jeudi 18 décembre 2014

Peut-on penser dans le silence ?


L'opposition entre Marthe et Marie illustre l'incompatibilité entre action et contemplation. 

Marthe (avec son broc) est toute affairée à aider l'oeuvre du Maître. Plus profondément, elle incarne l'approche spirituelle qui consiste à préparer l'Eveil en s'affairant à se purifier, travailler sur soi, pratiquer une discipline, une ascèse, des exercices, etc. 

Marie, en revanche, est assise aux pieds du Maître. Elle est entièrement tournée vers lui, dans l'instant présent. Elle incarne l'approche spirituelle qui consiste à aller directement à Dieu, au lieu de s'intéresser à ses dons, effets, œuvres etc. Dans cette perspective, on se tourne vers la Source, et elle nous transforme en elle-même.

Mais ce choix est-il inévitable ?

Tous ceux qui se sont aventuré sur les chemins intérieurs rencontrent un jour ce problème : je suis bien dans le silence de la méditation. Mais comment préserver ce silence au sein des activités quotidiennes ? Peut-on vivre "en Dieu" dans le monde ? 

A priori, oui, car tout baigne toujours dans ce silence éloquent. C'est seulement nous qui choisissons de l'écouter ou pas. Et, une fois que nous nous sommes tournés vers ce silence vivant, c'est à lui/elle que nous abandonnons les tâches du quotidien. Même les choses compliquées ? Comme penser par exemple. Car faire la vaisselle, soit. Les mains bougent d'elles-mêmes, je reste comme muet. Cela semble de l'ordre du possible. Mais penser ? Ecrire comme j'écris ces lignes ? Cela semble presque impossible. 

Et pourtant, non. Comment cela ?

Parce que l'absorption dans le silence n'est pas seulement une affaire d'attention. Ou pas premièrement. L'attention est dérivée. De quoi ? De l'intérêt. Or, l'amour n'est-il pas une forme d'intérêt ? Donc, au lieu de chercher à maîtriser son attention, on peut simplement se plonger dans la Source par un acte du cœur, comme on se jette dans les bras de quelqu'un. Et ce goût reste. Comme la joie d'une bonne nouvelle que l'on garde en soi toute la journée. Et si l'on éloigne de trop, on replonge. Simple.
Ou bien, on reste en silence. Muet à l'intérieur. Je ne saurais expliquer, mais c'est possible. En un sens, c'est même le mode de vie le plus facile !
Et puis dans ce silence d'immensité, il y a moins de pensées. Et quand "on" pense, cette pensée est claire et nette. Elle ne laisse pas de trace, comme un oiseau dans le ciel.

Pour finir, voici un témoignage sur cette vie de contemplation dans l'action :

"Mon esprit de plus en plus s'allait simplifiant... Mon âme est demeurée dans son centre qui est Dieu et ce centre est en elle-même où elle est au-dessus de tout sentiment. C'est une chose si simple et si délicate qu'elle ne se peut exprimer. On peut parler de tout, on peut lire, écrire, travailler et faire ce que l'on veut, et demeurer collé à lui par une union d'amour dans le fond de son âme, où tout est dans le calme et dégagé des sens."

Marie Guyart, alias Marie de l'Incarnation, Lettre de 1626

1 commentaire:

  1. Le maître répétait très souvent que nous devions veiller sans cesse... C'est quelque chose qui m'apparaît comme étant entre le travail et la contemplation (entre Marthe et Marie....) ou peut-être un peu de l'un et un de l'autre en alternance.
    Très souvent, après avoir expérimenté les pratiques (trop?) apparaît le silence.... puis enfin l'un et l'autre. Ce qui permet d'être dans une sorte de "repos actif" constant(veiller), un état plus stable de connexion avec la Source.

    RépondreSupprimer

Pas de commentaires anonymes, merci.