samedi 14 janvier 2012

Trois silences


Il y a trois façons de se taire dans le recueillement.

La première, quand tous les phantômes, toutes les imaginations et toutes les espèces des choses visibles cessent  dans l'âme, en sorte qu'elle se tait à tout ce qui est créé et demeure endormie pour toutes les choses temporelles, et qu'ainsi, nous taisant au-dedans de nous, comme le dit St Grégoire, nous nous recueillons au-dedans de notre âme, pour contempler notre Créateur, ne désirant aucune chose de ce monde (...).

La seconde façon de se taire, c'est quand l'âme étant mise en silence a une espèce d'oisiveté spirituelle, demeurant couchée avec Madeleine aux pieds de Notre Seigneur, disant ces paroles :
J'écouterais ce que le Seigneur parle en moi

Et ce que Dieu dit à cette âme :
Écoutez, ma fille, - oubliez la maison de votre père, et le Roi concevra de l'amour pour votre beauté.

Or cette seconde sorte de silence se compare à bon droit à une attention : car celui qui écoute, non seulement il se tait à l'égard des autres choses; mais encore il veut que tout se taise à son égard, afin qu'il se convertisse plus parfaitement à celui qui lui parle. St Grégoire déclare cette manière d'enseigner dont Dieu se sert, disant que les paroles de Dieu sont sans paroles, qu'il enseigne celui qui se dispose pour entrer en son école à être son disciple, sans syllabes, sans bruit et sans voix.

Le troisième silence de l'entendement se fait en Dieu, quand l'âme se transforme toute en lui et que la volonté savoure la saveur de Dieu et s'endort en lui comme dans la caverne des vins et se tait, ne désirant rien davantage, puisqu'elle se trouve satisfaite : au contraire elle dort à soi-même, s'oubliant de la faiblesse de sa condition, parce qu'elle se voit toute divinisée.
Dans cette troisième sorte de silence il arrive que l'entendement est si assoiffé et si occupé, qu'il n'entend rien de tout ce qu'on lui  dit, comme le rapporte un Saint Vieillard qui s'exerçait en ce silence depuis cinquante ans.

Antoine de Royas, Vie de l'esprit, I, 18, cité dans Justifications, III, p. 29

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pas de commentaires anonymes, merci.