mercredi 23 février 2011

Les limites des philosophies indiennes classiques

Linga dans un restaurant à Ubud, Bali


Après avoir exposé les principaux systèmes philosophiques de l'Inde, l'auteur passe à leur critique, afin de montrer que seule la thèse de la liberté absolue de la conscience donne entière satisfaction :

Chapitre 6 : les défauts de ces autres théories

Ainsi ces trois théories - commencement (absolu), etc. -

Ont été exposées en bref.

Bien qu'elles soient en partie valables,

Aucune ne l'est entièrement. 1


La théorie du commencement (absolu) est irréprochable

Jusqu'à ce qu'elle parle de la création (comme étant)

Séparée du "seigneur des créatures".

(De même), la théorie de la transformation (réelle)

De la nature matérielle en une série de causes et d'effets est parfaitement valable. 2


La théorie selon laquelle (tout) est apparence (illusoire) tombe juste,

Car il est vrai que tous ce qui est conceptuel est sans réalité.

Mais la racine ultime de ces trois (théories)

Est la liberté (de la conscience). 3


Dans la théorie du commencement absolu,

L'existence des atomes n'est pas formellement prouvée.

Le Soi suprême y est privé de liberté.

Quant à la délivrance, elle est comme un état d'inconscience !

De même, la relation entre le tout et les parties[1] n'est pas prouvée (comme il convient).4


Comment une nature matérielle et donc privée de conscience[2]

Pourrait-elle engendrer d'elle-même un monde complexe ?[3]

L'Homme[4] n'est qu'une absence :

De sorte qu'il est impossible que cette théorie de la transformation donne satisfaction[5].5


Si tout est une apparence trompeuse,

Alors d'où vient-elle ?

Et qui trompe-telle, cette tromperie ?

De même, qui est ignorant, et pourquoi ?

Et enfin, pourquoi cette ignorance est-elle inexplicable[6] (selon vous) ? 6


De plus, si l'absolu repose tranquillement, confiné en lui-même,

Pareil à un ciel vide et immobile,

Alors où sont la félicité, la conscience, ou bien même l'existence

De cet absolu pareil à un néant ?[7]7


Et si l'absolu est la seule réalité,

Alors qui est l'être vivant et qui est l'auteur de la Māyā ?

De fait, cette théorie des partisans du Veda

Ne peut combler ceux dont l'intelligence est fine.8


Le principal défaut de la théorie (bouddhiste) de l'instantanéité

Est l'impermanence du Soi qui (, selon les Bouddhistes, se réduit) à une série de cognitions.

De sorte qu'ils ne peuvent rendre raison de l'existence ordinaire.

De même, cette théorie est défectueuse pour autant que nul n'aspire à sa propre cessation ! 9


Balajinnātha Paṇḍita, Le Miroir de la liberté (Svātantrya-darpaṇaḥ), Munshiram Manoharlal, Delhi, 1993


[1] avayavībhāva : la relation entre le tissus et les fils, par exemple.

[2] par définition (svabhāvāt).

[3] Qui suppose une organisation, donc une intelligence.

[4] puruṣa, la pure conscience inactive défendue par le Sāṃkhya.

[5] Satisfaction théorique et existencielle.

[6] Selon le Vedānta, l'ignorance est la cause de l'erreur qui nous fait croire que tout est réel. Mais cette ignorance est elle-même indéterminable en termes d'être et de non être : on ne peut dire qu'elle existe, car elle ne résiste pas à un examen poussé ; mais on ne peut dire non plus qu'elle n'existe pas, car elle apparaît. C'est ici le Vedānta de Mandana Miśra (c. VIIIe ?) en particulier qui est critiqué. Mais cette thèse de Mandana sera reprise par le Vedānta tardif.

[7] śūnyakalpa. Car le Vedānta affirme que l'absolu est "être, conscience et félicité". Mais comment cela est-il possible si cet absolu est aussi immobile que le néant ?

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