dimanche 16 août 2015

Pourquoi... tout ?


Pourquoi et comment la conscience crée t-elle ?

La conscience se connait elle-même. 
Comme elle est tout, en se connaissant elle-même, elle connait tout.
La conscience est donc une toute-possibilité vivante.

Nous sommes conscients.
Donc nous savons tout. 
En-deçà de savoir ceci ou cela, nous savons tout, mais le plus souvent, nous ne l'avons jamais formulé avec des mots. Au fond de nous, nous savons tout. Tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera. Tous les possibles.

Mais s'il n'y avait que cela, nous resterions dans cette parfaite extase bienheureuse, hors de tout devenir. Il n'y aurait pas d'histoires.

Seulement, la conscience ne peut être satisfaite par cette toute-possibilité, cette omniscience. 
Elle aspire, en plus, à l'impossible.
Or qu'est-ce qui est impossible ?
Ce qui est impossible, c'est de dire cette toute-possibilité
Pourquoi ?
Parce que l'on ne peut mettre l'infini dans le fini, exprimer en mots l'ineffable.

Pourtant, tel est le désir de la conscience.
Sa quête. Notre quête : dire l'indicible, exprimer ce qui ne peut l'être. Mettre en mots ce qui est à jamais au-delà de tous les mots.
Ce n'est pas de la spéculation métaphysique, mais une expérience courante : avoir le sentiment de savoir, mais de ne pas trouver les mots. 
Et c'est justement cette intuition qui aspire à s'incarner, sans jamais y parvenir tout à fait, qui nous fait parler. N'est-ce pas le moteur de nos paroles ? Que ce soit le philosophe, le mystique, l'artiste ou la bavarde, l'âme est la même. Une tension pour enfermer, incarner, partager ce qui est trop simple et riche pour l'être jamais adéquatement.

Pourquoi et comment la conscience crée t-elle ?
La conscience crée parce qu'elle veut dire cette toute-possibilité qu'elle sait. C'est impossible. Et donc cela dure, longtemps, un devenir sans fin... C'est le moteur de l'histoire. De toutes les histoires : 
incarner ce qui ne peut l'être. Dire ce qui déborde les capacités de la parole. 
Soit dit au passage, ce devenir est cyclique et discontinu. La conscience goûte cette quête impossible, mais elle se décourage à intervalles régulier. Elle éprouve alors le besoin de tout lâcher, de replonger en elle-même, dans une unité simple et bienheureuse. Là encore, c'est une expérience que nous connaissons tous : celle du sommeil profond. Puis la conscience finit par être rassasiée de ce dé-goût, et reprend goût pour les mots, la quête éperdue de l'incarnation, et ainsi de suite.

Cela se vérifie dans tous les domaines de la vie :
nous aspirons à l'impossible. Nous désirons la perfection dans les choses, qui sont imparfaites. Nous espérons l'éternel dans les choses impermanentes, la beauté invariable dans des beautés éphémères, la vérité absolue dans des théories relatives, et ainsi de suite. 
L'infini dans le fini : impossible, mais c'est justement cet impossible qui est le moteur de tout devenir.

Cela est vrai au plan des relations humaines. Nous cherchons notre essence de toute possibilité sans limites dans une relation limitée. C'est impossible, mais c'est le désir de la conscience, car la conscience aspire à l'impossible. Pourquoi ? Pour éprouver le vertige de sa liberté sans limites. Pour se sonder elle-même. Au-delà de l'illimité, il y a la quête de l'illimité au sein des limites. C'est encore plus fort. Impossible certes. Et donc éminemment désirable.

Nous pouvons le vérifier. Ou plutôt le reconnaître, dans chacune de nos expériences. 

Voilà aussi pourquoi nous ne sommes jamais comblé une fois pour toutes. 
En effet, quand nous vivons l'être pur (dans le "sommeil profond" principalement), il nous lasse, nous aspirons au piment des choses, de la dualité, des histoires. Puis nous nous dégoûtons de ce piment, la vanité de toutes nos histoires nous saisit, et nous replongeons dans l'unité. Mais ce n'est pas une simple répétition mécanique. Plutôt une élévation en spirale. Impossible certes, mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire...

Voilà pourquoi le désir est insatiable, tel un phénix qui renaît sans cesse de ses cendres. Voilà pourquoi après chaque expir, il y a un inspir, après chaque déception, une foi nouvelle, après chaque nuit, une aube. 
La vie est un effort pour imiter dans le temps ce qui est au-delà du temps.

Et cette tragédie comique n'est point un songe de philosophe déconnecté du réel, mais l'étoffe de toute existence, à reconnaître de suite.
Le plus haut se découvre dans le plus humble.

1 commentaire:

  1. NAMASKAR,cher David,


    "INCARNER CE QUI NE PEUT ÊTRE " WOW ! quel billet, j'adore ce genre de clarté...


    Merci !


    Micheline

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