vendredi 31 décembre 2021

Kundalinî

 


Ce terme sanskrit désigne la conscience. Comme tout est conscience, tout est kundalinî. 

Mais, selon le contexte, kundalinî, "celle qui a la forme d'une boucle", désigne la Parole, la Vie, l'énergie vitale, bref toutes les formes de puissances vitales.

Ce terme est employé dès les tantras les plus anciens, comme la Nishvâsasamhitâ (Vè siècle ?) :

yā sā kuṇḍalinī proktā mayā pūrvamudāhṛtā |

nipatanti tridhābhūtā prakṛtiḥ sā parā parā || jnânakânda, 13, 60 ||

"Cette Kundalinî, je l'ai déjà employée comme exemple :

elle est la Nature suprême, absolument transcendante..."

Je ne comprends pas la totalité de ce verset, mais il y est bien question de la Kundalinî.

Parmi les mentions anciennes, il y a aussi ce verset du Kâlottara, un tantra ancien et riche en enseignements sur le yoga, verset qui est souvent cité :

candrāgniravisaṃyuktā ādyā kuṇḍalinī tu yā |

hṛtpradeśe tu sā jñeyā aṃkurākāravat sthitā ||

"La Kundalinî primordiale,

jointe à la lune, au feu et au soleil,

est située dans le cœur,

telle une jeune pousse."

On trouve des enseignements très détaillés sur la Kundalinî dans l'exégèse shâkta du Cachemire, avec une Kundalinî "inférieure", "supérieure", "suprême", "puissante", "du souffle", etc. On trouvera plus de détails dans le Secret de la kundalinî de Lakshman Raina, que j'ai traduit et publié, ainsi que dans le Pratyabhijnâhridaya, traduit et publié sous le titre Au cœur des tantras, aux éditions des Deux Océans.

C'est surtout dans la tradition ésotérique Kaula que le mot Kundalinî est employé, pour désigner l'énergie divine en sa présence incarnée. La Kundalinî est alors la conscience "endormie" dans le corps, dans les croyances (vikalpa) et les peurs (shankâ) qui, selon cette tradition, forme les structures sociales. Le but de la pratique est de se libérer de ce carcan pour revenir à une conscience fluide et vivante.

jeudi 30 décembre 2021

L'éveil spontané dans le Tantra

 



Selon Abhinavagupta, le maître le plus important du Tantra traditionnel, il est possible que la Conscience universelle s'éveille d'elle-même en n'importe quel individu. Pourquoi ? Parce que la Conscience est liberté qui ne dépend de rien ni de personne. Parfois, elle joue à dépendre d'un maître et de méthodes variées. Parfois, elle se réveille spontanément. En réalité, l'éveil ne dépend que de la conscience elle-même. D'ailleurs en sanskrit, "éveil" et "conscience" sont un même mot, bodha qui a donné aussi buddha, le Bouddha. Et comme, de plus, tout est conscience, tout ce dont la conscience individuelle pourrait dépendre est aussi conscience. Si je m'appuie sur une méthode comme les postures ou le souffle, c'est aussi conscience, car tout est conscience comme nous l'enseigne l'expérience.

Il y a donc deux sortes de disciples, explique, Abhinava (Tantrâloka XIII, 134) : celui qui est son propre maître et celui qui est seulement disciple d'un autre, sachant toutefois que cette séparation entre "soi" et "autrui", si elle est réelle, n'est pas la réalité absolue. En fait, tout dépend de la conscience qui joue librement à s'aliéner ou à se libérer. Si la conscience s'identifie fortement au corps, alors elle dépendra d'une méthode corporelle. Si elle s'éprouve très fortement en tant que "je suis je", alors elle ne dépendra de rien, d'aucune de ses manifestations. Rappelons au passage que l'identification au corps n'est pas un défaut, mais la manifestation du pouvoir souverain, de la Shakti, inhérent à la conscience, au Soi, etc. L'éveil, c'est l'immersion du corps dans la conscience.

En outre, il existe une infinité de degrés entre ces extrêmes. Et l'éveil spontané n'exclut pas l'étude auprès de divers maîtres et traditions. Même si l'éveil spontané est une possibilité reconnue par la tradition, il ne faut jamais rejeter la tradition. En fait, tout est inclus dans la tradition. Même si l'on est "éveillé" (ce qui comprend de nombreux degrés), on peut encore apprendre d'un maître, de l'enseignement, ou encore de la raison fondée sur l'enseignement (yukti). Par exemple, il est possible, dit Abhinava, que je m'éveille, mais que mon intuition ne soit pas assez forte pour rester stable et vivante à travers les aléas de la vie. J'ai donc besoin de pratiquer diverses méthodes pour nourrir cette intuition encore immature et fragile. Le Tantra ne pose donc pas d'opposition rigide entre "voie graduelle" et "voie directe". Comme l'explique Abhinava au chapitre IV du Tantrâloka, tout est possible. 

Toutefois, c'est la liberté qui doit prédominer toujours, car la liberté, svâtantrya, est l'attribut principal du divin qui est l'essence de tout et de chacun. Le rôle du maître et des méthodes, comme la répétition d'un Mantra, est de renforcer une intuition déjà présente, un pressentiment qui a seulement besoin de grandir. Il est donc possible, selon le Tantra, d'être "initié" sans cérémonie, de comprendre intuitivement, de pratiquer guidé seulement par la force de l'intuition, d'être éveillé sans suivre de règles, etc. Mais encore une fois, cela n'implique pas mépris de la tradition, ni de mégalomanie du genre "oh, je n'ai pas envie, je suis au-delà des conditionnements, je sais déjà", bref, cette rhétorique newage dans un Marché mondialisé coupé de toute tradition. 

Par conséquent, l'éveil spontané fait partie intégrante de la tradition. Elle ne saurait donc être interrompue par les aléas de l'Histoire. Selon Abhinava, la tradition est la manifestation du réveil de la conscience absolument libre. Elle est donc invincible. Elle ne dépend pas de causes et de conditions, elle est indépendante des circonstance. Elle ne dépend pas de la continuité d'une lignée, car la véritable lignée, dit Abhinava, c'est la continuité de la conscience toujours présente, qui n'est pas confinée à un moment ou à un lieu délimité. Elle ne dépend de rien, tout dépend d'elle. Le Tantra ne peut donc disparaître. Le Tantra n'est pas un folklore, mais la réalisation éternelle, la parfaite conscience de soi qui ne cesse jamais, sans quoi tout cesserait. Puissions nous ne pas l'oublier.

lundi 27 décembre 2021

L'adaptation de la tradition à l'individu



 La tradition, cet héritage de l'expérience des ancêtres, peut être perçue comme une contrainte, comme un moule qui s'impose à l'individu. Il est vrai que la tradition comporte discipline et que toute discipline implique une certaine contrainte. Cela peut heurter l'individualisme. Cependant, je crois qu'il y a beaucoup à gagner à lâcher un peu de nos préjugés et à faire preuve d'audace. Qui peut croire qu'il est possible de tout reprendre à zéro dans tous les domaines ?

De plus, la tradition n'est pas rigide. Elle s'adapte à l'individu. C'est même l'un de ses traits essentiels, pas opposition aux "procédures" modernes qui tendent à être impersonnelles. Aujourd'hui, les choses et les êtres sont remplaçables, interchangeables. Ils tendent à obéir à des standards, donc à s'uniformiser toujours plus. L'individualisme est l'ère industrielle. L'individu semble partout mis en avant, mais tout s'achève dans une masse homogène sans saveurs distinctes, sans unicité, sans âme, sans identité. Dans la tradition, c'est le contraire. Tout semble d'abord impersonnel, mais tout finit par révéler une personnalité unique. Voyez l'exemple de l'artisanat. A l'opposé, voyez l'exemple des jeunes qui suivent une mode dans l'espoir d'affirmer un "moi, je" de plus en plus insaisissable...

Au reste, la vie traditionnelle s'affranchit du "moi" et du "mien". Et paradoxalement, c'est ainsi qu'un Moi unique et authentique peut apparaître. Autrement, on a des Mois en série, des Mois industriels, remplaçables, normés, des individus sans individualité. En Inde, on dit que l'on passe du mama, du "mien" au namama, le "pas de mien", qui en se simplifiant devient nama, l'adoration du Vrai, du Bon et du Beau. Bref, c'est en renonçant au Moi que l'on engendre un Moi unique digne de ce nom, une incarnation unique de l'universel. Or il en va de même pour la tradition : c'est en épousant ses contraintes que l'on trouve la vraie liberté.

Dans le Tantra, "là où est l'inclination, là est la prescription", rappelle Maheshvarânanda. Abhinavagupta avait déjà confirmé que le désir profond est la règle d'or, l'essence de la tradition. Ce que je désire et ma divinité. Ce que je fais est ma pratique pour la réaliser. Si ma divinité est Cloclo, j'agis en conséquence. Ce sera ma sâdhanâ, ma voie de réalisation, comme on dit aujourd'hui.  

Cela ne veut pas dire qu'il ne faut faire que ce qui nous fait "envie", ce qui "résonne", ce qui nous "parle", selon le jargon New Age. Il ne s'agit pas de croire que nous avons la science toute infuse, ni de prendre les modes du moment pour des "intuitions" divines. Cela veut dire que, dans le cadre de la tradition, le bon parfum, par exemple, est celui qui m'est le plus agréable. Il y a toujours un cadre, mais adapté à l'individu. Cette idée est tout à fait traditionnelle.

D'ailleurs, on la retrouve dans l'enseignement du maître de yoga Krishnamâchârya. Quel était son véritable enseignement ? La question fait question, car ses disciples transmettent des choses très différentes. La réponse est qu'il transmettait des choses différentes à différentes personnes. Son enseignement était pourtant inspiré par la tradition. Tradition et individualité ne sont pas incompatibles, bien au contraire.

A l'opposé du cliché selon lequel la tradition est une prison, nous devons comprendre que la tradition est une mère nourricière. Sans cela, point de tradition. Sans tradition, pas de mémoire. Sans mémoire, pas de conscience. Notre seule issue sera alors un crétinisme insipide qu'illustre la spiritualité industrielle contemporaine et autres séries de science-fiction "progressistes".

samedi 25 décembre 2021

Eviter que le monde devienne notre ennemi

bien qu'elle soit une, la conscience a plusieurs faces 

 La plupart des traditions considèrent le monde et les phénomènes en général comme des ennemis qu'il s'agit de supprimer. 

Ainsi, le célèbre "yoga de Patanjali" projette de "stopper les opérations du psychisme". Le but est d'arriver à un état où tout phénomène a disparu, un vide total où l'individu est pareil à une bûche de bois.

Il est vrai qu'une fois découverte la paix intérieure, il est tentant de s'y réfugier en bloquant l'extérieur, comme le prône dans ce passage un mystique chrétien. Si des âmes veulent "vivre dans l'unité", elle doivent "demeurer le plus retirées et recueillies que faire se pourra, afin que leur unité qui est en Dieu demeure. Car, s'épanchant en complaisance, elles se tirent de l'unité de l'unité intime et intérieure qui est leur fondement : autrement, il n'y a point d'unité et de charité spirituelle. Autant qu'il se peut elles ne doivent pas se toucher à leurs habits, ni s'approcher, pas même se regarder, parce que le regard est l'application de l'âme hors d'elle-même et une occupation extérieure et distrayante devers la créature, et par conséquent tendant à elle et éloignant de Dieu" (J.-J. Olier, L'Âme cristal, p. 176)

D'autres maîtres en oraison (=en "méditation") rétorquent que c'est là une erreur et une impasse, car Dieu est partout, à l'intérieur comme à l'extérieur. Une contemplation qui fuit l'extérieur est une contemplation rigide qui ne peut fondre la volonté individuelle en la volonté divine. Comme l'enseigne le capucin Simon de Bourg-en-Bresse, la véritable contemplation doit dépasser la dualité entre intérieur et extérieur, car tout est en Dieu comme une éponge dans l'océan.

D'autres traditions voient dans ce rejet de l'extérieur un chemin dangereux où "les phénomènes apparaissent comme des ennemis". Pourtant, c'est ce que font la plupart des traditions. Elles rejettent l'extérieur. Il existe ainsi des retraites de méditations où il est formellement interdit de croiser les yeux d'un autre participant ! 

Au fond, tout dépend de notre vision des rapports entre l'absolu et les phénomènes. Si nous avons une vision dualiste de ces rapports, comme dans le Vedânta ou le Sâmkhya, alors notre pratique sera dualiste.

A l'opposé, certains se satisfont bien facilement d'une "non-dualité" où tout se vaut et où toute pratique est répudiée. A mon avis, cette doctrine est la transpositions spirituelle de l'égalitarisme mondialiste. Ou bien on se contente d'une "spiritualité" sans pratique de méditation, une spiritualité toute grossière et extérieure.

La plongée à l'intérieur est nécessaire, mais elle est une phase, suivie d'une phase d'intégration de l'extérieur, puis d'un retour à l'intérieur, et ainsi de suite. La vie spirituelle est faite de cette alternance. C'est ainsi seulement que l'intérieur et l'extérieur peuvent s'harmoniser.

Cette intégration, cette synthèse est le but du Tantra. Elle s'incarne dans le ressenti de la respiration qui exprime naturellement ce va-et-vient entre intérieur et extérieur. Ca n'est certes pas un hasard si le Vijnâna Bhairava Tantra commence et finit sur la pratique du souffle. Il est le grand pont, la grande relation et le grand unification de tous les opposés, en même temps qu'il manifeste sensiblement le jeu des opposés.

C'est ainsi que nous pouvons éviter que le monde devienne notre ennemi.

vendredi 24 décembre 2021

Pourquoi le toucher est-il un sens pas comme les autres ?

 

le toucher sublime l'énergie

Toutes les traditions placent la vue et l'ouïe au somment de la hiérarchie des sens, parce que ces facultés perçoivent à distance, sans toucher et donc sans risque de se salir. Voilà pourquoi les traditions spirituelles comparent l'intelligence ou la conscience à la vision. Voir, c'est comprendre, et la conscience est une lumière qui rebondit sur les choses sans en être affectée.

Le Tantra remet en question cette hiérarchie. A la Lumière, masculine, le Tantra ajoute la Conscience, féminine, décrite avec un mot qui évoque le toucher : vimarsha. Toucher, palper, éprouver, évaluer, estimer, apprécier...

Dans un passage célèbre, le maître tantrique Abhinavagupta affirme que le toucher n'est pas un sens comme les autres car, contrairement à ce qu'enseignent les autres traditions, le toucher est vibration, proche de la vibration qu'est la conscience. 

Par "vibration", Abhinavagupta n'entend évidemment pas une vibration au sens scientifique, qui n'existait pas son époque, ni la "vibration" newage qui n'est que la faible forfanterie d'esprits fatigués, mais le fait que la conscience est un mouvement immobile, un changement immuable, bref, un vivant paradoxe.

Le Yoga selon Vasishta, un livre non-dualiste composé au Cachemire peu avant Abhinavagupta, remarquait déjà :

"En tout être vivant, il y a une sorte de conscience
dans le pouce ou autre autre doigt,
même en l'absence de sensations due au vent, par exemple.
Cette sorte de conscience est le Soi suprême." (YV, III, 10, 42)

Quand j'étends les doigts, il y a sensation tactile, même si l'air est immobile et s'il n'y a rien à toucher. C'est pure conscience, sensation pure : c'est le Soi suprême (rûpam paramâtmanah). Quelle affirmation ! L'éveil en levant le petit doigt.

La pure sensation tactile est pure conscience. "Pure" car dépourvue de tout objet ou contenu délimité. Voilà pourquoi ressentir la peau est la voie des yogis et des yoginis qui aspirent à s'immerger tout entiers dans l'océan de la pulsation consciente, le Cœur, félicité infinie, vérité, bonté et beauté, satyam shivam sundaram.

Il y a là un sens profond du corps ressenti comme feu crépitant dans l'âtre du mystère. Les mouvement divins ou karanas, ainsi que les gestes et postures divines ou mudrâs expriment cet élan qui épouse l'élan divin. En témoigne les commentaires tantriques sur le théâtre.

Plus profondément, pour le Tantra, c'est l'union sexuelle qui est l'expression la plus aboutie que ce que suggère le toucher. C'est le Sacrifice Primordial ou âdi-yâga, la pratique secrète au cœur de tout l'enseignement du Tantra. C'est le divin se touchant soi-même, concrètement, sans limites et pourtant sans confusion.

dimanche 19 décembre 2021

Retour à la maison


 Om sweet om, joie de retrouver sa demeure, le Cœur, source et origine de tous les mouvements.

Ce Cœur que certain nomment Shiva, célébré dans ce verset célèbre et magnifique, tiré des 108 Noms de Shiva :

ओम् कर्पूरगौरं करुणावतारं

संसारसारं भुजगेन्द्रहारम् /

सदा वसन्तम् हृदयारविन्दे 

भवं भवानीसहितं नमामि //

"Om

Blanc comme le camphre,

incarnation de la compassion,

essence du samsâra, orné du roi des serpents,

toujours présent dans le lotus du cœur,

je salue Shiva inséparable de Shakti".


Voici une version musicale :




lundi 29 novembre 2021

La valeur des préjugés

E. R. Hugues


 On ne cesse de mettre en garde contre les préjugés. En tant que professeur de philosophie, j'ai pour mission de les dénoncer, de les déconstruire, de mettre en garde les consommateurs contre le passé, contre la coutume, contre l'expérience des aînés.

Car le préjugé, c'est aussi cela : l'expérience léguée par nos ancêtres. Leur sagesse. Or, le temps est à l'innovation confondue avec l'amélioration. Plus : le temps est sans passé, il est le temps présent, une prison sans mémoire. La paix et la prospérité, dit-on, sont à ce prix. Oublier. Le rejet systématique des préjugés fait partie de cette amnésie furieuse.

Entendons-nous bien : je ne dis pas que tout préjugé est bon. Mais de là à faire "du passé table rase"... Je vois dans cette passion du présent une pulsion de mort, car sans passé, point de présent, encore moins d'avenir. Même la fameuse "conscience au présent" est conservation du passé. Sans mémoire, il n'y a tout simplement aucune conscience, comme le démontrent Bergson et Utpaladeva. Sans mémoire, il n'y a pas même le début du commencement de rien. Comment songer, comment rêver sans instinct ? Comment même se perdre si, sans boussole, nous ignorons que nous sommes perdus ?

Le rejet total et aveugle du préjugé est le rejet de l'être, du Soi. Je m'explique. Le passé est nécessaire à l'identité collective. Il fournit des repères, des limites, les bases d'un nécessaire sens de la mesure. "Rien de trop" et non "toujours plus".

Or cela est vrai aussi au plan spirituel ! Sans mémoire, point de saveur. Sans préjugé, pas d'instinct de vie. Les vivants ne sauraient plus, sans savoir, "quand", "où" et "que faire". Il n'y aurait plus de saisons.

Est-ce rejeter la raison ? Non ! Mais avant d'acquérir des vérités par la raison, je le reçois de l'instinct, de l'intuition et de mes parents. Quelles chances un enfant aurait-il de survivre, sans les préjugés ? Sans ce qui a déjà été "jugé" avant lui, par les générations d'avant, souvent au prix de sacrifices ultimes ? Le préjugé, c'est aussi la sagesse des anciens, c'est notre héritage, car nous venons au monde nus, mais pas seuls. Nous ne réinventons pas tout de zéro. Nous nous tenons debout sur les épaules des géants, de la nature et de la culture, nos deux mères nourricières.

Nous ne décidons pas de tout. Certes, nous pouvons et parfois nous devons, une fois atteint "l'âge de raison", trier le bon grain de l'ivraie. Il n'est pas question de se résigner à gober toutes les superstitions. Il ne s'agit pas de laisser brûler les innocents. Si je sais, alors je sais, et j'agis en conséquence. Mais avant de savoir, je ne sais pas. Et alors, je laisse sa chance à la sagesse intérieure des préjugés innés, comme à la sagesse extérieur des préjugés de la tradition. De la coutume. Nulle part, aucune société n'est jamais partie de rien, d'une simple décision. C'est la vie qui fait la vie. Rien ne vient de rien. Il y a du nouveau, de l'imprévisible, oui. C'est en cela que nous sommes libres "à l'image et ressemblance" du divin. Mais sur la base du passé. Le néant n'engendre que le néant. Le culte du néant mène au néant, à la mort par la folie. La raison a sa place. Mais elle n'est pas tout. Elle n'est pas première, ni dernière. Revenons à une écologie des facultés humaines ! Chaque puissance à sa place, au sein d'une évolution éclairée par le passé et par l'intuition. Bien sûr, des ruptures sont possibles, des renversements, des tremblements de terre, des orages. Mais jamais dans le déni de ce que nous savons déjà "tout bas". Jamais dans cette surdité qui n'entend que les sirènes de l'avenir. Reprenons possession de nos bien, du Bien, dans son intégrité afin de vivre une vie intègre !

La conscience, c'est le temps, le devenir, synthèse continuellement renouvelée du passé et de l'avenir. Ce sont ces couches, ces strates qui donnent une saveur à l'expérience, une épaisseur à l'âme, le contraire d'un "éternel présent" statique et froid. L'absolu est élan, élan qui est un délicieux repos en sa source, "nonchalance pleine d'ardeur", sommeil plein de veille et d'un délicat miel donc une seule goutte suffit à consoler toutes peines des jours des hommes.

Le Tantra connaît la valeur du préjugé. D'abord, il souligne, comme le fait Patanjali, la richesse inépuisable de l'intuition, pratibhâ, cette intelligence innée, ce don divin qui nous permet de nous tenir droits sous le vaste ciel. Il reconnaît ensuite dans le préjugé, prasiddhi, des germes de science, des graines divines, à l'image des logoï spermatikoï des anciens Grecs. Nous naissons nus en nos corps, mais riches en nos âmes, qui ne sont que le revers de nos chairs. Voilà comment l'enfant apprend à parler, car il est déjà habité par un verbe intérieur, par le "Maître intérieur" dont parle si bien saint Augustin. Sans ce langage inné, jamais nous ne commencerions d'entendre les verbes extérieurs. Que le tout est plus que les parties, que la cause précède l'effet, etc. ce sont aussi des préjugés.

Et plus, au-delà, plus profond, il y a le préjugé divin : Nous savons, avant et après tout autre savoir, que nous sommes immortels et que l'amour est le plus important. Nous le savons d'un savoir senti, même s'il est loin d'être toujours goûté à sa juste mesure, qui est sans mesure car mesure de l'amour. Ce préjugé est le germe de la voie du cœur, la plus simple et la plus utile, disait Madame Guyon. Il suffit de se laisser aller. De se laisser "recouler" vers notre centre, notre origine, le fond de notre âme, jamais séparé de l'essentiel vers lequel nous aspirons. Ce préjugé-là est notre boussole. Forts de cet instinct, nous pouvons nous abandonner, délivrés des angoisses du calcul.

Ainsi notre cœur est le lieu d'un paradoxe : à la fois lieu du cri d'effroi et patrie du verbe qui dit le Vrai. Tel est aussi le message du Tantra : tous les cœurs crient de terreur, plongés qu'ils sont dans les craintes du samsâra, ce divin au visage de peur, Bhairava ; mais aussi, chaque cœur chante en son tréfond le Mantra sauveur, le chant de l'aube perpétuelle : je suis je. Bouclé étrange dont seul le silence le plus intime possède le secret. Ces touches d'être, ces caresses au plus intime, ne sont-elles pas aussi préjugées ? Bien sûr qu'elles le sont ! Elles sont le passé invincible, la mémoire de médecine, le lien qui libère de toutes les chaînes factices.

Le préjugé n'est pas cet ennemi du progrès impitoyable et absurde que l'on nous vend partout. Le préjugé est notre allié : il est, tout simplement, le sens du Beau, l'instinct du Vrai, du Juste et du Bien. Il est notre guide vers notre centre universel et personnel à la fois, il est, disons-le, notre ange-gardien.

Puissions-nous ne pas l'oublier !


dimanche 14 novembre 2021

Le Chant de la Déesse


 Une traduction du Chant de la Déesse (Devīgītā) est parue chez Almora, par Pierre Bonasse, par ailleurs professeur de yoga-nidrā et auteur d'un excellent livre 108 pratiques à conjuguer pour s'éveiller à l'infini. Je n'ai pas lu cette traduction, mais je saisis cette occasion de bon augure pour parler d'un genre de textes dont je n'ai jamais parlé : les textes de tantra non-tantriques. Pour comprendre cette étrange expression, regardons le contexte du Tantra. 

Dans la religion de Shiva, comme dans celle du Bouddha et de Vishnou, qui sont les trois principales religions de l'Inde médiévale, il n'y a pas que le Tantra. Il y a aussi la religion (dharma) "laïque", accessible sans l'initiation (dīkṣā) libératrice. Dans le cas de la religion de Shiva, cette religion laïque est formé par un ensemble de huit textes, plus les Chroniques (purāṇa) et les Epopées (itihāsa). Cela fait un corpus considérable, entre 200 et 300 000 versets ! Mais tous les textes ne s'y valent pas. Tout est hiérarchisé et, comme dans un mandala, il y a un centre et des périphéries. Le centre de la religion de Shiva, par exemple, est un livre simplement intitulé La Religion de Shiva (śivadharma). Il enseigne la religion de base, commune (sāmānya) : comment rendre un culte au linga, l'importance du don pour soutenir la religion, les fêtes, les pèlerinages, etc. 

La religion Shâkta, de la Déesse, qui existe principalement dans la religion de Shiva, mais aussi aux marges de celles de Vishnou et du Bouddha, a ses tantras, mais aussi sa religion "laïque". Ses textes sont principalement le Devīmahātmya (intégré au Skandhapurāṇa) et le Devībhagavatapurāṇa, lequel comprend notamment la Devīgītā

Sur le modèle de la Bhagavadgītā, ce "chant" enseigne une doctrine de l'Advaitavedânta. Il y a des éléments tantriques, bien sûr, notamment le Mantra principal. Mais la doctrine est védântique, consciemment et délibérément. 

Un premier indice est l'emploi du composé sacchidānanda "être, conscience, félicité" pour décrire l'absolu. Le Tantra n'emploie jamais cet expression. Globalement, le Tantra se méfie de "l'être' (sat), craignant que l'on enferme l'absolu dans l'être. Or, l'absolu est d'abord et avant tout libre (svatantra). Il n'est pas même confiné dans l'être (svātmamātrāpratiṣṭhita). Quand le Tantra parle de l'être, il préfère parler de l'activité de l'être, de l'acte d'être, de l'acte par lequel il y a de l'être. La notion d'être comporte une connotation d'immobilité qui ne doit pas empiéter sur la souveraineté de l'absolu. 

Un second indice est ce passage de la Devīgītā où il est question de la doctrine (jñāna). Au chapitre IV, en effet, la Déesse révèle un enseigne védântique typique : la conscience est Mâyâ "ni existante, ni inexistante" (verset 4), ce qui est le dogme védântique de la Mâyâ "inexplicable" ou "indéfinissable" (anirvacanīyā), thèse du Vedântin Mandana Mishra réfutée par Abhinavagupta dans la philosophie de la Reconnaissance. Le texte tente ensuite de fusionner la Mâyâ avec la Prakriti du Sâmkhya. Mais surtout, le verset 10 mentionne directement la philosophie du Tantra, la Reconnaissance (pratyabhijñā), pour identifier la conscience (vimarśa) à l'ignorance (avidyā) du Vedânta ! Cette allusion à "ceux qui connaissent l'enseignement de Shiva" prouve que ce texte ou, du moins, ce verset, a été composé après la philosophie de la Reconnaissance, donc après le XIème siècle.

 Cependant, l'exposé se poursuit par quelques versets qui expriment assez fidèlement l'enseignement de la Reconnaissance, donc du Tantra. Mais le tout est mélangé avec des dogmes du Vedânta. Ainsi, "ce qui est dépourvu de conscience [=ce qui relève du plan de l'objet] est irréel, car cela est objectif et parce que cela est détruit par la connaissance" (verset 11b), de même que le serpent est "détruit" par la connaissance vraie, celle de la corde. C'est une thèse typique du Vedânta. 

Au contraire, la conscience (caitanya) n'est pas un objet, une chose que l'on puisse connaître à la manière dont on connait une chose. Car être connaissable de cette façon, c'est justement le trait caractéristique de ce qui est privé de conscience propre (verset 12a). Ce vers fait écho à Abhinavagupta, Bodhapancadasikâ, 8 : paricchinnaprakāśatvaṃ jaḍasya kila lakṣaṇam | jaḍād vilakṣaṇo bodho yato na parimīyate || . "Le propre ce qui est dépourvue de conscience, c'est d'être délimité dans sa manifestation (prakāśatva). La conscience est différente de ce qui est privé de conscience propre, car elle n'est pas délimitée [dans sa manifestation]."

Et ce chapitre continue en employant encore le langage de la Reconnaissance : La conscience est évidente, elle se manifeste par elle-même, elle n'est pas manifestée par autre chose qu'elle-même, alors que les choses, elles, sont manifestées par la conscience (verset 12b). 

En effet, si la conscience avait besoin d'une autre "lumière" pour être manifestée, il faudrait encore une autre lumière pour éclairer cette autre lumière, et ainsi de suite à l'infini (verset 13a). 

De plus, si la conscience se manifestait elle-même en se dédoublant, alors elle deviendrait à la fois sujet et objet et se contredirait elle-même, en étant à la fois consciente et inconsciente. Par conséquent, il faut admettre qu'elle se manifeste elle-même en manifestant les choses, tout comme une lampe qui éclaire ce qui l'entoure et s'éclaire ainsi elle-même, sans avoir besoin de la lumière d'une autre lampe pour être mise en lumière (verset 13b).

Tout dépend de la conscience, mais la conscience ne dépend de rien (verset 14a). La conscience ainsi prouvée et réalisée est donc permanente, elle est le corps de la Déesse (verset 14b).

Le texte emploie ensuite plusieurs autres termes empruntés à la philosophie du tantra, dont le "corps" (tanu), le "corps de la conscience" (samvidvapus, verset 16b). Mais dans le même verset, l'Auteur invoque le Témoin (sākṣin), notion typiquement Vedântique (16a).

Au total, ce texte est typique des enseignements religieux "communs" (sāmānya) : on y retrouve des éléments des traditions ésotériques (viśeṣa), mais du coup on se retrouve avec un mélange qui est loin d'être clair et, surtout, peu concluant. On observe ce même mélange dans le corpus de la religion de Shiva et dans les Purânas, qui semblent être de composition plus tardive que les tantras. Ou bien, des éléments brahmanistes (smârtas) ont été rajoutés à des éléments tantriques. Ceci est vrai pour la plupart des textes et des traditions composées après le XIIème siècle, soit après les génocides les plus destructeurs que l'Inde ai subit. Les Mantras sont préservés, mais des enseignements se mélangent et s'obscurcissent, dans une sorte de base védântique. Parfois, le résultat est édulcoré, parfois il est plus convainquant.

Le Chant de la Déesse est un texte magnifique, qui porte encore quelques échos de l'Âge d'Or du Tantra. C'est un texte du "Tantra non-tantrique" s'adressant au plus grand nombre, mais au prix peut-être d'une certaine dilution du message. Dès lors, on pourra peut-être lui préférer la Célébration de la Déesse, avec notamment son célèbre hymne à la Déesse "présente en tous les êtres sous la forme de la mémoire", etc. yā devī sarvabhūteṣu... :


Pour un autre exemple de mélange entre Tantra et brahmanisme, voir cet article.


vendredi 12 novembre 2021

L'intellect, la panacée ?


 

"Le mental est votre ennemi". Ce slogan a envahi les esprits en quête d'éveil, de sorte qu'il ne viendrait à l'esprit de personne de faire l'éloge de la raison ou de l'intellect, ou encore de la logique, comme moyens d'éveil. Ainsi, tout est confondu sous l'étiquette "mental".

Mais nous ne sommes pas amnésiques. Nous sommes héritiers de traditions sans prix. La science infuse ne suffit pas. Sans la tradition, l'expérience solitaire est condamnée à l'errance ou a l'impasse. Or, les traditions sont unanimes : la raison est le complément indispensable de la vie intérieure. Je pense ici aux traditions qui affirment la vie, qui intègrent la nature, qui s'ajustent à un ordre des choses qu'elles contribuent à protéger et qui, en retour, concoure à cette transmission. Nous devons donc reconsidérer notre évaluation de la raison.

Toutes les traditions accordent une place centrale à la parole et affirment que la raison est essentielle. Sans elle, on courre à sa perte. J'ai déjà traduit et partagé de nombreux extraits de la tradition du Tantra et du "shivaïsme du Cachemire" dans ce sens. Je sais bien que cette idée va contre le courant dominant actuellement. Mais ma loyauté va à la tradition, car je la trouve bien plus cohérente, complète et efficace.

Voici un autre exemple, tiré de la tradition du Cachemire et relativement récente, puisqu'il s'agit de la Lampe de la liberté, composée en sanskrit au XIXème siècle par Mânasa Râma, le maître de l'un des maîtres du Svâmî Lakshmana Joo. Cet extrait est un sûtra, un aphorisme, une brève déclaration sur un point essentiel de l'enseignement :

vitarkaḥ paramauṣadham || 

"La raison est le remède ultime".

Je crois que cela se passe de commentaire.

Abhinavagupta affirmait déjà :

tarkam yogāṅgamuttamam /

"La raison est la partie suprême du yoga" ou "la raison est ce qui aide le plus à atteindre l'état d'union."

Le propos est sans ambiguïté. 

Est-ce à dire qu'il faut ratiociner sans fin et en vain ?

Non : la tradition distingue deux usages de la raison (tarka). Le premier, mauvais, ku-tarka, consiste à raisonner dans le vide, sans ancrage dans l'être, sans lien avec la tradition. Le second, bon, sat-tarka, consiste à raisonner intensément sur la base de ce que le tantra révèle. Attention, il n'est pas question de restreindre la raison ou de dogmatiser, mais de révéler. Cela veut dire que la tradition ne pense pas à votre place, mais qu'elle vous révèle, qu'elle vous suggère des vérités que jamais la raison seule n'aurait pu deviner. Des vérités trop évidentes, trop opposées au sens commun, trop belles pour être fraies.

La raison forme, avec l'expérience et la tradition, la grande triade des moyens de connaissance qui nous guident sur la voie.

mercredi 10 novembre 2021

Plonger à la source de l'être



La pratique propre au Tantra n'est pas le massage ni la danse, même s'il est bon de danser et de se masser. Ces pratiques, aujourd'hui identifiées au Tantra, existent dans le Tantra traditionnel. Mais elles n'en sont pas le cœur.

Quel est le cœur du Tantra ?

La plongée dans le cœur.

Le cœur est le début de n'importe quel mouvement. 

De même, le propre du yoga, ce ne sont pas les postures, âsanas ; même si les postures, statiques ou dynamiques (karanas), font partie du yoga traditionnel. Mais le yoga, qui comporte six aspects selon la très riche tradition du Tantra, ne se limite pas aux âsanas.

Quel est le cœur du yoga ?

La plongée dans le cœur.

Le cœur est le début de n'importe quel mouvement. 

Voici un enseignement traditionnel sur ce point-clé :


sattā-saṃbhava-udyamo yogaḥ || 

"Le yoga, c'est [s'immerger dans] l'élan à la source de l'existence".

Mânasa Râma, La Lampe de la liberté


Ce maître du XIXe siècle explique lui-même son instruction :

parat-attva-samāveśa-upāyaḥ : le yoga est le moyen de s'absorber, de s'immerger dans l'être qui transcende les lieu, les moments et les formes, mais qui engendre ces formes et les fait subsister. Le yoga est la plongée dans le jaillissement de l'énergie qui engendre chaque chose, śakty-udyamaḥ et dont la nature ne meurt jamais acyuta-svabhāvaḥ.

mardi 2 novembre 2021

La méditation de toujours et de partout


 La conscience est l'essence de tout. Elle est à tout ce que le cœur est au corps. Or, elle n'a pas de forme, âkâra en sanskrit. A première vue, il est donc vain de chercher à la visualiser. Transparente, elle n'a nulle couleur. Limpide, elle n'a pas de figure propre. Sans visage, comment pourrais-je m'adresser à elle ? Partout et nulle part, elle est présente sur le mode de l'absence.

Néanmoins, la conscience se manifeste. Cela est certain, car tout cela est manifestation (prakâsha) animée par la conscience (vimarsha). Or, la conscience se manifeste selon nos désirs qui sont comme le prolongement contracté de son désir. Ainsi, j'écris en ce moment. Je peux imaginer. Et projeter des actions qui se réaliseront en partie. De même, la conscience apparaît divine selon nos désirs. Si l'on désire la richesse, elle incarnera la richesse. A cet égard, il y a bien quelque chose comme une "loi d'attraction" : a mes désirs répond le dynamisme bienveillant de la conscience que je suis réellement, même si je n'y crois pas, ou pas clairement.

La conscience revêt donc d'innombrables visages, dans chaque religion, dans chaque tradition, comme autant de réponses aux questions en forme de désirs, qui surgissent dans le cœur des humains. Ainsi les dieux et les déesses, avec les mantras qui les invoquent, sont des cristallisations de la conscience immaculée, afin de gagner tel ou tel résultat particulier.

D'un autre côté, toutes les formes sont les formes de la conscience sans forme. Et donc, si je contemple toutes ces formes, sans choisir, en plongeant en moi à la source vivante de tous les désirs, je réaliserai cela. Et le fruit en sera sans limites. Le résultat de l'infini est l'infini. Si je ne m'arrête à aucune image désirable, mais si, à l'occasion de tel ou telle image, je plonge à la racine du désir, là où le désir n'est pas encore un désir particulier, mais désir universel, sans forme ni figure, désir pur, alors je réalise l'infini, infiniment. La joie de cet éveil est sans commune mesure. Tout le reste, si vaste soit-il, n'est qu'une goutte de cet océan sans rivages.

Abhinava Gupta conseille donc :

yas tu saṃpūrṇacidvṛttir na phalaṃ nāma vāñchati /

tasya viśvākṛti dhyānaṃ sarvadaiva vijṛmbhate // Mâlînîvârttika, 2.138

"Mais celui qui jouit du mouvement de la conscience en sa plénitude

ne désire aucun résultat [particulier].

Pour lui, c'est la méditation/visualisation de toutes les formes

qui se déploie à chaque instant !"

Telle est la méditation divine, shiva-mudrâ. Ainsi, tout ce qui apparaît, instant après instant, en cet instant présent de pure et simple présence concrète, est le visage de la divinité. C'est le mandala naturel, la visualisation spontanée. Le flot du souffle est le mantra inné, les gestes du corps sont la mudrâ authentique. Et ainsi, la vie même devient célébration de la liberté. Je suis tout et tous. Il n'y a pas cessation du désir, mais expansion infinie du désir. Un seul désir pour un seul être manifesté en toutes choses.

Comment le ressentir ? En plongeant dans le "je suis", qui n'est pas un concept, ni une image, ni une vague sensation, ni une abstraction, mais la réalité la plus concrète en comparaison de laquelle tout le reste n'est qu'un songe. Ramana dit 

Aham ahantayâ brahmâtrena bhâti 

"Il brille en tant qu'absolu : je... je..."

Ou bien : "je suis je". 

Non pas "je suis cela", ni "je suis", mais "je suis je", car ce Cœur universel est vibration, balancement et pulsation qui va du dedans au dehors, de soi aux autres, puis vers soi. Il est relation, union, communion parfois, réconciliation du corps et du monde, guérison et richesse inépuisable.

Plonger, âvesha, encore et encore et encore. Un instant, deux instants, un jour, une année, une vie et une éternité. A jamais.

Tel est le chemin du Tantra que je vous invite à explorer :

https://david-dubois.com/index.php/poesie/

samedi 30 octobre 2021

Satsang !

 Satsang ce soir à 21h.

Le satsang est une réunion en communion, silence et questions.

https://us02web.zoom.us/j/87255537226?pwd=MFNaRHQ1eGVmTm8rVTZPWFh3TGdvdz09

ID de réunion : 872 5553 7226

Code secret : 807118




jeudi 28 octobre 2021

Fuir l'extérieur pour aller à l'intérieur ?


 Il y a une vie intérieure : la découverte d'une manière d'être plus profonde, plus vraie, plus joyeuse, moins absurde. Aussi, grande est la tentation de se retirer vers cet intérieur béni quand les choses vont moins bien, quand la vieillesse, la maladie, la mort, l'injustice ou la malchance se présentent. Et quand tout va mieux, nous pouvons nous sentir frustrés de cet intérieur, tout de même, car là est le sens, la valeur, le salut, la substance. Désormais nous le savons ; nous pouvons ajourner, reporter, mais nous ne pouvons plus échapper à cette nouvelle conscience. La source a été trouvée. Comment pourrait-on l'oublier ? La source de vie est ce silence intérieur en lequel chacun de nos membres renaît, en qui chaque pensée, chaque émotion semble à sa place, comme une eau fluide et fraîche coule d'une manne assurée.

L'extérieur aussi nous appelle. Comme une autre saveur, plus âcre, après les douceurs du cœur profond. L'action, les responsabilités, l'aide aux autres... Que faire alors ? Que choisir ? L'intérieur ou l'extérieur ? Les deux semblent incompatibles et le dilemme ressemble à un nœud inextricable.

Maître Eckhart évoque cette alternative, mais nous suggère qu'il n'y a pas à choisir, car l'intérieur appelle l'extérieur et cet extérieur doit jaillir dans l'intérieur, sans le détruire :

"Cela ne veut pas dire qu'il faille fuir son intériorité, s'en détacher à la renier [ce serait excessif], mais bien au contraire : il faut apprendre à agir en elle, avec elle et par elle. En sorte que l'intériorité fasse irruption dans la réalité extérieure et que cette réalité extérieure soit réintroduite dans l'intériorité, et que l'on s'habitue alors à devenir libre dans l'activité. Il faut diriger son regard vers cette activité intérieure et agir à partir d'elle, que ce soit lire, prier ou, s'il convient, accomplir des œuvres extérieures. Si l'activité extérieure trouble l'opération intérieure, que l'on suive la voie intérieure. Mais si les deux pouvaient être unies, ce serait la meilleure manière d'agir ensemble avec Dieu". Conseils spirituels, chapitre 24, trad. Wackernagel

Eckhart évoque dans ce passage très précieux la relation délicate entre vie intérieure et vie extérieure. Il ne s'agit en aucun cas de sacrifier la relation avec la source intérieure sur l'autel d'une efficacité extérieure, sociale, au nom de la morale par exemple. Eckhart souligne sans cesse que les œuvres en elles-mêmes sont sans valeur, du moins tant qu'elles ne découlent pas d'une intention bonne, c'est-à-dire jaillissant du silence intérieur, vivant et vibrant. 

Tant que l'intérieur semble faible, prenons en soin. C'est peut-être cela, "prendre soin de soi". Point trop n'en faut. Agir lentement, en revenant sans cesse à l'intérieur, au "je suis" concret. Donner le temps au temps, ou plutôt donner à ce qui est au-delà du temps, le temps de jaillir dans le temps et d'y opérer à sa guise. 

Alors l'extérieur, oui. Mais enveloppé dans l'intérieur, comme caché au plus profond, dans une paix obscure d'où sourd le nectar subtil de ce je-ne-sais-quoi sans lequel rien de beau ni de bon ne saurait être vécu, quand bien même cela semblerait beau et bon vu de l'extérieur. 

L'extérieur depuis l'intérieur. Tenter une autre vie, se laisser tenter par l'abandon fou à cette autre manière de vivre. Intime, secrète. L'extérieur ramené dans l'intérieur, l'intérieur infusant dans l'extérieur, de sorte qu'ils se pénètrent mutuellement. Le Tantra décrit précisément ce cycle du dehors et du dedans : c'est la krama-mudrâ, instruction secrète de la tradition des yoginîs. 

Tout, en somme, est question de dosage, de mesure et de temps opportun. Dans notre société en accélération, il est sans doute juste de lever le pied et de cultiver en tout lenteur, douceur et silence.

mercredi 27 octobre 2021

Weekend méditation


Weekend de découverte et de pratique de la méditation du Tantra

Yoga de l'espace et du mouvement

Samedi 30 octobre et dimanche 31 octobre

à Nogent-sur-Marne près du bois de Vincennes

10-12h30  14h-17h

80 e

Inscription et adresse :

deven_fr@yahoo.fr

0603330558

Inévitable liberté


Selon le Tantra, l'absolu n'est pas statique. Il n'est pas une conscience "pure", immobile, face au monde changeant. On ne peut le réduire à tel ou tel état "non-duel" ou autre. L'absolu est liberté, capable de se diviser, de s'unifier, d'embrasser tout et d'aller infiniment au-delà. Il est la vie. Qui peut dire les limites de la vie ?

L'absolu, l'essence de nous et de tout, est mouvement, liberté : vibration. Quand ce mouvement ralenti, les choses et l'inertie, l'inconscience apparente, prennent le dessus. Quand la vibration s'intensifie, le "je suis" éclot et le corps apparaît en toute sa gloire comme la Roue des énergies.

Un maître l'a dit :

bho bhagavati suśroṇi! 
viśrāntaparamānandamayadhāmaśaktitrayagatānavaratasaṅkocavikāsarūpatrikonaparispandanarūpametad hṛdayaṃ bhairavātmano bhairavasya 
ātmabhūtāyāstadavibhāgavatyāḥ śrīparādevyāḥ tattvaṃ bhavati |

"Ô bienheureuse, femme aux belles hanches ! 
ce Cœur est vibration, 
triangle qui se contracte et se dilate sans cesse, 
royaume des trois énergies, 
débordant de l'ultime béatitude apaisée. 
Il est l'âme de Dieu, 
de la Déesse suprême, 
de la bienheureuse qui est son âme 
et inséparable de lui. 
Ce Cœur est donc l'Être réel." 
(Paratrîshikâlaghuvritti, 9)

Le Cœur est l'âme de tout, de même que le cœur est l'âme du corps. Il est un point et un triangle, une unité et une triade, vibrante, en contraction et dilatation ininterrompue. 
Le Cœur vibre, pulse, bat, comme n'importe quel cœur. Ainsi, l'absolu n'est pas absolument simple : il est vibration, mouvement à double pôle, relation. Il est réconciliation de l'unité et de la dualité et de tous les opposés. Cette réconciliation est paix (vishrânti) et joie (ânanda), repos dans l'action, aventure en pleine sécurité et émerveillement sans épuisement.

La pratique de la Déesse Suprême (parâdevî) est l'expression de cette certitude.

Ainsi, il n'est pas possible de s'arrêter à un seul état, si sublime soit-il. Même Ramana Maharshi a découvert l'état naturel (sahaja), état d'absorption compatible avec l'activité des sens. Saha, "avec": il y avait donc bien dualité ; "ja" : il y avait donc bien naissance et nature et mouvement. Il avait beau proclamer que le monde est absent dans son expérience, il a du finir par admettre qu'il était bien présent, mais autrement.

jeudi 21 octobre 2021

L'harmonie du Tout

Lessons from Totality: Learning from the 2017 Total Solar Eclipse |  Programming Librarian 

 

 La voie du Tantra n'est pas l'une de ces voie où l'on doit s'amputer dune partie de nous pour en gagner une autre. il n'est pâs question de sacrifier le corps pour l'âme, ou la raison pour l'intuition. Le Tantra nous invite à voir l'harmonie du Tout. Or, nous sommes un Tout, un Tout à l'intérieur du Tout. Un petit Tout, mais un Tout quand même. Or, un Tout ne s'ampute pas, s'il est bien un Tout. Un Tout intègre ses parties, comme les parties d'un instrument de musique. Il serait absurde d'arracher les cordes de ce violon, croyant en faire un meilleur instrument, capable d'une musique meilleure. Je peux remplacer les cordes, je peux les accorder au reste de l'instrument. Mais la beauté ne peut s'exprimer au prix du sacrifice définitif de l'une des parties. La beauté résulte de l'harmonie de toutes les parties, sans en exclure aucune.

 Or, les parties du Tout que chacun de nous est, ce sont nos pouvoirs, nos shaktis, nos facultés. Voir, sentir, imaginer, penser, juger, se souvenir, oublier, choisir. Il n'est donc pas question d'en sélectionner une, ou d'en exclure certaines. Le Tantra indique huit voies vers le divin Tout : la vue, l'odorat, l'ouïe, le toucher, le goût, l'analyse, le choix et l'ego. Les huit parties correspondantes dans le cosmos sont la solidité, la cohérence, la lumière, la fluidité, la transparence, le soleil, la lune et l'âme cosmique. 

Intégrer, accorder, réconcilier donc, et non pas sacrifier définitivement. Certes, des distinctions peuvent être nécessaires. mais elles sont provisoires. ce sont des étapes, des fins intermédiaires et non pas la fin ultime. En cours de route, je peux m'asseoir à l'ombre d'un arbre, dit Utpaladeva, afin de me reposer du soleil. mais ça n'est pas là le but et le terme de mon voyage. De même, je peux faire le vide, ou laisser le vide se faire en moi, ou plonger dans ce qui, en moi, est toujours vide et comme vierge des bruits du monde. Me reposer du siècle à l'abri du silence. mais cela n'est pas le but ultime. Le but ultime est l'harmonie en laquelle tout est intégré, comme tous les organes d'un être vivant en bonne santé.  

 Il ne s'agit pas de choisir une shakti au détriment des autres, car alors le Tout ne serait plus le Tout, mais une partie du Tout. Un fragment, si précieux fut-il. C'est au travers de la totalité de ces shaktis, de ces pouvoirs, de ces expériences, que je me réalise, au-delà de mon individualité et en l'intégrant.

Abhinava Gupta, dans sa Libre méditation sur le Tantra de la Déesse-Alphabet (Mâlinî-vijaya-vârttika), dit ceci :

"Il n'y a pas que l'omniscience absolue, car nous faisons aussi ces expériences [plus ou moins limitées] : 'je suis Pierre', 'je vois ce vase, non ce vêtement', 'mais tel autre le voit', 'je vais le voir, ou pas', 'je vois à la fois le vase et le vêtement', 'ce vêtement ne voit rien', 'j'ai vu ce vase, je ne le vois plus', 'je vois, peu à peu, partiellement, ou d'un seul coup', 'je vois tout', 'je ne suis pas quelque chose', 'je ne connais rien', 'je n'existe pas', 'je suis tout, rien n'est séparé de moi'... Car c'est une seule et même Conscience qui se manifeste ainsi et autrement." 70-74

Ce que décrit ici le maître, c'est l'odyssée de la conscience à travers mille expériences, qui sont ses mille shaktis, ses pouvoirs. Aucune expérience n'est exclue. Certes, il y a hiérarchie et ordre, car 'je suis tout' est une expérience plus complète que 'je suis ce vase'. Cependant, même les expériences limitées sont inclues dans la Conscience ; ce sont des aspects de l'unique expérience, de la réalisation totale. 

Ainsi, il y a une harmonie de de Chemin du Tout (grâma). Tout est la Conscience, l'Être, en train de se réaliser, de s'explorer, de se perdre et de se retrouver, car telle est son jeu souverain, son absolue liberté. 

C'est un mystère qui dépasse la raison. Et pourtant, la raison, cette lumière innée, y participe, selon sa mesure. Mes cinq sens y participent aussi. Tout cela est participation d'amour, bhakti. Tout cela est relation et unification, guerre et réconciliation, aspiration vers l'harmonie. Bien et Mal sont enveloppés dans ce Bien absolu, ultime, primordial et final. Chaque fragment participe selon sa manière propre à l'harmonie du Tout, rien n'y échappe, pas même le Diable diviseur.

Il n'est donc pas nécessaire de se châtrer pour accéder au royaume des cieux. 

lundi 18 octobre 2021

La Lampe du bonheur

Matsyendra, révélateur du Tantra Kaula dans le monde des hommes, dans l'attitude (mudrâ) de la méditation de Shiva, Hampi, Inde

 

Quand on pratique la méditation de Shiva (shiva-mudrâ), les yeux et les sens grands ouverts, on ressent comme une lumière qui brille en soi et qui sort par tous les pores de la peau, par les yeux et la bouche.

Cette pratique est ainsi évoquée dans le Jeu de la conscience (Saṃvidullāsa), un hymne de Maheshvarânanda, maître du Sud de l'Inde :

avināśini maṅgalapradīpe manasi prajvalite mahāprakāśe |
bahirindriyagolakairgavākṣairaviśeṣādavabhāsyate trilokī ||

Brille la Lampe du bonheur, l'esprit,
lumière intégrale que rien ne peut éteindre !
Alors, les trois mondes sont manifestés sans séparation,
[alors même que tout se manifeste] à travers les fenêtres des sens,
dans les champs sensoriels externes !

______________________________

Quand le mental (manas) reste silencieux à l'intérieur, les cinq sens grands ouverts vers l'extérieur, un miracle (camatkâra) se produit : le monde apparaît dans ses moindres détails, mais sans plus de séparation, sans l'idée que le monde est "à l'extérieur" et séparé de moi, Lumière intégrale qui l'éclaire et le manifeste. 

On se ressent alors comme une lumière, comme une lampe qui brille, comme un projecteur qui projette le monde en soi, comme un soleil dans un ciel radieux. C'est la Lampe du bonheur, la grande lumière (mahâ-prakâsha) qui brille en brûlant la peur et ses blessures. C'est l'expérience directe de la présence qui guérit, qui répare, qui console, qui guide et qui nourrit. C'est elle, le Guide primordial (âdi-nâtha), le refuge originel (âdi-nâtha), la pratique essentielle (âdi-yâga).

Comme le dit un maître tibétain, dans une tradition très proche du Tantra : "le monde, cette assiette ici, cette souris là, n'ont pas besoin de disparaître". C'est juste la conscience qui s'éveille à elle-même.

P.S. : mise à jour. En lisant l'explication que donne l'Auteur de ce verset lui-même, je réalise que je me suis trompé dans ma traduction. J'ai en effet traduit manasi par "dans l'esprit", influencé en cela par Lilian Silburn qui traduit par "dans le cœur". Or, ce faisant, on commet un grave contresens. On donne en effet l'impression qu'il s'agit de rejeter le mental (manas) à la faveur du "coeur" (?) ou de faire taire le mental. Mais l'Auteur explique au contraire qu'il n'est pas nécessaire de renoncer au mental ! Il dit : tataśca manovimarśasyāvarjanīyatvam "Et donc, il n'est pas nécessaire de renoncer au mental, à la pensée". L'Auteur justifie cette affirmation en disant que la "roue des organes externes" dépend de l'organe interne - le mental et que, donc, il faut "nécessairement admettre" que la "Lampe du bonheur" est le mental.
Le mot vimarśa signifie "pensée". Silburn traduit par "prise de conscience", occultant ainsi le fait que le Tantra affirme que l'absolu est Lumière (prakâsha) ET pensée (vimarsha). Toute la doctrine du Tantra à l'égard de la pensée, développée en particulier par Utpaladeva, devient incompréhensible si l'on traduit systématiquement vimarsha par "prise de conscience". De manière générale, les traductions de Silburn occultent toujours cette dimension et rendent l'enseignement du Tantra incompréhensible. Même si son œuvre fut pionnière, on ne peut donc la recommander. J'ai donc modifié ma traduction en conséquence. Manasi est apposé au reste de la première ligne du verset, l'ensemble de la clause constituant ce que l'on appelle, dans le jargon, un "locatif absolu" : "quand... alors...".

samedi 16 octobre 2021

Pas de déesse sans dieu ?

 


citirdrṣṭimayī nityā sadasadrūpakāraṇam |

dhyānā'nurodhavapuṣā dayayā dṛśyatāṃ gatā || 54 ||

"Conscience, tu es vision éternelle,

cause de la présence et de l'absence [des choses],

[mais] tu deviens visible par ta bonté,

incarnée sous la forme que l'on visualise."

yoṣidrūpadharā devī vinā puruṣasaṃśrayam |

nā'tyartha śobhate lokavigānāditi manmahe || 55 ||

"Je crois que dire que la Déesse est

femme sans aucun homme,

n'est guère brillant,

car cela contredit le monde."

na kvacillokavitatau nārī narasamāśrayam |

ṛte sambhavate vallī taruhīnā yathā bhuvi || 56 |

"Dans le monde entier,

une femme sans un homme

est impossible, 

tout comme une liane sans arbre.

Le Secret de la Déesse Tripourâ (Tripurârahasya), Célébration de sa grandeur, chapitre 55

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Et vous, qu'en pensez-vous ? Le féminin peut-il exister, ou vivre, ou avoir un sens, sans le masculin ?

mercredi 13 octobre 2021

Le secret de la parole


Révélation du Chemin du silence éloquent vers la parole audible :

tat kramaṃ te pravakṣyāmi sarvatraiva sugopitam |

tripurākhyā hi yā śaktiḥ svacchasaṃvedanāmayī || 10 ||

"Je vais te dire ce Chemin

à jamais caché !

Oui, cette Énergie nommée Tripourâ

est conscience très transparente."

na tatra vāgindriyāṇi mano vā'pyasti sarvathā |

sarvāstisārabhūtā'tmarūpī parameśvarī || 11 ||

"Là, il n'y a pas d'organe de la voix,

aucun mental, non plus.

Elle est l'essence de tout et de tous,

car elle est le Soi,

cette suprême Souveraine !"

na dharmo dharmavān vā'pi sarvadharmavivarjanāt |

sarvā'śrayacitiḥ svacchā kevalā vāgagocarā || 12 ||

"Elle n'est ni sujet, ni objet,

car il n'y a pas d'objet en elle.

Conscience fondement de tout,

elle est transparente, absolue,

au-delà de la parole."

tasya caitanyamātmeti na tato vidyate'dhikam |

tadeva sarvasvātantryamato māyākhyamīritam || 13 ||

"Il n'y a rien d'autre qu'elle :

'Le Soi est la conscience libre' [citation de Shiva-sûtra I, 1 !!!].

Cela seul est liberté universelle,

liberté aussi nommée 'Magie'".

atarkyā'paryanuyojyamāhātmyamakhilā'śrayam |

svayaṃ svātmānamamalaṃ vikalpayati bhūriśaḥ || 14 ||

"Elle n'est pas un objet logique,

elle est une majesté singulière,

fondement de tout.

Notre Soi intime, immédiat,

pur, qui imagine le Multiple."

līlayaiva sarvajagajjālameṣa samīrataḥ |

vikalpa eva śabdātmā sthūlamadhyavibhedataḥ || 15 ||

"Seulement par jeu !

elle anime ce tour de magie

qu'est le monde entier !

L'imagination elle-même, le bavardage,

est fait de mots.

Il est grossier ou subtil..."

sūkṣmakāraṇabhedābhyāṃ caturvidhamiti sthitam |

tatra sthūlantu yadrūpaṃ vaikharīti prakīrtitam || 16 ||

"A partir de son état subtil,
elle passe par quatre étapes.
Sa forme grossière est la parole articulée.

Le Secret de la déesse Tripourâ, Célébration de sa majesté, chapitre 58

________________________

Notez l'emploi flottant du masculin, du féminin et du neutre.

Et le secret : même dans la parole grossière, articulée, le silence pur de la pur conscience est parfaitement présent, sans le moindre déclin.

lundi 11 octobre 2021

Weekend méditation à Paris les 30 et 31 octobre 2021

La méditation du Tantra

Un weekend pour s'initier la pratique de la méditation dans la tradition du Tantra

Lieu : Nogent-sur-Marne, près du bois de Vincennes

Accès : Lignes A ou E, 15mn des Halles, A86 et A4

Horaires Samedi 10h-12h et 13h30-16h30, dimanche même horaire, avec la séance vidéo sur Zoom inclue à 11h.

Participation : 80 euros pour les deux jours, en espèces sur place

Programme

- la méditation de Shiva, méditation de l'espace et du silence intérieur

- la méditation du Spanda, méditation de la vibration du cœur

Ces deux approches correspondent aux deux aspects du "je suis" essentiel, le masculin et le féminin. Cette pratique est accessible à toutes et à tous. Pas besoin de capacité physiques spéciales, juste le désir d'explorer une nouvelle approche de la vie.

Inscription : écrire un mail à deven_fr@yahoo.fr pour recevoir l'adresse

A bientôt dans le partage de ce trésor du Tantra,

David

samedi 9 octobre 2021

Inscription à la Formation Tantra

 Formation Tantra, traditions en liberté

OM TAT SAT: Para, Apara and Parapara
Les trois déesses, trois aspects de la conscience, de la vie.

L’automne est une saison de bon augure pour partager la connaissance amoureuse du Tantra. En en effet, en Inde le ciel d’automne est connu pour sa transparence et ses nuances rousses et ocres. La transparence exprime au dehors la pureté de la conscience intérieure. Les nuances de rouge manifestent la passion qui anime la Présence, passion qui se fait compassion et partage.

Il est temps de partager le trésor du Tantra ! Cette tradition est populaire, mais elle reste méconnue. Je marche sur ses chemins depuis plusieurs décennies et j’ai la chance d’accéder aux source du Tantra, orales et écrites. Je vous propose un parcours initiatique et de formation, basé sur les enseignement originels, mais dans un esprit de liberté. Le but est de nous relier au Tantra pour nous relier à l’essence, au cœur intime et universel. Pas d’érudition, pas d’ego, pas de compétences, seulement la douce méditation du flot du nectar du Tantra et la contemplation savoureuse de sa vérité en nous. Pointer vers ce qui, dans le Tantra, est universel, de tous les temps, de toutes les existences. Une approche libre, mais ancrée, lucide. Amoureuse mais pas aveugle. Intégrale, sans exclure aucun aspect de notre existence.

Concrètement ?

Des vidéos en direct et en replay sur Zoom, tous les dimanches à 11 heures. 40 minutes, puis une session de questions et réponses.

Un satsang chaque mois, en général le samedi matin à 11 heures. Un satsang est une réunion où l’on dialogue et où l’on communie en silence, une autre manière d’être ensemble. Prochain satsang le samedi 30 octobre 2021 à 11h, puis le samedi 27 novembre 2021. Incription gratuite : envoyez un mail et nous vous enverrons l’invitation sur Zoom.

Au programme :

-Les deux dimensions de la vie intérieure, le masculin et le féminin, Shiva et Shakti.

-Les Quatre Yogas de la connaissance, du souffle, de l’espace et du désir, le cœur du Mandala.

-Une carte claire et précise de l’Arbre du Tantra

-Une chronologie et des repères pour s’orienter-Le Yoga de la Vibration

-Le yoga de la beauté, du chant et de l’amour joyeux

-Les Shakti Soûtras

-Les Shiva Soûtras-Le Cœur de la reconnaissance du sacré en soi et en tout

-L’initiation-Les approches et les voies-Le Secret de la Déesse et ses contes initiatiques

-La voie des Mantras

-La Lumière des tantras, le Tantrâloka, le principal manuel de Tantra traditionnel, avec ses versions résumées : L’Essence des tantras, Le Résumé des tantras et La Graine des tantras

-Les 360 instructions qui pointent directement vers le Cœur

-La philosophie de la Reconnaissance, Pratyabhijnâ

-Le Yoga de la Vibration, Spanda

-La tradition de la musique et de la danse du Tantra

-Les Cycles de la vie intérieure

-La tradition Kaula, intégrer la Famille divine

-La discipline quotidienne, effort et grâce

-La Voie de l’union primordiale

-La tradition de Kâlî et la Voie du Temps

-La tradition de Parâ et la Voie de l’Espace

-La Voie des Sanctuaires (pîtha) et du voyage

et bien d’autres trésors…

En parallèle, je propose à celles et ceux qui le souhaitent, d’autres formations :

-La redécouverte du shamanisme : la voie du cerf et du ciel

-La redécouverte des traditions méditerranéennes à la lumière du Tantra

-Plonger au cœur des traditions païennes et chrétiennes -La pratique du massage de soin yogique-La danse de la Mâtrikâ, la Matrice de tous les langages

-L’alphabet des poses et des regards divins

-La grammaire sacrée du sanskrit

-La calligraphie dans les écritures sanskrites (Devanâgarî, Siddham, Ranjanâ…)

-L’art de la récitation du sanskrit

-L’étude d’extraits de textes-clés (Bhagavad-gîtâ, Yoga-sûtra, Upanishads…)

-La marche du souffle et la course de libération (prâna-bhâvanâ)

– Voyages et séjours de découverte spirituelle dans les lieux les plus sacrés et les moins connus de l’Inde, ainsi qu’à Bali et en Thaïlande

et bien d’autres disciplines à découvrir ou a redécouvrir…

Les tarifs et la participation :

Pour chaque vidéo Zoom en directe sans abonnement : 20 e

Abonnement mensuel, inclus l’accès aux vidéos en direct et en replay : 50 e

Cours particulier ou séance de conseil ou de pratique sur un thème : 30 e

Les paiements se font par Paypal, avec mon numéro de téléphone ou mon adresse email. Vous recevez ensuite l’invitation pour la vidéo Zoom en direct les dimanches à 11h, ainsi que le mot de passe mensuel pour l’accès aux vidéos en replay sur ce site.

Premier cours le dimanche 10 octobre 2021 à 11h.

Pour s’inscrire : 1) Envoyer un mail à deven_fr@yahoo.fr ; 2) Effectuer le paiement sur Paypal à cette même adresse mail. En retour vous recevrez l’invitation pour la vidéo Zoom en direct, puis le mot de passe mensuel pour accéder aux vidéo sur ce site.

Il y a aussi des vidéos en accès libre sur la chaîne You Tube à cette adresse :

https://www.youtube.com/channel/UC3iwO_xwYinenpR4fPosmhA

Par ailleurs, un weekend de méditation aura lieu à Paris près de Vincennes le 30 et le 31 octobre 2021. La participation est de 80e. Horaires : Samedi 10h-12h et 13h30-16h30, dimanche même horaire, avec la séance vidéo inclue. Au programme de ce weekend : la découverte des Quatre Yogas du shivaïsme du Cachemire et de la tradition Kaula. Conscience, souffle, espace et désir.

Posez vos questions :

mail : deven_fr@yahoo.fr

tel: 0603330558

A bientôt ! David Deven Dubois