jeudi 5 novembre 2015

Richesse de l'expérience mystique

peinture : Vierge au jardinet (anonyme, début XVIe siècle)

L'expérience de Dieu est d'abord une expérience de vide, c'est-à-dire d'ouverture, de disponibilité, d'écoute et de nudité. Mais au sein de cette vacuité, se révèle la saveur de l'être, saveur qui enveloppe toutes les autres. Comme le Soi des Upanishads qui enveloppe tout ce qui est beau et bon, l'expérience de Dieu dont parlent les mystiques chrétiens est l'expérience d'une richesse, d'une simplicité où tout est donné dans le temps d'un instant. D'où la liberté du mystique vis à vis du monde et, surtout, vis-à-vis de sa propre personne et de ses tendances. Rempli par Dieu qui embrasse en soi tout ce que l'homme désire, l'homme devient indépendant par rapport aux choses de ce monde. Si un certain détachement prépare peut être à l'expérience mystique, il est certain que l'expérience mystique débouche sur un véritable détachement intérieur. "L'unique nécessaire" nous délivre peu à peu de tout le superflu, et d'abord de l'image d'un soi-même, de cet amour-propre dans lequel nous nous noyons sans cesse, à l'image d'un Narcisse amoureux de son reflet.
La liberté mystique vient de la richesse de la contemplation de Dieu en soi et en tout, richesse merveilleuse enveloppée dans un regard simple et nu, qui voit tous les biens simultanément, dans une unité qui dépasse la raison. Ce sont une intuition et un acte d'intelligence, une "intellection" dans le langage de la scolastique. C'est cette vision simple, sans multiplicité mais infiniment riche, que décrit ici l'aveugle de Marseille. Dans ce regard nu, on voit la vérité incréée, par-delà toute raison, mais l'on voit aussi que cette vérité embrasse en elle toutes les vérités et tout ce que l'on désire :

 "Comme les diverses considérations de Dieu se ramassent, s'unissent et se rencontrent en une seule idée qui les comprends toutes [, l'idée de l'être], de même les affections distinctes que nous avons formé de Dieu produisent une affection universelle en laquelle on goûte avec suavité toutes les autres affections.... C'est ainsi que l'on voit d'un seul regard toutes les beautés d'une prairie, que l'on odore d'un seul trait toutes les fleurs d'un bouquet, et que l'on entend tout à la fois les différentes parties d'un concert, sans que ce mélange troue ni altère les sens qui en son frappés. Au contraire, ils se recréent merveilleusement par la variété de tant de choses unies et par l'union de tant de choses diverses."

François Malaval, La belle ténèbre, p. 156

Cette expérience est l'expérience de la diversité au sein de l'Un, et de la présence de l'Un au sein de la diversité des choses et des êtres. Le premier aspect est le yoga de Shakti (l'expérience du "premier instant" du désir ou de n'importe quel choc émotionnel) ; le second est le yoga de Shiva (l'expérience de la transparence des choses, en un silence nu et intense). L'expérience mystique est universelle. Et elle est ouverte, en droit, à tous.

Voici un exemple de concert spirituel, par l'un des plus grands compositeurs baroques, Biber. C'est un cycle de quinze œuvres, les Sonates du rosaire, qui préparent à la contemplation mystique. Voir ici pour une introduction au symbolisme très riche de cette oeuvre au symbolisme très riche. La sonate n° 10, La crucifixion, par l'ensemble Musica Alchemica :





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