On lit beaucoup de critiques de la morale dans les textes tantriques, en particulier ceux des mahasiddhas tels que Saraha.
Mais s'agit-il bien de cela ?
En réalité, ce que déconstruisent littéralement ces discours, ce sont plutôt les mœurs d'une époque, les usages et autres conventions. Or, la morale ne se réduit pas aux mœurs, puisqu'on voit des individus élevés dans une certaine culture morale être néanmoins capables de critiquer cette culture. Ainsi, on peut avoir été éduqué dans des mœurs catholiques et objecter à l'interdiction faite aux femmes d'accéder à la prêtrise.
Ne confondons donc pas morale et mœurs. Dénoncer les mœurs comme constructions sociales est facile. Prétendre se débarrasser de toute conscience morale, de tout scrupule, est une autre affaire.
Bonjour David,
RépondreSupprimerà l'appui de ta remarque, je songe à une approche authentiquement sceptique de la morale.
Pour un sceptique authentique, on doute au carré. Autrement dit on peut tout aussi bien montrer que tout est illusoire et que tout masque et révèle une réalité ultime. Donc d'un côté, aucune morale n'est vraie, toute morale est relative à un contexte, elles varient d'une époque à l'autre, d'un lieu à l'autre, etc. Cependant douter au carré revient à douter de ses doutes : il faut douter de ses doutes quant à la vérité de la morale sans refaire de la morale une vérité absolue. Pour y parvenir, il faut se demander quelle est la fonction de la morale : pointer des désirs qui vont à l'encontre des conventions collectives. Il est très facile de douter de la morale, il est difficile de douter des désirs égoïstes qui vont à l'encontre des conventions collectives. La morale peut servir au sceptique à douter de son point de vue égocentrique.
Au final le sceptique aura tranché la tête au conventionnalisme qui s'ignore et finit par être un dogmatisme. Ensuite, il aura tranché l'égoïsme qui l'empêche de douter de la vérité du point de vue égocentrique. Son juste usage de la morale en vue de douter et d'en douter lui permet aussi d'éviter le moralisme : on ne peut pas se contenter d'avoir éviter l'égoïsme et de s'en réjouir égocentriquement (voyez comme je suis bon !!). La morale reste un moyen relatif de douter de la vérité ultime de l'ego, le moralisme est une attitude morale qui finit par renforcer l'ego.
Conclusion : L'épine de l'ego a une prolongation égoïste que la morale peut retirer mais pour vraiment se défaire de l'épine de l'ego, il ne faut pas s'attacher à l'épine de la morale... Le scepticisme authentique est donc précieux spirituellement...
Par ailleurs, Ma Ananda Mayi disait que pour retirer l'épine du mal il faut utiliser l'épine du bien et ensuite qu'il fallait aussi abandonner cette épine. Et elle ne semblait pas renoncer comme les sceptiques à l'idée d'une expérience d'une vérité ultime de ce qui est.
Ce que tu appelles "scepticisme authentique", c'est très proche du bouddhisme Mahâyâna avec sa dialectique du "use-and-throw-away". Mais l'opinion que je suggère ici sans suffisamment l'articuler, c'est que l'ego n'est pas à supprimer mais à parachever, et que conscience "pure" et conscience morale sont inséparables.
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