samedi 12 janvier 2013

Que serait l'hindouisme sans le bouddhisme ?



Le bouddhisme a beaucoup emprunté au shivaïsme. Plus le bouddhisme tantrique s'est développé dans des systèmes toujours plus ésotériques, plus sa dette fut importante. Et rarement, voire jamais, reconnue.

Néanmoins, la dette du shivaisme à l'égard du bouddhisme n'est pas moindre.
Utpaladeva et surtout Abhinavagupta reconnaissent ce que la Reconnaissance (pratyabhijnâ) doit à la pensée de maîtres bouddhistes comme Dharmakîrti, Dharmottara ou Shankarânanda. La notion de "non-duel" (advaya) est d'origine bouddhiste. De même les notions de conscience "autolumineuse" (svayamprakâsha) et de "conscience de soi" (svasamvedana) apparaissent d'abord dans des controverses entre bouddhistes. Que seraient les différentes formes de non-dualisme non-bouddhistes sans ces notions ? A quoi donc les pensées brahmanistes ressembleraient-elles sans l'aiguillon bouddhiste ?

La notion de Mâyâ au sens d'illusion est développée d'abord dans des textes bouddhistes, puis dans le Vedânta via Gaudapâda.

Le vocabulaire de la méditation formulé dans les Yogasûtra est manifestement d'origine bouddhiste (vitarka, vicâra, dharmamegha...).

La tradition religieuse la plus secrète aux yeux des shivaïtes non-dualistes est le Kâlîkrama. Or ses tantras sont les premiers tantras non-bouddhistes à employer des expressions non-dualistes explicites comme "non-duel" (advaya) "conscience de soi" (svasamvitti), "vide de nature propre" (nihsvabhâva), "vide d'essence" (nihsvarûpa), "transparence" (vishuddhi), etc. qui sont d'origine bouddhiste.

De même - chose moins connue - des textes aussi prestigieux que le Vijnâna Bhairava ou la Svabodhodayamanjarî - eux aussi rattachés au Kâlîkrama - sont pétris de termes bouddhistes, d'instructions typiquement bouddhistes, voire de versets directement récoltés dans des textes bouddhistes. A contrario, l'absence d'instructions tirées de textes non-dualistes de type védântique est frappante dans ces textes.

Enfin, le tantrisme post-islam (c. 1200) est lui aussi dérivé, même dans son iconographie, ses mantras et sa liturgie, de textes bouddhistes. Par exemple, le système très populaire des Dix Grandes Sciences (dasamahâvidyâ), centré sur Târâ, a sa source dans des tantras bouddhistes lesquels avaient empruntés beaucoup au shivaisme. De même, la tradition baul (dans ses versions hindoues et musulmanes) est l'héritière directe des mahâsiddha bouddhistes de l'Âge d'Or.

L'interdépendance, encore et toujours.

Voici une petite vidéo qui présente le sanctuaire de Târâ :

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