jeudi 11 décembre 2008

Le Grand Arcane des Parfaits - V


Troisième jour - Sur les doctrines des Parfaits


Par jeu, moi Shiva je me suis fait être vivant.

Je suis devenu les quatre classes (d'humains).

De ma face est né le renoncement pour le renoncement.

De mes bras est née la jouissance en vue du renoncement.

Du ventre est né le renoncement en vue de la jouissance.

Des jambes, la jouissance pour la jouissance.

Avec mon esprit et ma parole, je me cache, me révèle et me cache de nouveau. 1-2


[Ces vers font allusion au mythe de l'Homme cosmique dont le sacrifice donne naissance aux différentes classes humaines (varna). Ces tempéraments sont définis par leur lieu d'origine et par leur manière d'envisager le rapport entre renoncement (tyâga) et jouissance (bhoga). Pour les brâhmanes, le renoncement est à la fois un moyen (ils sont censés vivre dans la simplicité) et une fin. Les Guerriers vivent dans un certain luxe, mais ils tendent inéluctablement au renoncement, comme le montre la Bhagavadgîtâ. Les Marchands - ces fourbes ! - pratiquent le renoncement (ils économisent), mais en vue d'une plus grande jouissance. Quant à la Plèbe, elle aspire à la jouissance pour la jouissance, sans aucune transcendance. Ces tempéraments ne sont pas des castes (jâti). Chacun, quelque soit sa naissance, peut se reconnaître dans ces descriptions, selon les orientations de sa vie.]


Dans la sphère (de l'Être) - le palais du Soi -,

Mon Artisane danse la présence et l'absence.

Là, je me diverti, je me manifeste à moi-même.

Je suis conscience de soi spontanée, incessante et majestueuse. 3


[La "sphère", le bindu au centre du Shrîcakra, symbolise la Lumière-Manifestation (prakâsha), l'Être pur qu'est le Soi-Shiva. Les triangles enlacés désignent le devenir. celui-ci naît de la conscience que le Seigneur prend de lui-même (vimarsha), progressivement, par jeu. Cette conscience de soi, l'Artisane (kalâ), est la Puissance, la Déesse aux Trois Citadelles (Tripurâ) de Désir, de Connaissance et d'Action, de veille, de rêve et de sommeil profond.]


Par pure liberté, par la perfection même de ma plénitude,

Je m'actualise dans la Lumière-Manifestation,

Espace qui est le Soi.

Faite d'un seul instant, faite d'une seule substance, éternelle,

Voilà la majesté que je suis. 4


["Faite d'un seul instant" : sans succession, éternelle, car la conscience "je suis je" embrasse tout l'Être d'un seul et même regard, sans "avant" ni "après", parfaite conscience de soi. C'est cette majesté qui, par l'excès de sa grandeur, son extase, s'épanche à travers les pensées et les sensations dont la succession forme nos vies. L'âme de toute expérience est l'expérience "je suis je".]


Amritavâgbhava, Le grand Arcane des Parfaits (Shrîsiddhamahârahasyam), Jammû, 1983.

8 commentaires:

  1. Tout d'abord, merci d'oser faire preuve d'un peu de discernement concernant quelques uns de nos "instructeurs", qu'ils se prénomment Eric ou Tartenpion, qu'ils aient pognon sur rue ou pas encore... Et ce, sans jamais sous-entendre que vous seriez vous-même investi de je ne sais quelle transmission ou initiation vous "autorisant" à dire que...le roi est nu.
    De fait, il se trouve que c'est mon cas; aussi suis-je bien placé pour savoir que ce simple fait, avênement plutôt qu'évènement, (aussi providentiel et "injustifié" soit-il) ne confère aucun droit, juste des devoirs... ceux du coeur. Lequel coeur-mien, pour autant qu'il se situe encore, complaisement, dans un égo caca-boudin, faute d'apprécier avec la persévérance et l'ardeur requises l'importance du Don accordé, traine en route...
    Et sur cette délectable route (par le chemin des écoliers, donc) de croiser plus qu'il ne le souhaiterait les mirobolantes trajectoires, sur papier glacé, des dits Instructeurs. M'énerve ... comme disait Gaston-la-gaffe.
    Mais surtout me frappe, pour en rester à la "perception pure" qu'ils préconisent...("du pain et des jeux"... comme le prescrit notre post-modernité),l'irrépressible impression que leurs interminables conférences, opportunément doublées éditorialement, laissent TOUJOURS un facheux arrière-goût.
    Que de "couacs"... comme on dit en musique !
    Sans parler de cette incontinence verbale, certes mue par le souci de sauver (de quoi ? ou plutot : de qui ?)le plus grand nombre d'ames possible! Mais comment croire un instant qu'il faille tant déblatérer...pour évoquer, désigner, certain Silence. Clef de voute de leur fond de commerce, qui plus est.
    On serait plus compréhensif s'ils s'étaient cantonnés, comme le font les prédicateurs pour pauvres, à je ne sais quel version grand public de l'Etant Suprème.
    Soit dit en passant, puisqu'on parle de ce qu'on ne connait pas (à savoir de religions) je doute fort que nos "avatara" de jadis, malgré leurs épuisantes périgrinations, aient pu "toucher" ne seraient-ce qu'un 10ème du public que se font nos pieds-nickelés. Le résultat cependant, tout au moins avant que la récupération ne l'emporta, était autrement plus satisfaisant. On y allait certes pas avec le dos de la cuillère, mais aucun "couac" à l'horizon. Celà laisse songeur..
    Pour conclure,(plus "vache", certes), mais en me cantonnant aux ambitieuses prétentions de mes têtes de turcs à la guidance : "ce n'est pas en perfectionnant la bougie que l'on a inventé l'électricité".
    Un égo,(comme ils disent sans trop savoir de quoi il retourne...), même adoubé, et joliement paré de "spiritualité", sent toujours l'égo...
    J'ai le mien en permanence sous le nez... et je dois avouer que tout comme ça le fait avec les pets des autres, le mien me semble sentir... la rose; enfin presque. Sauf, que fausse modestie aidant, j'arrive encore à garder le sens des proportions...et, en passant, à repérer la même délicieuse fragrance, d'où qu'elle vienne.
    Bêtise mis à part, je remarque néanmoins ceci: comment se fait-il que malgré la ribambelle de maitres-à-ne-pas-penser dont nous sommes pourvu, (en l'espace de Schoengen, et outre-atlantique) leurs arbres ne donnent aucun fruit digne de ce nom ? O.G.M.???
    Je ne doute pas qu'ils aient bénéficié de quelques satori, plus ou moins orthodoxes(après tout, rien de bien surprenant en ces temps de disette... Ibn Arabi en disserta comme il convient en introduction à son "dévoilement des effets du voyage"); mais pourquoi diable "s'installer" d'emblée, et aussi confortablement, là où l'on ne doit que passer ? Humblement... en remerciant en silence, du fond du coeur.
    Sans doute suis-je, (tout comme vous peut-être), facheusement influencé par une excessive fréquentation des textes anciens, ce qui, (entre autre), affine les ouïes; quoiqu'il en soit, la partition de nos modernes est grosso-modo ressemblante à l'original, mais l'interprétation... hum-hum. Canada-dry...? Y a tellement à redire qu'il vaudrait mieux changer de sujet.
    Je me serais volontiers abstenu de ce véniel péché si mon indécrotable curiosité ne m'avait pas amené à éplucher votre site de fond en comble. 100% d'accord avec vos thèses et antithèses (shivaïtes "contre" dzogchen, même si, au fond, qu'importe le flacon... encore que l'eau prenne toujours la couleur du vase qui la contient... et qu'ils puissent en résulter certaines "inadéquations" entre le fond et la forme... vrai-faux débat); sans parler de vos excellentes tranches de traductions-citations; mais là où je ne résiste plus à l'envie de "communiquer", c'est quand je tombe sur les commentaires que vous vous attirez. Enfin pas tous, disons la moitié; déplorable... Comme si, après la grammaire (dixit R. Barthes) c'était le discernement des esprits (comme dit St Paul) qui était "fachiste"... Etrange, que cet acharnement thérapeutique envers tout ce qui ose encore faire preuve d'intelligence. (Notez que je ne parle même pas "d'intellectio"... même si vous m'en semblez pourvu, à l'insu de votre plein grè, tant mieux...). Encore plus étrange quand on sait que cette policière bienveillance (sécurité-propreté, comme sur les poubelles transparentes et molles du métro..) se dit aussi, mais en d'autres lieux plus idoines, soucieuse d'écologie. La panoplie est complète.
    Pourtant la nature... "seul livre écrit directement par Dieu", n'est pas de gauche. Il suffit de demander aux lapins, ou autres végétariens, ce qu'ils pensent de leur chance de broûter paisiblement... UNE FOIS POUR TOUTE.
    Je ne dis pas ça par simple goût de la provocation, mais juste parce qu'il m'est apparu que la Grâce elle-même, ne tenait aucun compte de ce que nous tenons pour des valeurs humaines... "trop humaines". Et que cette évidence, curieusement, semble avoir échappée à nos Instructeurs; qui, entre quelques très convenues manifestations de liberté cosmique, limite anars...bigre !, nous la jouent consensuels à souhait. Le droit-de-l'hommisme n'est pas loin... avec son armada d'ingérences humanitaires...sur fond de bruits de bottes.
    Et avec la mauvaise foi qui s'impose, de vous tenir grief de ce que vous vous attirez question commentaires. Votre entreprise est certes des plus salutaires en ces temps de confusion et de "réduction" tous azimuts, mais néanmoins je trouve qu'il serait opportun de réfléchir plus avant sur ce fait : quoi qu'on y sème, et Dieu sait que les bonnes volontés ne manquent pas, rien ne pousse en notre copieux humus. Rien(DE VISIBLE) qui, de près ou de loin, ressemblerait à un sage ou à un saint... Dix Dalaï-lamas n'y changeraient rien.
    Un peu de "sociologie" inspirée...voir de cosmologie appliquée, contribuerait peut-être à remettre les pendules à l'heure... ô combien tardive. Pourquoi s'interdire de réfléchir sur les avantages et inconvénients, (en occident puisqu'on y est... ouf !), de cette fin de kali-yuga. Il en résulterait peut-être un état des lieux, même approximatif, qui éviterait aux quelques-uns que les sujets que vous traitez "REGARDENT" vraiment... de perdre un temps fou dans des impasses.
    Pourquoi ne pas faire remarquer que plus une doctrine s'approche de la quintessence,de "l'intellectio" pure et dure, plus le guru-yoga (comme disent nos yétis, qu'ils soient shivaïtes ou dzogchens) jouent un rôle-clef. Que l'amour, le pur amour, en fin de compte est le seul moteur possible en ces temps de désenchantement.Que faute de celà, de ce secret levain, le soufflet théorique s'affaisse dans nos mangeoires.
    Que les "correspondances" subtiles ne jouent plus, pour cause de désaccords (providentiels sur notre versant) entre tous les instruments, micro et macrocosmiques. Qu'en conséquence, toutes les "pratiques" étant mise hors-jeu, ne subsiste que les Non-voies... mais antées paradoxalement sur "le pouvoir de l''Autre" et non de soi... comme on s'acharne à nous le faire croire... du haut de chaires peu altruistes.
    Que l'agnosticisme actuel, quand il est de qualité, intense (limite désespérance, mais sans complaisance) est comme le négatif-photo de l'Inconnaissance... qu'il suffit de "développer", de retourner la crèpe (métanoïa)pour déboucher de plein ciel là où il faut... pour commencer le chemin-sans chemin.
    Que des cosmologies plus théistes sans doute, mais paradoxalement plus en phase avec les Temps, auraient peut-etre plus à dire sur le comment du pourquoi. Je pense entre autres aux considérations sur les Noms Divins dans le soufisme, ou à la Kabbale d'un Rabbi Nahman de Bratslav, et pourquoi pas au Guénon, sinistrement inspiré par ce qu'il nomme le "roi du monde". Mieux vaut savoir où l'on se perd, où l'on se trouve; que le meilleur a de nos jours le visage du pire.
    Enfin tout ce qu'il faut pour être suffisamment désagréable (malamati ?) pour s'éviter l'émoliente promiscuité du new-age. Son "univers"... impitoyable, tout bien pesé.

    Cordialement votre.

    Aliboron.

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  2. Merci d'avoir la bonté de me remercier... mais je ne suis pas certain d'avoir tout compris dans vos propos.
    Cependant, je le répète : oui, j'ai critiqué certains points du livre d'Eric Baret, mais non, je ne critique pas son "enseignement". Au contraire, il résonne aussi simplement qu'une de ces lumières d'hivers dont on profite en ce moment. La meilleure manière de l'apprécier, c'est peut-être de ne pas tout confondre et de laisser "Eric Baret" se dissoudre dans l'aurore matinale.

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  3. Merci. Certes, je ne connais pas la "personne" d'Eric Baret, juste quelques uns de ses livres, aussi,(quoiqu'on puisse penser de ses productions)le laisserai-je se dissoudre... Et puis mon intention en vous écrivant ma précédente missive où effectivement "tout" se mélange... comme dans la version de la réalité à laquelle nous avons droit, (que la Grâce ou rigpa nous aient dans ces petits papiers, ou non), n'était que de contribuer modestement à dissoudre la purée de bons sentiments qui auréole ces "transmissions". Comme si de rien n'était; comme si le monde n'avait pas changé depuis Açoka (par exemple); comme si ces modifications restaient sans incidences aucunes.
    Etrange naiveté de la part de qui courtise autant les tantras, productions spécifiques du kali-yuga si je ne m'abuse.
    La nécessité de l'Ijtihad, en fonction de l'Epoque (nom divin, s'il en est), n'incombe pas aux seuls "victimes" de la shariah. Nous qui avons la chance d'habiter l'oeil du typhon, chez Bambi..., en sommes encore moins dispensés.
    Avez vous déjà pris le R.E.R. (celui qui va vers "une demeure à l'ouest de Paris" par exemple... en compagnie d'un éveillé, comme on dit...? C'est franchement désopilant. En quelques mots bien sentis, le point de vue énoncé laisse derrière lui les plus vigoureuses diatribes de l'ulta-gauche. L'humour en plus).
    Ou encore, regardé la télé à coté d'un maitre dzogchen ("reconnu", si si ! enfin par des villageois et quelques nomades seulement), et le voir piquer une colère certes passagère... parce qu'un invité avait eu l'inconscience de changer de chaîne, et d'interrompre son match de foot. Il serait temps de ne plus cautionner, même par défaut, les jeux de scènes new-age, cet angélisme opportuniste qui dénaturent les messages de nos instructeurs.
    Plus sombre en apparence : quid de certains grands maitres naqshbandi récents (afgans,tchétchènes) préconisant à leurs disciples de prendre les armes, et d'en mourir ? Etc, etc...
    J'ai eu la naiveté de supposer que le sujet méritait au moins une ébauche de dialogue. Que si, Ciel aidant, il en pouvait sortir quelques lueurs, ce serait toujours ça de pris sur l'illusion.
    Bref, je me suis trompé. Tort d'avoir supposé que le discernement dont vous faites preuve sur quelques textes déborderait dans la... "marge" où nous... existons. Même si nous SOMMES ailleurs.. D'où nous partons, même si c'est pour y revenir; là où "les montagnes sont à nouveau des montagnes".
    Bon crépuscule.
    Aliboron.

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  4. Non vous ne vous êtes pas trompé. Je suis toujours partant pour dialoguer.

    Si je vous comprend bien, vous défendez un peu le point de vue de René Guénon ?
    Par les exemples que vous évoquez, vous voulez dire que tous les "éveillés" ne sont pas toujours à la hauteur de leur enseignement ?

    Pour ma part, la chose est simple : un humain reste toujours un individu, égoiste donc. Simplement, la Lumière de notre vraie nature "assoupli" cet égoisme selon notre fidélité. Bref, je n'ai rien de spécial ou de nouveau à dire sur le sujet.

    Enfin, je respecte et je m'émerveille du courant d'éveil qui se déploie à travers le monde. C'est extraordinaire ! Mais leur vocabulaire me semble problématique : éveil, ego, mental, dualité, satsang etc. Il me semble vague. Et surtout, l'idée que l'éveil confère une sorte d'autorité spéciale - idée encore présente dans la plupart des milieux "spirituels" - me semble être un important obstacle au dialogue. L'approche de Douglas Harding, expérimentale, rationnelle et en même temps profondément mystique et personnelle, me paraît idéale.

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  5. Chouette ! Votre réponse me fait plaisir, aussi avant de poursuivre je vous fait un petit cadeau : (personnel... en conséquence, les noms des personnes concernées resteront suggérés, pour éviter les effets pervers du net). Le grand monsieur, poète s'il en est, sujet de votre dernier article, a bénéficié longtemps et discrètement, vers la fin de sa vie de l'enseignement de Melle L.S. (dont vous faites l'éloge dans la rubrique soufisme). Il s'est néanmoins arrété en chemin malgrè ses aptitudes, craignant que la "mort à soi-même" (fanâ...)dont il expérimentait les prémices, lui retire l'écriture...et "l'écrivain" Quoiqu'il en soit de ce "choix" que je me garderai bien de juger, il n'en reste pas moins que ses derniers écrits (le dernier quart, en gros)expriment remarquablement ce qu'il a perçu sous l'effet de cette grâce.

    Je réponds à votre dernier message via un autre commentaire.

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  6. En fait, les exemples utilisés voulaient dire l'inverse... Je m'explique, au risque d'etre elliptique faute de place. Ce que je critique c'est que, l'air de rien, la majorité de ces "instructeurs" s'arrètent en route, et que les conséquences en sont souvent facheuses pour ceux qui les suivent, si ce n'est pour eux-même. Bénéficier de "satori",(par des voies traditionnelles ou "sauvages") plus ou moins intenses ou durables, est une chose. Et, sur ce point, sa remarquable recrudescence actuelle, je partage pleinement votre enthousiasme. Même si pour ma part je serai plus enclin à y voir l'effet d'une "intervention" de l'Esprit... qui souffle où il veut, que celui d'une trop humaine compétence. Et que cette céleste générosité pose question... Pourquoi "nous", maintenant, etc... mais passons. Par contre, déduire de cet accès (partiel) à la Merveille que l'on se trouve en position d'enseigner me parait etre une grave erreur. Les voies, ou non-voies que nous connaissons précisent toutes, (plus ou moins explicitement, je vous l'accorde), que l'étape ultime est ce que le taoisme appelle "retour du retour" ou le soufisme "baqâ". Nos shivaîtes favoris ne sont pas en reste, avec leur "kramamudrâ"... Et de ne considérer comme maitres, à part entière, que les êtres ayant accomplis la totalité du chemin. Il résulte de ce parcours ce qu'un Ibn Arabi appelle un(e) "malamati"; soit pour aller vite, une apparence des plus ordinaire... Votre effet-soupline mais porté à la plus-que-perfection. Laquelle, soit dit en passant est dialectiquement "complice" de l'imperfection. Point non négligeable, puisqu'il en résulte aussi bien la vraie compassion, que "l'aptitude" à se dissoudre dans la lumière de l'aube... en "baqâ.
    Rester coincé à mi-chemin, au seuil de l'extinction dans la contemplation (fanâ) par exemple, est mieux que rien, soit. Et incline certainement à saupoudrer les "sermons" d'advaïta-vedanta... en affinités "poètiques" avec cette station. Ainsi on s'autovalide. Là où le bât blesse, et c'est pour celà que Mr Baret me semblait emblématique de "l'entourloupe",(avec toute l'injustice qu'induit le procédé, je le reconnais) c'est quand, en même temps, on se revendique d'une tradition tout aussi prestigieuse certes, mais dont la critique du dit-advaïta s'avère magistrale... comme vous l'avez fait remarquer. Ce qu'en "compensation" il dit du corporel est bien plus interessant; mais pourquoi diable, hurler avec les loups en accusant le cogito de tous les maux... ce, à grands renfort de mots. Surtout quand on est, comme lui "héritier" d'Uptaladeva, entre autres... Ce, à une époque où objectivité scientifique aidant (pour une fois...), n'importe qui est à même de savoir que percepts et concepts forment un noeud gordien, indémêlable. Qu'en conséquence, il s'agit de transmuter le tout. Et ce "tout", en tout cas le "mien", (redoublant et toujours en travaux, c'est mon modeste cas) ne résiste pas, face à cette contradiction "barétienne", à la tentation de tenir ce qu'il dit de juste, pour une sophrologie améliorée. Certes je vous accorde qu'aujourd'hui la probabilité de croiser des Uptaladeva...est faible, et qu'à défaut de grives on peut se rabattre sur les merles. Ca ne me gène pas, d'autant plus que j'ai par le passé mangé à tous les rateliers et que mon estomac a survécu. Ce qui me dérange par contre, c'est que de nos jours (pour les aspirants à l'éveil) domine le seul point de vue de ces instructeurs. Et que là où dans votre bienveillance vous ne relevez qu'un vocabulaire trop vague... je vois de l'usurpation; à des degrès divers toutefois.
    Réduire la Réalité,l'accès au sans-accès(en mots et en actes)à cette fenètre, plus fermée qu'ouverte..., me parait abusif. Ibn Arabi, encore lui, d'attirer l'attention sur le fait qu'un malamati n'est porté que par le nom suprème, (qui n'en est pas un, comme dirait Lao tseu) tandis que ceux qui n'en sont pas "là", sont "possédés" par une seigneurerie (une perfection, si l'on veut); et qu'outre la limitation inhérente à ces degrès, ils sont caractérisés par certain charisme et autorité en rapport. Que la "posture du maitre" s'en trouve... facilitée.
    Pour vous répondre sur un autre point, mon approche n'est pas guénonienne même si la fréquentation de son oeuvre m'a jadis permis d'élever un peu le niveau de mes interrogations. Mais ses conclusions me semblent trop "rigides". On ne fait pas de l'ancien avec du vieux...et comme disent les dogons "les réponses viellissent plus vite que les questions".
    Bref, le sujet dont nous nous entretenons aujourd'hui ne laissant pas mes neurones en paix, j'ai fini par faire part de ma perplexité à quelqu'un... "à l'ouest de paris", dont les neurones à l'évidence étaient rangés dans le bon ordre... La réponse fut limpide : "ils (ces instructeurs) sont brûlés mais pas cuits". D'où les inconvénients qu'ils rencontrent, ainsi que leurs disciples. La cuisson en question ne pouvant, sauf exception confirmant la règle, etre accomplie qu'au sein d'une lignée de maitres (tels que définis plus haut). Car, je ne vous apprends rien, elle nécessite une pédagogie, une science qui ne se transmet que d'humain à humain. Même s'il est évident que l'inspiration partielle ou sauvage bénéficie parfois de science infuse, il est à noter que cette science pédagogique n'en relève pas. Pas plus aujourd'hui que jadis. Il est à noter aussi que le discernement requis à ce niveau "microcosmique" si l'on peut dire, ne peut qu'etre en phase, en résonnance, avec les lois subtiles qui régissent le "dehors". Et qu'il en résulte, propension personnelle aidant, un point de vue sur "ce-qui-est" d'une profondeur et subtilité à des années-lumière du "vague" que nous récusons l'un comme l'autre. Point de vue à même, à mon sens, de jeter les bases d'une réflexion nécessaire sur ce que les temps que nous vivons permettent ou non.
    Cordialement.
    Aliboron.

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  7. Il me semble que M. Baret témoigne justement d'une vive conscience des dangers du consumérisme. Si son enseignement parle a un grand nombre de gens, est-ce une faute ?

    Néanmoins, il est vrai que le mouvement "satsang" dans son ensemble a souvent un parfum de mercantilisme. Avez-vous déjà visité le "salon zen" ? Avec une préparation suffisante, on peut tenir un quart d'heure là-dedans, ce qui suffit amplement pour épprouver une sorte d'écoeurement indéfinissable, en même temps qu'une profonde sympathie pour tous ces gens qui cherchent... Rien n'est simple.

    Comment éviter le consummérisme et l'élitisme ? Comment taire la Bonne Nouvelle ? Comment ne pas la trahir dès qu'on la dit ?

    De plus, l'approche que vous évoquez, celle de la transmission de coeur à coeur, n'est pas non plus immunisée contre les travers de la nature humaine. Il n'y a qu'à voir les schismes familiaux et autres qui eurent lieu à partir de "Huzur Mahârâj". A mon humble avis, le problème vient de ce que l'on identifie réalisation spirituelle et pouvoir temporel. Dès lors, même l'être le plus pur, le plus "anéanti", devient corruptible. Si au contraire on admet qu'il n'y a dans tout cela qu'amitié, alors les choses se passent mieux, même si l'on est pas parfaitement "cuit". En outre, l'amitié n'empêche pas l'abandon, l'intimité, ni aucune des vertus de la relation traditionnelle de maître à disciple. Bref, mon coeur me dit qu'il faut pouvoir s'abandonner complètement à l'intérieur, sans aucune réserve et bien au-delà de tout ce qui parait raisonnable, tout en conservant une attitude parfaitement républicaine à l'extérieur.

    Vous avez eu la gentillesse d'être un peu personnel. A mon tour :
    J'ai rencontré la Dame de l'Ouest en 1995, durant plusieurs mois. Les aléas de la vie ainsi qu'un certain scepticisme à l'égard de la relation maître-disciple m'ont fait arrêter. Cependant, avec le recul je réalise que le courant ne s'est jamais interrompu. Plus fort que toutes les distractions, les humeurs et mêmes les états mystiques, il demeure toujours présent, tel une fontaine intérieure. Je me suis toujours demandé si ce genre de lien pouvait être rompu. Le temps montre qu'il n'en est rien.
    Même si je n'ai pas inclu son nom dans la liste des "souhaits" - à quoi bon ? - elle reste l'une des personnes par qui le mystère s'est reconnu. Qu'elle en soit remerciée.

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  8. Finalement, tout va bien.

    Le débat sur le "comment-du-parce-que" n'a plus lieu d'etre entre nous; je n'entends que trop bien, de part et d'autre, le murmure jamais interrompu de cette fontaine.

    Le reste: trois fois rien... vous avez un faible pour les tubes en carton (Harding), et moi les sarbacanes (Guénon);ce n'est que "vétements", (j'en secouerai la poussière ailleurs).

    Comme disait Dogen "le monde jusqu'au bout dévoilé, comme une rosée, est un rève. Ce rève précisemment, est mille herbes éclaircies; les incliner est juste, les entrelacer est juste".

    Par ailleurs, tout à fait raccord avec vous sur les ambiances "satsang" et "familiales". Quelle idée que de vouloir tirer profit de ce qui ne vaut... Rien !

    Coté personnel, merci de cette confidence; elle a filé dans mon âtre, en a ravivé les flammes, un brin paresseuses ces derniers temps.
    Juste un point, pour papoter : ayant eu la chance d'une "présentation" de... rigpa, par Mlle S. (peu avant son décès), et quelques années après d'en recevoir une autre par un representant du dzogchen, je reste frappé par la similitude des "effets" induits par ces cadeaux. Il est vrai que j'en suis le point commun, mais quand même...
    Cordialement.
    Aliboron.

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