vendredi 24 juillet 2015

Est-ce que je crois en Dieu ?


Question qui me surprend, mais que l'on me pose régulièrement.
Me surprend pourquoi ?
Parce que si Dieu est la conscience, la question est un peu vide. Non ?

Mais si l'on entend par là la question de savoir si le monde a été crée par Dieu, alors ça se complique. Un peu. 
Le monde est la manifestation de la conscience. Mais d'un autre côté, il n'y a pas un iota d'écart entre la conscience et le monde. Le monde est l'apparence de la conscience. la conscience est la réalité du monde. Et entre les deux...rien. Comme le vent et le mouvement. "Conscience" et "monde" sont synonymes, comme bonnet blanc et blanc bonnet. 

Bien sûr, on distingue d'abord la conscience et le monde : 
la conscience n'est ni ceci, ni cela. 
Mais cette affirmation n'a qu'une valeur pédagogique. L'océan ne se réduit pas à ses vagues. Certes. 
Mais aussi, les vagues sont le mouvement de l'océan, qui n'est rien d'autre... que ce mouvement !

C'est pourquoi tout discours non-dualiste finit par dépasser la transcendance. 
Le monde n'est pas créé par Dieu. 
Le monde n'est pas créé. 
Le monde n'est pas. 
Ou il est comme un tourbillon dans une tornade, comme de l'eau dans de l'eau.

Comme dit un anonyme du Cachemire :

Ce monde n'est la création de personne,
car il n'a pas de cause !
Sans cause, pas d'effet...
Sache que "le monde" 
est "causé" par une erreur (indéfinissable).

Dire que :
"Ce monde immense est en l'Immense
sans forme,
comme un joyau dans un coffre",
c'est là la parole d'un fou !


Alors est-ce que je crois en Dieu ?

Oui, si Dieu est la conscience. "Croire" veut dire que j'ai fois en cette Source universelle, que je m'y sens entraîné comme une brindille dans un torrent. "Moi" signifie moi en tant qu'individu, personne, corps. "Je crois en Dieu" : abandon, se laisser faire, lâcher le corps et les pensées dans l'espace de conscience insaisissable. Oui.

Non, si Dieu est conçu comme un super-architecte qui aurait tout planifié. Non.

jeudi 23 juillet 2015

C'est quoi le monde ?




Le monde, c'est tout.
Mais tout, c'est quoi ?
C'est toutes les choses, réelles ou imaginaires,
abstraites ou concrètes.
Tout.
Or,
le monde est dans la conscience,
car il ne se manifeste jamais en dehors d'elle.
Mais comment est le monde dans la conscience ?
Comme une illusion ?
Comme un fantôme ?
Oui, si le monde est perçu dans l'oubli de la conscience.
Mais non, si le monde est perçu sur fond de conscience.

Quel rapport entre la conscience et le monde ?

Le monde est l'éclat du joyaux de l'être,
sans autre cause.
Le monde est la douceur du miel de la conscience.
Le bijou de l'or de la conscience.
L'huile de l'olive de la conscience.
Le courant de la rivière de la conscience.
La fraîcheur de la glace de la conscience.
La chaleur du feu de la conscience.
Le parfum de la fleur de la conscience.
L'être du monde est l'être de la conscience.

mercredi 22 juillet 2015

Qu'est-ce qui n'est séparé de rien ?

Akka Mahadevi. Pas la démonesse ci-dessous, mais ça pourrait.

Dans la mythologie de l'Inde, le choléra est une sorte de créature vivante. Avant d'être le choléra, elle était une démone. Un jour, elle s'éveilla à sa vraie nature qui est l'essence de tout. Mais elle avait faim. Elle croisa un roi et son ministre. Miam ! Mais ce sont des gens de qualités... Que faire , Elle décida donc de la manger après leur avoir posé des questions auxquelles ils ne pouvaient répondre.
Mais voici comment cela se passa :

La démone posa alors ses questions :

"Quelle est donc cette particule qui, unique, est comptée comme multiple ?
Et en laquelle des millions d'univers reposent, comme des bulles sur l'océan ?
Qu'est-ce qui va sans aller ?
Qu'est-ce qui est présent sans se tenir (nulle part) ?
Qui, bien que conscient, est une pierre ?
Qui peint dans le vide ?
Dans quelle particule existent les mondes, comme l'arbre dans sa graine ?
Qu'est-ce qui n'est séparé de rien ?

Qu'est-ce qui n'est pas différent de la dualité (elle-même) ?"

Le ministre répondit :

Madame, c'est le Soi suprême dont vous parlez, afin de nous y éveiller. Parce qu'elle est ineffable, incompréhensible, elle est plus subtile que l'espace même. Ces bulles que sont les univers reposent en elle à cause des transformations de son potentiel.

Elle est espace, car rien n'est à l'extérieur d'elle.
Elle n'est pas espace, car elle est consciente.
On ne peut la montrer du doigt : elle n'est pas quelque chose.
Elle l'existence des choses : elle n'est donc pas rien.

Cette conscience qui est la lumière même, n'est pas connaissable à la manière d'un objet. On peut donc la comparer à une pierre. Elle peint la fresque merveilleuse de l'éclosion des mondes dans l'espace transparent, en elle-même. Parce que tout ceci n'est rien d'autre qu'elle, rien n'est séparé d'elle. Même la dualité du monde n'est que sa manifestation. La dualité elle-même est donc faite de son étoffe. Elle est omniprésente, liée à toute chose. Immobile, elle ne va nulle part. Sans point d'appui, elle n'existe pas. Et pourtant, elle existe car elle est l'essence même du réel.
Le roi ajouta 

Elle est ce qui crée et résorbe les mondes
Par ses dilatations et ses contractions.

Elle est la vérité des doctrines des Upaniṣads et pourtant elle transcende le domaine des mots. L'être pur et simple, l'immense, l'éternel : voilà ce dont tu as parlé, ma belle !"

lundi 20 juillet 2015

Comment méditer ?



Comment méditer ?

L'esprit, d'ordinaire, se concentre. Il ne fait que cela : passer de la focalisation sur un objet, à la focalisation sur un autre objet. Il se concentre, mais cette concentration est fragmentée, saccadée. Tel un singe qui saute de branche en branche en attrapant à chaque fois une branche, notre esprit ne fait que saisir une chose après l'autre. D'ailleurs, en sanskrit le mot qui désigne la concentration (dhârana), veut dire aussi "tenir" et désigne la crispation caractéristique de ce que l'on appelle "le mental".

Méditer, ce n'est pas cela.
Méditer, c'est se détendre. Laisser le mental se détendre dans l'espace, se relâcher, se relaxer, se libérer, et disparaître comme une volute de fumée. Car le mental n'est rien d'autre que cette série de crispations. Quand le mental se détend, il s'évanouit : les vagues "redeviennent" l'océan. L'océan, c'est la conscience, ce que nous sommes vraiment.
Mais d'ordinaire, nous sommes tellement pris dans l'habitude de cette manière d'être mentale que, paradoxalement, il nous faut un effort de plus pour accéder à l'absence d'effort. Chacun en a déjà fait l'expérience quand il était fatigué : parfois, on est si fatigué, qu'il semble fatiguant même de se reposer !

Méditer, c'est se reposer.
Mais comment ?

En alternant les moments de concentration avec les moments de détente. D'abord on se concentre, vif, clair, précis, comme pour entre un fil dans le chas d'une aiguille. Puis on détend peu à peu l'attention. L'effort de concentration est comme frapper un bol tibétain. Se détendre ensuite, c'est comme écouter la résonance du bol disparaître dans le silence.

Ainsi, on se retrouve dans un état vif, nu, lucide, ouvert.
Pas longtemps, mais souvent.
Le regard est limpide, le visage comme ébahi. 
Une nonchalance pleine d'ardeur, 
vif mais sans hâte, sans précipitation, 
aiguisé mais à l'aise,
transparent comme le ciel,
lâché, comme inutile, sans soucis, vague,
planant, égal, ininterrompu,
libre, relax, doux,
sans contraintes, évanescent comme le brouillard,
clair, limpide, translucide comme le cristal,
avec un éclat vibrant qui surgit de l'espace même,
vif, brillant, mais tendre,
éveillé, présent, mais transparent,
nu, frais, mais ininterrompu
en expansion, serein,
total, entier,
le regard et le corps ouverts, panoramiques,
ouvert devant derrière,
comme l'espace


Méditer, c'est s'éveiller à l'espace.

Jeux de mots, les mots du Je


Dire "l'absolu est au-delà des mots", c'est trop. Ou trop peu.
Il faut jouer avec les mots. Car si l'absolu est au-delà des mots, il en est aussi la source. Et, comme toutes les choses vraies et simples, le fait qu'on ne peut rien en dire ne doit pas nous castrer - en quelque sorte - mais au contraire nous inviter à dire cet indicible dans l'écoute de sa parole qui ne se dit d'abord que dans le silence de toute parole.
De fait, les mystiques sont, partout et de tous temps, les plus grands créateurs de mots.

L'absolu est la source de tous les mots relatifs. Des mots, nos mères à tous. De la parole, matrice véritable de chacun, homme, animal, ange ou extraterrestre.
L'anonyme du Cachemire dit :

"Être" dépend de "non-être".
Les expressions ineptes
comme "nature propre" 
n'ont donc pas cours dans l'infini.

C'est le Soi pour ceux qui connaissent le Soi.
Le non-Soi pour ceux qui pensent ainsi.
Le milieu pour les adeptes de la Voie du milieu,
et le Tout pour ceux dont le regard est égal.

La conscience, essence transparente de soi-même,
ne peut être atteinte que par l'expérience.
Elle n'est pas un objet visible,
ne peut être enseignée.
Elle n'est ni proche, ni lointaine.

Elle est le royaume sans objet,
et en même temps,
elle est tout en tout.
Elle est l'être de tout ce qui est,
et aussi elle est vide.
Ce royaume est au-delà de l'être et du non-être.

etc.etc.
Ces versets sont extraits du Yogavâsistha, qui en contient près de 30 000 !
J'ai traduit une version condensée de ces Mille et une nuits de l’émerveillement : ici.

samedi 18 juillet 2015

Méditer, c'est reconnaître la méditation éternelle


Qu'est-ce que méditer ?
Qu'est-ce que la pleine conscience ?

Question dans l'air des temps.

Dans un beau livre sur le sage Proclos, Jean Trouillard dit que "Prier, c'est libérer une oraison antérieure", car "il y a une prière inscrite dans la spontanéité même de notre être et qui est une indissoluble communion avec le divin" (L'Un et l'âme selon Proclos, p. 178).

Autrement dit, la véritable prière est notre vraie nature, l'essence la plus intime de notre être. 
On ne peut pas ne pas méditer, car méditer (ou prier), c'est être. 
La méditation, c'est la conscience, c'est l'acte d'être. 
Et ce que l'on peut nommer "méditation" par convention, c'est simplement la reconnaissance de cet acte intime. 
La méditation, c'est rejoindre l'acte créateur, l'acte présent, l'acte de présence par lequel et dans lequel tout se présente. Dieu prie déjà en nous avant tout effort de notre part pour prier en lui.

La méditation n'est pas une activité, mais l'acte qui fonde chaque instant d'existence.
Méditer, c'est rejoindre le mouvement créateur, l'activité divine. C'est épouser une harmonie, se mettre au diapason d'une musique. 
Depuis toujours, elle va. 
Mais nous l'avons négligée. 
Méditer c'est se mettre à l'unisson, se réveiller, revenir à soi, au centre de soi qui est le centre de tout et de chacun. 
Méditer c'est s'éveiller.

Je fais la vaisselle. Tout ceci se dévoile dans une présence à la fois vive et insaisissable : c'est la méditation.
Je mets les courses dans le frigo. Tout cela se révèle dans un espace à la fois transparent et évident : c'est la méditation.
Et ainsi de suite.

Proclos :
"La forme finale de la prière est l'unité qui établit l'un de l'âme dans l'un même des dieux et qui identifie notre activité à celle des dieux
...
recueillir la lumière qui est en nous dans la lumière des dieux."

Dieu médite avant que nous méditions. 
Il/elle médite même quand nous ne méditons pas. Autrement, nous n'existerions pas. 
Méditer, c'est s'éveiller à la méditation divine, par laquelle tout vient à être. 
De même que la grâce prévient nos activités, la vraie méditation précède toute activité de méditation. 
Méditer, c'est reconnaître cela, se fondre dans la méditation divine, originelle, parfaite, comme on saute dans une rivière pour s'y laisser emporter.
 Méditer, c'est reconnaître la méditation éternelle.

vendredi 17 juillet 2015

S'éveiller à ce qui ne meurt pas


La peur de la mort est le fond de toutes les peurs. Outre la peur de l'anéantissement, elle est associée à la mort des êtres chers, à la perte de nos possessions, à la nature éphémère de toute chose, à l'insécurité du réel, imprévisible, jamais totalement sous contrôle.

Comment se sauver de cette peur ?

En s'éveillant à ce qui ne meurt pas. A ce qui ne peut mourir.
Qu'est-ce qui ne peut mourir ?
La conscience.
Un secret simple. Mais intime. Si intime !
Ce que nous sommes vraiment, avant et après tout.

Un anonyme du Cachemire du IXè siècle l'a dit ainsi :

L'être conscient
ne naît pas, ne meurt pas.
Jamais, nulle part.
Il ne ressent cela
que par égarement,
comme dans l'illusion d'un rêve.

L'être est seulement conscience.
Où et quand pourrait-il mourir ?
Dis-moi,
que serait l'être en dehors
du fait d'être conscient ?

Dis-moi,
quelle conscience est jamais morte,
jusqu'à maintenant ?
Et pour qui serait-elle morte ?
Quelle serait donc cette conscience ?
Comment serait-ce possible ?
Des millions de corps sont morts.
La conscience demeure impérissable.

"Vie", "mort" :
une vision due seulement à l'habitude,
des mots inventés
par chacun
pour en faire l'expérience.

En réalité, 
personne ne meurt,
nul ne nait :
juste un être 
emporté par le tourbillon
de ses habitudes (imaginaires).

Oui, la conscience est transparente et
permanente :
elle n'apparait pas, ne disparait pas.
Elle ne nait pas,
elle ne meurt pas.
C'est l'espace impérissable de la conscience.



jeudi 9 juillet 2015

Esquisse de l'omnivers


Je dors au pied d'un arbre, en ce monde. Et je rêve d'un monde. Dans ce monde, il y a un arbre. Au pieds de cet arbre, un homme dort et rêve. Et il rêve d'un monde...

Que se passe t-il ?

Dans le monde, un esprit rêve. Il rêve d'un monde. Dans ce monde, un esprit rêve. Il rêve d'un monde. Dans ce monde...

Ainsi le sujet et l'objet s'emboîtent, comme des poupées russes, à l'infini.

L'espace mental est dans l'espace physique, qui lui-même est dans un espace mental, qui lui-même est dans un espace physique, qui lui-même...

Ces deux espaces sont dans l'espace de la conscience, l'espace de pure présence qui se dévoile à nu entre deux pensées.

Il y a donc un nombre infini de mondes, les uns à l'intérieur des autres, sans contraintes de durées et de longueurs, car l'espace physique, étant toujours dans un espace mental, il s'ensuit que la nécessité de ses lois dépend des habitudes (accidentelles au départ) de cet espace mental. Un monde existe dans un point sans extension. Une infinité même. Un espace physique infini existe dans un espace mental sans extension. De même, un instant sans durée peut accueillir la durée d'un monde.

Dans un monde - dans un espace physique - se trouvent un nombre infini d'espace mentaux (d'esprits), qui chacun imaginent des espaces physiques, qui contiennent à leur tour des espaces mentaux, et ainsi de suite. Un espace physique est donc l'espace mental d'un autre. Notre réalité est le rêve d'un autre. Et nos espaces mentaux sont des espaces physiques pour les esprits dont nous rêvons, qui rêvent à leur tour... L'espace mental est celui du rêve, "privé". L'espace physique est celui qui s'impose à nous, "public". Mais entre les deux, il n'y a pas de différence de nature, seulement de degré de cohérence. L'espace physique est donc un espace mental dont on a oublié qu'il était mental, ou bien un espace mental dont les habitudes, invétérées, passent pour des lois. Les lois de la physique sont des lois de l'imagination. Mais d'une imagination ancienne, ancrée par-delà nos imaginations individuelles : l'imagination de l'être qui rêve notre monde, notre espace physique, à l'intérieur duquel nos espace mentaux se déploient. Et de même, nos habitude mentales ont force de loi pour les êtres que nous imaginons, qui peuplent nos rêves. Notre réalité est simplement un rêve relativement plus ancien ; nos rêves, des réalités relativement plus jeunes.

Ce qui ne signifie pas qu'il suffit d'imaginer pour que cela devienne réalité. En droit, c'est possible. Mais la force de l'imagination de l'être ancien dans le rêve duquel nous vivons est beaucoup plus ancienne, et a donc beaucoup plus d'inertie, que notre imagination. Dans notre monde, nous pouvons donc tenir pour certain qu'il existe des lois, une nécessité, et que le bon sens doit nous prémunir contre les charlatans qui nous vendent des poudres de perlimpinpin et autres miroirs aux alouettes.

Cependant, il n'y a au fond qu'un seul espace, celui de la conscience. Par conséquent tout est possible. Et par conséquent, l'existence du libre-arbitre est compatible avec le déterminisme : comme nous vivons dans le rêve d'un autre, il y a déterminisme ; mais comme cet "autre" est en réalité qui nous sommes - conscience - nous pouvons vouloir contre ce déterminisme, et c'est le libre-arbitre.

C'était l'intuition du Yoga selon Vasistha.
C'est aussi l'hypothèse du multivers, pari des physiciens comme Andrei Linde, Alan Guth et d'autres, présentés dans ce doc :


mardi 7 juillet 2015

Nouvelle édition de L'Essence de la vérité ultime



Nouvelle édition révisée de l'Essence de la vérité ultime (Paramârthasâra), 
un poème sanskrit du Serpent Primordial (Âdishesha) sur l'éveil non-duel, générosité infinie de l'absolu, redécouverte ici et maintenant. 

Extrait :

"Quelque que soit la manifestation,
L'état ou le sentiment
A travers lequel on célèbre
Le Seigneur doué de toutes les formes,
Il assume cet état,
Telle une pierre philosophale. 66

La conscience inclut tout. Elle est la Beauté dont toutes les beautés matérielles, morales ou intellectuelles ne sont que des reflets. 
...
Comme tout est une manifestation de la Source, puisqu'il n'existe rien en dehors d'elle, toute manifestation célèbre sa majesté. De même que l'on reconnaît l'arbre à ses fruits, de même on reconnaît la conscience infinie par la richesse infinie de ses fruits. Tout est une manifestation de la conscience. Donc tout existe pour la connaître, la reconnaître et l'aimer. Donc tout état, toute émotion, toute expérience, mêmes profanes, sont une célébration confuse de l'absolu. Voilà qui explique la folie des hommes et des vivants en général : ils sont l'absolu qui se cherche dans des états et des sentiments finis. Cette quête ne peut s'achever que dans la parfaite connaissance du Soi sans limites, l'enseignement de la non-dualité.

Ainsi, aucune connaissance n'atteint complètement l'absolu. En même temps, aucune ne trahit complètement l'absolu. Donc tout peut servir à le louer. Celui-ci est en outre comme une "pierre philosophale", un joyau mystérieux qui aurait le pouvoir d'exaucer tous les désirs. De même la conscience, la Source, se manifeste selon nos désirs. Pour l'artiste elle est Beauté, pour le scientifique Vérité, pour le religieux Bonté. Mais aussi argent pour le capitaliste, sentiment de force pour le bodybuilder, et ainsi de suite."

Ce texte a inspiré le tantra et, en particulier, le shivaïsme du Cachemire.

Traductions, introduction, commentaires et notes par David Dubois

Nouvelle édition de La Voie de la conscience non-duelle


La voie de la Mahâmudrâ est une voie d'ici à ici.
Simple.
Considérée comme la quintessence du bouddhisme tantrique, 
elle consiste en un trésor d'instructions pour reconnaître qui nous sommes vraiment : 
un espace grand ouvert, 
translucide, 
sans bornes, 
dans lequel les pensées vont et viennent comme le vent, insaisissables et transparentes.

Ce texte, l'un des rares conservés en sanskrit, comporte 
trois aspects
l'éveil à la présence, dans le parfait silence sans nulle tension ni distraction ; 
le yoga de l'union sexuel, qui célèbre ce silence redécouvert ; et l'affirmation de l'universalité de cette conscience lumineuse, qui englobe tous les points de vue, comme dans ce passage :

"Cette (conscience) suprême
- Qui est toutes choses -
Se révèle (sous ses formes innombrables)
Une fois barattée, (comme) l'océan de lait
Le fût autrefois
(Pour en extraire le nectar d'immortalité).
De cet océan de la conscience (non duelle)
Naissent (en effet tous les êtres)
Célèbres et louables, tels que
Brahmâ, Vishnu, le Grand Seigneur (Shiva),
L’Éveillé, et les autres (dieux),
Et le soleil, la lune, l'étoile polaire,
Et Lakshmî, et Sarasvatî :
Ils sont tous l'ambroisie,
Le nectar immortel,
Suprême délectation". 95-96



Nouvelle édition révisée, avec introduction, traduction et notes par David Dubois

Nouvelle édition des Arcanes de la plénitude

Picture

Le tantra n'est rien d'autre que la texture de la vie.
Telle qu'elle se révèle 
dans l'arrêt du bavardage intérieur.

Dans ce silence incroyable, incompréhensible, 
se dévoile l'être débordant d'énergies, de mouvement, bouillonnant, riant. 

L'auteur de ce texte, Amrita Vâgbhava, partage cette découverte dans un poème sanskrit, court mais intense. Le silence intérieur n'est pas une paix morte, 
mais un océan en ébullition, 
une nonchalance pleine d'ardeur, 
un jeu de merveilles :

"Par pure liberté,
par la perfection même de ma plénitude,
je m'actualise dans la Lumière-Manifestation,
espace qui est le Soi.
Faite d'un seul instant,
faite d'une seule substance, éternelle,
voilà la majesté que je suis.

Je suis capable d'action, de connaissance
et de désir grâce à l'Acte parfait du Soi.
Prenant mon repos
à la fois dans la Manifestation
et dans la Conscience,
je scintille de manière égale.

J'agis, je connais et je résonne par moi-même
parfaitement établi dans le Soi.
Aussi suis-je ravis, à la fois comblé et enchanté,
me révélant et me cachant à moi-même."

Voici une seconde édition révisée de ce poème, avec introduction et notes par David Dubois

Danse odissi, tantrique, à la gloire de Krishna, incarnation de la Déesse, sur une composition dhrupad :





dimanche 5 juillet 2015

Retenir le souffle

Yukteshvar, un adepte célèbre de Bénares. L'un des rares clichés de yogi indien qui présente un parfum d'authenticité, même si le Kriyâ a, par la suite, sombré dans la bouffonnerie kitsch

Quand on fait silence à l'intérieur, il se produit souvent une légère rétention du souffle. 
Comme une suspension involontaire. 
Comme lors de n’importe quelle concentration. 
D'ordinaire, ça passe inaperçu.
A l'inverse, une rétention du souffle - retenir sa respiration en gros - peut induire une suspension du bavardage intérieur.
Le souffle est le lien entre le corps et l'esprit.
C'est pourquoi, dans toutes les traditions contemplatives, on arrête l'esprit par le souffle, ou le souffle par l'esprit.

Pour arrêter l'esprit par le souffle, il existe deux méthode : l'une douce, l'autre forte (hatha).

La méthode douce est la voie royale : se donner pleinement à l'écoute du silence qui suit chaque expiration.

Mais la méthode forte n'est pas sans beauté, et pas si compliquée qu'on le croit : principalement, on retient la respiration à plein. 
Dans cette suspension, le corps est comme un vase (d'où le mot sanskrit pour la rétention, kumbhaka "faire le vase") et on peut légèrement comprimer le souffle et contracter les muscles autour du coccyx. 
La conscience s'éveille à elle-même dans cet intervalle. L'attention s'ouvre à l'espace, comme une fleur après une longue nuit froide. 
Le silence, la présence, le conscience, s’appelle "résonance" en sanskrit (nâda). 
Et l'écoute de ce silence est la porte vers l'au-delà du mental. La rétention du souffle est donc un intermédiaire entre l'identification au corps et au mental, et l'éveil à soi par-delà toute pensée. 
Comme dit la Lampe de l'union du soleil et de la lune, l'ordre des pratiques du yoga est : postures, rétentions, attitudes contemplatives (mudrâs) et écoute de la résonance.

"Assis en lotus,
le yogi doit inspirer par les deux narines
et retenir le souffle.
Il est délivré, sans aucun doute.

Tant que le souffle est tenu dans le corps,
le mental reste transparent.
Tant que le regard est fixe,
Comment aurait-on peur du Temps/ de la Mort ?

Quand le souffle vit dans l'intervalle,
le mental se stabilise.
Cet état de stabilité mentale
est l'état non-mental". 

Lampe du soleil et de la lune (Hathapradîpikâ), IV, 8, 28, 30

P.S. : le verset 30 dit, littéralement, "tant que le regard est entre les sourcils". Mais il ne s'agit pas de loucher vers le haut comme sur les clichés ridicules qui empoisonnent les imaginations depuis des décennies. Bien plutôt, il faut poser le regard droit dans l'espace, comme Yukteshvar sur la photo. De même, le regard "sur la pointe du nez" (nâsâgre) ne consiste pas à loucher vers la pointe du nez, mais à poser le regard, sans la moindre trace de tension, sur le sol, dans la direction de l'arrête du nez, à 45° en gros.

samedi 4 juillet 2015

Puissance de la posture

Marpa the Translator
Marpa avec sa ceinture de méditation. Source

Le corps et l'esprit sont interdépendants. C'est un fait d'expérience bien connu. Quand je suis stressé, je m'assoie le dos voûté. Cette posture va, en retour, bloquer le souffle et comprimer les organes. 

Pour méditer, il existe des postures qui induisent d'elles-mêmes l'ouverture d'esprit, une attention sans attache. 
Ce n'est pas seulement moi qui le dit. 
Marpa, l’irascible maître de Milarépa le grand yogi tibétain, enseignait une posture en cinq points : 

1. Être droit comme une flèche
2. Le cou crocheté un peu comme au garde-à-vous
3. Les jambes croisées
4. Le corps entouré d'une ceinture de méditation
5. Un coussin sous les fesses

On remarquera : 
a) L'absence de position spécifique des mains. Marpa est toujours représenté les mains flottantes, comme dans la posture dzogchen du "repos de l'esprit" (citta-vishrânti-âsana). 
b) La présence de la ceinture de méditation. Elle est toujours employée de nos jours, comme par ce fils de Milarépa qui pratique au Tibet actuellement :



En outre, les lèvres sont légèrement entrouvertes, et le regard est grand ouvert.
Marpa vante ainsi la puissance de cette posture :

"Mes cinq points du corps sont un enseignement encore plus grand que tous les enseignements du Tibet réunis ! 
Si vous vous demandez pourquoi, c'est parce qu'en les (pratiquant), les souffles vitaux entrent spontanément dans le canal central. Cela allume la Candalî (Kundalinî) dans le nombril, faisant tomber des gouttes de semence vitale depuis la tête. Ce qui engendre naturellement la félicité. Vous n'aurez pas besoin de bloquer délibérément les pensées - l'absence de pensées surgira sans effort. 
De là, la sagesse de la réalisation surviendra automatiquement."

Ocean of Definitive Meaning, p. 99

Que l'on ne néglige ni ne méprise donc point cette posture !

jeudi 2 juillet 2015

L'espace comme maître


"Tout surgit de l'espace,
Le monde entier, 
Tout ce qui vit ou non.
Et tout disparaît dans l'espace...
Que l'on prenne donc refuge en l'espace !"

La Lampe de l'union du soleil et de la lune (Hathapradîpikâ), I, 28

Tout apparaît dans l'espace de la conscience,
mais l'espace n'apparaît ni ne disparaît.
Toujours présent, toujours proche, doux, transparent, gratuit, accueillant, ouvert, sans défenses. Il est pourtant l'absolue sécurité, l'ultime refuge.


Libre-arbitre ou déterminisme ?


Sommes-nous déterminés par les lois de la nature au même titre qu'un caillou, ou bien sommes-nous doués de libre-arbitre, c'est-à-dire d'une volonté libre, capable de se déterminer elle-même selon sa conscience ?

D'un côté, les traditions spiritualistes affirment que l'homme est doué de libre-arbitre. Ce postulat est indispensable à toute morale. 

Mais de l'autre, le progrès des connaissances scientifiques a apporté de plus en plus d’éléments qui viennent réfuter le libre-arbitre.

Or, quelque soit la force de ces arguments, il reste que l'on se ressent comme libre. Le libre-arbitre est impossible à prouver, mais le déterminisme est contredit par notre expérience la plus intime.

Comment alors réconcilier ces deux points de vue apparemment opposés ?

Il existe une solution dualiste, classique tant en Occident qu'en Inde, qui consiste à dire que la conscience est autre chose que la matière, et donc qu'elle n'est pas déterminée par elle. Mais alors, comment expliquer leurs interactions ? Comment, par exemple, fait-on pour bouger un doigt ? Cette solution débouche donc sur le problème de l'interaction du corps et de l'esprit.

Il existe une autre solution, très populaire actuellement dans les milieux non-dualistes d'inspiration védântique ou bouddhiste, et qui consiste à dire que le "moi" n'étant qu'une illusion, le libre-arbitre n'existe pas, et que donc le (faux) problème est résolu. L'arrière-plan de cette solution est clairement matérialiste. Dans cette solution en effet, la conscience ne joue aucun rôle. Du coup, le défenseur de cette solution en vient à se réfuter en affirmant qu'il n'existe aucun libre-arbitre, aucun moi, nulle conscience. Il affirme qu'il n'existe pas et, dans ce geste, il confirme qu'il existe ! C'est le problème du bouddhisme depuis le début.

Une autre solution est celle de la non-dualité intégrale, la non-dualité qui n’exclut ni l'unité, ni la dualité.
Elle consiste à reconnaître que

La liberté de la conscience universelle 
est 
la nécessité de la nature.

Ce qui apparaît comme nécessité à l'individu est la libre créativité de la conscience universelle. Mais il n'y a qu'une conscience qui assume librement ces différents rôles. Un peu comme dans un jeu où j'invente librement les personnages avant de me soumettre aux déterminismes liés à leur condition. Il en va de même pour les lois de la nature. Cet ensemble est le corps ou la personnalité librement assumée par la conscience universelle. Elle est donc à la fois libre et soumise, libre même soumise, car soumise librement à ses propres décrets. 
De sorte que liberté et déterminisme sont les deux faces d'une même conscience. 

Et nous pouvons faire l'expérience directe de cette unité du libre-arbitre et de la nécessité quand nous faisons un choix, ou même au premier instant de n'importe quelle émotion. En ce premier élan, en effet, liberté et nécessité ne sont pas encore séparées. 
De plus, l'individu est doué de libre-arbitre parce qu'en sa réalité profonde, il est conscience universelle absolument libre. Si je peux lever le petit doigt, c'est parce qu'à cet instant, je prend conscience de moi comme conscience universelle, même si d'ordinaire cette plongée dans le Soi profond passe inaperçue.

Donc liberté et nécessité sont deux versants de la même chose.
Le déterminisme existe.
Le libre-arbitre existe.

Mais plus je me reconnais comme conscience et source de ces deux versants, plus je me ressens comme vraiment libre.
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