dimanche 19 février 2017

Je suis... un mégalomane ??

Au centre de chacun brille le soleil du "je suis",
force vive, source de tout et guérison de tous.

La voie aux mille tours et détours
 est finalement la voie du "je suis".
"Je suis" n'est pas une idée abstraite de l'Absolu, de l'Être, de la Conscience,
mais une présence intime, la présence intime qui brille toujours
au fond de nous, même quand nous n'en avons pas conscience.
Pur ressenti.
Avant tout.



S'éveiller,  c'est s'éveille au "je suis",
plus intime à nous que nous-mêmes,
présent avant toute idée de soi, avant toute image.
Mais c'est un ressenti,
une sensation, 
une vibration, 
une énergie,
un courant
d'amour 
de guérison.

Mais n'est-ce pas de la mégalomanie
à l'état pur ?
N'est-ce pas mettre le divin au service de l'humain,
répétant ainsi le geste de Satan,
la racine même du Mal ?

Je ne le crois pas.
Pourquoi ?
Parce que cette Présence est moi,
je la sens comme "moi", c'est vrai.
Mais dans le même temps, je la sens
comme un moi plus authentique, plus profond,
à jamais au-delà de tout égoïsme.
C'est un moi vivant,
mais un moi universel,
un moi que je sens être le moi
qui vibre et vis dans les regards,
dans les corps,
dans les mouvements de la vie.

On peut être tenté par une telle inversion,
se laisse aller dans une quête d'argent et de pouvoir,
faire du "je suis" un outil au service de fantasmes.
Mais, tôt ou tard, un sentiment de malaise
nous indiquera que nous nous égarons,
et l'instinct divin, irrépressible,
plus fort que n'importe quel mensonge que nous pouvons nous servir,
nous ramènera à la vérité du "je suis".
Comme un retour à la maison.
Doux, sans jugement, vrai.
Puissant. Force intacte,
inaccessible à tout mal.

D'un autre côté, "Je suis" s'incarne.
"Je suis" incarné.
Inutile de vénérer la souffrance,
ce serait une autre idole.
"Je suis" un,
mais je m'incarne ici et maintenant
pour manifester une face et un regard 
uniques,
et précieux à ce titre.
"Je suis", et je suis tout,
au-delà de toute limite.
Mon corps se détend,
se laisse prendre dans cette Main chaleureuse,
sans nom, sans forme, mais 
plus vivante que tout ce qui a nom et forme,
et qui se révèle clairement
par "je suis",
vibration silencieuse,
silence éloquent,
plénitude parfaite,
une,
que j'accueille maintenant,
que je laisse ruisseler dans mes veines,
qui englouti et sature chaque instant,
chaque parcelle de mon être unique.

"Je ne suis rien" veux dire,
en termes de ressenti,
"je suis transparent,
je m'ouvre,
je m'offre à l'influx,
à la vibration
Je suis".

Je désire,
mais je désire sans limite.
Je veux, mais
je veux sans limites, 
Je suis désire,
Je suis vie,
Je suis plaisir,
Je suis amour,
Je suis sagesse.

Je suis cette voie de vie, de renouvellement, de liberté, d'émerveillement, de stupeur...

Nul ne peut se l'approprier.
Chacun peut s'y ouvrir.

jeudi 16 février 2017

Toucher la plénitude

Quand l'énergie vitale s'éveille, les sensations changent, les sens s'affinent, ou bien au contraire on s'intériorise. Selon la tradition de la Triade, il y a cinq signe, correspondant aux cinq centres du corps subtil :
- Une sensation de plaisir, quand l'énergie s'éveille dans le triangle sexuel.
- Un élan vers le haut, quand l'énergie se déploie dans le ventre.
- Une sorte de tremblement d'extase et d'amour, quand l'énergie s'épanouit dans la poitrine.
- Une sorte de sommeil paradoxal, baigné de félicité, quand l'énergie frappe la nuque.
- Et un vertige, une ivresse, une impression de tourner, quand l'énergie touche l'immensité
au-dessus de la tête.



Abhinava Goupta dit :

Celui ou celle qui désire pénétrer
le Chemin transcendant,
au moyen d'une réalisation
et des moyens qui sont dans le corps,
fait d'abord l'expérience du plaisir
qui résulte d'un contact avec la plénitude.

Lumière des tantras V, 1000

Cette sensation de plénitude est ressentie dans le "triangle", le centre situé dans la région génitale.
On ressent une puissante énergie, presque comme un feu ou une démangeaison, depuis le coccyx, une sensation vive qui part en vague à travers la colonne, le dos, le corps et l'espace.
Si l'on se plonge en cette sensation, sans la manipuler et sans excès, alors elle s'étale et se transforme en les autres sensations mentionnées plus haut, jusqu'à l'espace infini de la conscience.

mardi 14 février 2017

Comme la sensation d'une fourmi...

Quand il décrit la subtilité du toucher tactile, le Commentateur Djayaratha parle ainsi :

"Ce toucher (=cette sensation) est comme la sensation d'une fourmi qui bouge (sur la peau)".

(ad Lumière des Tantras, XI, 31)



Et il cite le Tantra de Svatchanda Bhairava, le plus ancien et le plus influent des tantras de Bhairava, la forme ésotérique de Shiva :

"Ô Déesse !
Une fois que (l'énergie) à traversé le niveau de Shakti,
elle devient l'Omniprésente au niveau de la peau.
Cette expérience est une sensation, un toucher
semblable à celle d'une fourmi (sur la peau)."

"Shakti" désigne ici l'une des douze étapes de l'énonciation du Mantra ("om" par exemple), c'est-à-dire de l’ascension de l'énergie vitale, autrement dit de l'élévation de l'attention jusqu'à l'espace de la Présence nue.

Kshémarâdja confirme que cette sensation est comme celle d'une fourmi, subtile et ineffable. Le Vijnâna Bhairava Tantra évoque aussi cette sensation (67).

Abhinava Goupta cite encore un verset des Stances sur la Vibration :

"De (l'absorption dans la Vibration) s'ensuivent
la Lumière, la Résonance,
la Forme, la Saveur.
Ce sont des facteurs d'agitation.
Mais il n'en va pas de même
du Toucher !"

Ces manifestations sont des formes lumineuses que l'on peut voir, par exemple, quand on appuie légèrement sur les yeux ou quand on se bouche les oreilles. Le Commentateur Djayaratha parle des "forme que l'on voit jusque dans l'obscurité".

Alors que Patanjali, dans ses Yoga-soûtras (III, 36), inclut le Toucher dans les facteurs d'agitation et de déviation, Abhinava Goupta privilégie le Toucher.

lundi 13 février 2017

Toucher l'indicible

Les enseignements traditionnels mettent en gardent : les visions et autres révélations dont on peut faire l'expérience lors de la méditation ou au moment d'un éveil de conscience, peuvent être des pièges. Si l'on s'y attache, ils deviennent des impasses, car la fascination a leur égard détourne l'attention du but véritable, qui est au-delà de ces expériences extraordinaires. Dans les milieux spirituels, on parle souvent des visions que l'on a, des rêves, des "flashs", des coïncidences, des parfums, des voix que l'on entend. D'autres fois, on est comme obsédés par des sensations hors du commun, agréables, flatteuses, ou par le "ressenti", véritable dieu du New Age, avec ses sœurs "énergie" et "vibration". Autant d'obstacles potentiels.

Mais dans la tradition du Cachemire, il y a une exception : le toucher, les sensations tactiles.

Dans la Lumière des tantra (Tantrâloka XI, 29-31) Abhinava Goupta explique les niveaux de conscience, avec les niveaux de réalité correspondant, pour nous amener à reconnaître que tout est manifestation de la conscience, dans la conscience.



Il signale alors, comme en passant, que le toucher n'est pas un obstacle spirituel, contrairement aux autres sensations :

Parfum, saveur, forme
sont les qualités de plus en plus subtiles
enracinées au sommet des qualités
et à la cime de l'illusion de la séparation (mâyâ).

Mais le toucher,
est ineffable, subtil...
Il existe, quant à lui,
au sommet du plan de la Shakti
(et donc au-delà de la dualité,
de l'illusion).
Voilà pourquoi les yogis
aspirent sans cesse
à ce toucher ineffable.

Cependant, ce toucher subtil conduit à l'espace de la conscience universel, il est une porte, car Shakti est toujours une porte vers Shiva :

Mais à la fin de ce toucher, 
de cette sensation,
il y a la conscience,
l'espace limpide de la Présence.
Quand on s'élève jusqu'à lui,
on atteint la (Shakti) suprême,
autolumineuse,
(identique à Shiva).

Le toucher éclot comme une fleur, embrasse l'espace lumineux.
Si je suis une sensation tactile, un mouvement de ma peau, n'importe lequel,
je suis conduit au-delà de toute séparation,
dans l'espace vivant que je suis et qui est tout.

samedi 11 février 2017

Venez célébrer la Nuit-de-Shiva !

Le 26 février prochain, vers 16 heures, sera le moment sacré de la Nuit-de-Shiva, Mahâ-shiva-râtri.

Comme les éclipses et les équinoxes, ce moment est spécialement propice à l'éveil de la conscience.

Venez vivre ce temps en vous initiant à la pratique du Mantra à Paris, 
pour une journée à part, un temps hors du temps et des activités ordinaires,
temps de récolte de bienfaits qui se répandront sur nos vies quotidiennes.

Pendant cette journée de pratique et de célébration simple, accessible à tous,
nous partagerons les points essentiels du Mantra selon la tradition
du shivaïsme du Cachemire.

Pour plus d'infos, cliquez sur ce lien.



Mais qu'est-ce que la Nuit-de-Shiva ?
Le sens profond de ce mystère est la disparition du soleil et de la lune dans l'immensité de l'espace - conscience qui se connait elle-même par elle-même. 
Soleil et lune sont l'expir et l'inspir. En se recueillant sur leurs intervalles, ils s'amenuisent, "se couchent", et le prodige du silence conscient se déploie. Le souffle oublié, le temps suspendu, la Mort se meurt, dévorée par le feu de la présence atemporelle. Outpaladéva dit :


Quand le soleil se couche
avec la lune et tout le reste,
le mystère de la Nuit-de-Dieu
s'élève dans sa gloire : claire lumière
brillant de son propre éclat. 
Hymnes, IV, 22

Kshémarâdja, un maître du début du XIè siècle, explique :

""La Nuit-de-Dieu, mystérieuse, est au-delà de ce monde. Elle est le domaine où l'on se laisse posséder par Dieu. Elle est une nuit : elle est comme la nuit puisqu'elle est résorption de toutes les manifestations de l'illusion (de la dualité). Comment la décrire ? Comme une lumière qui s'éclaire elle-même, comme le déploiement de la Lumière de la conscience, elle dont l'essence est d'illuminer. 
Le soleil est la toute première manifestation du monde phénoménal, le souffle expiré. La lune est le souffle expiré; Avec tout le reste, le soleil se couche, s'apaise. 
Ou encore, le soleil est la lumière des moyens de connaissance (tels que la perception, l'inférence et le témoignage valide). La lune, etc., ce sont les objets."

vendredi 10 février 2017

Le shivaïsme du Cachemire est-il relativiste ?

Si la liberté est avant tout, faut-il admettre que tout est relatif ?
Même si l'Absolu n'est pas relatif, le reste - tout - est relatif.
De plus, comme l'Absolu transcende les concepts, nous ne pouvons construire de concept de vérité, par exemple. Nous inclinons alors vers le relativisme.

Ce problème se pose à chaque fois que l'on envisage un absolu qui dépasse les concepts.



Descartes, par exemple, loin d'être un pur rationaliste, a l'intuition d'un Dieu qui est au-dessus de la Raison. Par conséquent, Dieu crée les vérités qui sont, pour nous, "éternelles". Ce qui, pour nous, est nécessaire, est pour lui contingent. Cela aurait pu être autrement, ou ne pas être du tout. Dieu aurait pu, s'il l'avait voulu, faire que 2 et 2 fassent 5, ou que la somme des angles d'un triangle (sur un plan) soit supérieure à 180°.

Or, dans le shivaïsme du Cachemire, dans la philosophie de la Reconnaissance, nous sommes face à une position analogue. La Volonté ou Désir (icchâ en sanskrit) est antérieure à la connaissance.
Comme Descartes, Outpaladéva, le principal philosophe de cette école de la Reconnaissance, donne certes une place importante à la raison (tarka, vicâra) et aux idées (dhî), parce que, "au plan de la dualité", de la matière, la logique est un outil efficace pour atteindre nos buts. Reste que Dieu, ici nommé Shiva, identifié à la conscience souveraine (shakti), précède l'intellect. L'intellect est dérivé de la volonté, et non l'inverse.

Essayons d'être clairs : il existe deux grandes familles de philosophies à cet égard.

D'un côté, les philosophies qui pensent que la volonté est subordonnée à l'intellect. Ce dernier voit, et la volonté tend à s'unit aux objets de la vision intellectuelle, comme le Vrai, le Beau, le Juste, etc. Platon illustre cette approche intellectualiste. 
Il s'ensuit que, pour ces philosophes, la volonté, le désir, l'énergie, le corps, etc. doivent s'aligner sur l'intellect. L'amour est guidé par la connaissance, qui est première, et qui nous relie à l'absolu. Le cognitif est appelé à régner sur l'affectif. C'est cela, la sagesse - "maîtriser ses passions". Le salut vient de la connaissance, car tout s'ordonne à la connaissance, à la vision que l'on a, aux représentations que l'on nourrit. En accédant à une connaissance de plus en plus pure, l'énergie s'affine et s'harmonise. C'est  une philosophie optimiste. 
Dans le courant néoadvaïta, Jean Klein assurait que, quand l'intellect a formé la vision juste, l'énergie se réorchestre et tout s'harmonise. "Tôt ou tard", selon son expression. Il existe donc un Absolu qui est vérité, et qui sert de Norme originelle dont dérivent toutes les normes humaines, qui déforment plus ou moins cette Vérité primordiale, atemporelle, et qui dépasse les concepts mais qui se reflètent plus ou moins en eux, dans nos actes et dans les formes matérielles. La Beauté a alors sa place, la Justice aussi, et ainsi de suite. Même si nul intellect humain ne pourra jamais posséder la Vérité, ils peuvent s'ouvrir à sa Lumière et la refléter dans le monde par des discours véridiques. 

De l'autre côté, il y a les philosophies qui placent la volonté à la source de la connaissance, en amont des représentations de l'intellect. Cette "volonté", ou énergie, peut aussi être conçue comme Inconscient, comme Volonté aveugle, force de la Nature, instinct, ou encore comme pure énergie divine. Dans la spiritualité, les franciscains sont de ce côté : pour eux, l'amour précède la connaissance, la volonté mène au salut, volonté comprise comme organe de l'amour, comme cœur. L'intellect est dérivé, second , voire superficiel. 
Même chose pour ceux qui pensent que le corps, les émotions, ou autre équivalent, existent "avant" les représentations conscientes et conditionnent ces dernières, comme quand on croit parler librement alors que l'on parle sous l'effet de la colère, par exemple. L'absolu - corps, matière, inconscient, énergie sauvage, pure liberté ou volonté souveraine - est la source de tout. 
Donc il n'y a pas de Vérité première, pas de Norme originelle dans laquelle l'entendement humain puisse s'ancrer. Tout est contingent : "il est vrai que..." mais il aurait très bien pu en aller autrement, ou il peut en être différemment dans un univers parallèle. Dans ce cas, toute vérité est relative. Il y a une cohérence, certes, mais les axiomes de départ sont arbitraires. Ils sont créés par l'absolu, mais ne font pas corps avec son être.

Or, si telle est la pensée de la Reconnaissance sur ce point, alors toute vérité est relative, relativement à l'absolu absolument libre.
Et certes, la Shakti de volonté, "impulsion pré-cognitive" selon l'expression d'Alexis Sanderson, précède la connaissance, la lumière de la claire représentation, de la pensée articulée.

En même temps, il y a bien un absolu.
Mais l'absolu, cette Vie sauvage, indomptable, transcende tous les concepts dont elle est la Créatrice. Pulsation consciente, elle crée davantage comme un enfant capricieux que comme un architecte raisonnable.

D'où le sentiment ambigu que l'on peut retirer de la philosophie - tantrique ! - de la Reconnaissance. Il y a de la pensée, de la rationalité, mais finalement, tout tient à la grâce, autre nom de la souveraine liberté consciente (mais consciente en un sens bien particulier), tout est suspendu à cet élan créateur, à cette extase à jamais vierge de toute structure ou définition. La Raison est seconde, fruit d'une énergie supra-rationnelle. La conscience est une Déesse "inaccessible" (durgâ), "vierge" (kumarî), "sans essence propre" (nihsvarûpa, expression typiquement bouddhiste, reprise par le shivaïsme du Cachemire), dont tout l'être consiste précisément à n'être enfermé dans aucun être, fut-il infini comme l'espace.

Du reste, Outpaladéva commence son poème de la Reconnaissance (Îshvara-pratyabhijnâ) par un hommage clair et net à la grâce, à la liberté de la conscience. Au seuil de cette oeuvre immense, ardue, technique, ratiocinante parfois, son auteur confesse ainsi que la Raison ne l'a point conduit à sa réalisation du Souverain Bien. Bien plutôt, il évoque un "je-ne-sais-comment" (katham-cit) indéterminé qui renvoie au mystère de cette liberté antérieure à toute Loi. La place de la philosophie subsiste, mais seulement parce que Dieu peut librement vouloir que tel individu soit délivré ainsi, par l'exercice de la pensée, justement parce Dieu peut tout. Mais non pas parce que Dieu serait soumis à une quelconque forme de rationalité. Il joue à s'y soumettre, librement, de même que tout est jeu pour Dieu. "Les points de vue philosophiques sont des personnages qu'il joue", dit Kshémarâdja.
Dès lors, il est juste qu'Outpaladéva ai chanté, dans des Hymnes flamboyants, la puissance incomparable de l'Amour, sa supériorité sur la connaissance, le yoga et les rites.
Les lecteurs intéressés pourrons lire une traduction de ces poèmes, à paraître aux éditions Arfuyen à l'automne 2017.

Le shivaisme du Cachemire, en ancrant toutes les vérités dans un absolu qui leur est antérieur et qui n'est donc pas déterminé le moins du monde par elles, présente des prédispositions au relativisme. 

jeudi 9 février 2017

Emerveillement

La Méditation de Shiva est la pratique centrale du shivaïsme du Cachemire.
On médite les yeux et la bouche grandes ouvertes, comme Bhairava,
la forme ésotérique de Shiva.
On nomme cette attitude, à la fois externe et interne, 
"Geste secret", 
"Geste de l'émerveillement" 
ou encore "Geste du baiser".



Djayaratha décrit ainsi cette attitude qui emporte spontanément vers la plénitude de l'émerveillement qui est notre essence véritable :

Les yogis (plongés en cette méditation paradoxale) font l'expérience d'un émerveillement extraordinaire, d'une délectation hors du commun : bien que (cette méditation) consiste donc en dualité (puisque les cinq sens sont grands ouverts au monde), elle est l'aube de la non-dualité.... C'est cela, et cela seulement, la suprême expansion (de conscience) pour les yogis : être dans la non-dualité, tout en étant dans la dualité ! 

Discernement de la Lumière des tantras V, 126

mardi 7 février 2017

Lumière des lumières

La connaissance libératrice est la connaissance de l'essence.
Qu'est-ce l'essence d'une chose ?
Elle est ce sans quoi cette chose n'existerait pas, ne serait pas possible.

Or, quelle est l'essence de tout, sans laquelle rien ne serait possible ?
La Lumière-conscience, la Lumière présence, en laquelle tout passe sans qu'elle-même ne passe.
En laquelle tout commence et tout finit,
sans qu'elle-même ne commence ni ne finisse.
En laquelle tout change,
sans qu'elle-même ne change.



La Lumière qui jamais ne se couche,
qui éclaire à la fois les lumières de ce monde - nos expériences de l'état de veille -
et ses ténèbres - les états d'inconscience, d'évanouissement, de sommeil...

Elle est toujours déjà "réalisée", sans quoi rien ne se réaliserait.
Elle est la Preuve des preuves.
Sans elle, le néant lui-même ne serait pas néant.

Comme dit Abhinava Goupta :

Si la Lumière-conscience n'existait pas,
qui donc serais-je ?
Existerais-tu, toi ?
Ou bien tout ne serait-il que ténèbres ?
Ou alors, est-ce que rien n'existerait ?
Ou même, comment le monde 
pourrait-il n'être rien (sans la Lumière pour éclairer ce "rien") ?

Commentaire sur le Tantra de la Déesse de la Parole, I, 83

La conscience, cette Lumière immédiate, intime, omniprésente, est donc l'essence.
C'est elle qu'il faut reconnaître.
Cachée par sa proximité, elle est l'essence universelle,
la substance de tout,
ce sans quoi l'inconscience elle-même serait impossible.
Elle est la lumière qui illumine tout.
Elle s'illumine en irradiant les noms et les formes,
allant se cacher dans sa manifestation,
Déesse experte en l'art du paradoxe.

vendredi 3 février 2017

La plénitude est-elle à l'intérieur ou à l'extérieur ?

La vie spirituelle, "intérieure", n'est pas seulement intérieure.
Elle coule de l'intérieur vers l'extérieur, 
puis de l'extérieur vers l'intérieur,
en un cycle sans fin.



D'abord, je ne vis que dans l'ego, entièrement identifié à ma personne humaine.
Je vis seulement à l'extérieur, à la surface de moi-même.
Puis je m'éveille au "je" profond, à cette Présence indicible
qui précède tout, qui est l'intérieur de toute chose, 
et comme l'âme de tout.
Ensuite, je reviens à l'extérieur, 
mais à la lumière de l'intérieur.
Le retour du quotidien n'est pas un retour en arrière,
mais un progrès, car le corps et le monde apparaissent
davantage dans leur vérité divine.

Il y a un balancement 
entre l'extérieur - mon moi humain,
et l'intérieur - mon essence divine.

Il n'y a pas à choisir entre l'un et l'autre.
Les deux s'éclairent, se nourrissent, 
s'enrichissent mutuellement.
Sans mon humanité, je ne pourrais faire l'expérience de la vie,
je ne serais qu'un espace vide, une sorte de néant.
Sans ma part divine, rien ne serait possible non plus,
et la vie ne serait, au mieux, qu'une souffrance absurde.

Les deux sont importantes.
On ne peut vivre sans individualité,
on ne peut vivre sans divinité.

Dans la tradition du Cachemire, la tradition du Coeur de la yoginî,
cette intuition s'exprime dans la méditation de Shiva :

"L'attention (à la fois)
vers l'intérieur et vers l'extérieur,
nous savourons l'ultime (réalité, le Coeur de la Yoginî)."

Le maître Djayaratha explique :

"Même engagé dans telle ou telle activité extérieure, (les yogis) font l'expérience d'un incroyable émerveillement, un miracle extraordinaire, car (ces activités extérieures) reposent purement et simplement dans leur Soi, (dans la conscience)."

Extrait du Discernement de la Lumière des tantras V, 126 
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