dimanche 23 octobre 2011

Le banquet des yoginîs


Suite du Tantra de la danse de Kâlî.

Les douze yoginīs du banquet

Après les deux premier groupes de yoginîs - celles de la Gnose et celle des Mantras - cet arcane-ci est d'une profondeur insondable, ces sont les douze yoginīs qui sont présentes dans tous les phénomènes, tout en étant présentes au cœur du royaume du phénomène de la conscience. Elles sont conscience. Elles correspondent aux facultés sensorielles et aux souffles. Elles forment le grand banquet (melāpa) ou s'harmonisent les énergies dans l'égale saveur de tous les phénomènes (sāmarasya). D'où la traduction de melāpa par intégration, unification. Ce sont - ou plutôt, elle est -, car il ne s'agit toujours que d'une seule et même Déesse :

La suprême yoginī, essence de conscience
Est présente entre les deux oreilles.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime du son.

Elle est dans la peau de tous les êtres
En cet univers vivant et inerte.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime du toucher.

Celle qui illumine le soleil et la lune
Est présente au coeur des yeux.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime de la forme.

Elle est l'artiste qui goûte au centre (de la langue),
Entourée des trente-deux siddhas.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime de la saveur.

Elle se délecte des opposés
Distingués par les deux narines.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime de l'odeur.

Elle est (Parole) Suprême, puis Voyante,
Puis Médiane et Articulée.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime de ce qui est dit.

Elle  a le corps d'un serpent a cinq faces
Et s'occupe exclusivement de tout dévorer.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime de l'appropriation.

Présente à la fin des seize (rayons),
Elle est la fin de tout et le mouvement des pieds.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime du rejet.

Installée dans le souffle inspiré,
Elle repose, tranquille, à la fin des douze (largeurs de doigts).
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime de l'excrétion.

Au cœur de l'organe génital,
Elle est toujours prête à faire s'écouler la semence.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime de la félicité.

L'artiste qu'est la pensée
Est au cœur du doute et de la certitude.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime de la cogitation.

Elle est l'éveilleuse originelle,
Ivre de soi et de toute chose.
Elle est présente au banquet
Comme conscience ultime de la perception (2, 84a-96a)

Les huit Puissances

Ensuite, la Déesse révèle le cercle des huit yoginīs qui ont atteint l'Espace par la voie de la Puissance (śakti).

Cette condition suprême de Bhairavī
Monte à travers les douze roues.
Par ce chemin, cette splendeur
En forme de Puissance atteint l'espace.

La conscience suprême s'élance à l'intérieur,
Sise au centre de la nuque et du palais.
Par ce chemin, cette splendeur
En forme de Puissance atteint l'espace.

Elle a l'éclat d'un trait (de lumière), toujours présente dans la ligne droite[1],
Au cœur de la passion.
Par ce chemin, cette splendeur
En forme de Puissance atteint l'espace.

Elle est l'artiste qui (s'élance) vers le bas,
Considérée comme pure, qui divague en tous les corps.
Par ce chemin, cette splendeur
En forme de Puissance atteint l'espace.

En forme de graine d'euphorbe[2],
Cette grande passionnée est l'essence du charme de la passion.
Par ce chemin, cette splendeur
En forme de Puissance atteint l'espace.

Vers le bas, elle est le son "rrr",
Partout ardent à boire.
Par ce chemin, cette splendeur
En forme de Puissance atteint l'espace.

A la fin des jours lunaires[3], engagée sur le chemin,
Elle parcourt le chemin ascendant.
Par ce chemin, cette splendeur
En forme de Puissance atteint l'espace.

A la fois sans pensée et en train de penser,
Elle est l'artiste suprême, elle est Śiva.
Par ce chemin, cette splendeur
En forme de Puissance atteint l'espace (2, 101-112).

Les quatre yoginīs de Śiva


Ces quatre et ultimes yoginīs sont inséparables de l'absence de pensée (unmanatā). Ce sont quatre vagues de conscience qui dévorent le temps et tous les phénomènes.

La première vague  est l'état naturel, la conscience absolue qui dévore toute chose.

La seconde est une félicité qui est une absence de félicité.

La troisième ... est en rapport avec les instants et les heures du jours (?).

La quatrième surpasse tout, elle aime dévorer, c'est-à-dire "prendre conscience de" (2, 118-121)

Toutes ces déesses doivent absolument être honorées avec les substances des héros, imprégné de la conduite non-duelle des héros, la pratique secrète. Grâce à cette Roue des yoginīs, on obtient de planer dans l'espace de la conscience. Ces furies ardentes à tout dévorer doivent par tous les moyens être adorées. Mais on doit les garder secrètes, comme notre propre vie, pour les protéger, que ce soit contre les voleurs ou même les gens riches. Quand on obtient ces noms sacrés de la bouche du maître, la maîtrise de la Roue n'est plus loin. Il faut donc satisfaire le maître. Quand il est heureux, les yoginīs le sont aussi (2, 122-fin).

"Tel est le second chapitre nommé "L'incarnation de la majesté des yoginīs" dans le sublime Tantra qui révèle le sens véritable de la danse de Kālī, Tantra révélé[4] par le Protecteur sacré depuis de sanctuaire du Nord".


[1] Cette ligne est le canal du centre, suṣumnā.
[2] Kharaṇḍa-aṇḍa : peut-être une graine ou le fruit de cette plante indienne, employé en médecine : ricinus communis. Ce serait son nom en langue Garo, une ethnie de l'Assam. Sa forme, rouge écarlate, ressemble à un genre de chardon avec des piquants.
[3] Tithi : je suppose qu'il s'agit du sommet du canal central, la "Fin des seize" (ṣodaśā-kalā).
[4] Avatārita : le Protecteur l'a fait "descendre", de même que les yoginīs "descendent" de l'Espace de la conscience. Pensée, souvenirs, images, etc. sont la cristallisation de cet espace. Le Tantra (car il n'y a qu'un seul Livre Infini dont chaque tantra est comme un fragment) descend lui aussi, s'incarne peu à peu pour atteindre les êtres profanes mais qui aspirent au Retour.

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