dimanche 31 décembre 2017

La conscience est-elle libre ?

La conscience est la condition du libre-arbitre.
Pour pouvoir dire que l'on choisit,
il faut, au minimum, être conscient.



Le shivaïsme du Cachemire va jusqu'à identifier
conscience et liberté.
Une conscience limitée a une liberté limitée,
mais elle est quand même partiellement libre.
L'individu, selon l'enseignement des Versets sur la Vibration (Spanda-kârikâ)
est doué de libre-arbitre parce qu'à chaque acte libre,
il plonge dans son essence de pure liberté,
- la pleine conscience.
Mais la plupart des individus n'en ont nulle connaissance,
ils s'attribue ce pouvoir.
Reste qu'il y a une liberté, un pouvoir
qui dépasse les lois de la nature (niyati, la Nécessité, en sanskrit).

Dès lors, il ne s'agit pas, pour le tantra non-duel,
de se délivrer de l'illusion du libre-arbitre,
mais plutôt d'élargir notre liberté
en élargissant notre conscience, notre Moi,
et même notre corps et notre désir.
Car au fond, tout cela est une seule et même réalité :
liberté, conscience, corps, désir... sont synonymes.
C'est ce que cette tradition appelle le Coeur.

Mais d'autres approches dissocient conscience et liberté.
Pour elles, comme par exemple pour le Védanta,
la liberté consiste à voir qu'il n'y a pas de Moi,
pas de libre-arbitre, et à renoncer à tous nos désirs.
Pour le Védânta, l'absolu ne désire pas, n'agit pas,
il est inactif, parce que l'action est incompatible, selon eux, 
avec la paix de la conscience pure.

Mais le shivaïsme du Cachemire n'est pas d'accord.
Certes, la conscience dépasse les pensées et les objets,
mais elle crée ces objets.
Et se ressaisisr comme conscience, c'est trouver la paix, 
mais c'est aussi participer à la créativité de la libre conscience.
La conscience désire le monde, le corps, les pensées, les images, etc.
Cette participation est l'amour divin : bhakti,
expérience peu présente dans le Védânta.

Yoga Râdja, un disciple du Sud de l'Inde dans la lignée du shivaïsme
du Cachemire, décrit ainsi cette différence :

"Les partisans de l'Immense [immobile, le Védânta], prétendent que 
c'est l'Immense lui-même, le 'maître intérieur', qui apparaît comme dualité
à cause de l'ignorance sans commencement. Ils citent ces passages [des Védas] :

'Tout ceci n'est que l'Esprit'
et
'Ici [dans l'Immense] il n'y a pas de diversité du tout !'"

Réponse du shivaïsme du Cachemire :

"Dans ces [théories] la liberté de la conscience n'a pas été reconnue ! 
Elle est doué de vie.
Dès lors, elle est la raison d'être de la création de l'univers."

(Commentaire de Yogarâdja au Paramârthasâra, 27)

Tout est dit.
Le Védânta reconnait la conscience ens a transcendance,
"au-delà des concepts et du mental",
mais il n'a pas réalisé la liberté de la conscience.
La conscience y est pur témoin inactif,
libre des pensées,
mais il n'y est pas la Déesse libre de penser.

Donc le shivaïsme du Cachemire inclut le Védânta,
mais le Védânta ne peut comprendre le shivaïsme du Cachemire.
Ou, pour le dire autrement, le Védânta est un une étape
vers la pleine conscience, 
mais il n'est pas la non-dualité en sa plénitude.
La conscience n'est pas simplement "libre de",
elle est aussi "libre pour" agir, désirer, aimer, créer.
La dualité ne résulte pas de l'ignorance, d'un manque.
Mais elle est le débordement d'une plénitude.
Bien sûr, il y a l'ignorance.
Mais cet aveuglement lui-même
est librement désiré, par jeu de grâce amoureuse.

samedi 30 décembre 2017

Le regard tourné vers l'interieur

Le retournement de l'attention vers soi
est le geste de la délivrance directe.
Quand je me retourne ainsi,
tout est parfait :
silence intérieur absolu,
sans éliminer les perceptions des cinq sens. 
On se sent alors comme une immense sphère de cristal,
transparente et lumineuse.



Ce geste est enseigné dans bien des traditions de sagesse.
Par exemple, dans le shivaïsme du Cachemire,
c'est le Geste de Shiva (shiva-mudrâ, shâmbhavî, bhairavîya)
ou l'attention se retourne vers l'intérieur
tandis que les cinq sens restent grands ouverts à l'extérieur.
Ainsi, je me reconnais transparent,
sans plus aucune dualité entre l'intérieur et l'extérieur.
Méditer, c'est simplement cultiver cette expérience.

Dans les Oupanishad, il est aussi question de ce retournement.
Il y a le verset célèbre de la Katha, où il est question d'un sage
qui, un jour, retourna son regard vers soi et qui, ainsi,
savoura l'immortalité.

Dans la Taittirîya, il y a le verset qui
enseigne la présence de l'Immense (brahman)
dans la "caverne du coeur", 
au coeur de l'intellect ou intelligence (dhî, buddhi).
Ici "intellect" est à prendre au sens traditionnel :
la faculté la plus subtile et raffinée en chacun,
l'oeil de l'esprit, l'attention, la conscience.

Or, notre essence est l'essence de tout.
Ce qui gît au coeur de chacun est
cela même qui se trouve au coeur du soleil.

Comment le contempler ?
En retournant notre attention vers l'intérieur.
Voici comment Vidyâranya, un maître célèbre du XIVe siècle,
résume ce geste :


"Tout en faisant abstraction du monde extérieur
et de (ses) cinq couches,
la vision tournée vers l'intérieur
voit directement l'Immense
en sa nudité."

(Taittirîya-vidyâ-prakâsha, 19)

"Les cinq couches" sont le corps, les sensations, les pensées et l'inconscience. 
Au-delà se trouve
le Soi, pur regard qui contemple ces choses.
"La vision tournée vers l'intérieur" : littéralement,
"le regard (dhî) avec le visage (mukha) vers l'intérieur (antar)".
Un simple retournement du regard vers lui-même.
Je suis pure vision.
Je ne suis pas un corps qui regarde d'autres coprs
à travers deux yeux.
Je suis pure vision, sans dualité,
sans intérieur ni extérieur.
Je suis comme l'espace qui embrasse toutes choses.
Quand je me "vois" dans les pensées,
je m'identifie aux pensées,
je crois que je me définit par elles.
Mais quand je me retourne, je me vois
"dans ma nudité" (sarvopâdhivivarjitam),
je me vois immense, brut,
sans forme ni couleur,
parfaitement immobile et silencieux.
Il n'y a aucune séparation.
C'est une vision directe,
sans raisonnement, sans parole,
même si la parole est ensuite nécessaire pour donner du sens
à cette vision non-duelle 
et la transposer en une certitude capable de guider la vie quotidienne.

Vidyâranya ajoute encore que
le regard tourné vers l'extérieur ne voit
que l'Immense, mais mélangé avec ses reflets,
avec les formes et les noms.
Je crois alors que cette essence divine est lointaine et inaccessible - Dieu.
Ce qui n'est certes pas faux,
puisque jamais formes ni noms
ne pourront définir l'Immense.
Mais d'un autre côté, "Dieu"
n'est autre que cette Lumière transcendante
et inaccessible,
car il est le regard même qui cherche l'Immense !
Dieu est inaccessible parce qu'il se cherche hors de lui-même. 
Quand ce regard en recherche, ce "mental",
se retourne, il se découvre Immense,
cela même qu'il cherchait.
Trop proche, trop facile, trop évident...

Quand je pense à Dieu, je le conçoit comme éloigné, inaccessible.
Quand je me conçois, je me conçois comme incarné,
mortel, limité.

Mais quand je retourne mon regard,
ou plutôt quand "je" me retourne,
je me vois à l'état brut, dépouillé
de toutes ces choses,
et alors je vois
que l'Immense, là-bas
et le Soi, ici,
sont identiques.
C'est la reconnaissance libératrice.
La vie intérieure est cette vie.
La méditation est la familiarisation avec ce regard.
Par ce regard vers l'intérieur (antar-drishtyâ dit Vidyâranya),
l'état de créature limité est anéanti.

Et, ajouterai-je,
la personne s'accomplit ainsi.
Paradoxe.

Vidyâranya poursuit :

"Quand la vision vers l'extérieur cesse,
ce qui est vu grâce au regard tourné vers l'intérieur,
c'est le trésor,
c'est la conscience vivante,
c'est l'Immense !" (22)

A quoi bon ?
Le sage répond :

"Si l'on demande à quoi sert
de voir le Suprême ? - on répond
que cela sert à combler tous les désirs". (23)

Oui, se voir soi-même,
sans forme ni nom,
c'est combler tous les désirs,
c'est ressentir tous les plaisirs,
car tout plaisir n'est qu'un fragment
de cette absolue plénitude
qui est notre essence.

vendredi 29 décembre 2017

La Réalisation de notre conscience - suite et fin


Suite et fin de la traduction du poème sanskrit La Réalisation de notre conscience (Sva-bodha-siddhi) du maître tantrique Bhoûti Râdja. Après avoir décrit la réalité et le moyen de la réaliser, il évoque finalement le genre de vie qui en résulte : 

"J'habite dans la (pleine) Lune
qui transcende (même) la joie de l'expérience de l'essence.
Qu'est-ce donc que mon esprit,
qui va en s'amenuisant,
pourrait chercher à atteindre en ce monde ?" 18

Celui pour qui (l'expérience du) repos
dans la pleine connaissance de soi est stable et claire
atteint sans tarder l'état absolu,
car il est libre des mouvements (du mental). 19

La bonne fortune de la libération
est facile à gagner pour le yogi
qui repose en soi-même / dans le Soi,
l'attention unifiée,
toute tendance d'objet à saisir et de saisie abolie. 20

"J'ai trouvé le repos en mon essence,
ce délassement qui guérit tous les maux,
la dualité sujet-objet est détruite,
j'habite en mon essence." 21

Qu'il médite ou non,
celui qui connait la réalité
vit dans l'expérience de son essence,
l'éveil complet de la conscience, sans séparation. 22

Celui qui ne perd jamais
sa demeure en soi,
quelque soit son état,
pourquoi irait-il s'égarer dans le labyrinthe des enseignements ? 23

Bien qu'il vive au milieu des gens,
le yogi n'a jamais peur,
car il est libre de la confusion engendrée par
l'erreur du "il y a" et du "il n'y a pas" :
ces dilemmes ont disparu en lui. 24

Le yogi qui offre toutes ses facultés
et qui s'adonne sans réserve au samâdhi,
réalise directement l'expérience ultime
et atteint ce qui mérite de l'être. 25

Il embrasse le Moi en soi-même dans le Soi,
sans aucune séparation,
grâce à son effort intime qui est le Soi,
complètement éveillé, établi en soi-même,
ah ! le yogi arrache ses propres limites. 26

Celui qui possède la connaissance
gagne d'un seul coup ce qui doit l'être,
en soi-même, dans le Soi,
animé par une émotion (vritti) entière
qui rejette toute visée particulière. 27

Celui qui pratique sans interruption
en sa conscience intime la vraie méthode
de l'expérience de la Parole,
celui-là pratique concrètement l'enseignement !
Il est apte à éveiller des élèves. 28

Parce qu'il est sans habitudes,
parce que sa conscience est éveillée,
parce qu'il a lâché les espoirs erronés,
parce qu'il a tranché le lien du "il y a" et du "il n'y a pas",
il ne sera pas repris par un corps. 29

Son esprit a rendu l'âme,
ses doutes sont anéantis,
il se délecte de son essence,
il est comblé par le nectar de l'expérience intime / du Soi :
délivré, il a atteint ce qui mérite de l'être. 30

C'est ainsi que j'ai composée
cette Réalisation de notre conscience
pour atteindre ce qui doit l'être :
elle est immaculée,
Lumière de la conscience,
réelle et vraie,
mère de la gloire de la liberté intérieure. 31

Si cet enseignement
capable de délivrer des maux du doute
ne permet pas de gagner le Bien souverain,
à quoi bon lire tant d'enseignements ? 32

Je salue Dieu,
perfection de tous les biens,
feu qui consume tous les karmas (et)
qui fait voir notre essence,
libre de tout artifice et de toute imagination,
temple de tout bien-être,
guérison radicale de tout mal-être,
beauté sans pareille
enseignée de la bouche du maître. 33


samedi 23 décembre 2017

Retourner le regard - La Réalisationd e notre conscience versets XVI et XVII



Suite de la traduction du poème sanskrit du maître du shivaïsme du Cachemire Bhoûti Râdja, la Réalisation de notre conscience (Sva-bodha-siddhi) :

Tant que l'on est bien éveillé,
le mental disparaît.
Quand le mental a disparu,
le yogi devient cette expérience elle-même. 16

Celui qui retourne (l'attention)
vers sa conscience, sans séparation,
est l'empereur de ceux qui ont atteint la maîtrise par le yoga,
il est le soleil qui anéanti les ténèbres de l'ignorance. 17

Qu'est-ce que le mental ? 
C'est la pure présence qui s'oublie dans ses propres créations.
C'est la pure Lumière, mélangée à ses reflets.
C'est l'ego : le simple acte de conscience "je", le ressenti "je suis je" et rien d'autre,
mais mélangé à des choses, des mots, des images, des sensations, des formes, des couleurs, des mouvements...

Qu'est-ce que l'éveil ?
C'est quand le mental se retourne sur lui-même.
C'est-à-dire quand la conscience ou le Soi, peu importe, se retourne 
vers soi. Alors il se reconnaît.
Le silence se fait, il ne reste que la pure présence "je suis je",
amour et félicité, vibration, palpitation de joie pure,
qui inonde le mandala du corps et du monde.

Le mental ne fait pas l'expérience du Soi.
Simplement, quand il se retourne sur soi,
quand il s'éveille,
il est le Soi qu'il a toujours été.
Oubli et reconnaissance.
Confusion et éveil.

Tout dépend de la direction de l'attention.
Quand l'attention est dirigée vers autre chose,
c'est le mental ou l'ego.
Quand l'attention est dirigée vers soi, c'est l'éveil, le Soi.

La clé est le retournement de l'attention, du regard,
de l'énergie. 
Ce retournement est le yoga, la non-dualité.
Rien d'autre.

Ce regard qui se retourne sur soi
ne voit nulle couleur, nulle forme.
Il faut plonger en soi, simplement,
sans se soucier de rien d 'autre.
Ce geste est suffisant.
Voilà pourquoi il est tant célébré.
Il est amour et connaissance.
Il est intellectuel, corporel,
abstrait et concret,
il défie toutes les catégorisations.
Il est simple, et riche.
C'est la pierre philosophale,
la clé du trésor.
On pourrait visiter tous les mondes,
les mondes infinis,
on ne trouverait rien de plus.
Aucune expérience ne peut remplacer ça.
Tous les chemins y conduisent.
Chaque voie est unique,
mais chacune mène à ce retournement,
ce basculement de l'énergie,
cette inversion, 
cette conversion.

Pour vous aider,
vous pouvez dire "je" à l'intérieur.
Et plonger dans ce ressenti.
C'est une exploration intime,
nul ne peut la faire à votre place.
Rien ne peut remplacer ça.
Il n'y a que vous.
C'est la clé, la frontière entre l'ego et le Soi.
Ensuite, vous pouvez interpréter.
Mais aucune autre expérience, si intense et divine soit-elle,
ne peut remplacer cette reconnaissance
de soi par soi.

mercredi 20 décembre 2017

Retraite méditation - juillet 2018

Méditer comme Shiva et Shakti
meditation du silence et de l'unité
dans la tradition du shivaïsme du Cachemire
du 9 au 15 juillet 2018
avec David Dubois



Savourer le silence
Se réconcilier avec le monde
Découvrir une tradition
qui honore les facettes
du diamant de l'être

Une semaine dans la nature, au coeur de la Drôme.
Des temps de méditation, de silence et de discussion,
autour de deux textes sacrés de la tradition
du tantra non-duel, le shivaïsme du Cachemire :

Les Soûtras de Shiva
Les Soûtras de Shakti

Supports de méditations,
ils seront traduits du sanskrit et médités
l'un après l'autre.

Le Maître des dieux se lie lui-même 
et se libère lui-même. 
Il est lui-même le sujet qui éprouve 
le bonheur et la souffrance. 
Et il est lui-même le sujet qui perçoit tout cela. 
Qu'il se regarde donc lui-même ! 

Enseignement de l'Essence 

Pour découvrir cette tradition :
(cliquer sur les liens)

449 euros pour la pension complète
490 euros pour l'enseignement

Informations et inscriptions :
deven_fr@yahoo.fr
06 03 33 05 58 

mercredi 13 décembre 2017

Sacrifice

Dans le silence, tout meurt.
Mais tout renaît, aussi.



En silence intérieur, sorte d'arrêt simple
de tout l'intérieur de soi,
tout meurt.
Il ne reste rien,
plus de séparation.

Mais ce silence se communique au corps.
La pensée renaît.
Moins de pensées.
Moins de mots formulés à l'intérieur.
Mais c'est étonnant tout ce qui peut se faire ainsi !
Sans mots, sans savoir.
Les mots formulés, articulés à l'intérieur
se font plus rares, mais aussi plus fort,
comme un arbre soigneusement élagué repousse plus vif.

De même l'imagination.
Cette maîtresse d'erreur et de fausseté
renaît lavée, créatrice de beauté et de bonté.

La mémoire, le désir, les perceptions : pareil.
Comme un coup de chiffon passé sur un miroir,
comme un bruit qui s'arrête : une autre musique commence.

Le maître Râmeshvar, de Bénares, le disait ainsi :

Sans égard pour ce qui est temporel,
abreuvant le corps et ses roues subtiles
de la grande réalisation de l'absence de corps,
le yogi offre le monde en sacrifice.

"Sans égard pour ce qui est temporel" : sans revenir sur l'efficacité de ce silence.
Sans surveiller. Plonger en un acte simple, sans attente, comme un fou. Ce n'est pas un rejet du temps !
"abreuvant le corps et ses roues subtiles" : non le corps objectif, "physique", mais le champ de sensations perçu, ici et maintenant. Le silence "abreuve" ce champ, comme une eau vive.

"la grande réalisation" : non un petit accomplissement comme un bien-être passager ou une vision, ou une expérience ayant une signification mentale, mais la réalisation "grande", qui inclue toutes les autres, même si, sur le moment, on ne le ressent pas. Surtout, ne pas prendre le ressenti comme mesure !

"l'absence de corps" : pas un rejet du corps, mais un oubli du corps objectif, celui qu'on voit dans le miroir, au profit du corps donné à la première personne, vibrant, souple, volatile, qui se déroule, se déploie, comme une mélodie sans fin.

"le yogi" : le yoga véritable n'est pas posture, mais union en arrêt intérieur. C'est la tradition.

"en sacrifice" : sans intention, laisser l'Intention s'offrir à elle-même, dans le mystère du présent, toujours neuf. Yajna : sacrifice, debout (yâga) ou assis (homa), toujours et partout, offrande
de tout au feu de l'espace.

Pour lire les poèmes de Râmeshvar Jhâ, cliquer ici.

mardi 12 décembre 2017

La Réalisation de notre conscience - versets XIV et XV


Suite de la traduction de la Réalisation de notre conscience (Sva-bodha-siddhi), attribué 
à Bhoûti Râdja, un maître du tantra non-duel dans la tradition de la Voie de la Déesse (devi-naya, kâlî-krama) :

Qu'il s'empare de la pure conscience
avec une attention bien éveillée,
jusqu'à ce qu'il soit libre,
établi en soi par sa propre efficience. 14

Toujours et partout bien éveillé,
il voit le Soi en tant que Soi.
Que reste t-il d'autre que la présence de l'essence, 
le Voyant ? 15

Le moyen de goûter une paix profonde et durable,
c'est... la paix elle-même.
L'apaisement des voix intérieures, de l'agitation mentale,
de l'impression de passer à côté de sa vie, en sont les effets secondaires.
La paix est notre essence,
notre "Soi", notre véritable nature.
Comment trouver la paix ?
La paix est la conscience, le "Voyant" :
retourner l'attention vers le Voyant,
vers soi, vers soi dépouillé de tout, nu, transparent, silencieux,
apaisé, guérit, forcément, de tout,
car libre de toute définition, de toute essence,
de toute nature propre.
Et c'est cette paix naturelle qui se communique
au mental, au corps, aux autres, au monde,
comme le soleil dissipe les nuages par sa propre puissance.
"Voir le Soi en tant que Soi" (âtmânam âtmanâ pashyati),
souvent traduit par "voir le Soi pas le Soi".
Mais je vois toujours par le Soi : il n'y a que cette Lumière.
Par contre, je vois le Soi en tant que non-Soi,
en tant que monde plus ou moins étranger, hostile,
face à "moi". 
Mais quand cette conscience "face au monde"
se retourne sur elle-même,
se reprend et se ressaisi, immédiatement, directement,
sans passer par aucun intermédiaire,
aucun ressenti, aucune représentation,
nulle image, rien,
alors elle se voit soi-même en tant que soi-même.
C'est "la réalisation de notre conscience",
l'éveil à l'éveil - car la conscience est éveil, 
c'est le même mot en sanskrit, éveil et conscience : bodha.
Quand la conscience s'éveille à elle-même,
sans séparation sans dualité,
sans intervalle, alors c'est la paix véritable,
conscience intime,
évidente et incommunicable à la fois.
Dans cet instant de révélation, se découvre une réalité simple,
trop simple pour être décrite, mais facile à reconnaître.
Il suffit de retourner l'attention.
Que la conscience s'éveille.
Se ressaisisse, comme après une transe hypnotique.
Et là, un silence se fait, une paix.
Tout est là, comme avant,
mais plus rien n'est comme avant.
Une sorte de fraîcheur, d'intensité.
Quand "je" réalise cette évidence,
quand il n'y a plus de doutes, de dilemmes,
c'est la pleine conscience (samkhyâ), 
la réalisation de soi.
Ensuite, cette paix se diffuse, instant après instant,
à son rythme propre, mystérieux.
Peu à peu, cet éveil devient "permanent":
le silence s'impose comme l'unique nécessaire,
incompréhensible, sans justification ni espoir,
parce que, on le sens du fond de soi,
c'est le Bien absolu, le seul, il n'y en a pas d'autres.
Toutes les voies, toutes les vies
débouchent sur cette Vie
de morts et de renaissances,
Voie de la Déesse,
voie du devenir, voie du Temps - Kâlî.