jeudi 5 février 2015

Puisse mon coeur fulgurer !

Le sixième visage est celui qui contemple les cinq autres, le visage secret, le visage de la Yoginî

Le plus profond des sages du tantra, Abhinavagupta, commence chacune de ses œuvres par ce verset :

(Ma) mère est vaste
Car ses créations sont toujours nouvelles (abhinava)
Et nourries par
Une créativité immaculée.
(Mon) père possède un corps débordant,
Lui dont la gloire est cachée (gupta)
Par ses cinq faces.
Mon cœur est l'extase créatrice
Engendrée par ce couple.
Puisse mon cœur,
Famille immortelle et insurpassable,
Fulgurer !

Il recèle tout son enseignement, toute la sagesse du tantra non-duel. En fait, il enveloppe... tout. Comme la singularité à l'origine de notre univers, comme une intuition intemporelle, tel un inépuisable eurêka.

La mère est la conscience comme pouvoir de se manifester sous des formes toujours nouvelles. Elle est grande, vaste, immense, insondable, même à elle-même. 
Surtout à elle-même. 
Elle est miracle, étonnement, surprise, liberté, émerveillement, ébahissement, béatitude. 
Son art créateur est sans limites, sans contraintes. 
Elle est source du multiple, de la dualité, de la séparation, de la souffrance et des mille émotions de l'existence, depuis les plus sombres jusqu'aux plus lumineuses. 
Elle est l'art parfait de la Source, qui engendre tout sans effort à chaque instant, tout neuf, sans nul besoin, sans dépendre de rien. Hop !

Le père est le Soi, l'être pur et simple. Il est cette lumière qui existe, sans cesse, tout en restant soi-même, à l'image d'un miroir. 
Son corps est l'univers, la mère, corps qui est débordant car il est le Tout, les univers dans les univers, les mondes à l'intérieur des mondes, sans limite. Il est le Soi, ici et maintenant, parfait, plein. Tout ce que nous voyons, ressentons, est son débordement, son extase. Cette essence de pur ébahissement s'écoule à travers cinq faces, source de toutes les connaissances.

Et pourquoi cette plénitude ?

Parce qu'il est uni à la mère, à son pouvoir de conscience. Le père et la mère sont inséparables. Ils sont distincts, mais l'un n'est jamais sans l'autre. Il n'y a jamais de sujet sans objet, jamais de miroir sans reflets, jamais d'océan sans vagues. 
Le Soi est le miroir ; son pouvoir de refléter est la Déesse. Ils ne forment qu'une seule réalité. 
Le père est ce qui est. 
La mère est le pouvoir de cet être, son pouvoir de prendre conscience de soi en se manifestant à l'infini.

Ils sont la non-dualité de la dualité et de l'unité : l'extase de la vie, tout simplement. 
Le Cœur est l'ineffable, qui bat au cœur de toute expérience, partout et toujours. 
Au cœur de chaque sensation, de chaque pensée, de chaque soucis, de chaque moment, cette extase palpite, confusément ou non. 
C'est la quintessence, la sève, l'âme, l'harmonie suprême qui enveloppe, accueille, inclue, accompagne. 
Le Cœur inclue même l'exclusion. Car il est libre, vaste, inconcevable. Il n'est pas la paix. Ni l'agitation. Il est leur Source et leur fibre vivante. 
Il est la Connaissance qui se fait connaissance et ignorance, la Liberté qui se fait liberté et aliénation, le Bien qui se fait bien et mal. 
Il est bien au-delà des négations de la voie négative... Le "ni ceci, ni cela" n'est que l'ombre du reflet de l'un de ses rayons. 

Puisse-t-il se révéler et nous engloutir !

1 commentaire:

  1. Bonjour David,

    Un vrai petit bijou que ce texte, à lire et à relire...

    J'adore cette tête à 5 faces, quelle belle sculpture !


    Merci,

    Micheline

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