dimanche 31 mars 2013

Ceintures de méditation - V

D'autres images avec un emploi différent de la ceinture :

Avalokiteshvara
Borobudur
Shiva, Hampi
Shiva, Hampi
Yogin, Hampi. Notez la tête posée sur la main
 Autre yogin (toujours à Hampi) paresseux, abec en plus un "bâton de méditation" (yogadanda)
Matsyendra Nâtha, Hampi. Matsyendra est le fondateur légendaire de LA tradition tantrique non-dualiste dont toutes les autres dérivent : la tradition kaula. On retrouve Matsyendra sur presque tous les temples, en général sur les piliers. Ici, il est représenté sur le poisson (c'est à cela qu'on le reconnaît) avec la ceinture et la canne de méditation.
Yogin, Hampi
Yogin, Hampi
Yogin enseignant, Cidambaram

Pour quelques exemples de yogapatta dans les textes, voir ici. Quelques exemples :

yogapaṭṭaṃ ca yo dadyācchivabhaktāya yo naraḥ | 
vastrayugma sahasrasya dattasya phalamāpnuyāt || 65 || 
Acintyaviśvasādākhyam

"L'homme qui donne une  ceinture de yoga
A un dévot de Shiva
Gagnera le mérite 
De qui a offert mille habits."

vyāghrājinaṃ prathamaṃ syāddvitīyaṃ kṛṣṇājinaṃ bhavet | 
tṛtīyaṃ tantunā kuryāt trividhaṃ yogapaṭṭikā || 67 || 
Acintyaviśvasādākhyam 

"La ceinture de yoga est de trois sortes :
En peau de tigre,
En peau d'antilope noire
Et la troisième est tissée."

vastraśraggandhadhūpādyaiḥ saṃpūjya ca vidhānataḥ | 
yogapaṭṭākṣasūtrañca saṃhitāpustakaṃ dadet ||
Kâlottara

"Après avoir honoré (le disciple) selon la procédure
Avec le châle, la guirlande, l'encens, le parfum, etc.,
Il faut lui donner le livre (qui contient) la collection (des stances de la gnose)
Avec la ceinture de yoga et le rosaire."

yogāsanasthaḥ kurvīta vidhimeva yathoditam | 
yogāsanāni catvāri yogapaṭṭena bandhayet || 17 || 
paryaṅkaṃ kamalaṃ vā'pi bhadraṃ vā svastikaṃ dṛḍham |
eṣāmekatame sthitvā ṛjukāyordhvataḥ kramāt || 18 ||
Jayâkhyasamhitâ

"Installé dans la posture de yoga
On doit pratiquer la méthode telle qu'elle a été enseignée.
On doit lier les quatre postures
Avec la ceinture de yoga :
La posture en demi-tailleur, du lotus,
Ou de bon augure, ou de la svastika.
Ces postures doivent être stables.
On doit en prendre une en particulier,
En redressant peu à peu
Le corps".

Dans son Elucidation du Svacchanda Bhairava Tantra, Ksemarâja explique le passage suivant :

āsanaṃ svastikaṃ baddhvā padmakaṃ bhadrameva vā || 7-290 ||
sāpāśrayaṃ sārdhacandraṃ yogapaṭṭaṃ yathāsukham |
dahanotpūyane kṛtvā plāvayedamṛtena ca || 7-291 ||  
sabāhyābhyantareṇaiva sakalīkaraṇaṃ tataḥ | 
antaryāgaṃ yathāpūrvamuccāryaṃ ca paraṃ tathā || 7-292 || 
daśadhā yogamārgeṇa haṃsasvacchandamabhyaset |
Svacchandabhairavoddyote

"Il faut d'abord prendre la posture de la svastika,
celle du lotus ou bien la posture de bon augure,
En prenant appuis sur une ceinture de yoga
Qui maintient le dos (sāpāśrayaṃ) ou
Qui maintient le corps en posture de demi-lune (sārdhacandraṃ).
On s'installe (ainsi) à son aise.
On doit d'abord allumer (le mantra) et l'énoncer
Puis l'on doit inonder (le corps) avec le nectar d'immortalité.
Ensuite, on doit installer toutes les divinités (sakalīkaraṇam)
A l'intérieur comme à l'extérieur (du corps).
Puis l'on doit faire l'offrande à l'intérieur,
De cette même façon qui avait été dite auparavant.
Ensuite, il faut s'exercer au Svacchanda du hamsa
Au moyen de la voie du yoga 
Qui est de dix sortes".

Explication de Kshemarâja : 

"La posture du lotus est en forme de lotus : la plante des pieds tournée vers le haut, posées sur les hanches. La posture de la svastika se fait avec les pieds sous les fesses, mollets étalés en forme de svastika. La posture de bon augure consiste à placer les jambes à égalité. On s'attache dans l'une de ces postures avec une ceinture qui aide à la pratique du yoga - qui aide à prendre appuis sur le sol -, ou bien avec une jambe sur le sol et une en forme de demi-lune, (comme dans les bas-reliefs ci-dessus). Ou bien on peut aussi (prendre) n'importe quelle (posture) dans laquelle on se sens bien, c'est-à-dire qui ne fait pas souffrir le corps. Comme le dit (Patanjali) :

'La posture doit être stable et agréable.'

Ensuite; il faut faire comme avant, depuis l'allumage (du "feu" du mantra situé dans le nombril) jusqu'à (son) énonciation (qui peut aussi désigner la "fonte" du nectar situé dans la "lune" du crâne, nectar qui va alors inonder et remplir le corps). "Par la voie du yoga qui est de dix sortes " : qui comprend les six (contrôles du souffles) à commencer par les vidages extérieurs et intérieurs, (les remplissages internes et externes et les rétentions internes et externes), puis la rétention parfaitement apaisée, (c'est-à-dire l'arrêt spontané du souffle), puis le retrait des sens, puis la fixation, puis la méditation. Ou bien, (cela signifie qu'il faut) d'abord maîtriser les dix "vents", à commencer par le prâna (qui est le souffle expiré ou l'énergie du haut du torse), vents qui sont les supports des états psychiques (correspondants), comme il a été dit auparavant. Il faut ensuite s’absorber  dans le Svacchanda (en forme) de hamsa, le seigneur indivis, sans forme (nishkala)". 

Il explique ensuite cette méthode du "hamsa" selon la tradition du Svacchanda Tantra, lequel hamsa, "cygne" n'est rien d'autre qu'une variante de l'écoute de la fin de l'expiration. "Ham" et "sa" correspondent à l'inpir et à l'expir. Il s'agit donc de l'équivalent shivaïte de la "récitation vajra" (vajra-japa) du Guhyasamâja et du Kâlacakra.

La ceinture s'emploie également dans le Chöd, apparenté au système de Phadampa. Ce yogin ci-dessous est disciple de Lama Wangdu, héritier de Phadampa. Dans son monastère de Bouddhanâth, j'ai entendu de magnifiques mélodies de Chöd, vraiment hors-normes. Notons au passage que Phadampa a enseigné la pratique visionnaire de thögäl au moment même où le dzogchen nyingthig prenait forme. Le yogin dans cette vidéo porte un genre de petit chapeau qui est censé cacher son visage pour ne pas provoquer les esprits frappeurs. Mais ce genre d'ustensile est également employé pour thögäl. En effet, outre l'obscurité, le soleil, la lune, une lampe, un cristal ou une surface lumineuse (comme un ciel sans nuages), on y emploie aussi les pressions sur les yeux, les pressions sur les artères latérales du cou (à éviter), les tissus de soie, les "franges" comme celles du yogin, parfois en poils de yaks, et aussi tout ce qui peut provoquer un phosphène : fenêtre, montagnes, ombre du corps, posture accroupie avec rotations, rétentions, etc., lesquels phosphènes sont les germes des visions, jusqu'à ce que celles-ci se développent sans plus avoir besoin de ces supports.



samedi 30 mars 2013

Ceintures de méditation - IV

Bien qu'aujourd'hui les "ceintures de yoga" (yogapatta) se fassent rares parmi les yogis indiens, elles étaient autrefois chose banales, parties du stéréotype du yoga.
Pour cette partie indienne,
Pang Mipham Kongpo, un maître important dans la lignée dzogchen du Pont Indestructible recueillis par Dzeng Dharmabodhi
Comme par hasard, ce Dharmabodhi est censé avoir rencontré Phadampa Sangyé, représenté ci-dessus, personnage mystérieux et dont l'influence reste sous-estimée. La ceinture est ici complétée par le bâton de méditation (yogadanda). On en trouve un peu partout. Je m'en était procuré un à Gokarna.
Dans l'hindouisme, Yoga-narasimha est un bon exemple d'utilisation de la ceinture, en plus de la finesse de la posture, en tous points semblables aux points-clefs des traditions bouddhistes. Au reste, les textes prescrivant des pratiques visionnaires - la conscience dans le regard, le regard dans l'espace, bouche ouverte - ne sont pas rares dans le corpus sanskrit. Narasimha incarne l'intervalle entre deux pensées, deux souffles, espace nu dans lequel se dévoile la présence qui seule peut anéantir le mental. Musée Guimet
Cette posture montre pourquoi le dzogchen l'appelle "posture du rishi". Ornement d'un temple khmer, musée Guimet
 Encore Narasimha. Temple de Cidambaram - "Espace de la conscience" -, haut-lieu du shivaïsme du Cachemire dans le Sud, temple dans lequel Maheshvarânanda composa son Florilège de la vérité intégrale
 Dans l'un des temples de Hampi
Temple du centre vishnouïte de Melukote. Notez l'ampleur de l'assise et l'ouverture du ressenti exprimées par la chevelure muktakeshava - "chevelure relâchée"
Miniature du Sud. Source

Hanuman
Shiva avec la ceinture. Il est le "maître du yoga", mais il est plus souvent représenté, semble-t-il, avec le bâton qu'avec la ceinture. Source
Encore Yoga Narasimha

L'image avec ceinture de yoga que l'on voit sans doute le plus en Inde : Ayappan, très populaire avec l'un des pèlerinages parmi les plus important, mais réservé aux hommes.
 Un yogi (en haut à droite) sur la stèle du stûpa de Sanchi
Yoga Narasimha
Sculpture originale, peut-être plus récente (?)
Emploi de la ceinture pour illustrer une forme de yoga "relationnel"

N.B. : dans toutes ces images, le regard est grand ouvert, béant. Pas fermé, pas introverti.

mercredi 27 mars 2013

Ceintures de méditation - III

Comment employer la ceinture de méditation ?
Quelques exemples :

 
Un beau dessin du groupe Aroter, l'un des rares groupes Vajrayâna qui enseigne ouvertement l'usage de cet ustensile. Notez la bouche ouverte ; mais les yeux sont fermés. Source
 
Un lama d'Aroter. Bel exemple de trekchö avec ceinture. Posture intermédiaire entre la posture accroupie du sage, ou rishi, employée également pour les pratiques visionnaires de thögäl, et l'assise en tailleur. Notez que l'on peut ainsi poser les mains sur la ceinture. La ceinture permet d'ajuster véritablement le corps et de laisser venir une véritable relaxation sans recherche d'un idéal douloureux qui distrait de l'essentiel. Partirait-on en promenade avec un caillou dans la chaussure ? Source
Posture de terkchö/thögäl. Les principes sont simples, mais les variantes infinies. Remarquez la bouche, le regard, les mains : tout "part" dans l'espace, sans attache. Source
 
Autre utilisation. Notez la pierre de zi.
 
Belle ceinture tressée en poils de yak. Solide, mais allergène.

Avec une ceinture moderne
 
Variante moderne : cet usage n'est pas inspiré par la tradition tantrique, mais redécouvert via l'usage de la ceinture pour aider à prendre les postures de yoga. Il est intéressant de voir comment les pratiquant refont les mêmes découvertes.
 Dans le même genre : le Major Chadwick, l'un des premiers disciples occidentaux de Ramana Maharshi. Excellente posture. Notez le relâchement de la mâchoire.

Ceintures de méditation - II

Malgré sa relative confidentialité, la ceinture de méditation peut être achétée sur internet :
 
Le style "appareil photo" :



Ceintures modernes :
 
 Quelques images tibétaines encore :
 
Milarépa, une image parmi des dizaines
 
La ceinture de Milarépa

 
La vraie ceinture de Milarépa

Ceintures de méditation - I

La posture est relativement importante pour méditer, comme tout le reste. Même le dualiste pur et dur reconnaîtra que l'expérience à la première personne est influencée par la posture de la troisième. Tout se passe comme si l'inconditionné ne se manifestait qu'à travers des conditions, du moins tant qu'il y a des conditions.
Paradoxalement, s'amarrer à une ceinture aide à larguer les amarres.
Mais en général, on ne connaît des postures que les postures "du lotus" et dérivées, toutes également douloureuses et fondées sur des artifices internes. Or, les yogis indiens et tibétains - fous mais pas idiots -, considéraient que le bien-être (sukha) était le critère principal d'une bonne posture. Je ne connais pas de texte sanskrit qui explique ou qui prescrive l'usage d'une ceinture de méditation (yoga-patta). Mais j'ai glané une poignée de photos de bas-reliefs durant mes séjours au pays des yogis. Pour les trouver, il faut regarder dans les temples là où les sculpteurs se lâchent : les piliers, en particuliers les côtés les moins visibles, ou bien les recoins.
L'usage de la ceinture de yoga avec, parfois, le bâton de yoga (yoga-danda), est bien connu dans les traditions tibétaines. Ces ustensiles permettent de s'installer confortablement et, donc, d'approfondir l'expérience de la présence ouverte (rigpa, vidyâ, cit). Si vous avez des images ou autres références, je vous invite à les partager.

Pour commencer, voici des photos récupérées sur internet, des photos de pratiquants tibétains :

D'abord le grand parmi les grands : l'Abbé de Nyoshoul, Douceur Indestructible. Il porte la ceinture sans l'utiliser, comme souvent. On remarque parfois une certaine réticence des yogins à se montrer dans une posture qui s'appuie sur la ceinture, car ces postures avec ceinture sont moins formelles, plus intimes. Il existe de plus mille façons de la revêtir. Selon un tailleur khampa (donc pas commode) qui me fît une ceinture à la demande insistante d'un ngakpa, la ceinture doit mesurer deux fois et demie la distance entre le bout des doigts et l'épaule. Plus elle est large, mieux c'est. Les couleurs sont souvent symboliques, car la ceinture est censée symboliser le canal médian : elle est donc souvent rouge à l'extérieur, bleu à l'intérieur, avec des liserés dorés. Le bâton ou la canne de yoga est en bois sculpté, avec parfois des pièces de cuivre. Mais il y a bien entendu maintes variantes selon les traditions.

Le XVIe Karmapa, Solidité de l'Absence de solidité.
Bomtha Khenpo, un maître dzogchen visionnaire du Bhoutan.
Un yogi kagyu dans une posture de rétention typique. Cependant, les bras sont parfois gardés ainsi en dehors des rétentions pour rester droit, la nuit par exemple. Le contexte est celui du yoga sexuel de Candalî, équivalent bouddhiste du Kundalinî-yoga.
Une yoginî tibétaine dans une posture typique.
Virûpa, alias Virûpâksha, le "yogi qui louchait", dans la même posture que la yoginî.
Une interprétation contemporaine tirée de l'Aroter.

A suivre






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