samedi 20 décembre 2014

Peut-on vivre à la fois dans la Source et dans le monde ?

MereMarieGuyart

"Mais que faire quand le quotidien nous emporte ?" Grande question que tout le monde se pose. Voici encore un témoignage à ce propos, par une femme du XVIIe siècle, Marie de l'Incarnation. Dans une lettre de 1627, elle décrit l'état de vie en Dieu, sans volonté propre, où l'on se laisse comme porter, à la fois toujours vide et toujours plein :

"L'âme étant parvenue à cet état, il lui importe fort peu d'être dans l'embarras des affaires ou dans le repos de la solitude. Tout lui est égal, parce que tout ce qui la touche, tout ce qui l'environne, tout ce qui lui frappe les sens n'empêche point la jouissance de l'amour actuel [le "ressenti du cœur"]. Dans la conversation et parmi le bruit du monde elle est en solitude dans le cabinet de l’Epoux, c'est-à-dire, dans son propre fond où elle le caresse et l'entretient, sans que rien puisse troubler ce divin commerce. Il ne s'entend aucun bruit, tout est dans le repos : et je ne puis dire si, l'âme étant ainsi possédée, il lui serait possible de se délivrer de ce qu'elle souffre. Car alors il semble qu'elle n'ait aucun pouvoir d'agir, ni même de vouloir, non plus que si elle n'avait point de libre-arbitre. Il semble que l'Amour se soit emparé de tout : lorsqu'elle lui en a fait la donation par acquiescement dans la partie supérieure de l'esprit, où ce Dieu d'amour s'est donné à elle, et elle réciproquement à Dieu. Elle voit seulement ce que Dieu veut, et que Dieu la veut en cet état. Elle est comme un ciel, dans lequel elle jouit de Dieu, et il lui serait impossible d'exprimer ce qui se passe là-dedans. C'est un concert et une harmonie qui ne peut être goûtée ni entendue que de ceux qui en ont l'expérience et qui en jouissent." 

Je ne saurais mieux décrire l'expérience du cœur fondue en celle du silence et continuée parmi les activités quotidiennes. Evidemment, le langage est un peu désuet, le vocabulaire est religieux et en rebutera sans doute plusieurs. Mais le sens onctueux et juste. Quelle joie de pouvoir partager ainsi par-delà temps et lieux, avec une française en plus !
En tous les cas, elle témoigne clairement de la compatibilité de l'absorption dans le cœur avec la vie de tous les jours. On peut parler et faire ce qui se présente, sans perdre cette onction du cœur.

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