dimanche 30 novembre 2014

Qu'est-ce que l'espace ?


Il y a des espaces intérieurs et des espaces extérieurs.
Des espaces publics et des espaces privés.
Des espace abstraits et des espaces concrets.
Des espaces limités et des espaces ouverts.
Des espaces occupés et des espaces vides.
Des espaces vastes et d'autres fermés.
Des espaces rassurants et d'autres qui font peur.
Des espace de vie et d'autres, de mort.
Il y a des espaces infinis.
Des espaces impensables.
Des espaces incompréhensibles.
Et il y a des espaces à l'intérieur des espaces. 
Inimaginables.

Mais il y a un espace qui n'est pas comme les autres.
Unique.
Incomparable.
Pourquoi ?
Parce qu'il est conscient de ce qui est en lui.
Parce que cette immensité est sensible à ce qui va-et-vient en elle.

Cet espace est conscient. Vivant. Éveillé. Sensible.
Parmi tous les espaces, il est le seul et l'unique à être ainsi.
Et il enveloppe tous les autres.




Où trouver le temps ?


Quand je suis dans le temps, je coure après lui, il me rattrape, j'en manque où il m'ennuie, il me tue ou je cherche à le tuer.

Quand le temps est en moi, c'est l'éternité à chaque instant. J'ai tout le temps, tous les temps. Ni empressement, ni ennui. Le temps est la respiration de l'atemporelle déesse.



samedi 29 novembre 2014

Puissance du yoga

Yogi avec ceinture de méditation, Melkote, photo de l'auteur

Qu'est-ce que le yoga ?
Pour faire simple, le yoga c'est la méditation.
Le hatha yoga est, parmi ces systèmes de méditation, celui qui met le plus l'accent sur les pratiques physiques. Sa présentation systématique la plus ancienne se trouve dans L'Enseignement sur le yoga par Dattâtreya, un texte sanskrit du XIIIe siècle. On y lit ceci :

"Qu'il soit prêtre, ascète,
Ou même bouddhiste ou jaïn,
Tântrika ou matérialiste,
L'être avisé et doué de foi
Qui s'exerce au yoga
Chaque jour
Gagnera tous les accomplissements".


Ce qui veut dire que l'efficacité du yoga ne dépend pas de l'adhésion à une doctrine. D'où l'universalité du yoga.

Hathayoga et vishnouisme

Yoganarasimha, temple vaishnava de Melkote, Karnataka, photo de l'auteur

Le hathayoga, ou yoga postural, s'est répandu à travers le monde. Il a aujourd'hui des millions d'adeptes.

La thèse prédominante sur les origines du hathayoga est qu'il a été élaboré principalement dans un milieu shivaïte, et propagé par la secte de Goraknâth, les Goraknâthîs ou Nâthyogîs.

Mais James Mallinson, un chercheur anglais, est en train de remettre ces théories en question. Les textes sanskrits ou prâkrits, ainsi que la connaissance du terrain, ont beaucoup progressé ces dix dernières années.

Il en ressort que les postures non-assises du hathayoga proviennent principalement de milieux vishnouïtes shrîvaishnava ou pâncharâtrika

D'autre part, il y aurait eu, vers le XVIIIe siècle, une fusion de l'école vishnouïte avec l'école dashnâmî de shringerî. Ce sont eux qui auraient produit la plupart des textes de hathayoga que nous connaissons. Cela consonne bien avec mes lectures de ce genre de textes et avec ce que l'on sait par ailleurs. Ainsi le jagadguru de Shiringerî Sacchidânanda Shivâbhinava Narasimha Bhârati, l'éditeur-compilateur de l'édition des œuvres de Shankara en 1910, était un fan du hathayoga. Cela colle aussi avec ce que l'on sait de Krishnamâchârya à la même époque et dans la même région. Il était shrîvaishnava. Et cela expliquerait, en outre, la tradition de yoga de Narasimha, avec sa pose en bhairavamudrâ et sa ceinture de yoga (voir la photo ci-dessus).

En revanche, James Mallinson soutient que la place des Gorakhnâthîs a été largement surestimée dans l'élaboration du hathayoga. En réalité, les Gorakhnâthîs n'ont que peu contribué au hathayoga, en dehors du Yogabîja au XIIe siècle et de la Hathapradîpikâ au XVe siècle. Il dit :

"Je ne connais pas un seul texte sanskrit  sur le hathayoga ou un seul commentaire écrit par un membre de la tradition Goraksa Yogî depuis la Hathapradîpikâ".

"A ce jour le lien des Nâth Yogîs avec le yoga n'existe que dans les mots : j'ai cherché en vain à trouver des adeptes du hathayoga parmi les Nâths d'aujourd'hui. Parmi les écoles importantes de hathayoga en Inde aujourd'hui, aucune n'a un gourou Nâth ; la majorité sont affiliées aux Dasnâmî sannyâsîs". 


Il ajoute :

"Même l'attribution de la Hathapradîpikâ aux Nâths n'est pas certaine. Elle pourrait relever une tradition siddha plus vaste" (ibid.). 

De fait, comme le note Mallinson, la Hathapradîpikâ mentionne dans sa "lignée" Allâma  Prabhu, un maître vîrashaiva
Je note aussi que toutes ces grandes figures et centres mentionnés à propos de la composition de ces textes se situent, comme par hasard, au Karnâtaka... A mon sens, cette région de l'Inde est l'une des plus riches, mais aussi l'une des plus négligée par les chercheurs spirituels occidentaux.

Et de manière générale, il se confirme que les Nâth Yogîs ont fait feu de tout bois... Ces yogîs ont toujours été davantage des sorciers que des méditants. Je conseille donc la prudence à tous ceux et celles qui seraient tentés par cette tradition d'aventuriers et de mercenaires. Ce sont les yogîs Nâths qui sont à l'origine de l'image de yogîs comme magiciens cruels et sans scrupules qui est encore vivante parmi les Indiens, surtout ceux du Nord. Les chefs récents et actuels de cette secte dans le Nord de l'Inde - Avaidyanâth et Âdityanâth - sont en effet des militants politiques peu recommandables, voire des truands. J'ai visité leur monastère et j'ai fréquenté un temps - il y a longtemps ! - ces milieux de sorciers mafieux. Bien sûr, les Nâths sont très nombreux, et il y a sans doute des gens bien parmi eux. mais encore une fois, je ne peux que conseiller la plus grande prudence.

Quoi qu'il en soit, le vishnouisme tantrique semble avoir joué un rôle dans l'élaboration du yoga beaucoup plus important qu'on ne pensait. Le hathayoga n'est pas l'apannage des Nâths. Les sectes vishnouïtes Râmânandî et Dashnâmî ne pratiquèrent pas seulement la bhakti (la dévotion), mais aussi le yoga. Il est temps de remettre en question le cliché de l'incompatibilité entre yoga et bhakti.

vendredi 28 novembre 2014

Divine, forcément divine


Encore plus merveilleux que le monde : la conscience du monde.

Ramana disait :

Il n'y a pas d'être qui ne soit conscient et qui ne soit, par conséquent, Shiva.


jeudi 27 novembre 2014

D'où viennent les tantras ?

Le grand arbre des tantras

Dans les présentations du tantra sur le net ou ailleurs, on lit souvent que "le tantra remonte à 5000 ans avant JC". 
Mais cette rumeur ne repose sur rien. D'ailleurs, je ne sais pas trop pourquoi les gens qui propagent ces croyances ne disent pas 500 000 ans ou 5000 000 000 d'années ? Tant qu'à faire !

En réalité, si l'on s'intéresse un peu à la vérité des choses, il faut admettre que les tantras sont très difficiles à dater.

Mais il est certain qu'aucun tantra n'est antérieur à l'an 400. Et que le gros des textes a été composé entre 900 et 1100. 

Je n'ai pas du tout la prétention de traiter le sujet ici. Au reste, je pense que personne ou presque ne s'en soucie. Les gens qui s'intéressent au tantra sont souvent des consommateurs qui se fichent de la vérité comme du reste. Le plaisir, "ici et maintenant", est leur seule idole.

De plus, la source ultime des tantras est le tantra, la connaissance que l'absolu a de lui-même... oups : d'elle-même.

Mais donnons quand même un exemple de ce qui se passe dans les tantras. Considérons le cas des "versets qui se réincarnent", un peu comme des gènes qui se perpétuent d'espèce en espèce.

Prenons ce verset :

"L'esprit est comme une pierre philosophale.
Il devient tout ce que l'on désire".

Eh bien on le retrouve, avec des variantes, dans des textes de différentes religions de l'Inde et à des siècles d'écart.

Voici des exemples, en sanskrit. Par pour vous faire peur, mais juste pour vous montrer un peu de quoi il retourne et le genre d'aventure qu'est l'exploration des tantras et de la littérature qui va avec :

yena yena hi bhāvena manaḥ saṃyujyate nṛṇām |
tena tanmayatāṃ yāti viśvarūpo maṇiryathā ||47||
Śāntarakṣita, Tattvasidhi

 yena yena hi bhāvena yujyate yatra vāhakaḥ || 31 || 
tena tanmayatāṃ yāti hrasvarūpo maṇistathā |
Kālottara, chap. 68

śrīmatsarvasrotassaṃgrahasāre 
yena yena hi rūpeṇa sādhakassaṃsmaret sadā | 
tasya tanmayatāṃ yāti cintāmaṇiriveśvaraḥ || 
Kacchapeśvaraśivācārya, Kriyākramadyotikāvyākhyā, p. 313 (XIIe siècle)

 yena yena hi rūpeṇa sādhakaḥ saṃsmaret sadā | 
tasya tanmayatāṃ yāti cintāmaṇiriveśvaraḥ || 
Jñānaśiva, Jñānaratnāvalī   (p. 94)

yena yena hi rūpeṇa sādhakaḥ saṃsmaret sadā | 
tasya tanmayatāṃ yāti cintāmaṇiriveśvaraḥ || 
Jayaratha, Tantrālokaviveka (I, 115) Triśirobhairavatantra ?

yena yena hi rūpeṇa sādhakaḥ saṃsmaretsadā | 
tasya tanmayatāṃ yāti cintāmaṇiriveśvaraḥ
Kṣemarāja, Netratantroddyota, III, 25

yena yena prakāreṇa yatra yatraiva saṃsmaret || 8-54 || 
tena tenaiva bhāvena sa yogī kālajid bhavet | 
yena yenetyāṇavena śāktena śāmbhavena vā | yatra yatreti nātra 
deśakālāvasthādiniyama ityarthaḥ || 
ayaṃ ca yogī 
yatra yatra sthito vāpi yena yena vratena vā || 8-55 || 
yena yena ca yogena bhāvabhedena siddhyati | 
yena yena yogena tattatsaṃhitāsu yogapādoktena, 
bhāvabhedenetyetattattvaniṣṭhabhāvanāviśeṣeṇa || 
Netratantra, VIII, 54-55

nirmalaṃ sphaṭikaṃ yadvat tantau protaṃ sitādike || 9-7 || 
pratibimbeta sarvatra yena yena hi rañjitam | 
tattad darśayate'nyeṣāṃ na svabhāvena rañjitam || 9-8 || 
tathā tathaiva deveśaḥ sarvāgamaniyojitaḥ | 
phalaṃ dadāti sarveṣāṃ sādhakānāṃ hi sarvataḥ || 9-9 || 
Netratantra, IX, 7-9

yena yena hi bhāvena yadyatphalajigīṣayā | 
yadyadāśrayate bhaktyā tattatphalamavāpnuyāt || 22-67 || 
Netratantra, XXII, 67

yena yena hi bhāvena manaḥ saṃyujyate nṛṇāṃ || 
tasya tanmayatāṃ yāti viśvarūpo maṇiryathā | 
Parameśvarīmatatantra, p. 40a

yathoktaṃ sarvasrotaḥsaṃgrahasāre - 
yena yena hi rūpeṇa sādhakaḥ saṃsmaret sadā | 
tasya tanmayatāṃ yāti cintāmaṇiriveśvaraḥ || iti 
Umāpatiśivācārya, Śataratnasaṃgraha, I, 12


Tout est Shiva


Délivré de tous ses liens,
(L'individu) est le Seigneur suprême
Souverainement libre et indépendant.
C'est lui qui est prisonnier de sa propre imagination,
Car Shiva ne peut être prisonnier.
Shiva, Shakti et le Soi sont un,
Ô belle déesse !
(L'individu) n'est en réalité nullement prisonnier.
Parce qu'il est omniprésent
Et substance de toute chose,
Il est Shiva.
J'ai parlé d'aliénation et de délivrance...
Mais en vérité,
Souveraine des dieux,
Il n'y a ni aliénation ni délivrance !
Dans chaque enseignement,
La vérité ultime est cachée
Pour protéger la création.
Je vais (pourtant) te dire (cette vérité) 
Qui fait peur, 
La mère de toutes les peurs,
Celle qui engendre la peur de l'enfer,
(mais) je te l'avais déjà dite :
Tout, tout,
Tout est Shiva,
En Shiva.
Tant que l'on a peur, Ô déesse,
On ne trouvera pas l'être essentiel.
Que l'on réfléchisse donc
A cette vérité
Jusqu'à s'en trouver purifié.
Ce que l'on appelle "aliénation" 
N'est qu'un mot stérile.
Ma chère,
Tout est Shiva,
Fait de Shiva !

Dialogue non-duel (niruttaravâda) entre Shiva et la Déesse, II, 63-69
Traduit du sanskrit... on se demande par qui.

lundi 24 novembre 2014

L'humanité est-elle la maladie de la terre ?



De la cruauté de l'homme.
On verra sur terre des créatures se combattre sans trêve, avec très grandes pertes et morts fréquentes des deux côtés. Leur malice ne connaîtra point de bornes ; dans les immenses forêts du monde, leurs membres sauvages abattront au niveau du sol un nombre d'arbres considérable. Une fois repus de nourriture, ils voudront assouvir leur désir d'infliger la mort, l'affliction, le tourment, la terreur et le bannissement à toute chose vivante... Rien ne subsistera sur terre ou sous terre ou dans les eaux, qui ne soit poursuivit ou molesté ou détruit et ce qui est dans un pays sera emporté dans un autre ; et leurs propres corps deviendront la sépulture et le conduit de tous les corps vivants qu'ils ont tués. O terre ! que tardes-tu à t'ouvrir et à les engouffrer dans les profondes crevasses de tes grands abîmes et de tes cavernes, et ne plus montrer à la face des cieux un monstre aussi sauvage et implacable ?

Léonard de Vinci, Prophéties, trad. L. Servicen

vendredi 21 novembre 2014

L'individu est libre


I'm free !

L'individu est doué de libre-arbitre. Il n'est pas comme une pierre, privé de conscience propre.
Pourquoi ?
Parce que, comme Dieu, il est doué de conscience. 
Conscience et liberté sont inséparables.

L'individu est conscience "contractée", mais conscience quand même. Il possède donc tous les pouvoirs de Dieu, mais limités. En fait, il est Dieu, mais Dieu qui s'est librement fait homme dans l'oubli de sa vraie nature, pour pouvoir ensuite se retrouver.

L'individu est Dieu déguisé. Il n'existe pas indépendamment de Dieu. Mais il existe. De même, la vague n'existe pas indépendamment de l'océan. Mais il y a des vagues.
Le but de la vie n'est donc pas de supprimer notre individualité, mais de reconnaître notre essence pour nous dilater à nouveau à l'infini.

Tel est la doctrine du tantra non-duel.

Ceci dit, même dans les doctrines non tantriques, comme le Vedânta, qui semblent donner plus de place à une approche impersonnelle, l'individualité et ses pouvoirs ne sont jamais niés. A ma connaissance, les seules doctrines qui, en Inde, nient vraiment l'individu et son libre-arbitre, les seules doctrines fatalistes donc, sont celles des Âjîvikas, et puis les Astrologues (kâlavâdî, ceux qui disent que tout est régit par le Destin, par exemple dans le Mahâbhârata) et... et c'est tout.

Mais le tantra non-duel est le seul courant qui affirme l'unité de tout et de tous sans nier tout et tous. Il reconnaît dans le corps et l'esprit les pouvoirs créateurs qui sont ceux de la Source, mais contractés, en version incomplète. La parole, l'imagination, la mémoire sont les pierres philosophales de la liberté pour l'individu qui sait les reconnaître. Krishna le dit :
 "Perception, mémoire et exclusion [=langage] viennent de Moi seul".

C'est ce que dit aussi la philosophie tantrique de la Reconnaissance :

"Tout individu
Est manifestement doué
D'omniscience et d'omnipotence
Car tout individu
Peut manifester et sculpter
Selon ses désirs".

Stances pour la reconnaissance (Pratyabhijnâkârikâ, I, 6, 11))

Mais l'individu vit d'ordinaire dans la croyance en ses limites, dans la résignation et l'abattement (glâni). Sa liberté est donc limitée. Elle dépend de la Nécessité, des lois de la nature, (niyati), lesquelles ne sont que la liberté de Dieu. Mais quand on découvre la Source en soi, notre Soi, alors :

"Quand la (croyance en notre propre) misère,
Si profondément enracinée,
Est rejetée au loin,
Quand on resplendit manifestement 
Du pouvoir d'agir et de créer,
Alors nos résolutions
Deviennent (comme) l'arbre qui exauce les souhaits !"

Hymne à la Matrice (Tattvagarbha)

Alors l'individu, véritable "Seigneur déguisé" (channa-parameshvara dit Kshemarâja) "fait et connaît tout ce qu'il désire". Sa volonté ne fait plus qu'une avec celle de la Source, parce qu'il a reconnu qu'en vérité, il est la Source, la Source qui joue librement à être un individu doué d'une liberté limitée. 
L'individu est Dieu qui limite librement sa propre liberté. 
Dieu est l'individu qui recouvre librement sa propre liberté.

jeudi 20 novembre 2014

Résumé

On me demande un résumé.
Voici :

Oui

En sanskrit :

Om


Une autre version, magnifique et sublime illustration de La Voie Directe :





mardi 18 novembre 2014

Des ronds dans l'eau


Méditer, c'est comme faire des ronds dans l'eau. 
En lançant de petits cailloux.
Plouf !
Chaque pensée, chaque sensation est 
comme une sphère d'énergie 
qui emporte et dilate la conscience.
Comme un grand sourire.
Ou un bâillement.
Un inspir silencieux.





vendredi 14 novembre 2014

Weekend de méditation le 22 et 23 novembre 2014



Qu'est-ce que la méditation ?

Dans la tradition du tantra non-duel, il y a deux approches complémentaires, masculine et féminine.

Il y a le yoga de Shiva : 
se laisser aller dans la pure présence, les sens grands ouverts comme une maisons aérée, comme un ciel limpide et net, comme un cristal transparent, comme l'espace sans limites, comme de l'eau dans de l'eau.

Il y a le yoga de Shakti : 
se laisser fondre dans le ressenti du cœur, "je suis", dans le courant de félicité et d'amour qui ne fait qu'un avec notre être, mais que nous négligeons d'ordinaire. Se laisser aller comme un enfant dans les bras de sa mère, comme un fleuve vers l'océan, comme une étreinte, comme on écoute un chœur d'enfants.

Je vous propose d'explorer et de partager ces deux approches qui se complètent et de nourrissent mutuellement, dans le cadre simple d'une petite salle au cœur de Paris. Il y aura une succession de méditations guidées, assez brèves (15-20mn) mais nombreuses, quelques lectures d'instructions traditionnelles, et des moments d'échange. 

Lieu :
1 passage du Jeu de Boules
Paris 11e
Métro Obberkampf près de République

Horaire :
10h-18h samedi et dimanche

Tarif : 80 euros pour les deux jours

Renseignements et inscription:
deven_fr@yahoo.fr
06 03 33 05 58


mercredi 12 novembre 2014

La merveille des merveilles


Nous voyons, mais nous ne voyons pas ce par quoi nous voyons.
Nous vivons, mais nous ne vivons pas ce par quoi nous vivons.
Nous ressentons, mais nous ne ressentons pas ce par quoi nous ressentons.

Il y a une incommensurable différence entre réaliser ceci est dire que l'absolu, Dieu ou la source sont inconnaissables. Il existe dans le platonisme et le christianisme une tradition de connaître Dieu en connaissant qu'on ne le peut connaître. La la docte ignorance ou théologie négative. On ne peut connaître Dieu, mais seulement ce que Dieu n'est pas. Mais cela reste une connaissance objective. La source demeure un objet au-delà de notre portée. 
En Occident, la réalisation de la source comme Soi reste rare. J'ai mentionné dans le passé quelques textes chrétiens, mais cela reste marginal.
Cependant, voici un exemple récent de réalisation de la source comme Soi, tiré de Dieu existe. L'auteur veut montrer que l'on peut découvrir Dieu en soi, non pas comme on découvre une chose, mais comme on reconnaît la conscience, comme on reconnaît que c'est la lumière blanche qui rend possible la vision des couleurs :

"La perception implicite de l'infini est la condition de possibilité de la perception explicite du fini. Que cette vision, cette perception soient non thétique [non objectives] est une nécessité. Si elles ne l'étaient pas, la vision de la lumière blanche, prise réflexivement comme objet, ferait obstacle à la vision des couleurs particulières [objectives]. L'erreur serait en effet de penser que la lumière et l'infini doivent d 'abord être vus thétiquement, comme des choses, comme des objets, pour permettre ensuite la vision des choses colorées et des choses finies".

Autrement dit, il ne faut pas mettre sur le même plan le sujet et les objets, et ne pas vouloir que la connaissance du sujet, de la conscience, du Soi, relève du même niveau que celle des objets. Un sujet qui deviendrait objet ne serait plus sujet. Conscience chosifiée n'est plus conscience, mais chose.

"Une telle interprétation "chosifiante" nous conduirait à des absurdités psychologiques, et à une mécompréhension profonde... 
Mais de même qu'il est possible dans un second temps d'acquérir, par une variation de l'attention, une vision explicite de la lumière, il est possible, par un mouvement de retour sur soi, de prendre l'ouverture à l'infini de notre subjectivité comme un objet propre de considération. 
Cette remontée vers les conditions de possibilité de l'expérience la plus anodine constitue à coup sûr le point de départ de l'aventure métaphysique. C'est à partir de cette réflexion que l'intelligence philosophique en viendra à théoriser clairement l'idée selon laquelle cette ouverture elle-même présuppose l'existence d'un être infini qui en soit l'origine. 
Malheureusement, cette réflexion peut n'avoir jamais lieu. Absorbés par le spectacle bariolé des couleurs, certains restent aveugles à la lumière, qui pourtant les leur fait voir, et se privent ainsi du plus grand émerveillement qui soit, celui qui naît non du contenu du spectacle, mais de la merveille des merveilles : qu'il y ait un spectacle

Saint Bonaventure, au XIII e siècle, s'en étonnait :

Quel étrange aveuglement pour notre esprit de ne point apercevoir ce qui s'offre d'abord à nos regards, ce sans quoi il lui est impossible de rien connaître.
Mais il arrive que notre oeil, fixé sur diverses couleurs, ne voit pas la lumière qui les lui rend visibles ou, s'il la voit, il ne la remarque pas. Il en va de même pour l’œil de notre âme : fixé sur les êtres particuliers et généraux, il n'aperçoit pas l'être lui-même, qui est au-delà de tout genre, bien qu'il s'offre d'abord à sa pensée et lui fasse voir tout le reste. Ainsi la formule se vérifie pleinement [la formule d'Aristote] : "semblable à l’œil du hibou aveuglé par la lumière, l’œil de notre âme et ébloui par trop d'évidence". Habitué aux ténèbres du créé et aux fantômes du sensible, dès qu'il regarde la lumière de l'être souverain, il lui semble ne plus rien voir. Il ne comprend pas que cette obscurité suprême opère l'illumination de notre esprit. Ainsi, l'oeil du corps en face de la pure lumière a l'impression de ne rien voir".

Quoi de plus simple que cette vision qui se voit elle-même, comme un ciel éblouissant ?




Somme de la perfection







Oubli de la création,


mémoire du créateur,

attention à l'intérieur,

l'ami, sans cesse l'aimer.



Attribué à Jean de la Croix



lundi 10 novembre 2014

Mystère



Il n'y a pas de haine sans amour.
Mais l'amour est sans haine.
Il n'y a pas de mal sans bien.
Mais le bien est sans mal.
Il n'y a pas de laideur sans beauté.
Mais le beau est sans laideur.
Il n'y a pas d'injustice sans justice.
Mais le juste est sans injustice.
Il n'y a pas de faux sans vrai.
Mais le vrai est sans erreur.

La Source de l'amour et de la haine est amour.
La Source du bien et du mal est bonne.
La Source du beau et du laid est belle.
La Source du juste et de l'injuste est juste.
La Source du vrai et du faux est vraie.

D'où viennent la haine, le mal, la laideur, l'injustice, l'erreur ?


Dieu est-il par-delà Bien et Mal ?


Attention, ce qui suit est intellectuel. Mais à mon sens, penser c'est aussi participer à la Vie, à la Source. Le cœur et la tête ne font qu'un.

On dit souvent que le bien et le mal sont des constructions relatives : le bien n'est bien que par rapport au mal, et vice-versa. 
Il s'ensuite alors deux choses :
- La morale est une construction relative et n'a donc qu'une valeur relative. On peut aussi se réclamer de l'autorité des sages d'Inde qui semblent critiquer la morale et n'y voir qu'une construction imaginaire (voir, par exemple, Abhinavagupta).
- Dieu, la Déesse ou la Source comme on voudra l'appeler, est au-delà du bien et du mal, et donc neutre.
Ces opinions vont, en outre, dans le sens de l'idée d'un absolu au-delà du mental.

A cela je répond :

- Certes, le mal existe relativement au bien. Mais pas l'inverse. Le bien peut exister sans le mal. En effet, qu'est-ce que la mal ? Le mal est l'absence de bien. Qu'est-ce que le bien ? La perfection d'une chose. Donc le bien est. Le bien est quelque chose d'existant. Mais le mal n'est qu'un défaut, un manque d'être. Par exemple, il vous manque un œil. Donc le mal, à proprement parler, n'existe pas. L'absence d’œil ne se conçoit que par rapport à un œil. En revanche, l’œil n'a pas besoin de l'idée d'absence d’œil pour être conçu. Il n'y a pas d'ombre sans lumière, mais il peut y avoir de la lumière sans ombre. La relation n'est pas symétrique. Tout est relatif... à l'absolu, à la Source, qui n'est relative... à rien !

- La morale est une construction en partie déterminée par la culture. Mais a) il faut distinguer entre une morale donnée et le sens moral, la conscience morale ; et b) distinguer entre la coutume et la morale. La coutume est en grande partie liée au temps et au lieu. Mais pas la morale. En effet, la morale dérive de l'instinct moral. Et je dis que cet "voix de la conscience" ne fait qu'un avec la conscience. La conscience est un instinct inné du bien. Morale et spiritualité ne sont pas séparables. On distingue parfois entre conscience psychologique, conscience métaphysique et conscience morale. Mais il n'y a qu'une conscience. La conscience est toujours morale.

- La Source est par-delà bien et mal, mais elle n'est pas neutre. Elle est le bien. Elle n'est pas indifférente, inerte, passive, comme prisonnière de son statut transcendant, à l'image d'un néant stérile et impersonnel. Elle est la perfection du bien, du beau, du juste, du vrai. Les choses bonnes et belles sont autant de reflets de la Source. La conscience est le bien souverain.

jeudi 6 novembre 2014

A quoi sert la raison en spiritualité ?


Dans mon dernier billet, j'avais dit que le sens absolu, spirituel, se révélait quand on ne cherchait plus à construire du sens relatif et quand on cesse de projeter du sens sur les choses. 

A première vue, cela paraît austère, bien éloigné de la plénitude. Dénoncer les illusions, inviter à la sobriété, n'est-ce pas en effet le contraire de la spiritualité ? Démystifier, n'est-ce pas l'opposé de la mystique ?

Pourtant, si l'on jette un œil à ce qu'on dit les mystiques, on s'apercevra qu'ils ont presque toujours mis en garde contre la tendance innée à voir du sens là où il n'y en a pas. Et voir du sens, c'est voir des relations. En particulier des relations à nous, à "moi". 

Dans la spiritualité contemporaine, au contraire, on entend souvent que "l'univers a un plan pour nous", qu'il existe "pour moi", qu'il est en dialogue avec moi, que je suis son "cocréateur", etc. 

Mais dans la spiritualité comme dans la science, on dénonce l'illusion du moi, l'égocentrisme qui consiste à tout rapporter à soi, à croire qu'un scénario est écrit pour nous, rien que pour nous, et on rapproche ces tendance de l’ethnocentrisme et de l'anthropocentrisme qui consistent à mettre nos coutumes ou l'homme au centre de l'univers. 

Pourtant, il est vrai que quand, par un geste intérieur difficile à décrire, on s'abreuve à la fontaine de la conscience, on a le sentiment ineffable d'être relié à tout et à tous. Ce sentiment d'unité est l'expérience mystique par excellence. Et la vie intérieure consiste à se laisser vivre par cette fontaine de félicité et d'amour, par cette plénitude de sens.

Comment réconcilier ces deux vérités ?
Comment tenir ensemble qu'à la fois la plupart des sens, des relations que nous voyons ne sont que des constructions imaginaires, et que nous éprouvons en nous le sens absolu, la plénitude de l'unité avec le tout ?

A mon avis, il faut distinguer l'expérience et ses interprétations.

L'expérience de l'unité me dit que je suis un avec et relié à tout. C'est un fait. Une expérience brute. 
Mais elle me le dit sans mots. Sans images.
Les mots, les concepts, les images, sont forcément limitées et en parties déterminées par mon passé, par des mécanismes inconscients. Dont une tendance innée à voir des liens, à imaginer des rapport de cause à effet même là où il n'y en n'a guère.

Autrement dit l'expérience est vraie.
Mais les interprétations sont seulement plus ou moins vraisemblables.

Je ne doute pas de l'expérience de l'unité. Il suffit que je "plonge" là, maintenant, pour goûter cette reliaison. C'est une expérience antérieure aux pensées, aux interprétations, une sensation qui est plus moi que moi, pour ainsi dire.
Mais je doute des mes interprétations de cette expérience, de ce ressenti. 
Voilà pourquoi une vie intérieure équilibrée est, à mon sens, à la fois affaire d'intuition et de raison, de foi et de doute, de ressenti et de réflexion.

Il n'est pas nécessaire de sacrifier ce qui est beau et bon. Ni obscurantisme, ni rationalisme. Inutile de sacrifier la raison à l'expérience, ni l'expérience à la raison.

D'où une grande paix et une grande joie.

mercredi 5 novembre 2014

Où trouver le sens ?

Notre cerveau (notre corps) est ainsi fait qu'il ne peut s’empêcher de voir du sens, même là où il n'y en a pas.
Regardez par exemple cette image :


Nous voyons un triangle. Même si nous savons qu'il n'y a pas de triangle. Notre cerveau relie les formes pour leur donner du sens. Involontairement.
Notre cerveau produit des hypothèses à partir des données qui se présentent à foison à chaque instant. Et à chaque instant, il calcule et recalcule, sans y penser, les hypothèses les plus vraisemblables. Il sélectionne les interprétations les plus probables. Mais pas nécessairement celles qui sont vraies, qui correspondent à la réalité.

Cette tendance innée à voir du sens, même là où il n'y en a pas, à relier des éléments qui n'ont a priori aucun lien, explique les apparitions surnaturelles, par exemple. Dans des formes données, notre cerveau voit des visages. Faites l'expérience. Fixez les nuages, en cherchant un visage. Ou même en regardant n'importe quoi d'autre. Ça marche. Plus pour certains, dont l'hémisphère droit est dominant. D'autres surinterprètent les expressions, les paroles ou les actes. Mais nous sommes tous plus ou moins enclins, instinctivement, à voir ce qui n'existe pas. A surinterpréter. 
D'où les superstitions, les miracles, etc. jusqu'aux théories du complot. Ces mécanismes sont admirablement mis en évidence dans le roman d'Umberto Eco, Le Pendule de Foucault.

Mais pourquoi ce travers ? Car enfin, comment expliquer que notre cerveau soit ainsi fait ? Il aurait pu être autrement ! 
Il faut voir que le cerveau n'est pas fait une fois pour toutes. Il est fait d'habitudes, de plis qui se font et se défont au gré des circonstances. Les habitudes les plus avantageuses sont conservées et renforcées. Les autres passent à l'arrière-plan, voire disparaissent.
Mais comment une habitude aussi désavantageuse a-t-elle pu survivre ?
Tout simplement parce que, dans un environnement naturel, il vaut mieux projeter des dangers qui n'existent pas, plutôt que de louper un vrai danger. Ceux qui projetaient ont survécu. Les cerveau trop rationnels sont morts...

La plupart des croyances sont des stratégies du cerveau pour aider le corps à survivre et lui donner l'occasion de se perpétuer.

Mais alors, faut-il conclure que rien n'a de sens ? Que l'univers est absurde ? Que tout est projection ? Que tout sens est arbitraire, mécanisme de compensation, de consolation, de sécurisation engendré automatiquement par la machinerie probabiliste qu'est notre encéphale ?

Je le crois, oui, en grande partie.
Et souvent, notre tendance à projeter du sens se trompe, et nous plonge dans des croyances, des labyrinthes de croyances, absurdes et déprimants. Comme les malentendus entre personnes, les délires paranoïaques. Comme les théories du complot.

Mais ce n'est pas tout.

Paradoxalement, le sens véritable se dévoile quand on lâche prise, quand on délaisse ces sens fabriqués par notre cerveau.

C'est ce dont on fait l'expérience dans le silence intérieur. On ne fabrique rien. Aucun sens. Nulle interprétation. Et pourtant, on découvre la fontaine du sens absolu, bienfaisant, total, la plénitude incomparable. 
Bien sûr, ce sens là ne peut être exprimé par des mots. 
Mais il peut nous inspirer des mots. Des mots bienfaisants. 

Il faut ajouter cependant que cette recherche d'expression, d'incarnation, est une aventure dangereuse. Souvent, elle se traduit en un flot d'images sans queue ni tête, en superstitions, en règles délirantes, en système de correspondance magiques, en une sorte de cancer mental qui voit tout en tout, en dogmes et en religions. 
Mais on ne peut s'en empêcher.

L'attitude juste consiste donc à garder un œil critique sur notre tendance à voir du sens partout, tout en nous ouvrant au sens véritable qui se révèle dans le silence, en accueillant le besoin de l'exprimer, mais là aussi en gardant un certain recul critique.

Le sens absolu se trouve là où l'on a renoncé à tous les sens relatifs.

Pour entendre le Verbe du silence, il faut faire taire la parole discursive, comme un orchestre fait silence juste avant de commencer à jouer.  

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