samedi 26 décembre 2015

Adieu au non-dualisme

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Comme ça vient, ça vient comme ça :

Mon moi est Dieu. Mystère incompréhensible. Mais sensible au cœur, sensible à soi, en soi, par soi, comme un ciel enroulé en lui-même. 

Je ne me suis jamais senti tout à fait à l'aise avec le vocabulaire "non-duel" contemporain : le mental, l'ego, l'éveil... 

Le non-dualisme qui s'impose aujourd'hui est impersonnaliste :" la personne est illusion", disent-ils. 

Mais je crois que la personne est immortelle, que l'individu est une manifestation unique et totale à la fois, de l'Unique qui est le Tout. Comme dit le Romain, si une goutte se dissout dans la mer, c'est merveilleux. mais si l'océan est dans une goutte, c'est miraculeux ! A cet égard, grandeur du christianisme et du bouddhisme. Et du (vrai) tantra : "Dépose toi dans l'espace. Puis dépose l'espace en toi". L'espace est le corps de Dieu. Irreprésentable, mais concevable. Mon corps est... : mystère des mystères ! Minuscule, j'embrasse : chose, je suis non-chose pour les choses ; déterminé, je suis doué de libre-arbitre. Dignité de l'humain. Je ne suis rien pour pouvoir devenir tout.  Le Soi : tel est son nom.

Je suis Dieu. Ce "je" n'est pas impersonnel. Il est unique, personnel, on ne peut le confondre avec un autre. Il n'y en a pas deux. Et, sans se réduire à ma personnalité, il l'infuse et, d'une manière que je n'entends pas mais que je pressens, ma personnalité, mon âme, participe à cette immensité, à ce chant - "je". 

Chaque individu est un Nom de Dieu. Le Nom indicible les infuse, sans les annuler. Le moi est Dieu. La conscience, le désir, la mémoire, l'imagination, se trouvent en un seul lieu, aussi loin que je cherche : ici. Explosion ininterrompue du miracle muet, avec ses fruits innombrables. Fleurs dans le ciel, peut-être, mais fleurs infiniment précieuses. 

Comment se fait-il que les lieux où je trouve "je", "moi", "conscience" et "être" coïncident ? C'est que la conscience est moi ! la conscience n'est pas impersonnelle : moi, désir, liberté, mémoire même. Tout cela, ce sont mes pouvoirs, inséparables de moi :

"Point de Dieu sans Déesse,
pas de Déesse sans Dieu.
Nulle différence entre eux,
pas plus qu'entre la lune et sa clarté !"

Conscience impersonnelle : c'est comme dire "je n'existe pas". Ce serait un jeu, si seulement cela ne risquait pas d'abaisser l'âme. 

De plus, cela ne sert à rien. Je n'en ai pas besoin, de l'impersonnel. De quoi ai-je besoin ? De me délivrer de l'égocentrisme. Mais qu'est-il ? Il est que je m'identifie à un être limité. Ai-je besoin d'être sans moi ? Non, c'est impossible et inutile. J'ai besoin de m'élargir. Et ma personne à besoin de grandir, de s'ouvrir dans cette immensité.

Autre dogme non-duel : l'éveil, le vrai, est irréversible. Tout ce qui passe est, "ultimement", illusion. Mais voilà encore une croyance infondée, inutile et même nuisible. Infondée, car nul n'a jamais vécu ni vu un être qui ne serait que pure conscience sans jamais rien d'autre, et sans ego. En général, ce sont là des fables qu'on se raconte entre gens de la même tribu, pour se rassurer. Mais au fond, on sait bien ce qu'il en est. 

Inutile, car "l'éveil" n'est pas ce à quoi j'aspire. Je suis conscience. Bien. Mais je désire autre chose que simplement la paix ou même le bonheur. J'aspire, aussi, au bien, à l'amour, à l'infini. Or, je peux bien être en paix sans amour, comme une momie. Je peux être heureux et égoïste. Donc paix et bonheur ne sont pas le Bien Souverain, mais il les enveloppe à sa manière. 

Nuisible enfin, car cette croyance à un éveil irréversible m'empêche de savourer la vie de l'instant. Non pas l'instant présent en lui-même, cette vieille lune. Mais la vie, avec ses va-et-vient, ses mouvements, ses respirations, à la fois agitée et immobile, comme une mer en tempête.  

Et puis, autre dictât "non-duel" : le scepticisme. La connaissance serait impossible. Et l'amour humain aussi. Mais si la connaissance est impossible, comment connaître que l'on ne peut rien connaître ? Comme le relativisme ("tout est relatif"), son cousin le scepticisme se réfute lui-même. La connaissance est possible, et elle peut croître à l'infini. Je suis à la fois infini, sinon en moi le fini n'aspirerait pas à l'infini ; et fini, car sinon... je n'aspirerais pas à l'infini ! Et le bon sens doit prévaloir à notre échelle. Qu'il est vain et dangereux d'invoquer les slogans non-duels à tout bout de champs, et surtout à chaque fois qu'une idée nous dérange !

Mais, la non-dualité, me direz-vous ? 

La non-dualité consiste, je crois, à vivre dans l'unité, dans le ressenti de l'unité.
La non-dualité consiste à grandir dans ce pressentiment : tout est déjà donné, et tout est à acquérir, indéfiniment. Il y a à la fois un bien et un mal relatifs, en perpétuels évolution et progrès ; mais aussi un Bien absolu qui est leur source et qui sert de repère atemporel pour reconnaître ce qui est juste en nous et hors de nous. Il y a du relatif, mais tout n'est pas relatif. 

Le non-dualisme est, au mieux, inutile. Au pire, un suicide spirituel, une impasse.
La non-dualité, comprise et ressentie comme unité qui embrasse tout, sans renoncer à la discrimination, est bonne.

Mais, demanderont encore certains, que faites-vous de l'inconnaissance divine, de l'expérience de n'être rien, de l'éveil aux illusions, aux déterminismes ? 

Ces expériences sont enveloppées en la vie, comme autant de cadeaux dans un sapin magique. 
Là encore, le non-dualisme est inutile.
Je me perds dans l'immensité divine. Mais aussi, j'y renais !
Je réalise que ce que je crois être est une illusion. Mais aussi, une vérité plus vaste se découvre à moi !
Je pressens le poids des déterminismes qui pèsent sur mes choix. Mais aussi, je comprends que ces lois ne sont pas contre mon libre-arbitre, mais en sont au contraire la condition ! Les lois de la nature sont les règles de la grammaire que je vais employer, comme individu, pour m'exprimer librement. Mais tant d'entre nous croient encore que la liberté est toute-puissance...

Donc voilà : adieu au non-dualisme.
Et bonjour le Neuf !

4 commentaires:

  1. "la non dualité, comprise et ressentie comme unité qui embrasse tout sans renoncer à la discrimination,, est bonne." à écrit David Dubois.

    Par effet miroir, cela me ramène à ce passage des "dialogues avec l'ange" de Gitta Mallasz(entretien 36):

    Gitta:"bien que j'ai pu sourire, Cela n’a pas pu durer, et je me suis enfoncée.

    (l'ange) -Pierre marchait sur l’eau. C’est ma réponse. Lorsqu’il n’a plus eu confiance en lui – Il s’est enfoncé.
    SI TU CROIS EN TOI-MEME – C’EST ENLUI QUE TU CROIS. Ne t’égare donc pas ! Il n’y a pas de deux. Il n’y a pas de deux. Il n’y a que l’UN. La foi n’a pas de direction, ni bas, ni haut. Il n’y a pas de matière méprisable, tout est SON corps. Tu t’imagines que tu crois.
    Si tu t’enfonces, c’est que tu ne crois pas. Le Maître qui marchait sur l’eau ne s’est pas enfoncé . Il portait en lui-même le Père. Il était UN avec LUI. Est-ce ton but ?
    G. Oui.

    -PEUT-IL ETRE UN AVEC LUI – CE QUI N’EST PAS LUI ? Ne t’égare donc pas et ne tu ne t’enfonceras plus ! (Silence.) Je t’enseigne : De n’importe qui, de n’importe où Vient le signal d’un manque – « la critique » ; Ce n’est pas une image de ce dont tu es incapable, Mais une image de ce dont tu es capable. QUE CHAQUE CRITIQUE T’ELEVE, CAR TES POSSIBILITES S’ELARGISSENT AVEC ELLE ! "

    Belle soirée.

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  2. Oh comme il est bon de douter, surtout quand il s'agit de découvrir la vérité au delà des mots. Je crois qu'on ne peut trouver l'Éveil ou la Vérité tant qu'on l'identifie à ce qu'en disent les autres..

    Merci à Caliméro de rappeler les dialogues avec l'Ange, expérience parfaitement incroyable, dans des conditions (la seconde guerre mondiale) absurdes.

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  3. « Au midi de la pensée, le révolté refuse ainsi la divinité pour partager les luttes et le destin communs.
    Nous choisirons Ithaque, la terre fidèle, la pensée audacieuse et frugale, l’action lucide, la générosité de l’homme qui sait.
    Dans la lumière, le monde reste notre premier et notre dernier amour. »
    Albert Camus,
    L’Homme révolté

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