que lui arrive t-il dis-je à cet enfant ? C'est qu'il s'endort sur le sein de sa mère : cette âme paisible à l'oraison s'endort souvent du sommeil mystique où toutes les puissances se taisent.

...

Le silence extérieur est très nécessaire pour cultiver le silence intérieur ; et il est impossible de devenir intérieur sans aimer le silence et la retraite.

Ce serait peu de faire oraison et de se recueillir durant une demi-heure ou une heure, si l'on ne conservait pas l'onction et l'esprit d'oraison durant le jour.

C'est donc une action, mais une action si noble, si paisible, si tranquille, qu'il semble à l'âme qu'elle n'agit pas, parce qu'elle agit comme naturellement.

Madame Guyon, Justification du moyen court, III, p. 1-3

Des libertés mondaines vers la liberté ultime


Râga Yamana par Uday Bhawalkar

Une fois atteinte l'indépendance nationale,

On doit atteindre les autres (formes d'indépendance)

Par des voies nobles et véridiques,

Puis l'on dit développer droitement

L'attachement pour cette liberté qui est notre vraie nature. 24


C'est alors que Dieu, toujours bon,

Se dévoile un peu à l'être vivant.

Dès lors, celui-ci s'intéresse à l'enseignement,

Désire entendre les maîtres et met en pratique (leurs préceptes). 25


Il s'élève étape par étape,

Anéantissant lentement son effroyable imperfection fondamentale.

Il obtient la parfaite pureté

Et s'éveille en un instant au fait qu'il est lui-même Śiva. 26


Par la force de cet éveil,

Il perçoit toute chose

Comme créée par son jeu inné.

Jouissant de la liberté, comblé de toutes parts,

Il triomphe alors même qu'il conserve son corps. 27


C'est précisément pour cela

Que le Vaiśeṣika[1] enseigne que

Le devoir[2] a deux fruits[3].

Et l'Īśavāsya Upaniṣad le dit aussi clairement. 28


Fin du chapitre 8. Il en reste deux : l'un sur les niveaux d'être; l'autre sur les méthodes de réalisation spirituelle.

Balajinnātha Paṇḍita, Le Miroir de la liberté (Svātantrya-darpaṇaḥ), Munshiram Manoharlal, Delhi, 1993



[1] Une école philosophique théiste, réaliste et dualiste, complémentaire du Nyāya. On peut affirmer que cette doctrine tient le même rôle que l'aristotélisme en Occident.

[2] Le dharma : l'ordre naturel et moral à la fois. Chacun doit s'y conformer selon les circonstances et selon sa condition.

[3] Deux fruits : les biens relatifs (la santé, l'argent...) et le Souverain Bien. L'A. veut dire que les bien relatifs et le bien ultime doivent être visés ensemble. C'est une forme de théorie de la connaissance combinée à l'action (jñāna-karma-samuccaya-vāda) assez courante, mais ici prise en un sens politique.

mercredi 23 mars 2011

Toute conscience est conscience de soi



On présente généralement Ramana Maharshi comme un représentant de la grande tradition du Vedânta. Il s'en écarte pourtant sur la question du statut du monde par rapport à l'absolu. Alors que pour le Vedânta, le monde est une illusion (mithyâ), seul l'absolu étant réel, pour Ramana, le monde n'est une illusion (mâyâ) que dans la mesure où il n'est pas perçu comme une manifestation de la conscience. Il l'a répété bien des fois. Voici un exemple, sur la manière dont le sage perçoit de monde sensible :

L'apparence du monde est une combinaison des cinq perceptions sensorielles (formes, sons, odeurs, saveurs, textures). Celui qui la connaît complètement - comme étant le Soi, la conscience suprême - sait et fait l'expérience de cette essence aussi à travers ces cinq sens.

Guru Vachaka Kovai, I, 62

Ainsi, toute conscience - par exemple la perception du corps ou de cette table - est un aspect de la conscience de soi. Pas d'absolu sans conscience, et pas de conscience sans conscience de soi :

"La conscience est toujours conscience de soi. Si vous êtes conscient de quelque chose, vous êtes nécessairement conscient de vous-mêmes. Une existence sans conscience d'elle-même est une expression contradictoire. Ce n'est pas une existence du tout."

L'Evangile de Ramana, p. 61-62 (traduit de l'anglais)

Son enseignement sur ce point est bien plus proche de la Pratyabhijnâ que du Vedânta.

mardi 22 mars 2011

Comment faire le vide ?




Le meilleur de tous les états est de recueillir au-dedans l'esprit par le moyen de la volonté amoureuse de son Dieu, qui rassemble autour d'elle les puissances [=les facultés mentales et corporelles] et semble se les réunir. C'est une contemplation amoureuse qui n'envisage rien de distinct en Dieu, mais qui l'aime d'autant plus que l'esprit s'abîme dans une foi implicite, non par effort ni par contention d'esprit, mais par amour.
On ne fait nul effort d'esprit pour s'abstraire, mais l'âme s'enfonçant de plus en plus dans l'amour, accoutume l'esprit à laisser tomber toutes les pensées, non par effort ou raisonnement, mais cessant de les retenir, elles tombent d'elles-mêmes.
(...)
Par cette voie, l'âme trouve en peu de temps son centre, ce qui n'arrive pas par la simple abstraction d'esprit : car quoique l'âme y ait une certaine paix qui vient de l'abstraction des objets multipliés, cette paix n'est ni savoureuse ni si profonde que par la voie de la volonté.

Madame Guyon, Oeuvres mystiques, éd. par D. Tronc, Honoré Champion, p. 618

dimanche 20 mars 2011

Les anges ne pensent pas




J'ai fait cette nuit un songe admirable. Il me semblait que m'étant cachée dans le coin d'un lit pour prier, on m'a appris comme les anges contemplent.
C'est quelque chose de si vaste et de si grand que je ne le puis exprimer.

J'ai compris que les anges ne pensent point, et dans tout ce temps il n'a pas été admis une seule pensée.

L'âme élevée au-dessus de tout ce qui est possible n'admet ni vue distincte ni objet, mais elle est abîmée dans ce Dieu suressentiel. C'est quelque chose qui surpasse toute intelligence.

J'ai compris la nécessité de n'admettre aucune pensée quelle qu'elle soit, ni bonne ni mauvaise, et comment il faut être dégagé de toute espèce [= de tout concept] pour une pure oraison.
Il y avait longtemps que je l'avais compris, mais non pas de cette manière.

Ce que nous pouvons et devons faire de notre part est de nous défaire de toute pensées, de tout raisonnement de toutes espèces, n'en admettant aucune volontairement, non seulement en priant, mais durant le jour, les laissant tomber dès qu'elles paraissent, sans les admettre, et nous aurons cette contemplation suressentielle, qui ne peut être donnée qu'à l'esprit purgé.

Madame Guyon, vers 1710, dans Œuvres mystiques, p. 607, éd. par D. Tronc, Honoré Champion, Paris

vendredi 18 mars 2011

Pas de liberté spirituelle sans libertés

Un (individu) privé d'indépendance dans son existence quotidienne

Ne peut trouver aucun intérêt à la liberté absolue.

Les gens de bien savent donc qu'il faut

Atteindre la liberté dans l'existence mondaine

Avant (de se tourner vers la liberté absolue). 20[1]


Cette (indépendance) est relative au corps, au cœur, à l'intellect,

A un régime politique authentique, à l'argent,

Elle est individuelle, nationale,

Familiale et sociale. 21


Mais parmi ces aspects de la liberté,

Le principal est la liberté de la nation[2],

Car elle est le fondement de toutes les (autres formes de libertés).

En effet, quand une nation dépend d'une autre,

Aucune autre sorte d'indépendance n'est possible. 22


Par conséquent, les sages doivent

Avant tout rendre leur propre nation indépendante.

Une fois obtenue, toutes les autres formes de liberté

Sont d'autant plus aisées à obtenir. 23


Balajinnātha Paṇḍita, Le Miroir de la liberté (Svātantrya-darpaṇaḥ), Munshiram Manoharlal, Delhi, 1993



[1] La réflexion sur la liberté-indépendance prend ici une tournure politique inédite dans la tradition de la Pratyabhijñā. Ce qui prouve que la tradition de la Prtayabhijñā peut s'intéresser au bien commun et qu'elle est capable d'évoluer. Cette réflexion est certes concise, mais elle existe. Nous avons là un exemple précieux d'une réflexion traditionnelle sur la question politique, exprimée en langue sanskrite. La chose est assez rare pour être soulignée. Mais le cas n'est pas unique. Ainsi, le Mahānirvāṇa Tantra, certains textes de Ramana Maharṣi, de Gopināth Kavirāj, et quelques autres. Sans parler, bien entendu, des textes en anglais. Mais ce genre de discours - nous pensons, par exemple, à Vivekānanda et Aurobindo -, ne sont pas imprégnés de l'enseignement d'une tradition indienne. Ils sont davantage nés de la rencontre d'une éducation anglais chrétienne et d'une découverte intuitive de "l'esprit indien". Ce qui n'est pas un jugement de valeur.

[2] Dans ses notes en anglais, l'A. précise que la nation n'est pas seulement géographique. Elle désigne aussi un peuple. Voilà pourquoi, selon l'A., on dit en sanskrit pour désigner la nation indienne "les Indiens". Le peuple fait corps avec le territoire.


L'hymne national indien :




Vande Mataram par ishkan

samedi 12 mars 2011

Pas de liberté absolue sans une relative indépendance

...car voici le fin mot de l'histoire[1] :

Je suis Śiva par nature[2],

Libre et parfaite conscience.

Mais les autres - les bestiaux -

Ne l'entendent pas ainsi. 16


En effet, (Le Seigneur) descend dans les

Différentes conditions des vivants,

Descente imaginée par sa liberté.

Alors, au sein même de cet état de bête,

La liberté est imaginée de deux manières. 18[3]


L'une, dont il a été question plus haut,

Est liberté au sens absolu.

Elle constitue la nature propre (de la conscience).

L'autre est celle qui a cours dans l'existence mondaine[4],

Liberté qui doit être connue en détail[5]. 19


Un (individu) privé d'indépendance dans son existence quotidienne

Ne peut trouver aucun intérêt à la liberté absolue.

Les gens de bien savent donc qu'il faut

Atteindre la liberté dans l'existence mondaine

Avant (de se tourner vers la liberté absolue). 20[6]


A suivre...

Balajinnātha Paṇḍita, Le Miroir de la liberté (Svātantrya-darpaṇaḥ), Munshiram Manoharlal, Delhi, 1993



[1] paramārtha : la vérité ultime, la fin dernière, le fond de la chose.

[2] Je le suis par nature (svabhāvāt), mais j'en prends conscience par grâce (anugrahāt).

[3] Notons la dialectique entre liberté et imagination : d'abord la liberté imagine ; puis l'imagination construit des concepts de la liberté. La conscience construit librement une conscience forgée de toutes pièces ; puis cette conscience fictive imagine qu'elle n'est pas libre. Dans un premier temps donc, on prend le Soi pour le non-Soi (pour une réalité indépendante de la conscience) ; puis, comble de l'erreur, on prend le non-Soi (le corps, etc.) pour le Soi, "comme une pustule naît sur une tumeur", "comme un rêve à l'intérieur d'un rêve"...

[4] Il y a deux libertés : l'une, absolue, qui forge la seconde, relative. Cette liberté relative, propre au monde des échanges quotidiens (encore vyavahāra !) est une liberté réelle, mais incomplète, comme contractée. N'oublions pas que conscience est ici synonyme de liberté. Ce que l'on dit de l'une peut se dire de l'autre.

[5] prapañcataḥ : notez le jeu de mot : prapañcataḥ signifie à la fois "de façon exhaustive, détaillée", et "en bavardant, en s'étalant, par prolifération discursive". Manière d'indiquer que, si cette analyse est légitime parce que cette liberté relative est bien une libre expression de la liberté au sens absolu, elle n'est qu'une connaissance approximative qui doit conduire à une connaissance intellectuelle, puis intuitive, qui se confond avec la liberté au sens absolu. Cependant, cela correspond également à l'importance que la Pratyabhijñā accorde - reconnaît - à l'existence mondaine. La dualité est le moyen de reconnaître la liberté de la conscience en sa plénitude. Elle n'est pas une simple erreur. En tous les cas, n'y reconnaître qu'une illusion serait encore une erreur.

[6] La réflexion sur la liberté-indépendance prend ici une tournure politique inédite dans la tradition de la Pratyabhijñā. Ce qui prouve que la tradition de la Prtayabhijñā peut s'intéresser au bien commun et qu'elle est capable d'évoluer. Cette réflexion est certes concise, mais elle existe. Nous avons là un exemple précieux d'une réflexion traditionnelle sur la question politique, exprimée en langue sanskrite. La chose est assez rare pour être soulignée. Mais le cas n'est pas unique. Ainsi, le Mahānirvāṇa Tantra, certains textes de Ramana Maharṣi, de Gopināth Kavirāj, et quelques autres. Sans parler, bien entendu, des textes en anglais. Mais ce genre de discours - nous pensons, par exemple, à Vivekānanda et Aurobindo -, ne sont pas imprégnés de l'enseignement d'une tradition indienne. Ils sont davantage nés de la rencontre d'une éducation anglais chrétienne et d'une découverte intuitive de "l'esprit indien". Ce qui n'est pas un jugement de valeur.



Une belle composition dans le raga hamsa-chinchini, "le bruissement du cygne", par le subtil Ritwik Sanyal de Bénares. Une composition qui évoque Shiva bien sûr :


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