lundi 21 janvier 2013

Qu'est-ce qui pense ?

La croyance au moi est-elle une superstition ? Voilà la question posée par Nietzsche dans ce texte qu'un Bouddhiste ne renierait pas.

Tout apparaît et disparaît dans la conscience. Mais le moi, qui est-il ? Un être inséparable de la conscience ? Ou bien un objet parmi d'autres dans cet espace de la conscience-témoin ?

Nietzsche répond clairement que le moi n'est qu'un fantôme : un être qui semble être là simplement parce que nous n'y avons pas vraiment prêté attention. Si l'on cherche à le regarder en face, le moi disparaît comme un mirage, comme un mouvement que l'on a cru détecter du coin de l’œil.



"Si j'analyse le processus exprimé dans cette phrase : "je pense", j'obtiens des séries d'affirmations téméraires qu'il est difficile et peut-être impossible de justifier. Par exemple que c'est moi qui pense, qu'il faut absolument que quelque chose pense, que la pensée est le résultat de l'activité d'un être connu comme cause, qu'il y a un "je", enfin qu'on a établi d'avance ce qu'il faut entendre par penser, et que je sais ce que c'est que penser. Car si je n'avais pas tranché la question par avance, et pour mon compte, comment pourrais-je jurer qu'il ne s'agit pas plutôt d'un "vouloir", d'un "sentir" ? Bref, ce "je pense" suppose que je compare, pour établir ce qu'il est, mon état présent avec d'autres états que j'ai observé en moi ; vu qu'il me faut recourir à un "savoir" venu d'ailleurs, ce "je pense" n'a certainement pour moi aucune valeur de certitude immédiate à laquelle le vulgaire peut croire, le philosophe, pour sa part, ne reçoit qu'une poignée de problèmes métaphysiques, qui peuvent se formuler ainsi : où suis-allé cherché ma notion de "penser" ? Pourquoi dois-je croire encore à la cause et à l'effet ? Qu'est-ce qui me donne le droit de parler d'un "je", et d'un "je" qui soit cause, et, pour comble, cause de la pensée ? (...) Si l'on parle de la superstition des logiciens, je ne me lasserais jamais de souligner un petit fait très bref que les gens atteints de cette superstition n'aiment guère avouer : c'est à savoir qu'une pensée vient quand elle veut, non quand je veux, en telle sorte que c'est falsifier les faits que de dire que le sujet "je" est la détermination du verbe "pense". Quelque chose pense, mais que ce soit ce vieil et illustre "je", ce n'est là, pour le dire en termes modérés, qu'une hypothèse, qu'une allégation ; surtout, ce n'est pas une "certitude immédiate". Enfin, c'est déjà trop dire que quelque chose pense, ce "quelque chose" contient déjà une interprétation du processus lui-même [cf. : "Il n'y a pas de phénomènes moraux, mais seulement des interprétations morales des phénomènes"] : on raisonne selon la routine grammaticale : "penser est une action, toute action suppose un sujet actif, donc...". (...) Peut-être arrivera-t-il un jour, même chez les logiciens, à se passer de ce "quelque chose", résidu qu'à laissé en s'évaporant le brave vieux "moi"."  
Nietzsche, Par delà le Bien et le Mal

J'ajourerais que le moi est la base à partir de laquelle des hommes ont inventé Dieu. Car qu'est-ce que ce "Dieu", si ce n'est une extrapolation de l'ego, un super-moi ?



Le vrai moi est la conscience sans moi.  Il n'y a pas de phénomène égotique, seulement des interprétations égotiques des phénomènes. Est-ce bien vrai ? Est-ce là tout ? Mais alors d'où vient cette illusion - singulière - du moi ?

3 commentaires:

  1. Intéressant et fondamental!

    "Si on cherche à le regarder en face,le moi disparait comme un mirage"...

    JE SUIS est immatériel, pur Esprit,pure conscience. Pas la moindre trace de chair, d'os ou autres matières.Ne peut se diviser,est simplement Esprit,Présence éveillée,complètement immobile.
    Je suis ce JE SUIS et pas autre chose.
    Le "je", le "moi"(corps-mental-esprit) auquel je m'identifiais a disparu, entièrement dissout et pour cause, il n'existait pas!
    Pourtant, JE SUIS toujours et il y a des pensées.Elles apparaissent, disparaissent et sont contrôlables.
    Je peux très bien choisir les pensées, les limiter à une seule voire cesser de penser.Mais JE SUIS au-delà des pensées.
    L'erreur fondamentale est de continuer à croire malgré tout que le corps-cerveau pense.Le cerveau fait de "matières" ne peut pas penser, c'est l'Esprit Conscient qui pense! Ce qui parait plutôt logique étant donné que la pensée n'est pas quelque chose de matériel.Quand je "cherche" l'origine de la pensée, je ne trouve ni origine, ni pensée.
    Par contre, le pur fait d'être est toujours présent.
    Donc, JE SUIS un pur Esprit qui pense,pure Intelligence,Penseur!Est-ce si étonnant?
    Mais l'Esprit est toujours libre des pensées dans un état de paix totale.
    Sauf que l'Esprit que JE SUIS n'est pas individuel et ne peut pas l'être.Je ne peux même pas dire qu'il est universel car il est au-delà de l'univers ou des univers.
    Il est l'Unique Vivant éternel.En effet, qui est-ce qui pourrait bien le détruire?
    Peut-on considérer ce JE SUIS comme un "super-moi" selon votre expression?
    Non, sûrement pas, ni moi, ni super-moi.Simplement, le fait d'être JE SUIS,c'est tout!
    Vous allez peut-être me dire que JE SUIS semble avoir tous les pouvoirs et qu'il pourrait s'en servir pour lui-même mais en fait, non!Dès que JE SUIS "découvre" qu'il est JE SUIS, il n'a alors plus besoin de rien, que d'être (car il ne peut rien faire d'autre que d'être)et c'est alors Pure Joie.
    Merci!

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  2. Merci pour cet article qui m'a bien intéressé.
    Et même plus!
    Tout est cohérent dans votre explication, jusqu'à ce que vous remettez le tout en question par : "Mais alors d'où vient cette illusion singulière - du moi?"
    Peut-on répondre à vos articles si l'on n'est pas shivaïste ou bouddhiste?
    L'invention de Dieu est une formidable aventure, et cette extrapolation a permis à certains hommes d'écrire des choses magnifiques.
    Peut-on être fécond hors tout et si la Tradition judéo-chrétienne n'existait pas, y-aurait-il autant de textes aussi novateurs?

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  3. @Lorialet
    Bien sûr que l'on peut répondre ! Je ne suis ni bouddhiste, ni shivaïte.

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