mercredi 25 mai 2011

Beauté si ancienne et si nouvelle



Que j'ai commencé tard à vous aimer, ô beauté si ancienne et si nouvelle ! que j'ai commencé tard à vous aimer ! Vous étiez au-dedans de moi; mais, hélas ! J'étais moi-même au-dehors de moi-même. C'était en ce dehors que je vous cherchais. Je courais avec ardeur après ces beautés périssables qui ne sont que les ouvrages et les ombres de la vôtre, cependant que je faisais périr misérablement toute la beauté de mon âme, et que je la rendais par mes désordres toute monstrueuse et toute difforme. Vous étiez avec moi, mais je n'étais pas avec vous. Vous m'avez appelé : vous avez crié, et vous avez ouvert les oreilles de mon cœur en rompant et en brisant tout ce qui me rendait sourd à votre voix. Vous avez frappé mon âme de vos éclairs : vous avez lancé vos rayons sur elle, et vous avez chassé toutes les ténèbres qui la rendaient aveugle au milieu de votre lumière même. Vous m'avez fait sentir l'odeur incomparable de vos parfums, et j'ai commencé à ne respirer que vous, et à soupirer après vous ; j'ai goûté la douceur de votre grâce, et je me suis trouvé dans une faim et dans une soif de ces délices célestes. Vous m'avez touché, et je suis devenu tout brûlant d'ardeur pour la jouissance de votre éternelle félicité.

Augustin, Confessions, X, 27, traduction d'Arnaud d'Andilly


Même passage, traduction récente :


Trop tard je t'ai aimée

beauté si ancienne et si neuve

trop tard je t'ai aimée

Regarde.

Tu étais à l'intérieur, 'étais dehors à ta recherche.

J'étais difforme, je me jetais sur l'élégance de tes formes.

Tu étais avec moi, je n'étais pas avec toi.

Ce qui me retenait loin de toi pourtant n'existerait pas sans exister en toi.

Ton appel. Ton cri.

Tu as broyé ma surdité.

Éclair. Splendeur.

Tu as fait fuir mon aveuglement.

Parfum. Je t'ai respiré. Je t'ai inhalé.

Je t'ai goûté. Ma faim. Ma soif.

Tu m'as touché. J'ai pris feu dans ta paix.

Les Aveux, X, 38, traduction par Frédéric Boyer

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