dimanche 27 mai 2012

Une solitude qui relie

Cette solitude nécessaire à un entretien doux et familier avec Dieu consiste plutôt dans le silence de l'âme que dans la séparation d'avec les hommes, qui seule n'est pas capable de nous donner le recueillement. Le bruit qui nous est propre, qui se fait au fond de nous-mêmes, et qui affecte les puissances où Dieu veut opérer, nous distrait bien plus que celui qui nous est étranger, et qui ne frappe que nos oreilles. On peut-être fort recueilli et vivement touché de Dieu au milieu du tumulte des créatures ; et en effet Ézéchiel l'est au milieu d'une troupe confuse d'esclaves gémissants. Mais on ne saurait guère être recueilli dans la multitude de pensées, dans les meutes de passions, et dans la confusion de l'âme. Aussi Dieu ne dit pas qu'il nous conduira dans la solitude pour parler à nos oreilles, mais pour parler à notre cœur : il demande donc de nous la solitude intérieure. Sans ce silence de l'âme, on sera seul sans être solitaire, et, comme dit saint Bernard, une cellule religieuse sera moins une sainte retraite qu'une honorable prison. 

Antoine de Lombez, Traité de la paix intérieure, I, 2

vendredi 25 mai 2012

Descente dans l'infini

Triund, Dharamsala


Descente dans l’infini  
Dans cette architecture étrange qu’on appelle la matière, nous avons beau descendre vers les fondements, nous ne trouvons point une assiette fixe : les pierres que l’on croyait fondamentales entrent en mouvement ; elles entrent en danse, et c’est sur des tourbillons subtils que repose jusqu’ici l’édifice solide du monde. Mais, descendons plus bas encore, et au-dessous même de l’atome ; l’atome, dit-on, est un tourbillon d’éther ; c’est donc l’éther qui va être la matière première, le substratum définitif de tous les mouvements ; soit, mais l’éther lui-même, dans son apparence d’immuable sérénité, est traversé de mouvements innombrables ; tous les rayonnements de lumière et de chaleur, tous les courants et tous les jets d’électricité et de magnétisme, tous les mouvements qui correspondent dans les corps aux phénomènes de la pesanteur et, dans les composés chimiques, aux phénomènes de l’affinité émeuvent incessamment l’éther ; et appuyer le monde sur l’éther, c’est l’appuyer sur une mer de mouvements immenses et aux vagues toujours remuées. Il faut bien pourtant que les mouvements de l’univers soient les mouvements de quelque chose ; il faut bien qu’il y ait une réalité en mouvement, une substance du mouvement. Je ne sais pas où il faut s’arrêter ; je ne sais pas s’il faut s’arrêter ou descendre encore.

Jean Jaurès, Poésie, 1921

Le tantra incite-t-il aux abus sexuels ?




Dans mon billet sur "pouvoir et spiritualité", j'ai sans doute donné l'impression que le yoga-tantra attire les scandales à cause des pratiques sexuelles qu'il encouragerait, ou bien encore en raison de sa fascination pour le pouvoir. Ceci me paraît simpliste.

C'est pourtant une thèse en vogue ces derniers temps. Suite au scandale déclenché par des comportements "inappropriés" du fondateur de l'Anusara Yoga, John Friend, un article a été publié dans le prestigieux New York Times [pour une traduction, voir le gadget à droite de ce billet, cliquer sur "google traduction" et copier-coller l'article], intitulé : "Yoga et scandales sexuels : rien de surprenant là-dedans". La thèse de l'auteur est que le yoga est dérivé du tantra, lequel serait un culte fondé sur le sexe. De plus, les exercices de yoga stimuleraient le désir sexuel. Les professeurs de yoga sont donc des prédateurs sexuels.

Or, comme l'a fait remarquer un chercheur sur l'histoire du yoga, le tantra ne se réduit pas à un "yoga sexuel". C'est un mouvement religieux extrêmement vaste et varié en termes de croyances, de tendances et de pratiques. Dans l'ensemble, le tantra - les tantrismes - est un ritualisme, et le yoga en est une transposition à l'intérieur du corps. Il y a, il est vrai, une fascination pour le pouvoir dans ce mouvement. Mais qui donc ne subit pas cet attrait du pouvoir ? En revanche, la plupart des pratiques tantriques présupposent une maîtrise de soi et des pulsions, même dans le cadre d'une union sexuelle rituelle. De plus, il y a bien d'autres pratiques ; la plupart n'ont rien à voir avec le sexe ou les plaisirs des sens. Le tantra ne se réduit donc pas à un système de pratiques sexuelles. Remarquons toutefois que ces pratiques n'ont, en elles-mêmes, rien d'immorales. Pourquoi donc l'acte sexuel serait-il mauvais en soi ? Ce qui est corrupteur, c'est bien plutôt la soif de pouvoir.

Au reste - et c'est là la seconde partie de notre argument - les abus sexuels, les comportements de prédation, de manipulation et de pédophilie ne sont clairement pas l'apanage des adeptes du tantra-yoga. Les sévices infligés par les prêtres sont malheureusement une réalité avérée et ancienne. Et surtout, les "maîtres" indiens sans rapport avec le tantra et le yoga peuvent être de redoutables prédateurs sexuels. Voici un site écrit par d'anciensdisciples indiens de Swami Shuddhânanda, maître du non-dualisme dans la "lignée" de Ramana Maharshi (sachant que ce dernier n'a reconnu aucun "successeur" et ne s'est jamais présenté comme un maître du "non-dualisme" du Vedānta de Śakara) et de Chinmayânanda/Dayânanda. Cet homme, ce Shuddhânanda, est un ascète, un moine, un renonçant. Ce qui ne l'empêche nullement d'avoir des relations avec des femmes, ces dernières étant souvent fragilisées par une instance de divorce, par exemple. J'attire au passage l'attention des lecteurs sur la situation du "non-dualisme" en sa Mecque d'Arunâchala. Ce blogue satirique par un habitant de ce haut lieu de "l’Éveil" décrit non sans humour des situations et des personnes que j'ai bien connues. Autrement dit, mon expérience confirme ce que l'auteur dit ou suggère, bien que tout cela manque de preuves. Quoi qu'il en soit, ces contre-exemples réfutent la thèse d'un lien de cause à effet entre yoga-tantra et abus sexuels.

En définitive donc, ce n'est pas le tantra qui est responsable des abus, mais la soif de pouvoir, tantra ou pas. De même, dans les cas d'abus sexuels, ce n'est pas le sexe qui est en cause, qui fait mal et qui porte préjudice, mais bien l'abus. Que l'on ne se trompe donc pas de cible : le pouvoir est source d'abus, pas le sexe. Le tantra, dans ses versions contemporaines, met l'accent sur la sexualité. C'est vrai. Le yoga est porteur d'une certaine sensualité, c'est indéniable. Mais encore une fois, il n'y a là nulle cause de délit ou de crime. Le coupable de l'affaire, comme toujours, est le pouvoir et non le sexe, comme le démontrent les arguments invoqués ci-dessus.

Vive le yoga !
Vive le tantra !
A bat les assoiffés de pouvoir !

mercredi 23 mai 2012

Le secret de l'univers


Turner, Matin après le déluge

Le secret de l'univers
 
Dans ces profondeurs transparentes de l’espace, qui se prêtent à toutes les formes changeantes de nos rêves et qui sollicitent toutes les aspirations de notre âme, reluit et frissonne le secret même de l’univers. L’invisible devient visible dans cette manifestation à la fois idéale et réelle qu’est l’espace. Trompés par la brutalité et la grossièreté de certains contacts matériels, nous pourrions croire à la brutalité et à la grossièreté de la matière elle-même. L’espace est un rappel immense et permanent à l’idéalité de la matière. Ceux qui contemplent, aiment et comprennent l’espace profond savent, sans s’en douter, ce qu’est la matière. C’est en ce sens nouveau qu’on peut dire : « Les cieux racontent la gloire de Dieu », et les simples, les humbles, quand ils répandent dans la sérénité du soir une âme vivante et bonne, quand ils mêlent doucement leur pensée à l’espace recueilli, lisent sans le savoir, dans l’infini qui est sur leur tête, le secret de la poussière qu’ils foulent aux pieds.

Jean Jaurès, Poèmes, 1921
 

lundi 21 mai 2012

Pourquoi les portraits à la première personne sont-ils si rares ?

Quand on fait une recherche sur les portraits ou les films réalisés du point de vue de la première personne, deux choses frappent : premièrement, les réponses les plus fréquentes montrent de la violence ou des activités violentes (sport, chute, etc.). Deuxièmement, ces portraits sont rares.

En dehors des sites consacrés à la Vision Sans Tête (VST), il y en a bien peu.

Voici un portrait par une personne qui connaît - visiblement ! - la VST :

Il ajoute une strophe en dessous :

Si vous pouvez voir que vous n'avez pas de tête
Alors vous méritez tout mon respect,
Car vous êtes honnête, courageux, et vous êtes dans le vrai,
Et vous avez raison du point de vue de l'anatomie !

If you can see you have no head
Then you command my full respect,
For you are honest, brave, and true,
And anatomically correct! 


Plus souvent, on trouve des dessins dont les auteurs ne connaissent pas la VST, ici un élève en retenue (!) :

Remarquez que la plupart de ces portraits "à la première personne" essaient en fait de montrer le corps vu à la première personne. Pourquoi ? Parce que, autrement, l'absence de tête au-dessus des épaules est bien difficile à mettre en évidence ! Pourquoi ? Tout simplement parce que tout point de vue est un point de vue de la première personne. Rien ne se manifeste en dehors de l'espace de la conscience. Même l'extérieur apparaît à l'intérieur.

Ce qui répond aux questions que nous avons posé plus haut : pourquoi si peu de portraits en première personne et pourquoi tant de violence ? Cette violence semble pouvoir s'expliquer par la puissance de l'imagination qui "dispose de tout" (Pascal). Mais l'imagination ne s'impose que si l'on ne voit pas l'absence de tête. L'imagination est un effet de l'ignorance du point de vue de la première personne et non sa cause. Quelle est cette cause ? L'évidence de l'absence de tête est ce qui cache cette absence. En effet, l'expérience quotidienne montre que ce qui est toujours présent à la conscience est comme absent. Bergson fait remarquer que la conscience ne peut viser que le nouveau, le différent. Or, essayez donc de fixer un objet quelconque. Au bout de quelques secondes, il disparaît dans une sorte de brouillard, n'est-ce pas ? C'est que l'objet de conscience ne peut "exister" que dans le changement, le mouvement, la versatilité. Cela est encore plus clair pour le désir. Or, l'espace qui regarde ces lignes en cet instant même est immobile. Sans formes ni couleurs, il est immuable. Sans visage, comment le reconnaître ? Dépourvu de toute caractéristique, comment y faire attention ? Trop proche, trop intime, trop évident, trop facile : voilà ce qui rend la vision si rare !

Du reste, parmi les auteurs de portraits ou de films à la première personne, s'en trouve-t-il qui aient ainsi reconnu peu ou prou la portée de cette absente de tête ? La vision de soi est difficile parce qu'elle est facile. Personne ne la réalise parce qu'elle est évidente. Peux la savoure parce qu'en elle, il n'y a rien à faire.







dimanche 20 mai 2012

Dans l'espace


Dans l'espace

Pour moi, je n’ai jamais regardé sans une espèce de vénération l’espace profond et sacré, et lorsque, cheminant le soir, je le contemple, je me dis parfois que tous les hommes, depuis qu’il y a des hommes, ont élargi leur âme en lui, et que si les rêves humains qui s’y sont élevés laissaient derrière eux, comme l’étoile qui fuit, une trace de lumière, une immense et douce lueur d’humanité emplirait soudain le ciel. Mais, en même temps, je me dis que, si l’espace a ainsi toujours sollicité les pensées humaines, c’est qu’il les élève à l’infini ; il est comme un miroir d’infinité où nos pensées ne peuvent se réfléchir sans s’étonner soudain de se voir infinies. Or, cette infinité, il ne la tient pas de lui-même ; il l’emprunte de l’être que la raison seule peut saisir, que l’âme seule peut pénétrer, et c’est ainsi que l’âme, en s’abandonnant à l’espace, ne se livre pas sans retour. Par l’infini de l’étendue, elle revient au véritable infini, c’est-à-dire, au fond, à elle-même. Oh ! j’aimerais que l’esprit humain gravît de nouveau ces hauts sommets de l’Inde et ces sommets divins de la Grèce d’où la sérénité infinie de l’éther apparaissait aux yeux comme une révélation, et je voudrais que de ces sommets il répandît dans l’infini visible, que les premiers hommes adoraient, sa foi dans l’infini invisible. Il y a au Louvre un tout petit et délicieux tableau de l’école italienne qui nous montre une avenue étroite et mystérieuse du paradis ; il y a dans ce tableau un mélange étonnant de naturel et de divin ; les arbres, les nuages, le ciel, ont leur couleur réelle et vraie : c’est la vie. Et pourtant on dirait qu’une lumière épurée, subtile, idéale, pénètre tout et que sous le demi-jour des feuillages un rayon de Dieu s’est mêlé aux rayons adoucis du soleil. Pourquoi de même, dans l’univers immense, ne verrions-nous pas peu à peu, toutes les puissances de l’homme étant réconciliées avec elles-mêmes, la lumière vraie mais brutale du soleil accueillir dans ses rayons la lumière de l’esprit, amie et fraternelle ? Il ne faut pas que le monde des sens fasse obstacle aux clartés de l’esprit : il ne faut pas que les clartés de l’esprit offusquent le monde des sens : il faut que la clarté du dedans et la clarté du dehors se confondent et se pénètrent, et que l’homme hésitant ne discerne plus dans la réalité nouvelle ce que jadis il appelait, de noms en apparence contraires, l’idéal et le réel. Que le monde sera beau lorsque, en regardant à l’extrémité de la prairie le soleil mourir, l’homme sentira, soudain, à un attendrissement étrange de son cœur et de ses yeux, qu’un reflet de la douce lampe de Jésus est mêlé à la lumière apaisée du soir !

Jean Jaurès, Poèmes, 1921, p. 28

PS : si quelqu'un voit de quel tableau il parle, merci de me le dire !


 Claude Lorrain, Paysage, pâtre et troupeaux, vers 1630 - 1635.
Paris, Musée du Louvre

samedi 19 mai 2012

Pouvoir et spiritualité sont-ils compatibles ?

Le tantrisme - au sens large - propose de guérir le mal par le mal. Mais qu'est-ce que le mal ? Certains parlent de s'éveiller de l'illusion de la séparation au moyen de l'illusion de l'éveil à notre vraie nature, d'autres proposent d'employer les images pour dépasser les images, etc. Mais d'autres, plus audacieux, évoquent la transmutation des émotions par les émotions elles-mêmes, ou encore une alchimie des sens par les sens. 

Cette dernière approche est séduisante. Mais elle n'est pas sans risques. En particulier quand l'une des émotions invoquée est celle excitée par le charisme d'un maître. Un homme ou une femme charmants, éloquents, capables de parler à nos fantasmes de bonheur, de sensualité, d'écologie, de vie sociale dans un groupe fraternel, de rapport à la terre, aux racines, à l'imaginaire inconscient, à notre besoin viscéral de mythe, de dépassement des limites imposées par la société... Il faudrait être bien cynique pour rester de marbre à ces idéaux, à ces aspirations légitimes ! 

Le tantrisme est risqué. Mais donc, le tantrisme combiné à un culte de la personnalité comporte encore plus de dangers. Évidement, il s'agit de dangers d'un tout autre ordre que ceux des intégrismes et autres fanatismes. Les "tantristes" ne sont certes pas de tristes sires - on ne les voit pas se faire exploser aux quatre coins de la planète jour après jour. Bien au contraire, leur idéaux de réconciliation de l'esprit avec la matière, d'intégration et de générosité sont justes. Si je les critique, c'est donc dans la perspective d'un progrès possible. Ou plutôt, je me désole de tant de gâchis... Pour commencer, j'observe que la plupart des "maîtres" qui ont lancé des expérimentations tantriques sous forme de communautés ont connu des dérives de pouvoir. Car là est le problème central : le tantrisme est centré sur le pouvoir (shakti). Or le pouvoir corrompt. 

Adi Da en est un cas passionnant. Écrivain remarquable, charismatique, il a entraîné bien des gens dans des aventures à la fois séduisantes et terrifiantes - mais le plus souvent ridicules. Muktânanda, Crowley, Gurdjief, Cohen, Osho et même Wilber et tant d'autres... Voyez cette liste. Tous sont tombés dans les même travers : abus de pouvoir, argent. 

Je ne condamne pas ici les abus sexuels ni "sectaires". Pourquoi condamner le sexe et célébrer la violence, comme le font toutes les religions à des degrés divers ? De plus à mes yeux toutes les organisations religieuses ou spirituelles ou autres (partis, clubs, entreprises, administration) sont des sectes en puissance, sinon en acte. Tout groupe tend en effet à se constituer en secte. L'identité sectaire est au groupe ce que l'égoïsme est à l'individu. Il n'y a donc pas de réelle différence entre religion et spiritualité. Seulement une différence d'échelle. Un groupe spirituel est une "petite" secte. Un groupe religieux est une "grosse" secte. Il y a des seuils au-delà desquels les phénomènes de replis, de dogmatisme se révèlent et cristallisent inévitablement sous forme de violence physique ou mentale. Il me semble qu'au-delà d'une centaine d'individus, une "personne" (au sens de personne juridique, par exemple) se forme qui met tous les moyens en œuvre pour défendre son identité contre les autres personnes, les autres sectes. 

Un cas peu connu en France est celui de Michael Roach. Moine dans la tradition tibétaine guéloukpa, il obtient le titre de "docteur" (géshé) en bouddhologie. Puis il fait fortune dans le diamant et défraie la chronique en se mettant en retraite "de trois ans" avec une belle yoginî, Chistie McNally. Comment résister à ce beau visage d'Athéna tantrique ? Toujours le sourire aux lèvres, éloquente, habile à faire savourer la méditation, on la pare de tous les titres, de toutes les qualités. Se réclamant d'une tradition vénérable, elle a le courage de secouer les vielles habitudes pour revenir à l'esprit des origines. Que demander de plus ? 



Pourtant, tout cela n'est qu'apparence. Si l'on gratte ce beau verni, on découvre que ces affirmations sont sans fondement. Tout repose sur le charisme, le bagout. Elle et Roach n'ont jamais traduit de textes sanskrits ou tibétains. Les projets qu'ils ont mis en place sont bidons. Il y a quelques années, la yoginî McNally a quitté Roach pour se marier avec l'un de leur disciple, Thorson. Ils publient un livre sur le yoga sensuel à deux. 



Puis dans leur retraite, ils se disputent violemment, à plusieurs reprises. Avec un sabre japonais semble-t-il, "lama" McNally blesse assez sérieusement son mari et se justifie dans une lettre aussi longue que confuse. Priés par la communauté d'aller voir ailleurs, ils partent en retraite dans les montagnes. Il y a quelques semaines, la police reçoit un appel de détresse de McNally. Les secours arrivent trop tard. Thorson est mort - littéralement - de soif. McNally est en piteux état. Voyez aussi la lettre de Roach. Il y aurait beaucoup à dire. Ce n'est pas le lieu ici. Voici l'article le plus détaillé à ce jour. Vous pouvez traduire tous ces documents avec Google Translation.

 Peut-on échapper aux abus de pouvoir dans les groupes spirituels ou religieux ? 

Pour nous détendre après ces dures réflexions, voici le Guignol du Tantra 2012, encore une fois attribué à Swami Nithyânanda pour - entres autres exploits sublimes - cette brillante démonstration de "vol yogiquo-kundalinien". Du grand art. L'arnaque nithyanandienne est d'autant plus grave qu'elle apporte de l'eau au moulin des misogynes, sexistes et autres phallocrates puritains, car bien sûr il ne s'agit pas ici de se moquer ou de condamner l'image de femmes en transe :


mercredi 16 mai 2012

La tour des miracles du Bouddha-Soleil

J'avais écrit un billet sur la version bouddhiste du "tout est dans tout" développée dans l'Avatamsaka Sûtra. Or Patrick Carré est en train de traduire le cœur de ce texte-océan - le Ghana Vyûha. Il nous offre sur son blogue le cœur de ce cœur, le moment où le jeune Soudhâna entre dans la tour des miracles de Vairocana. Voir aussi cet exposé clair et succinct des idées de l'école chinoise inspirée par ces textes.


mardi 15 mai 2012

En quel sens la conscience est-elle inconnaissable ?


William Hunt, le Réveil de la conscience

Quel moyen de connaissance valide[1], qui (par définition porte sur quelque chose) qui n’était jamais apparu auparavant, (pourrait faire office de preuve de l’existence) du Seigneur, le sujet connaissant, lui qui existe absolument, lui qui est en permanence apparent ? Il est comme une surface égale servant de support à la fresque bariolée de l’univers. L’associer au non-être, c’est simplement se contredire ![2] Il est l’Ancien, dont le corps est à tout moment apparent. Il est le réceptacle de toutes les connaissances certaines[3].

Un moyen de connaissance valide porte sur une apparence inédite, qui n’était pas établie. Or, cela n’est d’aucune utilité concernant le sujet connaissant, lui qui est en permanence apparent ! Car un moyen de connaissance valide porte sur des apparences inédites[4]. Ce genre de preuve est bien sûr (utile) au sujet d’autre (chose). Mais pas pour (se connaître) soi-même, puisqu’on est toujours (déjà) « prouvé ». Le Seigneur est purement et simplement le sujet connaissant, car il est indépendant des certitudes[5]. Les apparences variées constituant l’univers sont logiquement possibles (seulement) si ce (réceptacle) immuable existe. Les choses qui apparaissent en cet instant même comme autres (que lui) émergent et disparaissent en vertu de la puissance de M€y€, selon son désir. Cette essence des choses ne s’en trouve pas corrompue. En réalité, c’est lui l’existence permanente, indépendante (des choses qui dépendent d’elle). Car ce serait se contredire que de dire qu’il a été non existant « avant » (d’exister). Même lorsque l’on instruit (des disciples en disant que le Seigneur) est être ou non-être, il continue d’être le sujet connaissant. Car, en l’absence de celui qui désire instruire, l'instruction serait impossible[6].

Utpaladeva, Stances pour la reconnaissance, 2, 3, 15-16

[1] C’est-à-dire quelle preuve ou quelle contre-preuve ?
[2] Litt. « Lui dont le contact avec le « il n’y a pas » est contredite (par le fait même de le dire) ». Puisqu’on ne peut concevoir de non-être qu’à l’intérieur de l’Être.
[3] Ou « valides », prouvées, établies.
[4] Une preuve doit servir à mettre en lumière, à faire connaître quelque chose qui ne l’était pas jusque-là.
[5] Il n’est pas la conclusion d’une démonstration ou d’une perception directe.
[6] Autrement dit, même si l’instructeur qualifie parfois le Seigneur de « Non-être », le Seigneur demeure l’être même de l’instructeur, sans lequel aucun discours sur le non-être ne serait possible. Notons ici que l’Être ou l’Existence sont décrits comme désir.

dimanche 13 mai 2012

L'éveil, c'est où ?

Nous vivons une époque exceptionnelle, extraordinaire, unique !

La liberté de conscience - reconnue et protégée -, les moyens de communication et de transport, la paix civile qui règne : tout cela nous offre des possibilités immenses, sans précédent dans l'histoire, pour chercher l'essentiel.

Car dans une société de consommation ("je consomme donc j'existe"), la famine spirituelle dont souffrent tous les humains se manifeste au grand jour. Le pain et les jeux ne suffisent pas. Ce "quelque chose de plus" est la vie spirituelle, intérieure.

Malgré internet, il serait utile d'avoir une sorte de guide des meilleures adresses, des noms et des courants spirituels. Encouragés par José Leroy, mon ami Serge Durand et moi avons essayé de composer un tel guide pour la France.

Vous y trouverez des renseignement et des avis (forcément un peu subjectifs - et heureusement !) sur les personnages de ce labyrinthe - ou de ce mandala - qu'est le monde de la spiritualité.

N'hésitez pas à nous faire part de vos avis et de vos critiques constructives !




jeudi 10 mai 2012

La conscience est-elle statique ?




"L’essence de la manifestation est l’acte de conscience », ont déclaré ceux qui savent[1]. Autrement, la manifestation, même mélangée[2] à son objet, (n’aurait pas conscience de cet objet), à l’image d’un cristal de roche inerte (qui n’a pas conscience des choses qui se reflètent en lui).
Voilà justement pourquoi on dit que le Soi est conscience, c’est-à-dire le fait d’être agent, d’être conscience en acte, d’être cette activité qu’est la conscience. Car c’est cela qui distingue (la conscience) de ce qui n’est pas doué de conscience.
La conscience est prise de conscience de soi. Elle est la parole Suprême[1] qui s’élève de son propre accord. Elle est, avant tout, liberté, souveraineté du Soi suprême.
Elle est une fulguration[1] de lumière, existence absolue[2]. Elle n’est pas modifiée par le temps et le lieu. On proclame qu’elle est, avant tout, le cœur du Seigneur suprême.

Utpaladeva, Stances pour la reconnaissance, 1, 5, 13-15


[1] Le terme ainsi traduit désigne en fait tous les attributs qui tentent de décrire l’activité consciente en termes dynamiques : jaillir, bondir, surgir, palpiter, frémir, étinceler, éclater soudainement (comme la foudre) ; également « éclosion, déploiement, manifestation, apparition, excitation, agitation ».
[2] Litt. « la grande existence ».

[1] Avec une majuscule à « Suprême », car c’est le nom propre d’une des déesses du panthéon de la tradition initiatique à laquelle appartenait Utpaladeva.


[1] Utpaladeva désigne ainsi son maître, Som€nanda ou bien lui-même, ou bien encore la conscience, ce qui, de son point de vue, revient au même.
[2] Litt. « colorée ».

dimanche 6 mai 2012

Rencontre sur le shivaïsme du Cachemire



Je commenterais demain un passage des Stances pour la reconnaissance.

Lundi 7 mai 2012, au CPEC, 37 bis rue du Sentier, 75002 Paris, 18h30-20h30.

Il n'y aura pas grand'monde, nous profiterons du calme pour dialoguer sur ce texte magnifique portant sur la mémoire. Est-elle un obstacle ou un moyen pour réaliser notre vraie nature ?

vendredi 4 mai 2012

Deviens comme un enfant


L'essentiel est dans ce poème composé en rhénoflamand (?) vers le XIIIe siècle (?), intitulé le Grain de moutarde ou Granum sinapis. Souvent attribué à Eckhart, il ressemble davantage aux "nouveaux poèmes" de la dākiṇī Hadvek, alias Hadewij d'Anvers. Voici les deux dernières strophes :

Wirt als ein kint,
wirt toup, wirt blint !
dîn selbes icht
mûz werden nicht,
al icht, al nicht trîb uber hôr !
lâ stat, lâ zît,
ouch bilde mît !
genk âne wek
den smalen stek,
sô kums du an der wûste spôr.

ô sêle mîn
genk ûz, got în !
sink al mîn icht
in gotis nicht,
sink in dî grundelôze vlût !
vlî ich von dir,
du kumst zu mir.
vorlîs ich mich, sô vind ich dich,
ô uberweselîches gût !

Deviens comme un enfant
Deviens sourd, deviens aveugle !
Ce qui est quelque chose en toi
Doit devenir rien
Tout ce qui est, tout ce qui n’est pas doit être dépassé !
Laisse les choses être ce qu’elles sont
Et les images aussi !
Avance sans chemin sur le sentier étroit
Ainsi tu arriveras à la trace immense.
Ô mon âme,
Sort, entre en Dieu !
Sombre mon quelque chose
Dans le rien divin,
Sombre dans les flots sans fond !
Échappe à toi-même,
Ainsi tu viendras à moi.
Perds-moi,
Ainsi je te trouverais,
Ô Bien suressentiel !

Mis en musique par Pascal Dusapin :


Autre version, en allemand, un peu New Age :