dimanche 30 août 2015

Ramana et la ceinture de méditation


Voici une photo du Major Chadwick, l'un des premiers disciples occidentaux de Ramana dans les années 30.
Dans ses mémoires, il écrit que, quand il s'asseyait dans le hall de l'ashram avec Ramana,

"on me donna une chaise juste à côté de la porte en face de lui. J'y suis resté plusieurs mois, jusqu'à ce que je réalise que certains étaient contre. Je ne savais pas alors que s'asseoir au même niveau que le gourou ou même avoir une chaise en sa présence constituait un manque de respect aux yeux des indiens. J'avais alors - et c'est toujours le cas - beaucoup de mal à m'assoir par terre en dépit d'années de pratique. Par la suite j'ai conçu une ceinture de méditation de cotton que je passais sur mon dos et mes genoux relevés, et avec ce support je pouvais m'asseoir confortablement pour de longues périodes. De telles ceintures sont régulièrement employées par les yogis, bien que je ne le savais pas au moment où j'ai conçu seul cette ceinture, aussi étrange que ceci paraisse. Bhagavan [Ramana] m'a dit que son père en avait une, mais qu'il ne l'employait pas en public. Un jours des enfants sont entrés dans le hall et me virent en train de méditer dans la ceinture. Il demandèrent à Bhagavan, "Pourquoi il est attaché ?" Bhagavan, qui avait un grand sens de l'humour, était très amusé. Mais, bien que cette ceinture attirait l'attention sur moi, j'était si désireux de méditer en présence de Bhagavan que j'ai continué à l'utiliser pendant de nombreuses années".
Extrait traduit de A Sadhu's Reminiscences of Ramana Maharshi, p. 10

Il s'agit de la ceinture de méditation (yoga-patta) de la grande tradition du yoga. Oubliée aujourd'hui, ce qui est fort dommage car, comme le confirme le témoignage de Chadwick, c'est un outil précieux et traditionnel.

A noter que, dans ce livre, Chadwick se rappelle que Ramana avait prit pendant un temps du tabac à priser, et qu'il continuait à prendre du pânne, une préparation à mâcher, connue pour ses effets stimulants, mais aussi cancérigènes. Il se demande également pourquoi le système des castes était respecté à l'ashram et regrette que Ramana ne prit guère position sur Hitler et la guerre. Ce qui rejoint le débat sur le rapport entre spiritualité et politique et la polémique entre Ramana et Aurobindo. 

Entre deux pensées

Les âges de la conscience, sous l'angle de la connaissance.
Un peu aride en apparence, 
mais infiniment savoureux en fait.


Entre deux pensées, deux images, deux respirations, deux expériences, le fond de pure conscience se révèle à nu, tel le ciel entre deux nuages. 

L'être ordinaire ne voit que les nuages. Il ne prête aucune attention aux intervalles. "Le ciel bleu ? Connais pas"... Si on le lui fait remarquer, il répond : "Oui et alors ? C'est le néant. Sans intérêt !" 
Sa vraie nature se révèle donc à lui seulement comme pensées, comme une série d'expériences, et il en est l'esclave. "C'est la vie".

Le yogi reconnaît que son essence se dévoile entre les nuages. Il savoure le nectar des intervalles de silence, il sait que là est le trésor, son essence réelle. Aussi essaie t-il de faire durer ces intervalles. Mais les nuages finissent toujours par revenir... Et quand ils reviennent, le yogi a l'impression de retomber dans l'état ordinaire, esclave des pensées, où la lumière est cachée par les nuages. 
Pourquoi ? Parce qu'il a reconnu sa vraie nature, 
mais pas complètement. 
Dans son cas, les intervalles de pure conscience ne sont pas la réalisation ultime, mais seulement des expériences temporelles et donc temporaires. Dès lors, sa reconnaissance incomplète est une construction imaginaire : il conçoit la pure conscience par opposition aux pensées et autres expériences ; il conçoit le ciel immaculé par opposition aux nuages. 
Les nuages sont des concepts, des constructions produites par exclusion d'un contraire - les nuages blancs s'opposent aux nuages blanc, par exemple. 
De même sa "pure conscience" est un concept, c'est-à-dire le produit d'une  exclusion, à savoir, l'exclusion des nuages.

Alors qu'est-ce que l'éveil complet ? Qu'est-ce que la reconnaissance complète ?
C'est reconnaître que les nuages n'excluent pas le ciel. 
La substance du ciel est-elle "repoussée" par les nuages, à la manière des cailloux dans l'eau qui "repoussent" l'eau ? Non. 
Le ciel est aussi bien dans les nuages que dans le ciel bleu. Par une gouttelette d'eau, nulle partie qui ne soit imbibée d'espace. De même, les pensées et autres expériences sont dans la pure conscience. Même l'aveuglement de la conscience à sa véritable nature est tout entier dans la conscience, comme un rêve qui est tout entier dans l'esprit du dormeur. Les nuages sont donc le ciel. Pas d'autre source. Les pensées sont la conscience, pas d'autre substance. 
L'éveil complet, c'est reconnaître cela.

La conscience est le ciel bleu.
Les pensées, expériences, images et autres points de référence sont les nuages.

D'abord la conscience ne voit que les nuages, se prenant pour un groupe de nuages parmi d'autres, opposé aux autres. Elle s'oublie dans ce jeu d'identification.

Puis la conscience se reconnaît partiellement - comme ciel bleu entre les nuages.

Enfin la conscience se reconnaît entièrement, comme ciel qui se manifeste en nuages, unité sans confusion, inexplicable. 
Les nuages sont toujours là, mais ils n'ont plus le pouvoir d'interrompre l'être-ciel. De plus, il n'y a plus d'identification à un nuage à l'exclusion des autres. En fait, il n'y a plus d'identification aux nuages, ni au ciel bleu, car ce sont des identifications, des concepts, des exclusions, des oppositions. Le ciel ne s'oppose ni aux nuages, ni à rien. Alors, peu à peu, les nuages changent. Ils tendent à s'éclaircir. Mais cela ne peut être décrit, car cette expérience ne s'oppose à rien.

D'abord, que les nuages.
Puis, que le ciel bleu.
Enfin, ciel et nuages en harmonie.

Dans tout cela, ce qui est donné ne change pas : ciel et nuages.
Seule l'attention évolue. 
L'attention est le pouvoir de la conscience qui, finalement, ne fait qu'un avec la conscience.

samedi 29 août 2015

C'est quoi l'éveil ?

L'expérience de soi-même ne peut être exprimée. Pourtant, on ne peut s'empêcher d'essayer.
De même pour l'incarner, la partager, la ressentir, et ainsi de suite.

Ramana se promène avec un disciple cher à son cœur

Le monde est une extension du corps/esprit.
Le corps/esprit est un prolongement de la croyance que "je suis cet individu".
D'où vient cette pensée, cette sensation ?

Ramana dit :

Examine d'où vient ce 'je'.
Merveille !
Ce 'je' s'effondre ...
Telle est la méditation sur soi.

Ce 'je' ayant péri,
le cœur s'éveille spontanément -
réalisant que 'je suis je' 
(et non le corps, ni l'esprit, ni le néant).
C'est l'être ultime, plein.

L'essence de l'enseignement, (Upadesha-sâra), 19-29

J'essaie de traduire sans majuscules. Pas de majuscules en sanskrit. Par exemple "le Soi" devient "soi-même" ou" soi".
Cela vous choque ? Qu'en pensez-vous ?

En tous les cas, tout apparaît en l'espace translucide.
Quelle joie !

L'Upadeshasâra chantée en sanskrit :

vendredi 28 août 2015

Comment goûter la vie bonne ?


Peu importe le nom. Chacun cherche l'absolu, un trésor de tout ce qui est désirable.
Tous les fleuves coulent à la mer.

Comment ?
En ne rien faisant, se laissant faire.
Quand on prend conscience du bruit intérieur, un silence peut se faire. Une sorte d'arrêt.
Silence au plus profond. Reconnaissance dans ce silence. Confiance. Abandon. Délectation. Jubilation. Oubli. Tout suit.

Comme dit l'anonyme du Cachemire :

"Saches que la mémoire est imagination.
L'oubli est bienfaisant.
Ne tarde pas : oublie absolument tout !
Tel un imbécile, vis comme une bûche !
Je le crie haut et fort, les bras au ciel.
Mais personne ne l'entend.

L'absence d'imagination est ce qu'il y a de meilleur.
Pourquoi donc ne pas la prendre au sérieux en notre for intérieur ?
Vivre en silence est le seul moyen d'atteindre l'ultime royaume,

Là où même le pouvoir absolu n'est que paille."




mercredi 26 août 2015

Ramana et Aurobindo


Depuis des décennies, une dispute (modérée mais bien réelle) a lieu entre les partisans de Ramana, qui serait le champion du Vedânta, et ceux d'Aurobindo, champion du tantrisme.

Du côté des partisans de Ramana, on raconte qu'Aurobindo est un adepte de l'occultisme, tombé du côté obscure.
Du côté des partisans d'Aurobindo, on riposte que Ramana était un saint homme certes, mais du plus bas degré, et quiétiste de surcroît, c'est-à-dire ne s'intéressant pas à l'évolution du monde, véritable enjeu de la spiritualité. 

Tout ceci est en partie vrai. En partie.

L'histoire a commencé, comme je l'ai relaté dans un précédent billet, en 1907 quand Ganapati Shâstri alla voir le jeune Ramana. Ganapati Shâstri était un adepte de la puissance des mantras, par la pratique desquels il espérait libérer l'Inde des Anglais et lui rendre sa "puissance éternelle". Assez loin de Ramana. Lequel n'était pas indifférent à la chose politique, mais se sentait plus proche de Gandhi. Pour Ramana, l'action occulte ou "l'action directe" (le terrorisme) n'étaient pas des solutions acceptables. A ses yeux, la seule vraie puissance consiste à reconnaître son impuissance face au divin, in-action divine que chacun découvre au centre de soi-même. Le monde est transformé depuis l'intérieur de chacun. 

Ramana

A l'opposé, Ganapati était un athlète des pratiques magiques, un dévot de la Déesse et un activiste. Il parcourait l'Inde pour réciter des mantras dans des lieux sacrés et il prêchait aux masses. Virtuose du sanskrit, il composait de nombreux hymnes et autres textes. Quand on les parcoure, il est clair qu'il était un militant hindouiste qui voulait se servir des mantras et des pouvoirs de la Déesse (shakti) pour accomplir ses buts. 

Ganapati

Quand il rencontra Ramana, cela lui fit un choc. 
Deux personnalités aux antipodes.
Ganapati fut touché, certes. Mais sa relation avec Ramana resta ambiguë. Il existe des faits et des témoignages redondants selon lesquels il n'appréciait guère les écrits de Ramana. Ganapati proposa de "traduire" l'oeuvre principale de Ramana, qui était en tamoul, en sanskrit, en affirmant vouloir apprendre le tamoul littéraire de Ramana, langue qu'il ne connaissait pas. Mais en fait, il avait l'intention de la ramener à ses idées plutôt tantriques, c'est-à-dire avec une place plus importante laissée à la dualité, au monde et donc à la politique. Cela devint plus évident avec le commentaire sanskrit composé par un disciple de Ganapati, Kapâli Shâstri, le Sad-darshana-bhâshya, où les commentaires sont précédés d'une introduction, où Kapâli réfute en fait les positions de Ramana. D'où la réaction de Ramana, qui considérait cette "traduction" comme ne représentant pas son enseignement. Ce qui n’empêcha pas Ganapati de continuer à "exprimer" le message de Ramana... Il écrivit une Ramana Gîtâ, commentée aussi par Kapâli - lequel jouera un rôle important dans la suite de l'histoire -, ainsi qu'un commentaire à l'Upadeshasâra de Ramana (l'une des rares œuvres que Ramana composa directement en sanskrit). Pourtant, Ramana ne désavoua jamais Ganapati en public (faut dire qu'il n'a jamais critiqué personne en public), et son ashram publia en 2006 les œuvres complètes de Ganapati, avec moultes louanges et salamalecs...

En clair, Ramana et Ganapati on joué un jeu de dupes. Ils ont essayé de s'utiliser mutuellement. 

Ganapati a voulu utiliser Ramana comme une source d'autorité et d'inspiration, alors qu'en vérité il n'était pas d'accord avec son message central de non-dualité radicale.
Et Ramana, par tempérament sans doute, a laissé faire Ganapati et n'a dit sa pensée à son sujet qu'en privé, à ses disciples, ses proches. Manifestement, Ramana n'avait pas la trempe d'un polémiste, même s'il a du se défendre parfois, notamment lorsqu'il a été impliqué dans le procès au sujet de la propriété de son ashram. 
Et certain des disciples de Ramana, ainsi que son ashram, on tenté d'utiliser Ganapati comme caution pour Ramana. D'où le titre de "maharishi", d'ailleurs repris ensuite par le bouffon de la "Méditation Transcendentale". 
Donc voilà.

Seulement, l'histoire ne s'arrêta point là. Car en 1928, Ganapati rencontra Aurobindo. Et là, ce fut réellement le coup de foudre. Il se convertit pour de bon à cet homme, qui incarnait précisément son idéal : à la fois spirituel et politique. Rappelons qu'Aurobindo s'était réfugié à Pondichérry (chez les Français donc) pour fuir les Anglais, lesquels lui reprochaient son implication dans des attentats terroristes. En plus, Aurobindo vivait avec "la Mère", une occultiste française qui se prenait pour la réincarnation de Néfertiti et une avatarette de la Déesse. 
Or, Ganapati se convertit, mais aussi ses disciples. C'est la tradition. Notamment Kapâli Shâstri, un adepte tantrique de la Déesse dans la tradition Shrîvidyâ. C'est lui l'auteur du "commentaire" à la prétendue "traduction" sanskrite de la Quarantaine sur l'être (Ulladu-narpadu en tamoul, Sad-darshana en sanskrit) de Ramana. Ce Kapâli devint l'un des plus proches disciples d'Aurobindo. Il eut comme disciples M.P. Pandit, le maître de David Frawley, et S. Shankaranarayanan, auteur d'un ouvrage fameux sur le système tantrique des "dix déesses" (dashamahâvidyâ). 
Il y a là une véritable lignée d'adeptes tantriques de la Shrîvidyâ, quoique d'une forme édulcoré et puritaine d'icelle. Ils reprennent en effet à leur compte les délires de l'hérétique (du point de vue de la vraie tradition Shrîvidyâ) Lakshmidhara, un brahmaniste intégriste du XVIe siècle, qui inventa la fameuse (et fumeuse) théorie du tantrisme "de gauche" (la vraie tradition en fait) et "de droite" (un mythe, fondé sur des textes dont nul n'a jamais vu la couleur), laquelle a malheureusement été prise au sérieux au XXe siècle, notamment à cause de la propagande de ces aurobindiens.

C'est ainsi que le ton monta entre ramaniens et aurobindiens.
Passons sur les détails et les querelles de personnes.

Mais revenons au cœur de l'affaire : l'introduction de Kapâli au Saddarshanabhâshya, dans laquelle il critique Ramana.
Que dit-il ?
En substance, il répète les arguments du tantra non-duel (le shivaïsme du Cachemire, Abhinavagupta, la Pratyabhijnâ) à l'encontre de l'Advaitavedânta : le Vedânta n'explique pas la dualité. Or, même si elle est une illusion, elle doit être expliquée, n'en déplaise à ces logiciens pour qui le monde est inexplicable ! Le monde est dualité. Mais comment ces couples d'opposés sont-ils possibles sans un substrat commun ? C'est ainsi que l'on doit comprendre l'unité ! L'absolu, ce n'est pas un fond inerte sur lequel viendrait planer une illusion venue d'on ne sait où, on ne sait comment (l'ignorance ? mais l'ignorance de qui ?), mais bien la manifestation de l'absolu, librement consentie, et même désirée. 
En clair, Kapâli critique Ramana parce qu'il serait incapable d'expliquer la dualité qui n'est soi-disant qu'une illusion. Alors que tout s'explique si l'on admet que l'unité est la source vivante de la dualité. Kapâli accuse donc Ramana, au nom des "amoureux de la pensée" (vimarsha-rasikânâm - rappelons que vimarsha est le terme-clé du tantra non-duel, il y a donc là un savoureux jeu de mots) d'être un peu simplet.

Ce qui nous ramène à ces deux sortes de non-dualité que j'ai souvent distingué :

- une non-dualité par exclusion qui serait celle du Vedânta et de Ramana.
- une non-dualité par inclusion de la dualité, une non-dualité intégrale (samagram satyam, la vérité complète, comme dit Kapâli), qui serait celle du tantra non-duel, de Ganapati et d'Aurobindo.

Cette critique est-elle juste ?
A mon avis, oui.
Sauf que... la pensée de Ramana est plus complexe. Disons qu'il était non-dualiste. Mais son cœur - et ses propos - ont toujours balancé entre ces deux formes de non-dualité. Parfois, comme dans le Saddarshana, il est plutôt exclusiviste, védântique. Mais ailleurs il est plus tantrique, notamment quand il dit que le monde est illusoire seulement au sens où il n'existe pas indépendamment de l'absolu, de la conscience. Ce qui est la position inclusiviste du tantra non-duel. 

Au fond, tous ces débats remontent à deux textes cachemiriens :

- Les stances sur la reconnaissance, d'Utpaladeva au IXe siècle, qui fonde la non-dualité inclusiviste.
- Le Yogavâsishtha (ou Moshopâya), du même siècle, qui fonde la non-dualité exclusiviste.

Notons, au passage, que le Yogavâsishtha n'est pas un texte védântique et que Ramana n'a jamais été un adepte du Védânta. Pas celui de Shankara du moins. Tous les textes auxquels il se réfèrent sont en effet tardifs (=après le XVe siècle) et inspirés par le Yogavâsishtha, même quand ils sont attribués à Shankara, à l'instar du Vivekachûdâmani.

Donc tout ce vaste débat, millénaire car roulant sur un véritable problème de fond, est l'expression de deux sensibilités :
- une sensibilité non-duelle plutôt ascétique, en retrait du monde, relativement parlant. Un ton plus sobre, guère fasciné par les expériences occultes et ce genre de rhétorique, quoi que plein d'expériences extraordinaires. Extraordinaires, mais pas occultes.
- une sensibilité plus optimiste, plus affirmative. Avec une fascination indéniable pour les miracles, les phénomènes physiques, l'immortalité, les super-pouvoirs, l'influence occulte, les secrets, la purification, le travail sur soi, les techniques.

Cela étant, ce sont des nuances subtiles, même si elles ont une portée considérable.
Enfin, ma préférence va à Ramana, même si j'appartiens à la même famille de pensée que Ganapati, Kapali et Aurobindo. Car je crois que Ramana, dans l'ensemble, exprime mieux et plus clairement le message du tantra non-duel dont Ganapati et les autres se voulaient les messagers.

Ce sont des choses qui arrivent.

lundi 24 août 2015

Le conseil de Ramana

"Où ?"
Telle est la question.

Où apparaît le monde ? 
Où apparaît le corps ?
Où apparaissent les sensations ?
Où apparaissent les émotions ?
Où apparaissent les pensées ?

Il était une fois un homme qui voulait sauver son pays et transformer le monde par la pratique des mantras. Il pratiquait avec rigueur, selon les règles transmises.
Et pourtant, rien ne se passait. Son pays restait ce qu'il était. Il vivait au pied d'une montagne sacrée, il mangeait, il dormait, il se purifiait comme il fallait. Mais rien. Nulle révolution, aucun déchaînement de puissance divine.
Frustré, il alla voir un jeune ermite dont on lui parlait depuis des années. 

Il le trouva dans la montagne, au pied d'une grotte aménagée. Le jeune homme était assis. Notre sauveur du monde se prosterna, lui expliqua toutes les pratiques qu'il avait faites en vain : "J'ai pratiqué encore et encore, j'ai récité des millions de mantras, mais rien ne se passe. Je ne comprends pas ce qu'est la pratique. A quoi sert-elle ?"

Le jeune homme le regarda, en silence.


Au bout d'un quart d'heure, notre sauveur avait perdu patience. En plus, il faisait chaud et humide, et il avait un monde à sauver ! Il s'adressa alors au jeune ermite : "Je sais que, selon la tradition, il existe une initiation par le regard... Mais je n'y comprends rien ! Si vous ne voulez pas parler, écrivez au moins sur un bout de papier !" Alors le jeune homme écrivit sur un bout de papier, ceci :

"Si l'on observe avec attention cela dont s'élance [le murmure silencieux ] 'je suis je', alors le mental s'y résorbe. C'est cela, la pratique".

Le sauveur du monde était déçu : "Mais je veux des mantras à réciter !"
Le jeune ermite sourit doucement, et griffonna ces mots :

"Si l'on récite un mantra, observons avec attention d'où surgit le son de ce mantra. Le mental s'y résorbe alors. 
C'est cela, la pratique".

Cela se passa en Inde, en 1907. Le sauveur auto-proclamé était Kâvyakantha Ganapati. L'ermite était Ramana. La montagne sacrée était Arunâchala, dans le Sud.

La suggestion de Ramana vaut pour toute "pratique" : 
Si vous voulez sentir, sentez la source des sensations.
Si vous voulez courir, sentez la source de l'élan.
Si vous voulez voir, voyez cela qui vois.
Si vous voulez aimer, sentez la source de l'amour.
Si vous voulez jouer de la musique, plongez dans l'élan à la source de la musique.
Si vous voulez résoudre un problème, ressentez cela d'où vient la solution.
Et ainsi de suite...


Il y a ainsi deux dimensions dans la pratique : 
voir cela qui voit ; 
ou aimer cela qui désir, veut, ressent. 
Deux faces d'une même pièce. 
Juste une nuance.
Connaissance ou amour.
Vision ou désir.
Inséparables comme l'air et le vent.

Pour la petite histoire, Ganapati repartit dans son ashram, où il avait déjà des disciples. Il avait été touché par Ramana. Mais pas converti. Par la suite, c'est lui qui essaya de convertir Ramana ! Mais Ramana resta tel quel, aussi immuable que la montagne sur laquelle il habitait. 
Ganapati incarnait une autre approche que celle de Ramana : 
sauver le monde par la magie, par l'occulte. 
Par la suite, il fut fasciné par Aurobindo, l'homme qui prétendait avoir des super-pouvoirs et qui voulait aussi changer le monde. Ganapati eut un disciple qui fonda un institut aurobindien pour perpétuer sa pensée. Il essaya bien des fois de convertir Ramana. Mais, voyant qu'il n'arrivait pas plus à changer Ramana qu'à changer le monde, il s'aigrit et se mit à critiquer Ramana, l'accusant de quiétisme, de fuir le monde. Il prétendait que lui et Aurobindo étaient supérieurs à Ramana. 
Ganapati était un adepte des tantras. Alors on dira qu'il était fasciné par les super-pouvoirs, comme la Mère l'était par l'occultisme en général. Ce n'est pas faux. Il appartenait à la tradition Shrîvidyâ, une tradition du tantrisme. 
Le hic, c'est que Ramana aussi était sensible à cette tradition. Pas initié, certes , mais il conseillait chaudement la lecture de son texte philosophique central, le Tripurârahasya, et il fit bâtir un temple shrîvidyen en guise de mausolée pour sa maman, identifiée ainsi à la Déesse. 
Mais alors, où est la différence ?
Elle est subtile, mais on la retrouve partout et en tous temps. Deux parfums, deux sensibilités.
D'un côté, l'approche de ceux qui veulent mettre le divin au service d'eux-mêmes, sous prétexte de sauver le monde.
De l'autre, ceux qui se mettent au service du divin, dans l'abandon.
Juste une question de priorité, donc.
Evidemment, des deux côtés on parle de "service", du "divin", et ainsi de suite.
Pourtant, la différence est immense.
D'où un Ramana de plus en plus froid à l'égard d'un Ganapati manipulateur, alors qu'il était l'accueil incarné.
Ce n'est pas que Ramana fuyait le monde. Il lisait les journaux anglais chaque jour. Mais il était convaincu que la priorité était à la conversion intérieur, le reste devant suivre.

La pratique, c'est la présence à la Source. 
Mantra ou bla-bla, peu importe pourvu qu'on pratique cette présence.
L'attention se retourne. 
Le désir plonge en sa source, laquelle est aussi sa fin.
La vague contemple l'océan. La vague aime l'océan.
L'océan se contemple en la vague. L'océan s'aime en cette vague.
C'est tout.


PS : les "traductions" en sanskrit des œuvres tamoules de Ramana par Ganapati ne sont donc pas fiables. De même, ses interventions dans les Talks, où celles de ses disciples, sont tendancieuses : ils sont obsédés par les super-pouvoirs (siddhi) et la location du Soi dans le corps. Le disciple de Ganapati, Kapali, contredit même le point de vue de Ramana dans le commentaire (sanskrit) qu'il a composé pour Saddarshana ! Lequel texte a pourtant été publié par l'Ashram de Ramana... Comme quoi, un commentaire sanskrit peut être parfaitement hypocrite : on peut commenter un auteur en le mettant sur un piédestal, tout en le trahissant. Et l'exemple de Kapali n'est pas le premier dans la littérature indienne.

dimanche 23 août 2015

Le plus haut culte



Tout apparaît, vit et disparaît dans la conscience.
Tout est conscience, silence vivant et sans point d'appui, magie inouïe, mystère béni.
L'anonyme du Cachemire le dit :

"Que l'on contemple le Bien ultime
qui à chaque instant habite ce corps !
Tel est le yoga suprême,
telle est la pratique suprême.

En voyant, en entendant, en touchant,
en sentant, en goûtant,
en bougeant, en dormant,
en respirant, en conversant,
en éjaculant et en prenant,
que l'on ne soit que conscience transparente !

Que l'on adore (L'Immense) à travers tout ce qui arrive,
tout ce qui survient instant après instant.
Ne faites pas le moindre effort pour
(obtenir) ces choses neuves (qui se présentent d'elles-mêmes à chaque instant) !

Que l'on rende toujours 
un culte à cet omniprésence éclatante
en réalisant les désirs
selon les capacités de ce corps.

Que l'on adore le Bien (Shiva)
à travers tout ce qui survient :
nourritures, boissons aux qualités excellentes,
lits et moyens de transports !"

Le Yoga selon Vasishtha, VI, 2, 39 

vendredi 21 août 2015

Ne pas chercher midi à quatorze heures


Une fable :

"Il était autrefois un sage qui connaissait le sens réel de tous les enseignements sacrés. Il déployait des efforts infinis pour découvrir la pierre philosophale. Par des essais et efforts pour ainsi si dire transcendants, il en vint à contempler la pierre : elle était à portée de main. Mais il fut saisi par le doute. Et alors, il ne la prit pas. "Je suis un ascète débutant, avec une maigre ascèse à mon actif. En vérité, je suis un homme misérable ! Comment donc les accomplissements pourraient-ils venir à moi, à moi qui suis seulement infortuné ?" Alors qu'il restait là, plongé dans la confusion, la pierre devint invisible. Il se relança dans les mêmes efforts (surhumain) qu'avant pour trouver cette pierre souveraine, mais il ne vit ensuite qu'un morceau de cristal intact (certes, mais) qui n'avait que l'apparence de l'éclat. Puis, s'emparant de ce cristal, il jeta tous ses biens, se disant : "J'obtiendrais tout avec cette pierre philosophale. A quoi bon les richesses ?" Prenant cette verroterie, ce fou s'en alla dans une forêt déserte. Et là, il sombra dans un grand malheur à cause de cette fausse gemme."


Souvent, nous avons d'abord une intuition juste de la vérité. Parce que la vérité est la conscience, évidente, simple et claire comme le jour. De fait, qui peut nier la conscience ? 
Nous vivons alors un moment de grâce.
Mais les doutes nous reprennent. Est-ce cela ? Est-ce si simple ? Cela suffira-t-il ? Ne faut-il pas travailler sur les énergies ? Purifier son inconscient ? Changer sa façon de manger ? 

Trop proche !
Trop simple !
Trop facile !
Trop beau !

Et la magie disparaît. 
Et nous déployons des efforts surhumains pour retrouver cette grâce, pour "élever notre niveau vibratoire", ce genre de chose. Et nous croyons re-trouver cette grâce : le maître ! l'éveillé ! le yoga ! la transmutation quantique ! la thérapie des vies antérieures ! la loi d'attraction ! le manger cru ! la messe ! les dauphins ! le trans-truc-muche-machin-chose-bidule-chouette !
C'est ce que nos grand-mères appelaient : des miroir aux alouettes. De la poudre de perlimpinpin. Un vrai labyrinthe. Comme chez Carrefour.

N'allons donc pas chercher midi à quatorze heure !

Ce que nous cherchons est gratuit, toujours disponible, partout présent, donné, offert, totalement. Il suffit de nous donner totalement, gratuitement. L'unique nécessaire. Et le reste suivra. 

jeudi 20 août 2015

Le mystère du sommeil



Tant de nous - tous ! - à la recherche de l'ineffable... de la non-dualité. Ni sujet, ni objet, ni rien, ni autre chose. 
Quoi ? Qu'est-ce ? Où ça ?
Est-ce l'amour ?
Est-ce la vérité ?
Est-ce la paix ?
Est-ce important ?

Pourtant... nous en faisons l'expérience chaque nuit. 
Le sommeil profond. Sans rêves. Sans moi. Moi seul.
Il ne s'y passe rien. Nous n'y sommes rien. Le monde n'y est rien. La vie et la mort n'y sont point distingués. Dans le sommeil profond, tout reste à la porte : moi, tout. 
Réussites, échecs, qualités, défauts, tout, rien, expériences, croyances, ressentis, émotions, souvenirs, émotions, énergies, statuts, crimes, espoirs, craintes, méditations, éveils...

Rien. Même pas. Indicible. Est-ce même un état ? Est-ce une expérience ? Les mots défaillent...

Pourtant, nous nous y donnons avec joie. Soulagement. Gratitude. Qui est privé de sommeil, de ce doux néant, de cette perte de soi, le sait bien. Le riche comme le pauvre y laissent tout, l'un ses trésors, l'autres ses misères. 
Un empereur insomniaque est prêt à donner son empire pour ce rien.

Mystère du sommeil profond. Sans dualité. Sans repère. Paradoxalement, cette non-expérience, cette perte de tout appui, est un appui solide pour s'éveiller. Certains aspirent à ne jamais s'endormir, imaginant la pure conscience infinie comme une veille perpétuelle. Mais est-ce bien cela ? D'ailleurs, se réveille t-on vraiment ? Le monde, oui. L'âme, oui. Peut-être. Mais au-delà, les discours se perdent comme poussière au vent.

Comme dit mon ami José : "L'éveil, c'est réaliser qu'on ne se réveille jamais".


"Ce qui est présent sans commencement ni fin,
Indivis, sans pratique, que cela soit médité ou non,
C'est cela le silence
Pareil à un profond sommeil".

Le sommeil profond est l'ineffable, le Soi, la pure conscience, l'Immense, le mystère absolu. 
Et il n'y a rien d'autre que cet océan sans rivages. 
Les univers sont ses vagues, nos réveils sont ses vaguelettes, l'un dans l'un, vertige sans fin, une masse d'eau, béate, béante, qui n'en finira jamais de comprendre qu'elle ne pourra jamais se comprendre. 
Chaque instant est ainsi !


dimanche 16 août 2015

Pourquoi... tout ?


Pourquoi et comment la conscience crée t-elle ?

La conscience se connait elle-même. 
Comme elle est tout, en se connaissant elle-même, elle connait tout.
La conscience est donc une toute-possibilité vivante.

Nous sommes conscients.
Donc nous savons tout. 
En-deçà de savoir ceci ou cela, nous savons tout, mais le plus souvent, nous ne l'avons jamais formulé avec des mots. Au fond de nous, nous savons tout. Tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera. Tous les possibles.

Mais s'il n'y avait que cela, nous resterions dans cette parfaite extase bienheureuse, hors de tout devenir. Il n'y aurait pas d'histoires.

Seulement, la conscience ne peut être satisfaite par cette toute-possibilité, cette omniscience. 
Elle aspire, en plus, à l'impossible.
Or qu'est-ce qui est impossible ?
Ce qui est impossible, c'est de dire cette toute-possibilité
Pourquoi ?
Parce que l'on ne peut mettre l'infini dans le fini, exprimer en mots l'ineffable.

Pourtant, tel est le désir de la conscience.
Sa quête. Notre quête : dire l'indicible, exprimer ce qui ne peut l'être. Mettre en mots ce qui est à jamais au-delà de tous les mots.
Ce n'est pas de la spéculation métaphysique, mais une expérience courante : avoir le sentiment de savoir, mais de ne pas trouver les mots. 
Et c'est justement cette intuition qui aspire à s'incarner, sans jamais y parvenir tout à fait, qui nous fait parler. N'est-ce pas le moteur de nos paroles ? Que ce soit le philosophe, le mystique, l'artiste ou la bavarde, l'âme est la même. Une tension pour enfermer, incarner, partager ce qui est trop simple et riche pour l'être jamais adéquatement.

Pourquoi et comment la conscience crée t-elle ?
La conscience crée parce qu'elle veut dire cette toute-possibilité qu'elle sait. C'est impossible. Et donc cela dure, longtemps, un devenir sans fin... C'est le moteur de l'histoire. De toutes les histoires : 
incarner ce qui ne peut l'être. Dire ce qui déborde les capacités de la parole. 
Soit dit au passage, ce devenir est cyclique et discontinu. La conscience goûte cette quête impossible, mais elle se décourage à intervalles régulier. Elle éprouve alors le besoin de tout lâcher, de replonger en elle-même, dans une unité simple et bienheureuse. Là encore, c'est une expérience que nous connaissons tous : celle du sommeil profond. Puis la conscience finit par être rassasiée de ce dé-goût, et reprend goût pour les mots, la quête éperdue de l'incarnation, et ainsi de suite.

Cela se vérifie dans tous les domaines de la vie :
nous aspirons à l'impossible. Nous désirons la perfection dans les choses, qui sont imparfaites. Nous espérons l'éternel dans les choses impermanentes, la beauté invariable dans des beautés éphémères, la vérité absolue dans des théories relatives, et ainsi de suite. 
L'infini dans le fini : impossible, mais c'est justement cet impossible qui est le moteur de tout devenir.

Cela est vrai au plan des relations humaines. Nous cherchons notre essence de toute possibilité sans limites dans une relation limitée. C'est impossible, mais c'est le désir de la conscience, car la conscience aspire à l'impossible. Pourquoi ? Pour éprouver le vertige de sa liberté sans limites. Pour se sonder elle-même. Au-delà de l'illimité, il y a la quête de l'illimité au sein des limites. C'est encore plus fort. Impossible certes. Et donc éminemment désirable.

Nous pouvons le vérifier. Ou plutôt le reconnaître, dans chacune de nos expériences. 

Voilà aussi pourquoi nous ne sommes jamais comblé une fois pour toutes. 
En effet, quand nous vivons l'être pur (dans le "sommeil profond" principalement), il nous lasse, nous aspirons au piment des choses, de la dualité, des histoires. Puis nous nous dégoûtons de ce piment, la vanité de toutes nos histoires nous saisit, et nous replongeons dans l'unité. Mais ce n'est pas une simple répétition mécanique. Plutôt une élévation en spirale. Impossible certes, mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire...

Voilà pourquoi le désir est insatiable, tel un phénix qui renaît sans cesse de ses cendres. Voilà pourquoi après chaque expir, il y a un inspir, après chaque déception, une foi nouvelle, après chaque nuit, une aube. 
La vie est un effort pour imiter dans le temps ce qui est au-delà du temps.

Et cette tragédie comique n'est point un songe de philosophe déconnecté du réel, mais l'étoffe de toute existence, à reconnaître de suite.
Le plus haut se découvre dans le plus humble.

samedi 15 août 2015

Hymne à Bhairava en sanskrit

Bhairavamudrâ

En sanskrit :


vyāptacarācarabhāvaviśeṣaṃ cinmayam ekam anantam anādim |
bhairavanātham anāthaśaraṇyaṃ tvanmayacittatayā hṛdi vande || 1 ||

tvanmayam etad aśeṣam idānīṃ bhāti mama tvadanugrahaśaktyā |
tvaṃ ca maheśa sadaiva mamātmā svātmamayaṃ mama tena samastam || 2 ||

svātmani viśvagaye tvayi nāthe tena na saṃsṛtibhītikathāsti |
satsv api durdharaduḥkhavimohatrāsavidhāyiṣu karmagaṇeṣu || 3 ||

antaka māṃ prati mā dṛśam enāṃ krodhakarālatamāṃ vinidhehi |
śaṅkarasevanacintanadhīro bhīṣaṇabhairavaśaktimayo 'smi || 4 ||

itthaṃ upoḍhabhavanmayasaṃviddīdhitidāritabhūritamisraḥ |
mṛtyuyamāntakakarmapiśācair nātha namo 'stu na jātu bibhemi || 5 ||

proditasatyavibodhamarīciprekṣitaviśvapadārthasatattvaḥ |
bhāvaparāmṛtanirbharapūrṇe tvayy aham ātmani nirvṛtim emi || 6 ||

mānasagocaram eti yadaiva kleśadaśā 'tanutāpavidhātrī [1] |
nātha tadaiva mama tvadabhedastotraparāmṛtavṛṣṭir udeti || 7 ||

śaṅkara satyam idaṃ vratadānasnānatapo bhavatāpavidāri |
tāvakaśāstraparāmṛtacintā syandati cetasi nirvṛtidhārām || 8 ||

nṛtyati gāyati hṛṣyati gāḍhaṃ saṃvid iyaṃ mama bhairavanātha |
tvāṃ priyam āpya sudarśanam ekaṃ durlabham anyajanaiḥ samayajñam || 9 ||


vasurasapauṣe kṛṣṇadaśamyām abhinavaguptaḥ stavam imam akarot |
yena vibhur bhavamarusantāpaṃ śamayati janasya jhaṭiti dayāluḥ ||

samāptam stavam idam abhinavākhyam padyanavakam ||


Chanté en sanskrit :

jeudi 13 août 2015

La religion de l'éveil


Dieu n'est pas à l'extérieur.
Dieu n'est pas à l'intérieur.

Mais qu'est-ce que Dieu ? 
Dieu est conscience, éveil, fraîcheur, transparence, silence, sans poids, comme l'espace, au-delà de tout, séparé de rien.
A quoi ressemble alors la religion ? 
Qu'en reste t-il ?

L'anonyme du Cachemire :

"Il n'est pas loin...
ni proche !
Il n'est pas impossible à atteindre,
ni difficile à comprendre :
il est la manifestation de
la félicité du Soi.
On l'obtient en notre corps même !

La réalisation ultime 
provient seulement de la connaissance
de ce Dieu des dieux,
le Soi ultime et transcendant.
Cette réalisation ne vient pas des souffrances
engendrées par les pratiques !

Le culte de Dieu qui est factice
est donné en exemple
à ceux dont l'intelligence n'est pas éduquée,
dont l'esprit est fragile comme celui d'un enfant.

Il est conscience
présente en toute expérience.
Il est donc parfaitement inutile
de l'invoquer.

Ce dieu n'est adoré
ni par les lampes, ni par l'encens,
ni par des monceaux de pétales de fleurs,
ni par des offrandes de nourriture,
ni par des masques de beauté,
ni par des maquillages 
comme le safran ou le camphre.
La plus haute contemplation,
le culte suprême,
consiste seulement à adorer toujours
(notre conscience qui est Dieu)
au moyen de notre conscience/ de notre éveil
qui est l'unique ambroisie,
fraîche, impérissable,
que l'on peut atteindre sans peine."

Extraits du Yoga selon Vasishta