mercredi 22 novembre 2017

La Réalisation de notre conscience - verset XII

Suite de La Réalisation de notre conscience (Sva-bodha-siddhi), poème tantrique
du shivaïsme du Cachemire attribué à Bhoûti Râdja, maître célèbre 
dans la tradition de la Déesse (devi-naya, aussi appelée kâlî-krama, mahâ-artha, etc.).


Je remets d'abord les onze premiers versets, pour mémoire.
L'auteur y répond à la question "Comment atteindre la quiétude
intérieure propre aux yogis, paix qui se traduit
par une douceur extrême de la respiration et un parfait silence intérieur ?"
Il répond qu'il suffit de retourner son attention vers la conscience,
de retourner la conscience sur elle-même,
comme une lumière réfléchie.
Car la conscience tournée seulement vers les choses est le "mental",
source de souffrance. La conscience - ce que nous sommes réellement -
devient alors victime de ses propres énergies. 
Mais quand la conscience se retourne vers elle-même,
elle se libère elle-même par elle-même :

Je salue Dieu
qui offre l'indépendance,
pleine de tout ce qui est beau et bon,
et qui révèle la disparition de tous les chemins,
qui guéri de tous (les maux) de l'existence ! 1

Je célèbre Dieu, cet être transcendant,
affranchi de toute angoisse
engendrée par la croyance (âvesha)
en une doctrine,
lui qui est connaissable
en tant que notre conscience,
établi en soi,
présent comme notre Soi. 2

Hommage soit rendu à Dieu
qui tranche le filet des constructions imaginaires
et qui arrête les flots du doute,
hommage à lui qui est au-delà même
de l'état de félicité ultime. 3

Gloire aux empreintes de Dieu,
source des chemins du samsâra,
- aussi interminables que vains -
empreintes qui sont la cause
du plein éveil de la connaissance de l'indépendance. 4

Le mental, l'intellect,
les souffles, les sens,
les organes, la vie
le voient, mais s'en reviennent bredouille :
adorons cet Adorable ! 5

Je salue la pure conscience,
seule capable d'accorder la grâce
de trancher le nœud du cœur
en forme de "moi" et de "mien",
elle qui dévore à la fois ce qui bouge et ce qui est immobile (spanda-aspanda). 6

Comment dire l'être
sur lequel on ne sait rien ?
Comment le transmettre,
si on le réalise par sa propre expérience,
comme sa propre conscience (seulement),
grâce à l'enseignement du yoga et de la connaissance,
pour qui il n'y a plus de mouvement du souffle,
(même) à l'intérieur ? 7-8a

(Et pour qui) est privé de l'égalité des souffles,
comment ce Bien souverain serait-il obtenu ? 8b

Le moyen d'atteindre ce qui est digne de l'être,
le voici :
faire attention à notre conscience.
Grâce à cette attention à sa conscience,
le sage reste sans séparation (dans la pure conscience). 9

Il n'y a pas d'autres moyens que
d'être attention à notre être.
C'est en se concentrant sur lui
que le yogi, reposant en soi,
deviendra heureux. 10

Le sage atteint cette unité de conscience,
ininterrompue,
a) en se décidant une bonne fois pour toutes,
b) en s'abandonnant à la transparence de l'expérience,

et c) en goûtant à la joie suprême. 11

Maintenant le verset suivant :

Quand le yogi repose dans le Possesseur de la Shakti,
en relâchant sa propre imagination/ ses intentions,
il atteint ce qui doit l'être :
l'unité de Shiva et Shakti. 12

Le "Possesseur de la Shakti" est Shiva. 
Dans l'expérience évoquée ici, Shiva est notre essence indicible,
au-delà de toute expérience.
Notons que le plus souvent,
dans les enseignements de cette tradition,
Shiva est simplement décrit
comme Shakti suprême,
car c'est une tradition "de la Déesse" (shâkta),
sans presqu'aucune référence à Shiva.

Mais alors, comment se connait-on soi-même ?
A travers l'expérience, à travers Shakti.
C'est par Shakti que Shiva se connait soi-même.
C'est par la conscience que le Mystère se réalise.
Mais comment atteindre cette expérience ?
Car d'ordinaire, notre Shakti ne nous réalise pas,
elle nous égare :
nous sommes perdus dans nos pensées.
La solution consiste à relâcher les pensées,
l'imagination (nirgrihîte svasamkalpe).
"Imagination" peut aussi désigner les intentions,
car dans toute imagination (ce qui inclut les souvenirs
et toutes les évocations mentales),
il y a une intention, une énergie sous-jascente,
un attachement, diraient les Bouddhistes
(et ce texte est profondément influencé par le bouddhisme).
Nous sommes invités à relâcher, 
à ne plus saisir ce qui se présente,
à laisser l'énergie, à tous les niveaux,
se détendre, comme des bulles qui éclatent.

Et alors, "Shiva et Shakti" s'unissent :
l'énergie se fond dans l'espace,
comme des volutes d'encens.
Nous ressentons les pensées et tous les mouvements
comme des mouvements dans l'espace-conscience,
comme des vagues dans l'océan :
les vagues (Shakti) et l'océan (Shiva) ne sont plus séparés,
il sont un.

Le reste est clair.

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