dimanche 18 janvier 2015

"Je n'existe pas"



Abhinavagupta nous transmet l'enseignement de son maître, Shambhunâtha :


"On médite que "je n'existe pas",
On relaxe ses peurs,
On n'est plus lié par aucune convention,
On contemple à chaque instant 
La divine famille
Qui habite les roues (chakra)
Des oreilles, des yeux, de la bouche, du nez 
Et autres (organes),
Et on contemple (ainsi)
Cette danse des divinités
- La joie, le regret et autres (émotions) -
Qui habitent à l'intérieur,
Dans la conscience sans failles,
Et (ainsi) on contemple (aussi)
Cela qui perçoit (tout ceci dans l'espace de la conscience).
C'est ainsi qu'assurément
On réalise l'harmonie
Des énergies au sein de l'espace de la conscience.


Celui qui médite ces (...) vers transmis par le lotus qu'est le visage du seigneur Shiva, deviendra sur-le-champ l'absolu en personne, l'absolu qui est tout et qui est par-delà tout."

Abhinavagupta, Les Points-clefs des tantras (Tantroccaya), VIII

"Je n'existe pas" veut dire : je ne suis ni le corps seulement, ni une sensation seulement, ni une pensée seulement. Je suis l'espace translucide et vivant qui est la source et l'âme des choses, des sensations et des pensées, qui sont comme des vagues en moi, océan de pure présence vibrante.

"Je suis" la Source de tout et de tous. C'est un fait à ressentir ici et maintenant.
"Je" ne suis pas enfermé dans un corps, un ressenti, un bavardage intérieur. Je ne suis pas même prisonnier d'une absence de corps. Je peux m'incarner librement à chaque instant.
"Je" suis cela en quoi toutes ces limites apparaissent et disparaissent, et je suis tout cela. Car je ne suis pas non plus prisonnier de ma transcendance. La liberté de la conscience que je suis est la liberté de se faire autre, tout en restant soi. Je ne suis pas enfermé dans un "Soi" statique, une essence pure, bienheureuse seulement. Je suis souverainement libre de jouer à être aliéné. Ceci n'est pas une théorie, mais une vérité que l'on peut ressentir sans attendre aucune circonstance favorable. On ressent clairement cette absolue liberté au premier instant de n'importe quelle émotion.

Je ne suis rien de ce qui se manifeste : transcendance. Je suis libre de tout. Je suis au-delà. Toujours.
Rien ne se manifeste hors de moi : immanence. Je suis le libre créateur de tout. Je suis tout en tout. Partout.

3 commentaires:

  1. Bonjour,

    Voilà qui est singulier... Vous écrivez ceci :"
    "Je suis" la Source de tout et de tous. C'est un fait à ressentir ici et maintenant. "

    Et aussi ceci :" Je suis le libre créateur de tout. Je suis tout en tout. Partout. "

    Dans ce cas, n'êtes-vous pas aussi le libre créateur de toutes les horreurs commises par les pires des crapules, qu'il s'agisse des terroristes ou des dictateurs ? En d'autres mots, n'y a-t-il pas une contradiction fondamentale entre vos assertions reprises ci-dessus et ce que vous écriviez dans l'article du 16 janvier portant sur Jaurès :" une république démocratique, laïque, est le système politique qui incarne le mieux l'expérience mystique, ou l'éveil comme on dit aujourd'hui." ?

    Amicalement,

    CL

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  2. Excellente question !
    C'est LE mystère.
    Je ne crois pas qu'on puisse répondre avec des mots.
    Mais je crois que le texte de Jaurès, entre autres, est une magnifique expression de ce que cela implique d'être "la Source de tout".
    Sur un plan relatif, la rétribution des actes est une première réponse.
    Sur un plan plus profond, la Source joue. Sauvagement. Scandaleusement. Au fond de toute souffrance, au cœur de l'horreur la plus sombre, cette innocence peut être ressentie et reconnue. La Source est immature, inachevée. Parfaite, mais incomplète, écartelée entre de ce qu'elle pourrait être et ce qu'elle est à présent. Et, comme le suggère Jaurès, elle pèlerine, cahin-caha, vers une réconciliation. Une perfection qui se manifeste jusque dans l'imperfection et qui a soif de perfection à travers chacun d'entre nous.
    Quelle meilleure incarnation de ce ressenti que la République ?

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  3. Bonjour David,

    Il est tout à votre honneur de faire vôtres les paroles de Jaurès. Cependant, votre réponse ne me semble pas cohérente avec l'idée de la Source unique. Cette idée de Source unique, qui serait tout, est, selon moi, à la base de bien des dérives possibles. Ramana Maharshi aurait d'ailleurs dit en parlant de l'homme réalisé face au problème du meurtre que "même s'il est amené à les détruire toutes, aucun péché ne pourra atteindre cette âme pure" (Eleonore Braitenberg, Ramana Maharshi, L'Enseignement de Ramana Maharshi, Albin Michel, 2005, p.53). Certains ne se sont d'ailleurs pas gênés pour faire du bien et du mal des notions illusoires et justifier ainsi toutes les atrocités.

    Et si comme vous le pensez, la Source est parfaite, mais incomplète, alors cela ouvre la porte à des tas de contresens.

    Les questions éthiques ne sont pas les seules à empêcher les "penseurs de la Source unique" de ronronner. La question de la volonté, que vous avez déjà évoquée je crois, semble également insoluble dans ce cadre. En effet, si je suis moi aussi la source de tout, comment se fait-il que je ne puisse pas faire apparaître, là, devant moi, un bon gâteau au chocolat ;-), ou faire disparaître la maladie qui accable une personne que j'aime ? Parce qu'en réalité, je ne le voudrais pas vraiment ? Cela semble un peu facile...

    Idem pour le problème de la connaissance. Si je suis la source de tout, comment se fait-il que j'ignore comment l'univers a été créé ? Comment se fait-il que je ne peux savoir ce qui se passe dans la maison de mon voisin sans me déplacer de chez moi, ou savoir si une vie existe sur une planète lointaine ? Comme se fait-il que je ne puisse pas voir ce que vous voyez là, à cet instant ? Comment ne puis-je pas lire dans vos pensées ?

    Peut-être est-ce moi qui comprends mal, mais je trouve cette idée de la Source unique assez bancale. Qu'en pensez-vous ? Votre avis m'intéresse.

    Cordialement,

    CL

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