vendredi 26 janvier 2018

Un rien de temps suffit

La vie intérieure se nourrit de touches brèves, mais répétées.
Ce sont des actes purement intérieurs de silence,
où simultanément l'âme se jette dans la mer divine
comme une onde qui aspire à la parcourir
à l'infini, sans jamais n'être rien autre que cette mer.


La brièveté de cet acte est décrite chez plusieurs mystiques.

Ainsi le Nuage d'inconnaissance :

"Un rien de temps, aussi petit soit-il, et le ciel peut être gagné et perdu....
Aussi donne toute ton attention à cette oeuvre, et à sa merveilleuse manière,
intérieurement, dans ton âme.
Car pourvu qu'elle soit bien conçue,
ce n'est qu'un brusque mouvement,
et comme inattendu,
qui s'élance vivement vers Dieu,
de même qu'une étincelle du charbon.
Et merveilleux est-il de compter les mouvements qui peuvent,
en une heure,
se faire dans une âme qui a été disposée à ce travail.
Et pourtant il suffit d'un seul mouvement entre tous ceux-là,
pour qu'elle ait,
soudain et complètement,
oublié toutes choses créées?"

(Nuage, chapitre IV)

Et Catherine de Gênes :

"L'amour qui est Dieu même,
instantanément et sans intermédiaire 
découvre sa fin et son repos suprême."

(Vie de C. de Gênes chap. III)

L'ermite Jeanne de Cambry décrit la jouissance de Dieu
jusque dans les œuvres extérieures :

"Or ceci se fait par une nudité et un délaissement
de toutes ses propres opérations et recherches trop actives...
[L'âme] vient à s'écouler 
jusqu'au plus profond abîme de son néant. 
Et lors au moment que l'âme et ses puissances sont anéanties,
par cette profonde humilité,
cet esprit, partie suprême de l'âme,
vient à s'envoler plus vite
qu'un éclair,
ou plus que le rayon du soleil,
jetant sa brillante lumière en quelque lieu
lorsque les obstacles en sont ôtés.
Ainsi donc cet esprit vient à s'envoler à l'union de son Dieu,
retournant à lui comme à son centre.
Car Dieu est vraiment le centre de notre âme..."

(Traité de la ruine de l'âme, livre III, chap. XVIII, éd. de 1645)

Enfin, Bernardino de Laredo :

"Surmontant le créé et sortant de lui,
l'âme va à Dieu par une élévation d'esprit subite et instantanée ;
elle ne demeure en chemin pas plus longtemps
que la paupière de l’œil ne prend à cligner,
à la façon d'un rayon du soleil,
lequel à l'instant qu'il naît à l'orient
arrive e, occident.
Ainsi doit faire l'âme qui en un instant
élève l'esprit par la voie de l’aspiration,
laquelle est plus légère et momentanée 
que le rayon même du soleil."

(Ascension du mont Sion, traduit par D. Tronc, Expériences mystiques, vol. II, p. 252)

Ainsi l'âme plonge en ce geste,
à la fois actif et passif.
Puis elle se laisse emporter par son écho,
comme le regard, qui suit la ride sur une eau calme,
va se perdre là où
cette onde se perd.

vendredi 19 janvier 2018

D'abord...et après

Au commencement, maintenant, limpide étendue.
Silence net comme après l'orage.
Intervalle entre deux pensées,
nudité atemporelle,
fraîche et simple.


Dans la tradition du shivaïsme du Cachemire, c'est Shiva.
Non pas Shiva Dieu, l'absolu.
Mais le premier instant, ou l'instant zéro, appelé Shiva
car en lui prédominent les qualité de Shiva,
pure présence, pure conscience sans dualité, 
indifférenciée.

Un anonyme du shivaïsme du Cachemire le décrit ainsi :

yadayamanuttaramūrtir nijecchayākhilamidaṃ jagatsraṣṭum /
paspande sa spandaḥ prathamaḥ śivatattvamucyate tajjñaiḥ // 1

Quand cette incarnation absolue
se mit à frémir,
selon son désir,
pour créer le monde dans l'extase,
alors cette première vibration
est appelée "plan de Shiva"
par ceux qui la connaissent.

Un frémissement de glace.
Un bloc intangible,
insécable,
"incarnation absolue", sans égale, an-uttara, sans réponse, sans questions ni réponses,
sans relation. 
Une cristallisation parfaitement fluide, mûrti; un évanouissement aussi,
de tout le différencié. L'instant zéro. Mais c'est déjà frémissement.
Le mouvement n'est pas un accident. Il n'arrive jamais,
car il survient toujours, texture même de l'immobile.
Déjà désir, mais latent. Déjà extase, mais cachée dans la plénitude.
C'est l'expérience du silence intérieur absolu.
Comme un pare-brise entre deux coups d'essuie-glace.
Comme entre deux pensées.


Puis, simultanément, au même instant,
le second moment, le premier instant :
Shakti, puissance, pouvoir, acte d'être, extase, sortie, ravissement, désir, poussée,
montée, croissance, expansion, dilatation.
Une sortie qui fait rentrer.
Pure volonté sans objet,
pur élan ou le moyen est le but,
jaillissement de désir où le sujet et l'objet ne sont pas séparés.
On le sent au premier moment d'un choc émotionnel,
d'un mouvement. Avant toute bifurcation,
à l'aube des possibles.

L'anonyme du Cachemire décrit ainsi cet instant
qui resurgit à chaque instant :

icchā saiva svacchā satatasamavāyinī satī śaktiḥ /
sacarācarasya jagato bījaṃ nikhilasya nijavilīnasya // 2

Le (plan de) Shakti
est cette volonté limpide
qui ne fait qu'un  (de la conscience),
et qui est la source du monde,
des êtres vivants et des minéraux,
qui sont cachés en elle. 2  

 Volonté, désir, icchâ.
Limpide, l'objet du désir est infini,
indifférencié du désir.
"Qui ne fait qu'un avec l'immensité",
satatasamavāyinī satī,
littéralement "faisant un seul tout et étendue",
ou quelque chose comme ça.
"Source du monde", jagato bījam,
graine qui contient en elle le tout.
Il n'y a pas création d'un monde séparé,
mais différentiation interne en croissance infinie.
Le monde grandi comme la pâte d'un gâteau qui gonfle.
Et Shakti est cette expansion,
prise en son jaillissement recommencé à chaque instant.
C'est l'expérience de chaque instant.

Car le shivaïsme du Cachemire
n'est pas une mythologie,
ni une métaphysique.
Chaque affirmation, si ésotérique soit-elle en apparence,
renvoie à une expérience banale, mais négligée.
Cette approche est "non duelle" parce que le but
est présent en chaque instant.
L'essentiel est de le reconnaître,
d'en faire l'expérience pleinement,
au lieu de vivre à demi endormi.

Le "plan" (tattva, dashâ, avasthâ) suivant,
est celui de Sadâshiva.
C'est un retour à Shiva, mais avec la manifestation présente,
cette fois. Le monde a émergé et il est désiré au moment de Shakti, il est perçu en Sadâshiva.
L'expérience de Sadâshiva est l'expérience de la méditation de Shiva : les yeux et les autres sens grands ouverts,
tout est perçu, mais sans commentaire intérieur,
dans le silence et la fraîcheur, 
comme un enfant regarde un tableau.

Le plan suivant est celui du retour à l'action, vers le désir, mais plus différencié.
C'est Îshvara, l'expérience du bouillonnement de l'énergie dans l'action. Par exemple, dans un supermarché, quand on coure, quand on parle vite...

Enfin, il y a comme un retour à l'équilibre au cinquième et dernier niveau, celui de la Science, Vidyâ, sorte de synthèse des deux moments précédents.

On voit donc un schéma émerger :
Shiva - pure perception
Shakti - pure émotion
Sadâshiva - perception du monde dans l'unité - thèse
Îshvara - désir/action dans l'unité - antithèse
Vidyâ - vie unifiée - synthèse

Comme un balancement de toutes les énergies, 
de l'intérieur vers l'extérieur,
de la connaissance vers l'amour,
perception, désir et action.
Mais un seul acte,
une seule vague de félicité.

Ensuite, une rupture peut se produire.
C'est le cas chez la plupart d'entre-nous.
Le monde n'est plus perçu ni désiré
sur fond d'unité.
L'unité est mise de côté, oubliée spontanément.
C'est la dualité pour la dualité,
le pouvoir de Mâyâ prédomine.
Mâyâ était présente avant, car il y avait un monde,
une dualité.
Mais cette dualité était vécue sur fond d'unité.
Une seule présence, un seul être,
à travers une infinité de portes, d'yeux et de bouches.

A chaque instant, un retour est possible.
Chaque moment d'expérience est un appel
à l'éveil, à la conversion.

C'est pourquoi Abhinava Goupta,
maître célèbre du shivaïsme du Cachemire,
affirme que tout est contenu dans ces deux premiers instant, Shiva et Shakti.

Le texte traduit plus haut est le Ṣattriṃśattattvasaṃdoha,
publié avec le commentaire du "poète Félicien" (Ânanda kavi).

lundi 15 janvier 2018

La conscience peut-elle être sans volonté ?

On pourrait
décrire notre essence
comme un ciel immuable
dans lequel
passent les choses, tout,
comme des nuages.


La question est : qu'est-ce qui est ciel, qu'est-ce qui est nuage ?

Partant de la dualité ciel-nuage implicite dans cette comparaison,
je me demande si la volonté est ciel, ou nuage.

Ma volonté est-elle mon essence,
ou n'est-elle qu'un accident ?

La conscience est mon essence, car elle est toujours présente.
De fait, la conscience est présente en toute expérience
car elle est l'expérience elle même.
Conscience est synonyme d'expérience.

Donc la conscience n'est pas une chose ou un contenu parmi d'autres
de mon existence.
Elle est la texture de mon existence.
certain dirons qu'elle en est la "condition de possibilité".
En clair : sans elle, rien.
 Impossible de la nier, car la nier, 
c'est encore grâce que je le fais.
Pas de nuages, si sombres soient-ils, sans ciel.

Mais ma volonté ?
Est-elle ciel, est-elle nuage ?
Est-elle un fait, donné immédiat comme la conscience ?

Je trouve que oui.
Quand je me ressaisi directement,
je me découvre comme conscience, certes,
mais comme conscience inséparable de la volonté.
Conscience est synonyme de volonté.

Car tous les arguments pour la conscience comme essence
sont valable pour la volonté.

En effet, si je prends, a priori, 
ma volonté pour un contenu qui va et qui vient au sein
de l'espace de ma conscience, comme une mouche,
c'est parce que je la confond avec ses objets.

De même que la conscience a un contenu,
la volonté a un contenu.

Je crois que la conscience change parce que je la confonds avec tel ou tel objet.
Je crois que la volonté change parce que je la confonds avec tel ou tel objet.

Mais une conscience du bleu n'est pas bleue.
La conscience du changement ne change pas.
Une volonté de bouger ne bouge pas, de même.

Comment faire l'expérience de la conscience ?
En retournant la conscience sur elle-même,
immédiatement, spontanément.
Comment faire l'expérience de la volonté ?
En retournant la volonté sur elle-même,
immédiatement, spontanément.

La conscience pure
est la même essence
que la volonté pure.

Cette conscience-volonté,
j'en fais l'expérience nue
entre deux pensées, entre deux élans.
Car il n'y pas pas de pensée sans volonté,
de même que conscience pure et volonté pure sont synonymes.

Dès lors, désir, volonté, souhait, penchant, instinct, élan, vélléité
sont autant de synonymes de la conscience,
distingués seulement selon le contenu visé.

mais quand on abstrait tous les contenus,
il n'y a qu'une seule et même expérience, volonté et conscience inséparables.

Cet élan pur, j'en fais l'expérience brute
quand je laisse cet élan remonter à sa source.
La source de la volonté n'est pas absence de volonté,
mais volonté sans objet différencié.
C'est une volonté qui veut tout.
De même, la source de la conscience 
n'est pas une absence de conscience,
mais une conscience pure,
conscience de tout,
mais sans différenciation.
Élan global.
Vision panoramique.

Comme le premier coup d’œil à un paysage, 
sur un tableau, quand j'embrasse un regard.
Il n'y a encore nulle distinction.
Une seule vision.
Et une seule volonté.

Et cette conscience-volonté,
j'aime aussi l'appeler acte, ou extase.

Et j'en fais l'expérience directe aussi
quand je me souviens d'une urgence ;
quand j'apprends une mauvaise nouvelle - ou une bonne ;
à chaque fois que je suis interrompu dans mon bavardage intérieur
- quand mon élan, l'élan que je suis, qui est tout, apparaît à vif.
Chacun découvrira plein d’expériences semblables.
Des moments.

Mais on me demandera peut-être :
- Comment connais-tu cette volonté ?
- Comment sais-tu qu'elle est universelle, comme la conscience ?

Je répondrai :
les doutes et leurs solutions sont les mêmes
que pour la conscience !

- Comment sais-tu que tel autre est conscient ?
Tu le devines, parce que, même partiellement ou confusément,
tu reconnais que la conscience en l'autre et ta conscience, c'est une seule et même conscience.
- Et tu le devines comment ?
Par le mouvement corporel et, spécialement,
par la parole. Pas seulement celle de la bouche, mais aussi celle du visage,
de la face entière.
Ainsi - miracle ! - la conscience volonté qui ne peut devenir objet, 
devient objet, ineffablement. 
Parce que vraiment, c'est ineffable, cette reconnaissance.
Sinon, comment expliquer l'amour ?
Même conditionnel, même égoïste...
D'ailleurs, même si tout amour est égoïste, n'est-ce
pas l'Ego, le Soi, que l'on aime toujours ?
Au-delà des différences, par-delà le voile de Mâyâ ?

- Comment sais-je que tu es conscient ?
Parce que je le devine !
- Comment sais que tu est volonté ?
Parce que je le devine !
- Comment ?
Par les mêmes signes !

Je serais même tenté de dire que je le sens,
pour signifier combien c'est indifférencié.

Même unité, dans les deux cas.
C'est donc la même essence.
Conscience, volonté : une essence.

- Mais la volonté est localisée dans le corps !
Ni plus ni moins que la conscience.
Les objets de conscience sont localisés.
Pas la conscience.
Or il en va de même pour la volonté.
Parfois, et comme la conscience, elle se concentre
en tel ou tel espace, comme le cœur, la poitrine, la colonne vertébrale,
les entrailles... Mais elle reste omniprésente.
La lumière du ciel, même si elle est concentrée par une loupe,
n'en reste pas moins infuse partout. De même pour la volonté !

- Mais pourquoi, alors, parle-t-on de la conscience partout,
et de la volonté (presque) nulle part ?
Parce que la conscience est plus proche de la vision,
sens prédominant, pour des raisons à la fois naturelles et culturelles.
Si nous n'avions pas d'yeux...

- Mais alors que signifie une conscience sans volonté ?
C'est une formule pédagogique.
Une conscience sans volonté, 
c'est simplement une conscience sans volonté différencié,
fixée sur un seul objet à l'exclusion des autres.
Ici comme ailleurs, il en va exactement comme pour la conscience.
Et pour une excellente raison : la conscience, c'est la volonté !
Un seul acte, une seule activité,
décrite différemment,
comme un cristal transparent posé successivement sur du bleu et du rouge.

Mais l'habitude de parler seulement de la conscience
n'est qu'une habitude. Il y a des alternatives,
importantes pour une vie intérieure pleine et entière.
Voilà pourquoi j'y reviens régulièrement.
Tout cela est simple et accessible.
Le trésor est là. Il ne demande qu'à être aimé.

jeudi 4 janvier 2018

Semaine méditation - été 2018

Une semaine de méditation
avec David Dubois


du 9 au 15 juillet 2018
dans un domaine de nature
Cliquer pour voir le lieu : 

Une semaine de méditation guidée
dans un magnifique dôme en bois
et dans la nature préservée de la Drôme

Apprentissage et pratique de la méditation
dans une approche ouverte
inspirée par le shivaïsme du Cachemire.

Des séances de méditation courtes
sans postures obligatoires
accessibles à toutes les conditions.

Nous explorerons deux approches complémentaires :
Le silence intérieur, la contemplation de l'espace, méditation de Shiva
La vibration du cœur, méditation sur la force intérieure, méditation de Shakti
Connaissance et amour

Libres de tout dogme
à l'écoute de l'intérieur
nous nous nourrirons de deux témoignages
simples et puissants 
miroirs de l'âme contemplative :
Les Soûtras de Shiva
Les Soûtras de Shakti

Ces deux approches sont complémentaires et 
toutes les deux vitales 
pour une vie spirituelle équilibrée
sur le long terme.
On les retrouve, sous différentes formes,
dans toutes les traditions intérieures,
car l'expérience essentielle est une,
mais exprimée de mille manières,
à l'image d'un diamant à mille facettes.

David Dubois a vécu en Inde de nombreuses années
où il a étudié la méditation et le shivaïsme du Cachemire
auteur d'une vingtaine d'essais et de traductions
Pour aller plus loin :

Tarifs : 
449 euros pour la pension complète
490 euros pour l'enseignement

Informations :
deven_fr@yahoo.fr
06 03 33 05 58



lundi 1 janvier 2018

Gnostique ?

Le tantrisme est-il gnostique ?


Pour répondre à cette question récurrente, il faudrait d'abord 
définir le gnosticisme, tâche notoirement difficile.

Selon le christianisme, la gnose est une sorte d'hérésie,
une variante du christianisme et, plus profondément,
un modèle qui peut inspirer et séduire à travers les siècles.
Ce ne serait pas seulement un mouvement religieux
daté historiquement,
mais un type de doctrine du salut.
Ce type serait l'idée du salut par la connaissance,
une connaissance ésotérique..

Cette définition me semble trop large,
car toute doctrine offre un salut par la connaissance,
plus ou moins réservée à une élite.
Nulle secte ne prône l'ignorance pure et simple,
et toute doctrine est élitiste,
même le thomisme.
De plus, quand on regarde les textes gnostiques,
on s'aperçoit que la connaissance qu'ils proposent
est plutôt une foi en des mythes et des rites.
Avec des mantras, même.
Pas vraiment une connaissance.
Et quand connaissance il y a, c'est du platonisme.

Mais alors, où se trouve la différence ?

A mon avis, elle est la suivante :

Est gnostique toute pensée qui place 
le Mal entre le Principe et le Monde.

Est non-gnostique toute doctrine qui place
le Mal après la création du Monde.

Cette différence de placement est cruciale.
Elle décide du statut de l'Homme et du Monde.
Donc aussi de la Nature, du Corps, du Désir et de la Femme.

Le propre d'une vision gnostique,
c'est d'affirmer que le Mal est intervenu avant même
la création du monde.
Alors que dans la doctrine chrétienne commune,
le Mal est intervenu après la création.
La création est donc bonne, à l'origine.
C'est seulement ensuite qu'elle est contaminée.

Or, on peut ainsi questionner les doctrines non-chrétiennes :
Où situent t-elles le Mal ?
Avant ou après le Monde ?
Avant ou après l'Homme ?
Avant ou après l'Individu ?

Les réponses peuvent s'avérer très inintéressantes.

Selon le Kevala-advaita de Shankara, le Mal est l'ignorance.
Or, l'ignorance intervient entre le Principe et... tout le reste.
Il s'agit donc d'une pensée gnostique : la présence du mal est originaire
et elle jette le soupçon sur absolument tout.
Dès lors, il n'est même pas possible d'envisager ne serait-ce qu'une
expérience bonne et belle/
Rappelons que, pour Shankara, même la "liberté en cette vie", une vie éveillée,
n'est pas réellement possible. C'est un compromis,
et seule la mort est le véritable salut.

Pour le tantrisme en revanche, la situation est différente.
Car le Mal - l'ignorance - intervient après l'apparition du monde
et de l'individualité.
Ainsi, le shivaïsme décrit cinq plans de conscience
où l'individualité et la dualité (donc le monde) apparaît,
mais sans ignorance.
Cette ignorance apparaît ensuite seulement, sous la forme de Mâyâ,
l'oubli de l'unité. Et c'est alors que le samsara apparaît, le monde
de souffrance dans lequel nous sommes jetés.
Mais il y a une complication : selon le gnosticisme,
il existe aussi un monde avant le notre,
c'est le Plérôme, monde de la plénitude divine originelle.

La question, au fond, est de savoir s'il peut exister
un "monde parfait" ou pas.
Et si notre monde est plutôt bon, ou plutôt mauvais.
En fait, il est impossible de trancher la question de façon simple,
même pour le tantrisme.
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