lundi 26 décembre 2022

Les éveils de la Koundalinî

La Koundalinî... 

Un mystère à démystifier ?

Un secret à réserver aux initiés ?

Un je-ne-sais-quoi qui est la vie ?

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Weekend à  Paris, près de Notre-Dame.

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lundi 19 décembre 2022

Où est la conscience ?


 

Comme tout le monde, j'ai tendance à réduire la conscience à la vie. Est doué de conscience ce qui est animé. "Tout est conscience", mais seuls les êtres doués de conscience ont une vie interne, capable d'évoluer en une vie intérieure. 

Or, la chose n'est peut-être pas aussi certaine. 

On dit que la transmigration, le cycle des réincarnations, ne concerne que ces êtres bien vivants, ceux du règne animal : les dieux, les démons, les humains et les autres animaux. Cela semble très ouvert. Mais certains enseignements nous invitent à élargir encore davantage.

Parmi ces esprits larges, il y a le Yoga selon Vasishta, dont j'ai traduit une version abrégée. Dans ces Mille et une nuits de la non-dualité, toute chose peut cacher un être doué de conscience. Non seulement les animaux, mais encore les plantes, et même les pierres, les montagnes et l'espace. Le vide est peuplé, il n'est pas vide. Y habitent des "monades" (anu) qui sont des êtres doués de conscience. Nous ne les voyons pas, ils ne nous voient pas. Mais ils vivent, ils sont des individus soumis à l'aveuglement dualiste. Ils peuvent donc atteindre la délivrance, l'éveil.

Certes, leur expérience est rudimentaire, comparée à la notre. Mais cela suffit, et d'autres êtres sont plus complexes que nous, sur d'autres mondes, dans d'autres dimensions. Ainsi, selon Vasishta, les étoiles sont des individus, avec leur histoire et leur personnalité. Il est possible de se réincarner en un soleil. Et il est possible d'atteindre l'éveil spirituel en tant que soleil. Il existe d'ailleurs des récits d'étoiles qui s'éveillent. 

Inversement, des dieux créateurs de mondes entiers peuvent rester soumis à l'aveuglement de l'ego, de l'imagination, de l'illusion d'une réalité, à commencer par la réalité du monde qu'il créent, et dans lequel les êtres qu'ils rêvent, rêvent à leur tour d'autres mondes, dans lesquels d'autres êtres rêvent aussi, et ainsi de suite, à l'infini... 

Vasishta le dit explicitement : il y a des éveillés parmi les insectes et il y a des imbéciles parmi les dieux. La clé a deux facettes : l'audace et l'esprit critique. Peu importe le statut et le rang, seul compte la capacité à interroger les évidences. Ce yoga de la connaissance est lui-même très audacieux, n'hésitant pas à détrôner les dieux de l'Inde.

Il raconte même l'histoire d'un virus, celui du choléra, qui atteint l'éveil. Un virus, un être a mi-chemin entre l'inerte et le vivant. Ainsi, nous baignons littéralement dans des océans d'âmes qui contiennent, chacune, d'autres océans d'âmes, à l'infini. Notre monde est lui-même le rêve d'un individu, qui lui-même est rêvé par un autre, sans fin.

La beauté de cette vision est que tout est possible. Si tout est conscience, il n'y a pas de loi absolu, pas de principe, rien de donné "avant" la conscience. Donc tout est possible. La conscience est partout. Elle peut s'individualiser, s'incarner, partout. 

Cette vision est vertigineuse, n'est-il pas ? 

lundi 5 décembre 2022

L'éveil par le souffle


"La conscience se transforme d'abord en souffle" dit la tradition.

La conscience est notre vraie nature, la plus évidente et la plus mystérieuse. 

Elle n'est pas statique, mais en mouvement, mouvement du temps, du changement, de l'impermanence.

Selon le Tantra, c'est elle qui habite dans la bouche et anime la respiration. La respiration est la base du temps et de toutes choses. L'attention au souffle est la pratique fondamentale, l'adoration naturelle de la déesse-vie.

Un tantra dit qu'elle est "à la pointe du nez" et "dans le cœur" dans l'expir et dans l'inspir. Elle va et vient entre les deux. Avec l'inspir, elle manifeste le monde, avec l'expire, elle le résorbe. 

Et si l'attention se pose sur les intervalles à la fin de l'expir, "elle dévore" inspir et expir. La respiration se calme, le mouvement devient plus subtil, la conscience "dévore le temps". Le souffle vertical s'active, la Kundalinî d'éveille. "En un instant", elle s'élance dans l'espace. L'énergie contractée rejoint l'espace de la présence originelle. 

Elle est la puissance du désir, de l'élan de vie qui devient ensuite perception, pensée et activité. 

jeudi 24 novembre 2022

Morts et renaissances de l'idéalisme

 L'idéalisme, c'est la théorie selon laquelle "tout est conscience". Avec des variantes mais, en gros, c'est cela. Attention, il ne s'agit du tout pas de l'idéalisme au sens moral !


Il y a eu plusieurs femmes pour défendre le point de vue idéaliste. L'une d'elles est Anne Conway, anglaise elle aussi, mais au XVIIIè siècle.

Il existe plusieurs théories idéalistes en Inde comme en Europe.

Voici une vidéo qui, en anglais (mais avec des sous-titres à activer), explique très clairement l'élan idéaliste qui a animé l'Angleterre des années 1880 à 1920. C'est passionnant car on constate que, toujours et partout, le même scénario se répète : un élan idéaliste, "tout est conscience", contre lequel s'oppose puissamment un courant réductionniste "il n'y a que les pensées et les perceptions, aucune conscience en plus". 

Ceci est tout à fait fascinant, car ceci se retrouve en Inde : l'idéalisme brahmanique contre le réductionnisme bouddhiste de Dharmakîrti et ses disciples. Puis la Reconnaissance (pratyabhijnâ), la philosophie indienne idéaliste la plus aboutie.

En Occident, on a de même l'idéalisme platonicien face au nominalisme, puis l'idéalisme anglais face à logicisme de Russel et de Wittgenstein, ce dernier étant proche d'un certain esprit zen.

Ces parallélismes confirment qu'il existe des réponses universelles face à des questions universelles.  

jeudi 17 novembre 2022

Au-delà de la conscience ? Le cas du bouddhisme "pragmatique"

 Dans le modèle bouddhiste des neuf états de méditation (dhyâna) sont mentionnés quatre états "non matériels" (arûpa), dont un état dit de "conscience infinie", situé entre "l'espace infini" et "le Rien", ākiṃcanya-āyatana, litt. "le rien comme support".

un bouddha grec

Il est intéressant de relever les descriptions et interprétations proposées par les adeptes contemporains, surtout dans la branche dite "pragmatique". Car cela renvoie au plus profond de nos vies intimes.

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Ainsi, Daniel Ingram décrit le passage de l'espace à la conscience par la réalisation "que l'on est conscient" de cet espace sans limites. Selon lui, cet état est celui que les ignorants prennent, à tord, pour un "Soi", un "Tao", un "Fond", un "Témoin permanent", "une Conscience éternelle", etc. C'est un piège, une illusion. 

Si l'on croit cela, en effet, il faut alors "s'alarmer", allumer les lumières d'alerte, "laisser la terre trembler sous nos pieds" pour nous sortir de ce piège, etc. 

Pourquoi ? Quels sont ses arguments ? Il n'en donne pas. 

Ensuite, on passe au "Rien". Comment ? On ne sait pas trop. Pourquoi ? A cause d'un désenchantement. Mais on n'en saura pas plus, malgré les centaines de pages de cet auteur prolixe. 

Qui a conscience de ce "Rien" ? Personne. Circulez. Mais c'est bien une expérience !?! Qui fait cette expérience ? Comme souvent dans le bouddhisme ancien, l'absence de réponse est censée tenir lieu de réponse, en sous-entendant que ce silence est profond. Circulez. Mais cela ne répond pas aux questions légitimes posées plus haut. Circulez, on vous dit !

Ingram ajoute que, dans l'état de Rien, il y a "des sensations qui suggèrent le Rien". Il y a donc "sensation" ! Mais il n'y a pourtant aucune "conscience" ? Cela a-t-il un sens ?

Maintenant, voici la question la plus importante :

Si l'état de conscience infinie est une illusion, QUI est victime de cette illusion ?

Pas de réponse.

Et ce n'est pas fini !

Après le Rien, vient l'état de "ni perception, ni non-perception". 

Et ça n'est pas fini !

Après cela, vient l'état de cessation des perceptions.

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Si ces états sont des états de dissolution progressive des phénomènes dans la conscience (en Dieu, dans le Tao, etc.), alors tout cela fait sens.

Malheureusement, le bouddhisme (ancien) ne donne pas ce simple fil d'Ariane. Du coup, on se retrouve avec une pléthore d'interprétations contradictoires.

 Ainsi, comme il manque ce fil d'Ariane, certains en ajoutent un : la "sensation de plaisir" (c'est ainsi qu'ils interprètent le sanskrit prîti, le pâlî pîti). Mais, comme cette mystérieuse "sensation de plaisir" ressemble au Soi tantrique, aux expériences de Kundalinî et autres symptômes pas très bouddhiques, ils ne sont pas à l'aise avec ce fil, pourtant indispensable, même à leurs yeux. On les sent gênés. 

Et pour cause : cette "sensation de plaisir" est le Je suis, la vibration qui est le cœur de la conscience, c'est-à-dire de toute expérience, de toute sensation. Mais le Bouddhiste ne peut suivre ce fil jusqu'au bout sans craindre de perdre son identité bouddhiste. N'est-ce pas ironique ?

Du coup, nombre de ces adeptes sont adeptes, en plus du bouddhisme, d'autres idées, enseignements ou traditions. 

Pour ne citer que les plus connus actuellement :

Daniel Ingram est un "éveillé" (arhat), mais il est aussi fan d'Aleister Crowley et de sa "magie du chaos". Et aussi de la guitare électrique. 

Shinzen Young trouve un secours dans la bhakti, il est fasciné par shaktipâta et par la mystique chrétienne.

Feu John Yates affirme que le dzogchen et le chamanisme sont bien plus puissants que les neuf états de méditation.

Catherine Shaila cite Papaji (Poonja) comme son maître.

Sam Harris cite Papaji et des maîtres tibétains.

Leigh Brasington est plus sobre, et plus ouvertement matérialiste. Mais il admet que la "sensation de plaisir", plus sensible dans "le cœur" selon lui, est indispensable. 

Tous ces enseignants sont globalement "à gauche" et plutôt matérialistes, rationalistes, progressistes, naturalistes ou scientistes. Ils ne sont pas très à l'aise avec l'idée d'une transcendance ou même, simplement, d'un élément affectif, personnel, qui aurait du sens et qui ne serait pas simplement du domaine des faits objectifs. Mais ils n'arrivent pas à se débarrasser de la "sensation de plaisir", souvent basée sur le souffle ou une mystérieuse sensation "dans le cœur".

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Qu'est-ce que j'en dis ?

J'en dis que cette "sensation de plaisir" est plus qu'un simple adjuvant. Il y a là quelque chose de vrai, un signe de quelque chose de plus profond, dont nul ne saurait se passer dans sa vie intérieure, quelques soient par ailleurs ses opinions. 

Pour autant, ce "bouddhisme ancien" porte lui aussi un message important : il est vital de mourir, intérieurement, c'est-à-dire de lâcher prise, de se laisser aller vers le vide, vers l'espace, vers le silence. Mais sans la "sensation de plaisir", sans vibration, sans l'acte pur "je suis", ce vide sera une impasse. Il ne sera pas le vide béni qui permet d'être rempli par... autre chose.

C'est du moins mon expérience et celles de bien d'autres personnes qui m'inspirent. Et c'est celle aussi de ces enseignants de méditation, même si cela ne colle pas avec leurs opinions.

mercredi 16 novembre 2022

Tantra et démocratie ?

Selon l'index publié par The Economist, la démocratie ne cesse de reculer dans le monde depuis 2014.

le vocabulaire sanskrit autour de la démocratie

Le philosophe Alexandre Douguine, inspiré par des traditionnalistes comme Heidegger, René Guénon et Julius Evola, appelle à détruire l'humanité par l'arme nucléaire afin de l'"exorciser" de son libéralisme satanique.

Après Platon et tant d'autres, Tolkien lui-même, récemment "purifié" par un wokisme outrancier dans la série Les Anneaux de pouvoir, ne disait-il pas : « Je ne suis pas "un démocrate", simplement parce que "l'humilité" et l'égalité sont des principes spirituels corrompus par la tentative de les mécaniser et de les formaliser, en conséquence de quoi nous n'obtenons pas la petitesse et l'humilité universelle, mais la grandeur universelle et la fierté, avant qu'un certain orque ne se procure un anneau de pouvoir - et alors nous obtenons l'esclavage" (Lettres)?

Que dit le Tantra sur le démocratie ?

A première vue, le Tantra a émergé dans un contexte monarchique. Et de fait, le Tantra (bouddhiste, shaiva ou autre) s'adresse à des rois, jamais au peuple. Il y a maints rituels d'intronisation et de protection des "rois" du féodalisme indien médiéval, mais guère d'allusion à une société civile, à des libertés ou à des principes d'égale dignité.

Cependant, il en va autrement dans le Tantra non-dualiste, ésotérique, shâkta, centré sur le féminin. Je pense plus précisément à la tradition Kaula, avec ses branches incroyablement fécondes.

Il y a dans la tradition Kaula quelques graines de démocratie :

- la valorisation du féminin. Une femme peut atteindre l'éveil plus facilement et rapidement qu'un homme.

- l'existence de maîtres et d'adeptes dans toutes les catégories sociales.

- l'accent mis sur la fluidité du genre. La déesse est appelée Dieu (prabhu au masculin, parfois), elle est "transgenre" (napumsakâ).

- chaque individu contient tous les pouvoirs car "tout est dans tout", sarvamsarvâtmakam.

- la liberté, l'indépendance, base de la souveraineté individuelle et nationale.

- l'idée de "non-hiérarchie", anuttara. Il y a des hiérarchies, mais chaque niveau est directement relié à la source. Voilà d'ailleurs pourquoi la voie spirituelle peut-être graduelle et directe à la fois.

- en sanskrit contemporain, "démocratie" se dit loka-tantra "qui dépend du peuple", ou jana-tantra, le Tantra du peuple.

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Pour chacun de ces points, il existe des références précises.

L'étude du Tantra peut donc participer à une réflexion sur la démocratie et sur les règles d'une société libérale. Contrairement à ce que disent certains, le Tantra, du moins shâkta-kaula, est loin d'être incompatible avec le libéralisme.

mardi 15 novembre 2022

Comment traduire sans trahir ?



La spiritualité d'aujourd'hui n'existerait pas sans l'Inde.

Que serait le yoga sans yoga, sans âsana, sans prânâyâma ni samâdhi ?

Que serait le tantra sans mantra, le mystérieux chakra ou le célèbre mandala ?


Or, tous ces mots sont en sanskrit, langue sacrée de l'hindouisme, du bouddhisme et du jaïnisme.

Ses textes sont les plus anciens à avoir été transmis sans interruption jusqu'à nos jours.

Bien sûr, il existe des langues aussi anciennes, comme l'égyptien et le sumérien. 

Mais ces civilisations se sont éteintes, tandis que l'hindouisme et le bouddhisme sont bien vivants.


Mais comment traduire sans trahir ?

Prenons un exemple :

conscience : nous entendons parler de conscience "non-duelle", sans séparation entre le sujet et l'objet, ou encore, on dit "conscience pure", conscience qui n'est pas "conscience de" ceci ou cela, mais conscience dépourvue de tout contenu, comme un ciel sans nuages. 

Mais quels sont les mots sanskrits traduits par "conscience" ?

Les principaux sont cit (prononcer "tchitte") et prakâsha.

Ces deux termes désignent la lumière. 

Ce sont des métaphores.

Cit vient d'une racine -kit, "briller", dont dérive ketu, clarté, lumière, mais aussi "étoile filante", comète, signe évident, bannière, apparition, manifestation.

Mais cit est aussi apparenté à la racine -cint, "penser à", "méditer", considérer", "se soucier de".


Prakâsha désigne la lumière, le fait de briller, l'illuminer. Formé du préfixe pra- "vers l'avant" et de la racine kâsh, "briller", "éclairer", "illuminer". On retrouve cette racine dans Kâshî "La Lumineuse", l'un des noms de la cité de Bénarès.


Dans les deux cas, nous avons donc l'image d'une lumière qui éclaire les choses. Et la conscience est en partie cela : elle est comme une lumière qui éclaire les choses, mêmes les plus intérieures, comme les pensées et les sensations. 

Dans ces racines verbales, il y a également l'idée d'une lumière belle, plaisante, agréable.


A partir de cette métaphore de la lumière, 

ce qu'est la conscience... s'éclaire :

la lumière rend visible, mais elle-même

n'est pas visible.

Une lumière dans le vide,

qui n'a rien à éclairer,

reste invisible.

La lumière ne devient visible

que quand elle se réfléchit

sur un objet.

Sans cela, même si elle éclaire,

même si elle est présente,

elle reste invisible.

La lumière elle-même

n'est jamais directement visible.

Elle n'est vue que par l'intermédiaire

des choses qu'elle éclaire.

Quand on dit qu'on "voit" 

un rayon de lumière,

on voit en fait les grains de poussière

qui renvoient un peu de cette lumière.

Mais la lumière, grâce à laquelle tout est visible,

reste elle-même invisible.


De même, la conscience n'est pas et ne peut

jamais devenir objet de conscience. 

C'est bien grâce à la conscience que tout objet 

devient "visible", apparent, manifeste et qu'il acquiert

son existence. Mais la conscience elle-même

n'est jamais objet de conscience.

Sa clarté se reflète en partie sur les objets,

plus ou moins selon leurs qualités,

comme un objet renvoie plus ou moins

la lumière qu'il reçoit. 

Mais la conscience n'est jamais 

objet de conscience.


Voilà pourquoi, quand il n'y a pas d'objet, de contenu

dont on puisse prendre conscience,

on croit qu'il n'y a pas de conscience.

Comme dans le sommeil profond, 

l'évanouissement ou le coma.

Comme il n'y a pas conscience d'objet,

nous commettons l'erreur de juger

qu'il n'y a pas de conscience du tout.

Alors qu'en réalité, la conscience est présente.

Et c'est grâce à sa présence lumineuse

que nous pouvons dire que nous n'avions

"conscience de rien",

de même que, quand la lumière

n'a rien à éclairer,

nous pouvons dire qu'il

"n'y a rien".

Il n'y a rien, sauf la lumière qui éclaire ce rien.

Il n'y a rien, sauf la conscience qui éclaire ce rien.

Telle est la "pure conscience"

ou "conscience sans objet".

C'est elle dont nous faisons l'expérience chaque nuit,

et aussi entre chaque pensée.

Mais en réalité, nous faisons toujours, 

à chaque instant,

l'expérience de la conscience.

Car aucune expérience n'est possible sans elle.

En fait la conscience est synonyme d'expérience,

tout simplement.

Il n'y a pas d'expérience de la conscience.

Toute expérience est conscience,

de même que la lumière ne peut éclairer la lumière

(qui n'a d’ailleurs pas besoin de lumière,

car elle est lumière),

et que tout objet éclairé est lumière,

sans quoi il ne serait pas visible.

Mais comme la lumière ne peut s'éclairer elle-même

à la manière dont elle éclaire les choses,

on peut dire qu'elle est "ténèbres".

De même, en ce sens précis, 

on peut dire que la conscience est inconscience, inconnaissance absolue.


Voilà pourquoi la conscience n'est jamais absente

(car quelle lumière éclairerait cette absence de lumière ?).

Voilà en quel sens elle est "permanente",

et voilà pourquoi elle est le Soi,

et voilà pourquoi le Soi (âtman)

est l'Absolu (brahman).

mercredi 9 novembre 2022

Weekend méditation près de Paris en décembre 2022

Weekend de méditation et d'exploration :

La voie du souffle et du mantra selon la tradition du Tantra

Près de Paris les 17 et 18 décembre 2022.





lundi 7 novembre 2022

Allumer le feu

Autrefois, on allumait le feu par friction.

Allumer le feu à la mode védique :

Cette action devient une métaphore sexuelle dans le Tantra. Les deux pièces de bois (arani) symbolisent le sujet et l'objet, les cinq sens et leurs objets respectifs, le corps et le monde, la conscience et l'espace, Shakti et Shiva. A travers leur union, le monde nait et renait, le feu (agni) de la conscience s'éveille par la friction des organes féminin (le soleil) et masculin (la lune).

शमीगर्भादग्निं मन्थति । एषा वा अग्नेर्यज्ञिया तनूः । (Taittirîya Brahmana 1.1.9.1)
"Des deux bois de friction, il fait émerger le Feu.
Tel est le corps sacrificiel du Feu."

Comme je suis en train de traduire les Enseignements secrets des yoginîs (Chummâ-sanketa-prakâsha) qui emploient cette image, je vous la partage.

Ci-dessous, une reproduction européenne des pratiques païennnes :


Cette reconstitution s'inspire d'images comme celle ci-dessous. Ce genre de rituel se faisait surtout pendant la fête de Samhain :
Voir ce site :
http://www.sacredhearthfrictionfire.com/celticfirechurn.html


dimanche 6 novembre 2022

Le traditionalisme, un danger pour l'humanité


Encore et toujours, la violence abrahamique au cœur des atrocités de l'Histoire.

L'agression russe et sa menace nucléaire sont inspirées par le traditionalisme, alliées avec le complotisme New Age, le néoconfucianisme et l'islamisme.

Alexandre Douguine, le "Raspoutine de Poutine", est l'inspirateur de l'invasion russe de l'Ukraine. Admirateur de Heidegger, traducteur de Guénon et Evola, il prône l'alliance de l'islam et de la Sainte Russie pour anéantir l'Occident, ce hâvre de liberté satanique.

Nous le voyons chaque jour, le traditionalisme est une erreur et une horreur sur le point de détruire l'humanité.
Tant qu'il s'agit de laisser déblatérer des inquisiteurs en pantoufles, va. Mais quand ils menacent nos vies et l'avenir de la Terre, il est temps de se réveiller et de choisir son camp. Selon Schmitt, l'un des maîtres à penser des traditionalistes, la politique, c'est savoir repérer son ennemi. Eh bien nous aussi, libéraux de tous bords, amoureux des libertés et démocrates, reconnaissons nos ennemis et agissons en conséquence.

Plus que jamais, défendre nos sociétés libérales.
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Voici un article qui expose le fond religieux de cette guerre :

"Moscou revoit ses objectifs à la hausse. Après avoir prôné la "démilitarisation" et la "dénazification" de l'Ukraine, le Kremlin entend désormais pourfendre l'Antéchrist. "L'objectif est d'arrêter le souverain suprême de l'enfer, quel que soit son nom – Satan, Lucifer ou Iblis", a écrit l'ancien président Dmitri Medvedev lors de la Fête de l'unité nationale, jeudi 4 novembre. Cette charge violente illustre la propagande mystique de Moscou, qui veut fédérer les croyants dans une haine commune : "Nous écoutons les paroles du Créateur dans nos cœurs et leur obéissons."

Le mois dernier, Vladimir Poutine avait lui-même ressuscité la lutte entre le bien et le mal. Après l'annexion de territoires ukrainiens, fin septembre, la dénonciation du "satanisme" a fait l'objet d'un prêche enflammé du président russe, qui l'a défini comme "la dictature des élites occidentales, dirigée contre tous les peuples du monde". Le "satanisme", ajoutait-il, pointe aussi ses cornes derrière "la subversion de la foi et des valeurs traditionnelles". Ivan Okhlobystin, acteur, prêtre orthodoxe et chantre de la guerre, lui avait emboîté le pas, lors du concert de clôture organisé sur la place Rouge.

"Les dirigeants russes ont besoin de désigner un ennemi commun", résume Antoine Nivière, professeur de civilisation russe à l'université de Lorraine. "Le concept de néo-nazi convenait bien à la division traditionnelle soviétique, avec la 'Grande guerre patriotique' [la Seconde Guerre mondiale] comme fondement de l'histoire moderne", mais il tend à s'essouffler. La rhétorique manichéenne prend le relais, avec la bénédiction des milieux intellectuels.

"Une lutte entre le bien et le mal"
"Nous comprenons clairement qu'aujourd'hui, il y a une lutte entre le bien et le mal", a ainsi lancé une sénatrice de Crimée annexée, Olga Kovidtki. L'écrivain Aleksandr Prokhanov, rédacteur en chef du journal nationaliste Zavtra, s'était dit "frappé" par l'avènement du terme dans un discours présidentiel. "Cela veut dire que la lutte contre l'Occident ne revêt pas seulement un caractère militaire, économique et politique, mais qu'elle est aussi religieuse et métaphysique".

Depuis plusieurs semaines, le "satanisme" ponctue les coups de menton des plus zélés apôtres de la guerre. "Nous luttons pour l'existence de notre culture, contre les démons, contre le satanisme et contre l'Otan", a déclaré l'animateur Vladimir Soloviev, dans l'une de ses habituelles digressions à la télévision d'Etat. Un vernis de spiritualité entre deux appels à l'arme nucléaire.

"Les milieux ultra-conservateurs orthodoxes diffusaient déjà ce terme depuis longtemps", explique Antoine Nivière. "Leurs livres et leurs chaînes YouTube font infuser l'idée d'une fin du monde imminente, à la manière des télévangélistes américains". Pour eux, "la Révolution russe de 1917, vécue comme un drame, suppose un complot mondial [originel] contre le pays, le seul à défendre les valeurs orthodoxes". Certaines personnalités orthodoxes, comme l'archiprêtre Andreï Kvatchiov, "remettent au goût du jour de très vieilles théories, avec des ennemis judéo-maçonniques et sataniques".

Le prêtre orthodoxe Andreï Kvatchiov publie de très nombreux sermons sur les réseaux sociaux, en soutenant la guerre russe en Ukraine. Dans une vidéo, il explique comment exorciser les démons d'une habitation. (ANDREÏ KVATCHIOV / TELEGRAM)
Le patriarche Kirill, chef de l'Eglise orthodoxe russe, verse également dans cette rhétorique manichéenne en louant le combat de Vladimir Poutine contre le "mondialisme", érigeant le président russe au rang de combattant contre "l'Antéchrist". Ce front politique et religieux repose sur la loyauté sans faille du leader religieux au président russe depuis le début de la guerre. En retour, cet été, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, avait qualifié de "satanisme" les sanctions occidentales prononcées contre le chef spirituel va-t-en-guerre.

Après la mobilisation, Kirill avait appelé ses ouailles à "remplir leur devoir militaire avec bravoure", leur garantissant une place au royaume de Dieu s'ils y laissaient la vie. "Ce qui rappelle davantage les promesses formulées dans le cadre du jihad que dans celui de la foi chrétienne", souligne Antoine Nivière.

Le "satanisme", ennemi numéro un de Kadyrov
La "désatanisation" est un concept œcuménique, ce qui présente un grand intérêt aux yeux du Kremlin, alors que les bataillons tchétchènes lui sont devenus indispensables en Ukraine. "Wallah, c'est le jihad", a résumé Ramzan Kadyrov, en prônant une "union des chrétiens et des musulmans" contre les forces du mal. Après avoir défini le "satanisme" comme son "ennemi numéro un", en mars dernier, le dirigeant tchétchène a livré une nouvelle diatribe contre "la démocratie satanique" en Occident, appelant à punir les blasphémateurs en Europe, tout en fustigeant l'interdiction de la polygamie aux Etats-Unis et en s'attaquant aux communautés LGBT, "esclaves de Satan".

Les questions sociétales nourrissent le langage commun du Kremlin et des milieux les plus conservateurs. "A leurs yeux, "le 'satanisme' s'exprime dans la remise en cause des valeurs familiales traditionnelles : relations et mariages homosexuels, homoparentalité…" éclaire Antoine Nivière. "Tout ceci est lié à l'idée d'un Occident perverti." La Russie, telle une citadelle assiégée, justifie donc l'invasion en invoquant les valeurs traditionnelles et religieuses. "C'est une guerre sainte contre l'Occident satanique. Ce n'est pas un hasard si elle a été nommée jihad", a déclaré jeudi le théoricien nationaliste et complotiste Alexandre Douguine. "Et si [Ramzan] Kadyrov a pu trouver le courage de le dire ouvertement, je pense que nous ne devrions pas hésiter à le faire nous aussi."

De manière plus prosaïque, ces déclarations "peuvent manifester le désir du Kremlin de dissiper les voix discordantes des groupes religieux minoritaires dans les forces armées russes", analyse l'Institute for the Study of War (en anglais), alors que les contingents sont issus de régions très variées. Le groupe d'experts américain pointe également de "récentes dissensions entre militaires musulmans et non musulmans". L'autorité de Ramzan Kadyrov est certes incontestable sur ses bataillons tchétchènes, mais il n'est pas certain que son message porte au-delà.

Des soldats tchétchènes en prière avant leur départ pour l'Ukraine, le 15 octobre 2022 dans la base militaire de Khankala, en Tchétchénie. (YELENA AFONINA / TASS / SIPA VIA AFP)
En témoigne une récente fusillade, mi-octobre, dans le camp d'entraînement de Soloti (région russe de Belgorod), dont un soldat anonyme a fait le récit auprès du projet Astra. Après avoir appris que des soldats du Caucase avaient déclaré que l'invasion de l'Ukraine n'était pas leur affaire, le colonel-général russe Aleksandr Lapine avait convoqué les troupes. Il avait évoqué "une guerre sainte" et déclaré qu'Allah était un lâche s'il ne laissait pas ses soldats se battre pour la Russie, à laquelle ils avaient prêté serment. Un peu plus tard, trois Tadjiks sous contrat avec l'armée russe avaient ouvert le feu sur la base, tuant une trentaine de personnes.

Une dénonciation des "sectes" ukrainiennes
Ces discours sur le satanisme, enfin, peuvent "mobiliser un certain nombre d'opinions internationales, alors que la Russie cherche à monter le reste du monde contre l'Occident", analyse Antoine Nivière. "Vladimir Poutine, par exemple, peut s'appuyer sur les références de Ramzan Kadyrov au jihad à destination des pays musulmans". La thématique du "satanisme" des élites corrompues et de l'Occident trouve aussi une audience dans la mouvance complotiste QAnon américaine, très présente sur les réseaux sociaux.

L'assimilation du peuple ukrainien au démon réveille les peurs de l'an mil, aux marges de la société russe. Dans la ville de Marioupol, occupée par les Russes, une poignée de fidèles orthodoxes ont organisé une séance d'exorcisme devant l'usine Azovstal, où s'était retranché le bataillon Azov pendant de longues semaines. Au mois de mai, déjà, les médias russes avaient glosé sur la découverte d'un temple païen, après la reddition de la formation nationaliste. "L'Eglise de Satan s'est répandue dans toute l'Ukraine", a résumé Alexeï Pavlov, secrétaire adjoint du Conseil de sécurité russe, dans un texte très commenté.

"Il devient de plus en plus urgent de mener à bien la désatanisation de l'Ukraine."

Alekseï Pavlov, secrétaire adjoint du Conseil de sécurité russe
Alexeï Pavlov avait notamment évoqué l'apparition supposée de centaines de sectes dans le pays voisin, après la révolution de 2014, en rupture avec l'Eglise orthodoxe russe. Parmi eux, le mouvement hassidique Loubavitch, dont est issu le grand rabbin de Russie, Berel Lazar. Ce dernier a demandé au Kremlin de condamner ces propos "inacceptables" et "antisémites". Nikolaï Patrouchev, président du Conseil de sécurité, a finalement présenté des excuses. L'affaire, très commentée en Russie, n'a pas freiné la chasse au satanisme.

Aujourd'hui, conclut Antoine Nivière,"ces discours permettent surtout au pouvoir de se dédouaner lui-même" dans sa guerre d'invasion. Il n'est pas certain, toutefois, que l'argument de la lutte contre Satan soit recevable devant la Cour pénale internationale, si celle-ci est amenée à juger les exactions commises en Ukraine.

Fabien Magnenou
France Télévisions"

mercredi 2 novembre 2022

Pas de recette ?



Selon l'enseignement de la tradition de la Déesse (devî-naya), l'éveil est nir-niketa "sans demeure".

Il n'y a pas de lieu spécial, pas de circonstances, 

pas d'état, pas de conditions, pas de causes visibles.

Donc pas de recette.

Pourquoi ?

Parce que ce que je suis vraiment est libre,

vraiment.

Tout est vraiment possible, partout.

Je peux m'ouvrir à cette possibilité.

Au moins ne pas mettre l'obstacle de croyances

fausses et ruineuses.

________________

Le Tantra dit que "tout est conscience".

Mais c'est quoi la conscience ?

La conscience (cit, citi, caitnaya, samvid) désigne l'expérience en général (anubhâva-mâtra), c'est-à-dire la manifestation (prakâsha), quelque soit son contenu, le mystère (guhya) de l'être absolu (sattâ-mâtra) en tant qu'il est Lumière, apparence, manifestation, à la fois l'acte de manifestation et son résultat, par exemple le bleu, le jaune, le plaisir, etc.

Cette conscience n'a pas de "dehors". Tout différence et toute extériorité, n'apparaissent que dans cette Apparence que l'on désigne ici par le mot de "conscience". Le langage nous fait croire que la conscience est une chose comme une autre, une chose parmi d'autres, une sorte de "champ" qui aurait un dedans et un dehors, que l'on perd et que l'on retrouve. Mais il n'en est rien, pour une raison très simple et immédiatement vérifiable : toute entité prétendument extérieure à la conscience ne peut être connue que par un acte de conscience, que celui-ci soit une perception, une pensée, une imagination, une supposition, une sensation ou un souvenir. Car, en vérité, ces différents actes sont le même acte - l'acte de conscience - auquel on donne différent noms parce qu'il met en lumière différents objets. Ainsi par exemple, le souvenir est une conscience d'un objet passé sur fond d'un objet passé. Si, en revanche, cette réalité extérieure à la conscience n'est pas connue, alors il est impossible de prouver son existence. 

Mais en quoi cela pourrait-il m'aider à vivre ?

La philosophie de la Reconnaissance (pratyabhijnâ) essaie de le suggérer, car cela est vraiment ineffable : la conscience/expérience - toute expérience ! - est extase infinie, une délectation qui dépasse infiniment le pouvoir du langage et que seule la poésie suggère. Abhinava Gupta l'affirme clairement quand il explique l'autre versant de la conscience, la "réalisation de soi" (vimarsha), car la conscience, c'est-à-dire l'être, n'est pas seulement une lumière qui se manifeste - elle est aussi l'être qui se ressent, qui se pense, se désire, etc. La conscience se manifeste, mais elle ne peut rester indifférente :

pūrṇa iti nīlādyasaṃkocito yo'haṃbhāvākhyo vimarśastatsvabhāve yaścamatkāra ānandātmā paramo bhogaḥ

"Cette réalisation de soi (vimarsha) nommée 'sensation du Moi' (quand) elle est contractée par le bleu et autres (objets), est (en réalité) plénitude, (car) en sa nature authentique elle est délectation émerveillée, elle est félicité, ultime jouissance."

Autrement dit TOUTE expérience est extase infinie. Les philosophes de la Reconnaissance sont ici dans la suggestion (le dhvani, essence de la poésie selon Ânanda Vardhana), dans la résonance qui fait que, quand les mots ne résonnent plus, "quelque chose" (kimcit) continue de faire écho, tel un prodigieux effet domino. Ainsi ces paroles sont elles-mêmes un exemple de cette "ultime jouissance" (paramo bhogah) qui forme le véritable propos du shivaïsme du Cachemire. En les entendant, elles résonnent au-delà de tout sens conventionnel. Ce vertige que l'on éprouve alors, c'est cela, la "nature authentique" de l'expérience, de la conscience, l'absolu par-delà toute opposition et qui ne se réduit nullement à une plate identité de soi à soi. 

Du reste, notons au passage que l'expérience esthétique, modèle de l'expérience courante vécue en sa "plénitude", n'est pas une nuit où tous les chats son gris, mais un bouquet d'ocelles par où s'épanchent les jus d'une ineffable ivresse. L'esthète ne se caractérise pas par son indifférence, mais au contraire par sa sensibilité ("le fait d'avoir du cœur", sa-hridayatva), c'est-à-dire par sa capacité à s'identifier. Quelle jouissance sans identification, sans empathie ? Ce nectar, cette immortelle ambroisie, est aussi passion (râga), attachement, le fait de prendre la couleur émotionnelle de telle ou telle scène. 

Mais alors à quoi bon, si l'adepte de cette "voie" est comme tout un chacun ?

La différence est énorme ! Certes, c'est toujours la même expérience, en son fond. Mais l'être ordinaire est esclave d'habitudes délétères. Et toutes reposent sur cette faute : le manque d'attention (anavadhâna), nous dit Abhinava Gupta. Et ce défaut n'est pas une simple "déficience cognitive" que l'on pourrait rééduquer par une pratique de méditation formelle. C'est bien plutôt un manque de zèle (anâdara), un manque de participation, un manque... d'identification. Ce fond d'extase est toujours présent, nous rappelle Kshema Râja, comme la braise sous la cendre. Mais nous sommes comme endormis, "contractés" par les choses, englués en elles. Alors oui, une sorte de discipline nous appelle. Mais une discipline de jouissance, car seule la vraie jouissance (bhoga) est vraie liberté (moksha). Et dans cette attention amoureuse, participante, dans cette plongée identifiante, ce fond d'extase nous le goûtons et nous recouvrons alors, peu à peu, notre puissance d'être, de vivre, de sentir et de penser. L'expérience s'universalise : l'ego ne disparaît pas, mais il s'ouvre, il éclot à l'infini comme la note se prolonge, comme le sens fait écho. C'est une délectation émerveillée, un miracle muet, un réveil. 

Mais... à quoi bon en dire plus ? Que le mystère, victime de son propre vin, soit souverain de soi. A nouveau.

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"Je n'arrive pas à trouver mon centre".

Dans cette défaite est la victoire !

Vous n'êtes pas un objet matériel.

Pourquoi voulez-vous avoir un centre matériel ?

Laissez-vous attirez par le centre véritable

qui est partout et dont la limite n'est

nulle part.

Sans tourment ni travail de tête.

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Comment la vie pourrait-elle

me revêtir de vêtements neufs

si je ne me laisse pas dénuder ?


dimanche 23 octobre 2022

Le toucher


Sparsha, le toucher en sanskrit.

Selon l'Âyurveda, la science de la longue vie, le toucher n'est pas seulement l'un des cinq sens.

Le toucher est présent dans toutes nos facultés, sensorielles et mentales, car toute expérience est une sorte de "toucher", de contact, de prise de contact.

Dans ce sens, sparsha serait mieux traduit par "sensation". Sparsha est la sensation en général, le pouvoir de toucher et d'être touché, de ressentir, d'éprouver, d'apprécier.

C'est ce sens très général de sparsha qu'Abhinavagupta identifié à la conscience. Plus précisément, à la conscience comme pouvoir de ressentir, de juger, de penser, de prendre conscience, toutes significations désignées en sanskrit par le fameux (car intraduisible) vimarsha, qui lui-même décrit la shakti, la conscience en tant que pouvoir de se ressaisir, de revenir sur soi, de ressentir, d'évaluer, de juger, de "réaliser que".

Toute connaissance est un "toucher", un contact, en ce sens que toute connaissance est une pensée qui juge et qui, ce faisant, choisit, envisage, appréhende d'une certaine manière.
La conscience "prend conscience", mais elle peut ainsi saisir complètement ou non, vraiment ou faussement ; elle peut se réaliser elle-même telle qu'elle est ou bien se "prendre pour" ce qu'elle n'est pas, sans cesser d'être ce qu'elle est.

Le "toucher" désigne donc, finalement, cette liberté absolue qu'est la conscience : le pouvoir de se manifester jusque dans son absence, de s'absenter jusque dans sa plus claire présence, le pouvoir de se fragmenter, de s'oublier, de se reconnaître, de s'identifier à ce qu'elle n'est pas, sans perdre son identité. Le pouvoir de faire ce qui est absolument impossible.
Tout ceci se retrouve dans le toucher.

Voilà pourquoi le toucher est magique. 

vendredi 14 octobre 2022

Y a-t-il une morale dans le Tantra ?


La multiplication des scandales dans le milieu du Tantra, bouddhiste ou autre, nous amène à réfléchir :

Y a-t-il une morale dans le Tantra ?

Il est vrai que les systèmes les plus ésotériques, et donc les plus élevés dans la hiérarchie des traditions tantriques, affirment que les règles morales ne sont que des constructions sociales. Elles ne sont pas naturelles, mais artificielles. Elles changent selon que la société change ou que l'on change de société. 

Or, selon le Tantra ésotérique, shâkta ou Kaula, l'adhésion à ces règles morales ne permet pas d'atteindre la réalisation de soi, la "liberté en cette vie même" (jîvan-mukti), qui est à la fois transcendance vis-à-vis de la morale (moksha) et affirmation des pouvoirs de l'individu identifié à la divinité (bhoga). En Inde, ces règles morales sont appelées "mânava-dharma", la morale humaine, commune à tous les humains. Cette morale fait droit parce qu'elle est naturelle, elle correspond à l'ordre naturel, au dharma cosmique. 

Mais selon le Tantra Kaula donc, tout cela n'est que construction artificielle, fruit de l'ignorance et source de peur. Cette peur est la cause principale de l'expérience misérable des êtres conscients, de l'impuissance dont ils font l'épreuve.

Cette morale artificielle, cette morale qui n'est que mœurs et coutumes, emprisonne la conscience dans des habitudes (vâsanâs) des "conditionnements" (samskâra). Le but de la pratique Kaula est donc de s'affranchir de ces conditionnements afin de causer une expansion de la conscience, c'est-à-dire un éveil (bodha) qui est une expansion (vikâsa), une véritable éclosion (unmesha).

Voilà pourquoi la tradition Kaula vante l'audace des adeptes, hommes et femmes, qui ont le courage de transgresser ces règles néfastes afin d'aller vers une vie nouvelle. Il s'agit bien de transcender la morale par des transgressions concrètes, autour du sexe et de la mort principalement.

Dès lors, on peut s'interroger sur ce projet : 

N'est-il pas dangereux ou fou de vouloir se libérer de toute morale ? Est-ce que cela veut dire que les adeptes du Tantra sont justifiés à donner libre carrière à leurs désirs les plus égoïstes, à abuser, à manipuler sans vergogne ? Et ces craintes ne sont-elles pas confortées par les scandales que l'on observe depuis que le Tantra se répand dans le monde ? Finalement, le "tantrisme" n'est-il pas un égoïsme, un hédonisme immature qui se donne l'apparence d'une spiritualité ? Pouvons-nous garder quelque chose du Tantra traditionnel ? Faut-il rejeter d'autres éléments ?

Avant de répondre à ces questions légitimes et passionnantes, voyons ce que dit le Tantra Kaula. Dans le tantrisme bouddhique, on connaît la liste des 14 samayas ou engagements post-initiatiques. Parmi eux, le plus important est l'obéissance absolu au maître (ou à la maîtresse ?), dogme qui sert à des abus, notamment sexuels.

Qu'en est-il du Tantra Kaula ?

Il y a une liste de 8 engagements ou règles initiatiques (samaya), qui constituent une sorte de "morale" ou du moins, une éthique. Ce groupe de huit règles (samayâshtakam), ou plus, est transmise par le maître lors de l'initiation : avant de s'engager, il faut savoir dans quoi l'on s'engage.

Voici ces règles telles que donnée dans la Collection en six mille versets (Sat-sâhasra-samhitâ), un tantra Kaula, édité par Mark Dyczkowski dans sa monumentale édition et traduction du Manthâna-bhairava-tantra (vol.11, p404) :

1) Les choses à adorer : les aînés, les tantras (les livres), la divinité personnelle, Bhairava, le vin, la déesse Samayâ et le corps divinisé par l'imposition de Mantras.

2) Les choses à ne pas faire : déranger les autres, être "moche" (a-priya), se mettre en colère, convoiter la femme d'un autre, empêcher les rituels, être paresseux, transgresser le Commandement (=les ordres du maître ?)

3) Les choses à cacher : le chapelet, les textes, la coupe crânienne, les lieux d'union des yogîs et yoginîs, les Mantras et Vidyâs (mantras féminins) que l'on a réalisé, les postures yogiques (mudrâ).

4) Les choses à éliminer : L'esprit tordu, la tromperie, l'esprit de revanche, la passion (pathos), la haine, l'égoïsme, la confusion (= se laisser aveugler par le désir, kâma, et changer pour cela de partenaire tantrique).

5) Les choses à ne pas mépriser : Les règles, le maître, les femmes, les jeunes femmes, ceux qui pratiquent des vœux spéciaux (= par ex. s'habiller en noir), les substances des êtres accomplis (=les substances du corps), le comportement des gens en général.

6) Les choses à propos desquelles il ne convient pas de bavarder : Le maître, les yoginîs, les yogîs (pas les adeptes, mais les êtres "accomplis", semi-surnaturels), la langue secrète de l'enseignement, les propos hermétiques, les tantras, critiquer les autres tantras, ce que l'on n'a pas entendu soi-même.

7) Les choses sur lesquelles il ne faut pas s'attarder : Le vagin d'une jeune femme, les jeux sexuels des profanes, une femme dénudée, la poitrine exposée, ceux qui ont peur, ceux qui sont "tombés", ceux qui sont terrorisés, les parties génitales.

8) Les choses pour lesquelles il ne faut pas éprouver de dégoût : Le sang, le vin, le gras, la moelle, l'urine, la viande pourrie, les lépreux.

Il est impossible d'atteindre l'éveil sans respecter ces règles, de même qu'il est impossible de pratiquer la voie Kaula sans un ou une partenaire.

Le Devyâyâmala donne une autre liste, avec des variantes :

1) Les 8 choses à ne pas dire : La vraie nature des Mantras et du Tantra, les règles, les rituels, les assemblées secrètes, les paroles en l'air, les paroles amères et les mensonges.

2) Les 8 choses à ne pas faire : les actes vains et délétères, toucher la femme des autres, la fierté, la triche, s'attaquer aux autres par des moyens magiques, par l'empoisonnement et l'infection.

3) Les 8 choses à cacher : notre Mantra, le chapelet, notre connaissance, la connaissance de la vérité, notre pratique, nos qualités, nos défauts et signes de réalisation.

4) Les 8 choses à adorer : le maître, la divinité, le feu, les savants, les femmes, les vœux et la famille du maître. 

5) Les 8 êtres à satisfaire : les pauvres, les malades, nos parents, les gardiens de la terre, les êtres vivants, les oiseaux, les démons des cimetières et les divinités présentes dans le corps.

6) Les 8 choses à atteindre : Shiva, Shakti, le Soi, le Geste (mudrâ), l'essence du Mantra, la vanité du monde, la vraie jouissance (bhoga) et la libération (moksha).

7) Les 8 choses à combattre : l'attachement, la rancune, la lâcheté, la jalousie, la prétention, la transgression, ceux qui ne respectent pas les règles.

8) Les 8 choses à condamner : les adeptes des doctrines profanes, les gens cruels, les paresseux, les traitres, les imbéciles, les courtisans, les méchants et les perturbateurs.

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Ces termes sont souvent difficiles à traduire et il est encore plus difficile de comprendre certaines de ces règles.

Cependant, 3 points ressortent :

1) Le maître doit être obéit ; mais l'on ne trouve pas ici d'incitation à l'obéissance absolue. Les limites ne sont pas précisées. En général, dans la société indienne, critiquer le maître ou l'aîné ou qui que ce soit qui est au-dessus de soi, est mal vu. C'est un principe karmique : celui qui critique perd son bon karma au profit de ceux qu'il critique. A condition que ces critiques soient fausses, bien sûr... Car la critique sincère est la base de l'enseignement. En effet, sans critiques, pas de questions. Sans questions, pas de réponses. Sans dialogue, pas d'enseignement. Tous les enseignements de l'Inde sont sous forme de dialogues, explicites ou implicites. De plus, Abhinavagupta conseille de ne pas rester avec les mauvais maîtres et de partir butiner, comme l'abeille va faire sont miel de fleurs variées. Si on consulte l'ensemble des textes Kaula, il en ressort que le seul maître à respecter est le maître ou la maîtresse authentique (en effet, il y a des exemples de femme en position de guru dans la tradition Kaula ; c'est quasi la seule tradition). Si le maître est faux, trompeur ou incompétent, le contrat initiatique (sanketa, samaya) est annulé. En somme, ces règles reposent sur l'idée qu'il existe du vrai. Si une chose ou une personne s'avèrent fausses, il n'y a aucun mal à les rejeter. 

2) Les femmes et les partenaires doivent être respectés. La femme est l'objet d'un respect spécial ; la Déesse est la source des enseignements, des tantras, les plus hauts, comme ceux du Kâlî-krama par exemple. Les "enseignements des yoginîs" sont les plus précieux, ceux qui font le plus autorité. Quand un adepte choisit une partenaire, c'est avec son consentement et avec un engagement de fidélité comparable à celui du mariage (parigraha). S'il l'adepte la quitte par passion pour une autre, il doit expier cette faute. 

3) Il y a, parmi ces règles, des règles morales que l'on retrouve dans toutes les sociétés. Il n'est pas permis de mentir sous prétexte de "sauver les êtres" ou autre projet grandiose. Globalement, le Tantra Kaula se méfie des excès, comme de la prétention à transcender toute règle morale. Ces règles semblent bien former une sorte de société parallèle. Elles ne sont pas "anti-sociales". La tradition Kaula n'est pas seulement faite de transgressions, mais a sa morale propre, son éthique, qui esquisse une autre société. Les règles Kaula entrent parfois en contradiction avec les règles de la société indienne. Dans ce cas, elles les remplacent. Cependant, on ne peut pas dire que ces règles soient simplement des provocations contre la morale commune indienne.

Par ailleurs, les textes satiriques de l'Âge d'Or du Tantra, comme ceux de Kshemendra aux alentours de l'An Mille, confirment que les scandales étaient déjà nombreux à cette époque. Ces règles sont là pour réguler ces actes immoraux. En même temps, ils témoignent déjà de leur existence. Si personne ne mentait à l'époque, nul n'aurait songé à interdire le mensonge.

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D'un autre côté, il est vrai que le maître est la plus grande autorité, à côté de l'expérience, de la raison et des textes. Il n'est pas la source unique et absolue de connaissance (il existe des alternatives en cas d'absence de maître), mais il est la source principale. 

De plus, il y a des hiérarchies, même si la tradition du Cachemire (une interprétation particulière de la tradition Kaula) ouvre des portes proto-démocratiques avec les principes d'an-uttara (dépassement de la hiérarchie) et sarvam sarvamayam (tout est en chaque partie du tout).

Enfin, l'égalité homme-femme n'est pas proclamée. Certes, le féminin sacré est célébré, mais pour autant, l'égalité en dignité et en droits fondamentaux n'est pas reconnue. Or, l'observation des pratiques tantriques, sur le terrain, montre que ces deux choses - l'adoration du féminin sacré et l'égalité des sexes - ne sont pas équivalentes. On peut avoir l'une sans l'autre. Ainsi au Bangladesh, des adeptes musulmans, des genres de fakirs Bauls, pratiquent avec leur femme. Pendant le temps de la pratique (en gros des relations sexuelles sans éjaculation), la femme est adorée. Mais dès que le rituel est fini, l'épouse retourne à sa cuisine et la chariâ, la "voie" islamique s'applique dans toute sa rigueur. Adorer le sacré est une chose, reconnaître la dignité d'une personne en est une autre. Et c'est bien là que la tradition moderne occidentale se révèle irremplaçable.

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Donc, il y a bien une morale dans le Tantra Shâkta-Kaula, avec des éléments compatibles avec la morale universelle, d'autres avec le féminisme contemporain. Mais d'autres éléments manquent et, enfin, l'autorité accordée au maître est sans doute excessive. 

Cependant, on ne trouve pas, dans cette tradition shivaïte, d'affranchissement total de toute morale. Nous avons que, même dans les traditions Kaulas les plus "transgressives", il y a des règles morales, dont certaines se retrouvent dans la morale universelle, commune à toutes les sociétés.

Les scandales actuels sont donc en partie liés à certains dogmes du Tantra. Mais, outre l'autorité donnée au maître, la superstition joue aussi un rôle. 

mardi 4 octobre 2022

L'éléphant dans le noir


Voici une fable racontée dans un tantra de la Déesse, la Collection de six mille versets (Shatsâhasra-samhitâ) :

"Ayant entendu parlé de la venue d'un éléphant, une foule s'en approcha, une foule d'aveugles. Chacun le décrit selon l'endroit qu'il touchait : queue, oreilles, patte, défenses ou ventre. Ceux qui touchaient sa queue disait que cet éléphant est une corde. Ceux qui touchaient ses oreilles, que l'éléphant était un éventail. Ceux qui touchaient ses pattes, qu'il était une colonne. Ceux qui palpaient son ventre, qu'il était un mur. Ceux qui mirent la main sur ses défenses, qu'il était une sorte de lance.

Ainsi dans l'erreur, ils se mirent à se disputer. Ceux qui les observaient commencèrent à rire. Les aveugles ne comprenaient pas. Pourquoi se moquait-on d'eux ? Ceux qui voyaient leur dire : 'Ne vous disputez pas ! L'éléphant est différent de ce que vous touchez. Mais vous avez tous touché l'éléphant ! Allez voire un docteur, qu'il vous ôte votre cataracte !"

Ainsi, le savoir ordinaire est vrai et faux.

Vrai parce qu'il connaît une partie de la vérité.

Mais faux parce qu'il prend cette partie pour le tout.

Cette fable est extraite d'un tantra d'une tradition tantrique extraordinaire et quasi inconnue, la tradition de Kubjikâ, étudiée par Mark Dyczkowski. Il a notamment publié une incroyable traduction d'une partie de l'un de ces tantras, en quatorze volumes !

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Quant à cette fable, d'origine jaina, elle est passée dans le bouddhisme et est aujourd'hui bien connue. Elle illustre comment nos idées sont des vérités partielles que nous prenons à tord pour des vérités complètes. Toutefois, toutes ces idées ne se valent pas, car elles sont plus ou moins complètes.


vendredi 30 septembre 2022

Désir et imitation


Le désir est inséparable de la vie. Au fond, il n'y a pas de vie sans désir, ni de désir sans vie, si bien que les deux sont inséparables. De même, le désir est inséparable de la conscience. Ceci revient à dire que le désir n'est pas étranger à la conscience, ni même une qualité de la conscience, mais un autre nom pour la conscience même.

Comprendre le désir en toute sa portée est donc ouvrir la porte à une réalisation de la vie, de la conscience. 

Or, l'un des visages du désir est l'imitation. 

Du moindre degré de conscience jusqu'à la contemplation la plus simple, l'élan vers l'Un est désir d'union, d'assimilation, d'intégration, de fusion, voire de digestion. 

Les humains s'imitent. La participation, la bhakti, sont au cœur des relations humaines. L'admiration, la dévotion, l'identification sont au cœur de l'expérience. Le Tantra appelle ce pouvoir vimarsha, terme le plus difficile à traduire. Être conscient, c'est se manifester et s'identifier à certaines manifestations en opposition à d'autres.

Les héros, les gourous, les dieux que l'on prie : autant d'images, de présences auxquelles on s'identifie. Tout le monde imite. Des symboles, des modèles, des stars, des archétypes. L'éducation est imitation, depuis l'apprentissage de la langue jusqu'à la fin.

L'une des pratiques du Tantra consiste à imiter une incarnation du divin. L'osmose joue à tous les niveaux et dans tous les sens.

Mais aussi, désir à cause d'un manque, d'une contraction. D'où le consumérisme, l'hédonisme, l'épicurisme. D'où la croissance, le progrès, l'exploration, inévitables.

Le yoga, en tant que désir d'union, est une des formes de l'imitation.  

La bhakti, l'amour divin ou dévotion est, bien sûr, imitation de l'Objet aimé.

lundi 26 septembre 2022

Stage méditation d'éveil selon le Tantra

 Stage weekend de pratique intensive de la méditation selon la tradition du Tantra.

A Nogent-sur-Marne, près de Vincennes en région parisienne. 

Les 22 et 23 octobre 2022.
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dimanche 25 septembre 2022

Yoga de l'émerveillement


Description du yoga de l'espace, de la Méditation de Shiva (śiva/bhairavamudrā) :

hānādānatiraskāravṛttau rūḍhimupāgataḥ /

abhedavṛttitaḥ paśyedviśvaṃ citicamatkṛteḥ // 

Abhinavagupta, Tantrāloka, V, 74

"En se familiarisant avec 

le Mouvement qui ne prend ni ne rejette,

grâce à ce mouvement unifié,

on voit toutes choses dans l'émerveillement :

la conscience vivante."

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La méditation n'est pas un effort mécanique, mais une familiarisation qui enracine tout l'être (corps, énergie, esprit, inconscient) dans un regard simple.

Ce regard est décrit comme "mouvement" (vṛtti). Le choix de ce terme est très significatif. Dans les autres traditions, vṛtti est en effet connoté de manière péjorative. Selon la célèbre définition du yoga donnée par Patanjali, le yoga consiste à bloquer les mouvements du corps, de la parole et de l'esprit.

Ici, nous sommes dans une approche radicalement différente. La conscience est immobile, mais d'une immobilité en mouvement, une vibration, spanda. Elle est un élan d'extase créatrice, non une chute subie dans une dualité accidentelle. La conscience est vibration, mouvement, élan, vague, onde, désir, éveil, éclosion, expansion. Autant d'images traditionnelles qui pointent vers le paradoxe qu'est notre essence. Le monde, le corps, le mental, ne sont pas des étrangers venus troubler la paix du Soi, mais les manifestations du Soi, leur prolongement inséparable, comme les vagues sont la manifestation de la mer.

Et donc, on habite ce mouvement de manifestation du vide dans le vide, comme des nuages dans le ciel :

les cinq sens totalement ouverts, le mental absolument silencieux. Pure perception sans mot dire. Bouche bée, pure ouverture, transparence sans aucun filtre, l'attention se fond dans l'émerveillement. 

Rien ne disparaît, tout se révèle dans la lumière, lumière sur lumière, ciel dans le ciel, sans aucun conflit ni inconfort, comme des reflets sur une eau calme. 

Tout s'unifie, le corps, l'attention, la volonté, le monde, ne forment plus qu'une seule sphère, comme une fleur éclose en plein jour.

La dualité de disparaît pas, l'unité ne s'impose pas. "Sans prendre ni rejeter". Comme l'enfant béat, un regard simple plonge jusqu'aux racines de l'être et ouvre les nœuds, défait ce qui est factice, comme une eau fraîche dans une terre desséchée.