jeudi 31 décembre 2015

Du Commencement

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La Nouvelle Année...
Une simple convention, me dira-t-on. Pour l'année extérieure, sans doute. Jusqu'en 1627, je crois, le Nouvel An était le premier avril (quelle bonne blague !).

Mais le Nouvel An  renvoie à un événement de chaque instant.
L’événement du Commencement, qui est aussi la mise à nu de l'Origine.
Non pas un commencement, mais le Commencement. Celui où tout commence, les petites comme les grandes choses, l'intérieur comme l'extérieur. 
Le Commencement où le monde, où tous les mondes, où tout le monde, à commencé. 
Le Commencement, c'est maintenant.
Dieu se montre en se cachant.
Mais parfois, il ne montre à nu. 
C'est ce qu'il fait au Commencement.
Il est alors le Neuf, l'Enfant, le Petit Maître.

Concrètement, le Commencement est donné dans la respiration.
A la fin de l'expir, mort.
Puis, le début de l'inspir qui suit, naissance.
Nous pouvons jouer à allonger légèrement ce moment du Commencement, pour ressentir ce gonflement d'énergie, ce chatouillis, ce gazouillis, cet appel, ce vertige proto-tout, cette montée de sève dans le dos, ce fourmillement.

Suspension juste avant explosion.
Boutique vacante avant nouvelle collection.
Comme quand vous voulez dire un nom, et qu'il reste coincé, quelque part sur le bout de votre langue qui se tortille.

Ou alors :
le Commencement est le Cœur.
Où ? Quand ?
A la fin de l'inspir, quand le souffle va mourir dans la poitrine.
Inspirez un peu plus... et voilà : un feu s'allume. Le souffle vient frapper le Cœur, un je-ne-sais-quoi se réveille. 
Initiation de Shiva selon le tantra :
Le disciple est droit, yeux ouverts. Le maître est droit, yeux ouverts. Il énonce alors un long "hhhhhhhhhhhhh....". Ou en inspir. Le souffle touche le Cœur.
Ou encore, jouons à rester en rétention à plein, sans verrouiller la gorge, juste la cage thoracique en expansion, plexus solaire (estomac) complètement lâché. 

Ou alors, explorons la sensation juste avant l'orgasme. 
C'est aussi le Commencement.
Comme vous l'aurez remarqué, il y a deux Commencement, deux points, deux Singularités : 
juste après l'expir, et juste après l'inspir.
Pour l'orgasme (et les autres pratiques) : s'il nous semble que l'instant nous a échappé, pas de panique. Pas obligé d'attendre la prochaine fois. Cet instant est toujours présent. Il est le présent, la Présence dans laquelle tout se présente et s'absente. Il est seulement plus évident à soi au Commencement. Car le Commencement est l'éveil à soi, le moment de  conscience consciente d'elle-même comme conscience, c'est-à-dire l'émerveillement de soi, l'étonnement d'être. A.........

Fin de l'expir : silence. Dieu. Espace. Paix. Vide.
Fin de l'inspir : extase. Déesse. Cœur. Amour.

Toujours nouveau et pourtant caché : abhinava-gupta
Elle se retire en se donnant.
Il se révèle en se cachant.
Quoi de plus mystérieux que l'évident ?

Le Nouveau, l'impensable.

Bonne année à toutes les yoginis,
a tous les yogis !
(nous sommes tous des yoginis/yogis)

A

mardi 29 décembre 2015

Plonger dans le coeur

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Quand on vit un moment de silence, ou même sans cela, il arrive parfois que l'on se sente touché par une vague de douceur venue de l'intérieur de soi, des entrailles.
On peut ressentir cela précisément quand on s’assoit en silence et que l'on s'apprête à se laisser tomber en arrière, mais sans le faire physiquement. On explore ce seuil, où l'énergie s'accumule, à en devenir presque comme une démangeaison. 
Puis on lâche, comme un cerf-volant une fois gonflé de vent. On se laisse prendre par ce courant, ces courant, ces vagues, ces vibrations, on ne sait comment dire.
On se ressaisit soi-même, et pourtant on est emporté au-delà de soi-même. Loin du moi superficiel, fait d'artifices et autres masques.
C'est un voyage. En un instant, on y vit des myriades d'expériences, on y sent des centaines de saveurs, des souvenirs, des avenirs, des respirations, des cycles, des hauts et des bas...
Parfois la paix règne, au-delà de tout ce qui est concevable.
D'autres fois on est ainsi emporté, comme ballotté dans un torrent puissant, comme un bébé condor ravi par des vents ascendants.
Mais quand cette vibration de félicité s'éveille, il est difficile de dire ce qui se passe, en dehors de la félicité. C'est comme si l'on vivait en accéléré. Milles vies, mais aussi on y savoure, on y tête mille facettes de la Source. Comme si l'on voyageait plus vite que la lumière. Plus vite que le temps. Des vérités sont dévoilées, mais elles se révèlent en nous comme elles se révèlent à Dieu en Dieu : sans moyen, directement, comme une sorte de saisissement de soi. Et tout cela est oublié ensuite, ou presque. C'est trop. Ce qu'il reste, c'est un parfum et, surtout, un désir ardent de replonger, encore et encore, jusqu'à faire corps avec cette immensité d'amour et de douceur. On sent, on sait sans savoir, que là est le salut, la consolation, la justification, le sens, la valeur, le but et la fin de toute chose.
Souvent aussi, il y a de la douleur, différentes sortes de souffrances. On apprend à lâcher. A se laisser faire. On se sent parfois comme un grain de blé sous la meule. mais dans un silence infini goûté au centre de l'âme, comme dans l’œil d'un cyclone. 
La vie intérieure est une vie, non un événement qui a lieu une fois pour toutes à telle heure, telle date. C'est une évolution, une respiration. Une quête, un voyage incroyable. C'est une école de vie merveilleuse, où tout nous est donné de l'intérieur, en don gratuit, au prix seulement de nous-même, ou de ce que nous croyons êtres nous-mêmes. 
Là, dans ce silence vivant, tout nous est donné, révélé, dévoilé. 
Et nous devenons cela, comme un aigle apprend à se laisser porter.
Parfois, on plane sans bruit. On se sent alors espace, un, simple, nu et net comme un ciel sans nuages. Parfois, on a l'impression de mille choses sont injectées en nous, des lieux, des temps, des vies, des vérités, des parfums, des murmures.
Morts et renaissances ascendantes.
Communion.
Liberté.

"...les enfants de l'éternité se sentent dégagés de tous liens bons et mauvais, leur pays est celui du parfait repos et de l'entière liberté."


lundi 28 décembre 2015

Suspendu

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Nous sommes dans un intervalle, un entre-deux : 
avant n'est plus, après n'est pas encore.
L'année a expiré. L'inspir, l'influx du printemps n'est pas encore.
Nous touchons le fond. 
La lune a décrût, presque disparue. 
Il ne lui reste qu'un doigt de nectar. 
Mais ces quelques gouttes sont immortelles.

Nous expirons pour renaître. 
A condition de ressentir cet intervalle. 
Autrement, on renaît quand même, bien sûr, mais... Je ne sais pas, en fait, car il n'y a rien à gagner à s'offrir à la présence qui suit l'expir, ou une pensée, ou un "om", ou le son d'un avion résonnant dans le ciel. 
Rien et tout.

Un expir. Qu'y a-t-il après ?
On se sens comme un aigle qui s'élance. 
Qui plane, bien au-delà d'un seul battement d'aile. 
De même, l'intervalle, ou ce qui se dévoile en lui, continue bien au-delà de l'inspir qui suit. 
Mais à chaque expire, quelque chose lâche, comme si l'on était un château de sable léché par les vagues, s'effondrant par morceaux, soudainement. 
Le sable rejoint l'eau. 
Le souffle s'unit à l'air. 
La conscience se fond en l'espace.
Cela peut en rester là.
Planer dans l'infini.

Mais parfois, au cœur de ce silence, une étoile naît, comme suite à une implosion de matière. 
On se sent comme crocheté par le cœur, vers l'intérieur. C'est une émotion introvertissante (?). 
Un ravissement. 
Là, on se sent comme un bébé aigle emporté vers le haut, puis lâché dans les cieux, puis planant dans des courants aussi subtils qu'imprévisibles. 
Une autre vie commence.

samedi 26 décembre 2015

Adieu au non-dualisme

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Comme ça vient, ça vient comme ça :

Mon moi est Dieu. Mystère incompréhensible. Mais sensible au cœur, sensible à soi, en soi, par soi, comme un ciel enroulé en lui-même. 

Je ne me suis jamais senti tout à fait à l'aise avec le vocabulaire "non-duel" contemporain : le mental, l'ego, l'éveil... 

Le non-dualisme qui s'impose aujourd'hui est impersonnaliste :" la personne est illusion", disent-ils. 

Mais je crois que la personne est immortelle, que l'individu est une manifestation unique et totale à la fois, de l'Unique qui est le Tout. Comme dit le Romain, si une goutte se dissout dans la mer, c'est merveilleux. mais si l'océan est dans une goutte, c'est miraculeux ! A cet égard, grandeur du christianisme et du bouddhisme. Et du (vrai) tantra : "Dépose toi dans l'espace. Puis dépose l'espace en toi". L'espace est le corps de Dieu. Irreprésentable, mais concevable. Mon corps est... : mystère des mystères ! Minuscule, j'embrasse : chose, je suis non-chose pour les choses ; déterminé, je suis doué de libre-arbitre. Dignité de l'humain. Je ne suis rien pour pouvoir devenir tout.  Le Soi : tel est son nom.

Je suis Dieu. Ce "je" n'est pas impersonnel. Il est unique, personnel, on ne peut le confondre avec un autre. Il n'y en a pas deux. Et, sans se réduire à ma personnalité, il l'infuse et, d'une manière que je n'entends pas mais que je pressens, ma personnalité, mon âme, participe à cette immensité, à ce chant - "je". 

Chaque individu est un Nom de Dieu. Le Nom indicible les infuse, sans les annuler. Le moi est Dieu. La conscience, le désir, la mémoire, l'imagination, se trouvent en un seul lieu, aussi loin que je cherche : ici. Explosion ininterrompue du miracle muet, avec ses fruits innombrables. Fleurs dans le ciel, peut-être, mais fleurs infiniment précieuses. 

Comment se fait-il que les lieux où je trouve "je", "moi", "conscience" et "être" coïncident ? C'est que la conscience est moi ! la conscience n'est pas impersonnelle : moi, désir, liberté, mémoire même. Tout cela, ce sont mes pouvoirs, inséparables de moi :

"Point de Dieu sans Déesse,
pas de Déesse sans Dieu.
Nulle différence entre eux,
pas plus qu'entre la lune et sa clarté !"

Conscience impersonnelle : c'est comme dire "je n'existe pas". Ce serait un jeu, si seulement cela ne risquait pas d'abaisser l'âme. 

De plus, cela ne sert à rien. Je n'en ai pas besoin, de l'impersonnel. De quoi ai-je besoin ? De me délivrer de l'égocentrisme. Mais qu'est-il ? Il est que je m'identifie à un être limité. Ai-je besoin d'être sans moi ? Non, c'est impossible et inutile. J'ai besoin de m'élargir. Et ma personne à besoin de grandir, de s'ouvrir dans cette immensité.

Autre dogme non-duel : l'éveil, le vrai, est irréversible. Tout ce qui passe est, "ultimement", illusion. Mais voilà encore une croyance infondée, inutile et même nuisible. Infondée, car nul n'a jamais vécu ni vu un être qui ne serait que pure conscience sans jamais rien d'autre, et sans ego. En général, ce sont là des fables qu'on se raconte entre gens de la même tribu, pour se rassurer. Mais au fond, on sait bien ce qu'il en est. 

Inutile, car "l'éveil" n'est pas ce à quoi j'aspire. Je suis conscience. Bien. Mais je désire autre chose que simplement la paix ou même le bonheur. J'aspire, aussi, au bien, à l'amour, à l'infini. Or, je peux bien être en paix sans amour, comme une momie. Je peux être heureux et égoïste. Donc paix et bonheur ne sont pas le Bien Souverain, mais il les enveloppe à sa manière. 

Nuisible enfin, car cette croyance à un éveil irréversible m'empêche de savourer la vie de l'instant. Non pas l'instant présent en lui-même, cette vieille lune. Mais la vie, avec ses va-et-vient, ses mouvements, ses respirations, à la fois agitée et immobile, comme une mer en tempête.  

Et puis, autre dictât "non-duel" : le scepticisme. La connaissance serait impossible. Et l'amour humain aussi. Mais si la connaissance est impossible, comment connaître que l'on ne peut rien connaître ? Comme le relativisme ("tout est relatif"), son cousin le scepticisme se réfute lui-même. La connaissance est possible, et elle peut croître à l'infini. Je suis à la fois infini, sinon en moi le fini n'aspirerait pas à l'infini ; et fini, car sinon... je n'aspirerais pas à l'infini ! Et le bon sens doit prévaloir à notre échelle. Qu'il est vain et dangereux d'invoquer les slogans non-duels à tout bout de champs, et surtout à chaque fois qu'une idée nous dérange !

Mais, la non-dualité, me direz-vous ? 

La non-dualité consiste, je crois, à vivre dans l'unité, dans le ressenti de l'unité.
La non-dualité consiste à grandir dans ce pressentiment : tout est déjà donné, et tout est à acquérir, indéfiniment. Il y a à la fois un bien et un mal relatifs, en perpétuels évolution et progrès ; mais aussi un Bien absolu qui est leur source et qui sert de repère atemporel pour reconnaître ce qui est juste en nous et hors de nous. Il y a du relatif, mais tout n'est pas relatif. 

Le non-dualisme est, au mieux, inutile. Au pire, un suicide spirituel, une impasse.
La non-dualité, comprise et ressentie comme unité qui embrasse tout, sans renoncer à la discrimination, est bonne.

Mais, demanderont encore certains, que faites-vous de l'inconnaissance divine, de l'expérience de n'être rien, de l'éveil aux illusions, aux déterminismes ? 

Ces expériences sont enveloppées en la vie, comme autant de cadeaux dans un sapin magique. 
Là encore, le non-dualisme est inutile.
Je me perds dans l'immensité divine. Mais aussi, j'y renais !
Je réalise que ce que je crois être est une illusion. Mais aussi, une vérité plus vaste se découvre à moi !
Je pressens le poids des déterminismes qui pèsent sur mes choix. Mais aussi, je comprends que ces lois ne sont pas contre mon libre-arbitre, mais en sont au contraire la condition ! Les lois de la nature sont les règles de la grammaire que je vais employer, comme individu, pour m'exprimer librement. Mais tant d'entre nous croient encore que la liberté est toute-puissance...

Donc voilà : adieu au non-dualisme.
Et bonjour le Neuf !

mardi 22 décembre 2015

Le mantra

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Le mantra n'est pas une vulgaire vibration sonore qui viendrait vous masser les chakras, n'en déplaise. 
Le mantra est un acte de conscience de soi, une reconnaissance de Dieu en soi. 
Le mantra n'est pas une suite de syllabes ou de sons, mais une plongée en soi. 
Le mantra ne peut être énoncé avec la bouche, il s'énonce de lui-même à l'orée de chacun de nos gestes, de nos paroles, de nos respirations. 
Nul ne peut le faire taire, mais chacun peut le reconnaître, se mettre à son écoute.
Il est "je suis", "je suis celui qui est", "je suis l'être", mais sans ces mots.
Il est le Nom que nul ne peut dire sans mourir et renaître.
Quel est son fruit ? Tout.

Comme dit l'aveugle de Marseille :

"Quand l'âme contemplative, élevée par un mouvement de la grâce, se représente Dieu en lui-même, sans aucune notion expresse ou distincte, elle dit ce souverain nom ["je suis"] sans le dire, d'autant qu'elle entend regarder Dieu parfait, infini et séparé de toute image créée, ce qui ne peut se faire que par cette notion universelle de l'Être des êtres."

Mais n'est-ce pas un peu sec, froid ? Non car :

"En peu de temps ce n'est plus une notion [=une connaissance] mais un goût [=un ressenti], ni une pensée mais une expérience, ni un terme significatif mais un sentiment assouvissant, une lumière vivifiante et une connaissance toute effective et affective - et non pas sèche et scholastique, comme beaucoup de gens se la figurent."

Françoais Malaval, La belle ténèbre, 1670, p. 178

lundi 21 décembre 2015

Comment exprimer ?

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"Dites-moi, mon Époux,
ai-je mal parlé et mal pensé
quand je vous ai montré et fait comprendre
que je ne dois pas échapper à cette situation
de ne rien pouvoir exprimer de votre amour ?

En effet, la jouissance et la possession
que nous y prenons l'un et l'autre sont au-delà de toute explication,
car cela se passe en une vision et un repos
infiniment indicibles.
Elles ne peuvent être exprimées
par quelques idées représentatives,
élaborées ou infuses,
qui ne pourraient être qu'à une infinie distance
de ce qu'est notre union.

A quoi sert-il d'exprimer les choses-qui-sont
par les choses-qui-ne-sont-pas,
ou, pareillement, d'exprimer celles qui-ne-sont-pas
par celles-qui-sont ?

Car, dites-moi, ma Vie et mon Amour,
où est la vérité de tout ce qui se rapporte
à l'Objet qui me ravit de lui et en lui,
dans la plénitude de ce qu'il est,
plénitude dont je me sens déborder
plus abondamment qu'on ne peut le penser ?

Où est-elle cette vérité,
sinon en vous, qui êtes au-delà de l'être,
en l'éminence de l'être et en l'éminence du non-être,
en l'être et au-delà de l'être,
connu pa la voie de la suréminente négation."

Jean de Saint-Samson, Epithalame, 15

dimanche 20 décembre 2015

L'éveil personnel

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C'est impersonnel, ça !?

Selon certains, le tantra "vise à déraciner tout ce qui existe d'humain dans le cœur de l'homme". Je leur souhaite bonne chance.
Et dans la même veine, nombreux sont ceux qui parlent de l"impersonnel" comme s'il s'agissait du nec plus ultra.
Je le dit avec d'autant plus de douceur que j'ai moi-même compté parmi les membres de ce troupeau. Mais, grâce ou malédiction - allez savoir - je l'ai quitté, j'ai fais le mur, la joie aux pattes. Je ne sais plus quand. Depuis toujours, en fait, je crois.

Car célébrer à tord et à travers la conscience "impersonnelle", "l'absence de la personne", "l'illusion du passé", etc., cela peut étonner, provoquer des remises en questions, faire réfléchir un peu, déboucher sur le silence intérieur. Bien. Mais cela, au prix du plus précieux : l'individu unique. La personne. 
Que la personnalité soit en partie une construction, cela est évident. Mais la personne, c'est autre chose. Ou plutôt, ça n'est pas une chose. Ou une chose sans prix, comme on voudra. Une chose digne. Une chose qui n'est pas seulement une chose. Une chose qui ouvre sur la conscience, sur un intérieur, sur des univers sans nombre. Une chose, peut-être, mais la plus extraordinaire des multivers.

Moi aussi, je peux dire "je n'existe pas". 
Mais c'est simplement une formule un brin provocatrice pour dire que "je n'existe pas séparé de Dieu" (aïe, j'aggrave mon cas, là). Les vagues ne sont pas séparées de l'océan. Mais dire, pour cette raison, qu'il n'y a pas de vague dans l'océan, c'est juste se chatouiller de formules outrées. C'est attirer l'attention au prix de la vérité. Non, les vagues existent. Chaque vague est unique. Rare. Éphémère. Et donc précieuse. 
Sans vagues, l'océan est vague. Un zombie. 
Sans moi, le Grand Moi est sans moi. Il a perdu sa moi-tié.

Et puis, cela est bien vain.
Unité, oui. Mais nier la personne ? Pourquoi donc ?
La remettre à sa place, oui. L'immensifier. L'ouvrir. La laisser se dilater, devenir transparente comme un vitrail. Mais chaque vitrail est unique.
L'impersonnel...
Ai-je besoin de tenir à cette absurdité pour vivre pleinement ? Non. 
De quoi ai-je besoin ?
D'amour. De silence. De ce miel brûlant qui coule je ne sais comment, mais de moi à moi.
Où est-ce que je trouve l'amour ? 
Ici, au centre, coïncidant exactement avec moi.
Vibrant. Palpitant. Unique. Vivant. Tout ce qu'il y a de plus personnel. Irremplaçable.
Je ne prétend pas l'expliquer. C'est juste comme ça. 
Je ne sais pas pour vous. Mais moi, c'est ainsi :
au centre, moi. Et ce moi est à la fois personnel et universel. Jamais impersonnel.
Je n'ai rien contre l'idée. 
mais l'idée ne correspond pas du tout à la réalité, à la vie.
Unique, en lui se rassemblent toutes les personnes passées, présentes et futures. Comme un immense chant d'amour.
 Une communion de tout et de tous. 
Humaine. Fragile. Sauvage aussi. 
Toute puissante, mais tâtonnante. 
Le moi personnel, celui que je sens, 
est le moi de tout et de tous.
Plus je l'aime, plus je t'aime.
Plus je nous aime, plus j'aime. Sans fin.
C'est la merveille des merveilles, le miracle des miracles,
la "boucle étrange".
Que dire ?
Plongeons !

L'amour est toujours personnel. Et c'est seulement ainsi qu'il peut s'épanouir, devenir généreux, uni vers Elle.


samedi 19 décembre 2015

Le yoga du silence

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Le silence est simple. 
Il nous prend et, en lui, quelque chose s'éveille, un trésor se révèle. Les poubelles se mettent à scintiller, les trottoirs parlent, les feuilles chantent, les sombres nuages sourient.

"Vide au dedans,
vide au dehors,
vide comme un vase vide
dans l'espace.
Plein au dedans,
plein au dehors,
plein comme un vase plein
plongé dans l'océan.
Abandonne tout soucis et toute méditation,
Ne pense à rien.
...
De même que l'allumette disparaît dans le feu
et que le sel se dissout dans la mer,
l'esprit déposé
se dissout dans l'être.
Ceux qui le connaissent 
disent qu'il est sans commencement ni fin,
sans point de référence,
sans discours, sans fond, sans défauts
et sans forme.
Ceux qui connaissent l'immense
disent qu'il est immuable, immaculé,
intemporel, immobile,
sans états,
félicité de la conscience de l'espace."

La Lampe de l'union du soleil et de la lune

Ce repos indicible, cette lucidité flottante où tout baigne dans l'unité d'un même ressenti n'empêche pas l'action. Ni même de se battre, s'il le faut. C'est le message de Krishna dans son Chant. A Arjuna, déprimé au début d'une terrible bataille, anéanti par l'absurdité de la guerre, Krishna répond qu'il faut se battre quand c'est juste, pour protéger la justice. Car quand nous protégeons la justice, elle nous protège en retour. Version Metal :

jeudi 17 décembre 2015

Sur les deux sortes de méditation, suite

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Il y a deux approches de la vie intérieure : 
- celle de l'abstraction, qui veut faire le vide par un effort volontaire ou par le biais d'une certitude métaphysique (du genre "Dieu est tout", "Tout est un"), sans autre appui que le mental ou le corps ; 
- et celle de l'amour, qui se laisse guider par Dieu, par la Déesse ou quelque soit le nom qu'on lui donne.

Madame Guyon l'explique ainsi :

"Par cette voie [de l'amour], l'âme trouve en peu [de temps] son centre, ce qui n'arrive pas par la simple abstraction de l'esprit ; car quoique l'âme y ait une certaine paix qui vient de l'abstraction des objets multipliés, cette paix n'est ni savoureuse ni si profonde que par la voie de la volonté."

"Volonté" ne désigne pas ici la faculté de faire des efforts. Bien au contraire, dans la langue classique, la volonté est la faculté d'aimer, par opposition à l'entendement, qui est la faculté de connaître. Les deux méditations sont donc la méditation de la connaissance (la voie non-duelle telle qu'envisagée la plupart du temps) et la méditation de l'amour, la voie mystique.

"De plus, l'homme faisant lui-même par effort cette abstraction, il en est le principe et par conséquent l'agent, en sorte que Dieu n'est ni principe de son oraison, ni son moteur. Il n'en est pas ainsi de celle qui se fait par le recueillement intérieur où la volonté commande et attire les autres puissances. L'amour sacré s'empare de la volonté de l'homme, devient son principe, son moteur, son agent. L'âme devient passive par ce moyen et la volonté perdant peu à peu toute force active, sent qu'une autre volonté, qui est celle de Dieu, prend insensiblement la place de la sienne, de sorte qu'enfin elle n'en trouve. Ses désirs aussi s'amortissent insensiblement jusqu'à ce qu'ils s'écoulent en la volonté de Dieu. 
Ne nous trompons point, on ne se perd en Dieu que par la volonté ; et c'est cet écoulement de la volonté en Dieu, l'esprit étant simplifié par la foi et ne retenant nul objet ni pensée volontaire, qui fait cette extase permanente qui est le passage de la volonté en Dieu. C'est l'abstraction de la volonté qui est essentielle car n'étant plus retenue par rien, elle retourne en son principe, entraînant avec elle l'esprit, dont elle est supérieure. Tout autre voie, quelque sublime qu'elle paraisse, arrête l'âme, et ne la perd jamais dans son principe originel... Si par impossible, l'esprit était désapproprié sans que la volonté le fut, la volonté lui communiquerait plutôt sa propriété qu'il ne lui communiquerait sa désappropriation."

Madame Guyon, Discours spirituels..., tome I, 43

Cette dernière phrase est d'une grande portée : la "propriété", c'est ce que l'on appellerait aujourd'hui l'ego. Si donc le mental est sans ego, l'ego demeure tant qu'il n'est pas dissout au niveau affectif, au niveau de la volonté. Et cela, seul l'amour divin peut le faire. Se désidentifier du mental ne suffit pas. Voir ne suffit pas. Il faut aimer. Tout éveil cognitif, au non-jugement, à l'absence de pensée, etc. sera récupéré par l'ego tant que l'ego demeure au plan affectif ou, disons, subconscient. Cette voie de l'amour est la voie de Shiva dans le shivaïsme du Cachemire, ou voie de la volonté, de l'élan d'amour pur. On se laisse prendre par lui et lui fait tout ce qui doit l'être, comme il faut. 

Pour autant, je ne serai pas aussi radical que Madame Guyon. L'amour et la connaissance, la volonté et l'entendement, ne sont que deux faces du même absolu. L'éveil purement cognitif peut mener spontanément à l'amour. Dans les milieux "non-duels", un exemple authentique de la voie de l'amour, où l'on se laisse prendre plutôt que l'inverse, est Yolande. Mais il y en a sûrement d'autres. 
Quoi qu'il en soit, la vie intérieure doit passer par l'amour. Sans cela, tout silence demeure stérile ou bien se trouve récupéré par l'ego, comme on en voit tant d'exemples dans les milieux spirituels, et d'abord en soi-même.   

lundi 14 décembre 2015

Les deux sortes de méditation

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Tout le monde, ou presque, s'accorde à reconnaître que la méditation est un regard simple sur ce qui est : sans images ni pensées articulées.
Mais ce que peu reconnaissent, c'est qu'il existe deux sortes de méditation ainsi entendue : - d'une part, la méditation qui prend l'absence de pensée, ou le silence intérieur, comme moyen ; - et, d'autre part, la méditation qui prend l'amour comme moyen. 
Dans le passage suivant, Madame Guyon, une mystique du XVIIè, précise cette distinction vitale :

"Il y a deux sortes de simples regards [=de méditation], l'un bon et l'autre dangereux.

Le dangereux est de s'abstraire de toutes sortes d'objets sans en avoir aucun [=de faire le vide], et cela activement [=grâce à une technique], en sorte que, quoique l'âme ne soit pas intérieure ou très peu, étant encore dans l'activité [=vivant encore sous la croyance qu'elle peut vivre et agir séparément de Dieu], elle s'abstrait à la manière des philosophes de tous les objets, fantômes, imaginations qui empêchent une certaine recherche naturelle [=dans les limites du mental] de la vérité."

En effet, l'imagination et les sensations font obstacle à la vision de la vérité. Par exemple, pour faire des mathématiques, il faut être capable de se concentrer et de mettre de côté les images. De même, pour faire de la science, il faut savoir mettre de côté ses croyances naïves (nos "intuitions") pour commencer à penser. Et aussi en métaphysique. Or, c'est exactement ce que font, par exemple, les adeptes de la non-dualité de nos jours : ils font abstraction de leurs croyances, de leurs sensations, etc., pour déboucher sur un état de vide, un état sans jugement, pris pour l'état "ultime". Mais en réalité, ce n'est qu'un état mental, mondain, "naturel", une sorte d'état créé artificiellement en repoussant tous les états. Et surtout, même si l'on y goûte une certaine paix, elle reste basée sur l'idée que l'on peut agir séparément de Dieu, même si l'on affirme alors que "je n'existe pas" ou que "la personne est une illusion". Tout cela reste dans le champ de la nature, de cette manière d'être où l'homme s'est détourné de Dieu. Voilà pourquoi ce genre de démarche est stérile. Et même la paix y est récupérée par l'ego, comme le dira Madame Guyon dans la suite de ce passage.
Mais poursuivons sa lecture :

"Ceux qui se sont abstrait de la sorte on eu à la vérité quelque connaissance d'un Être Souverain [ou quelque soit le nom qu'on lui donne : vacuité, Soi, conscience...] supérieur à tout autre, et cela par une tension surprenante [=un effort de concentration ] de leur esprit et une abstraction de tout le reste. Ce n'est point là un état d'oraison [=de méditation].

Il existe une autre sorte de méditation, où l'on reste sans pensées, dans un état de pure présence de pure conscience :

"Il y a un autre simple regard, qui envisage Dieu tel qu'il est, s'abstrayant avec effort de tout le reste pour tendre plus purement à ce pur et sublime objet. Cet état est bon, mais ce n'est ni le meilleur, ni le plus court pour arriver à Dieu."

C'est l'état atteint par les adeptes de la non-dualité dans ses divers variantes. Cela est beau et bon. Mais ce n'est pas le meilleur.

Mais alors, qu'est-ce que la meilleure méditation, le meilleur état ?

"Le meilleur de tous les états est de recueillir au-dedans l'esprit par le moyen de la volonté amoureuse de son Dieu, qui rassemble autour d'elle les puissances [=les énergies du corps et de l'esprit] et semble se les réunir.

C'est une contemplation amoureuse qui n'envisage rien de distinct en Dieu, mais qui l'aime d'autant plus que l'esprit s'abîme dans une foi implicite [=un amour non exprimé en mots ou pensées articulées], non par l'effort, ni par contention d'esprit [=concentration], mais par amour. On ne fait nul effort d'esprit pour s'abstraire, mais l'âme s'enfonçant de plus en plus dans l'amour, accoutume l'esprit à laisser tomber toutes les pensées, non par l'effort ou raisonnement, mais cessant de les retenir, elles tombent d'elles-mêmes."

La clé est l'amour.
Sans amour, rien d'authentique ne se passe, même si l'on atteint un état sans pensées, même si l'on acquière une certitude simple d'être l'ultime, le vide ou la conscience, même si l'on croit réaliser l'absolu. Tout cela reste stérile, et tourne mal dès que les circonstances s'y prêtent. Ou bien même,  cette "non-dualité" elle-même devient vide, absurde. On a l'impression d'être épuisé, que rien n'a de goût. Mais le symptôme le plus décisif reste que l'ego y demeure tel quel. Dans cette voie, tout revient finalement à l'ego : la paix, la clarté, le confort du corps, les capacités mentales, et même l'amour, tout est récupéré tôt ou tard. D'où des désillusions et des dérives comme on en voit tant. On peut bien dire que l'on existe plus, se complaire dans un vide factice, raconter qu'on est dans l'indicible, l'amour inconditionnel, la liberté, ou même se livrer à des exercices de privation, d'auto-humiliation, rien n'y fait. Comme dans une sorte de cauchemar, tout revient à l'ego. Tout progrès semble illusoire.

Mais si l'on s'ouvre à l'amour :

"Alors l'âme prend la véritable voie qui est le recueillement intime, où elle trouve la présence de Dieu et un concours merveilleux de sa bonté qui lui fait tomber insensiblement toute multiplicité, tout acte, toute parole, et met l'âme dans un silence goûté."

(Madame Guyon, Discours..., tome I, 46)

La différence entre les deux méditation se ramène à ceci : dans la voie de l'ego, on pratique pour atteindre Dieu - même si l'on prétend être dans le non-agir etc. Dans la voie de l'amour, on se laisse faire. Comme c'est Dieu qui fait, c'est bien fait. Voilà tout.

La différence est d'expérience : dans la première méditation, on a un certain repos. Mais bien insipide, en comparaison de ce que l'amour fait goûter. En fait, c'est seulement l'expérience de l'amour qui nous fait prendre conscience de la vanité des autres voies. Cette approche est la vie. On réalise aussi sa simplicité, accessible à tous. Bref. Il y aurait tant à développer. Mais que chacun goûte, maintenant, par soi-même. Juste se laisser prendre. Infini. 
Dans le prochain billet, nous verrons pourquoi cette voie est "savoureuse".


samedi 12 décembre 2015

Quand le regard se retourne



Quand le regard n'est plus tourné vers le dehors,
mais vers le dedans,
on contemple le mystère :
la conscience, l'âme.
C'est cela, voir l'Immense !

Et si l'on demande :
"Qu'y a-t-il donc de spécial 
dans cette vision ?"
La réponse est que l'on atteint alors
et d'un seul coup la satisfaction de tous les désirs !

Tous les êtres 
désirent les plaisirs des sens.
Or la Révélation dit
que ces plaisirs ne sont que 
des reliques du plaisir de l'Immense.

Vidyâranya, L'Illumination de la science du clan de la perdrix, 22-24

vendredi 11 décembre 2015

Du cosmos au coeur

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La contemplation ou oraison du cœur à partir de la contemplation du cosmos, présenté en quelques lignes par un aveugle parisien du Grand Siècle :

"Dieu éternel et infini
ayant résolu de toute éternité
de sortir de soi,
sans sortir de soi,
a produit par cet écoulement
et par cette seconde sortie,
une infinité d'effets,
en la bonté et en l'amour de soi-même
et de son incompréhensible excellence,
créant selon ses divines et éternelles idées,
tout ce grand monde,
tant visible et inférieur,
que supérieur et invisible.
C'est cet univers qui manifeste évidemment l'incompréhensible bonté,
amour et perfection de son auteur,
de son origine et de son principe,
spécialement les anges et les hommes,
qui accomplissent et perfectionnent cet ouvrage,
ou pour mieux dire,
qui en font l'accomplissement et la perfection.
Car si tout ce qui est du monde inférieur est si admirable
qu'il montre évidemment par ses propriétés visibles et par ses effets
l'excellence de son auteur,
combien le même créateur de ce grand tout
s'est-il montré plus admirable dans ces invisibles substances
et dans leur existence, conservation et perfection,
dans l'état de grâce et de nature ?
Ce sentiment une fois présupposé,
il est facile d'admirer par amour profond,
voire excessivement profond,
l'amour et la bonté de l'amour et la bonté même,
en sa propre source,
qui est Dieu éternel et infini."

Jean de Saint Samson, Les contemplations et les divins soliloques, 1654, p. 455

Qu'est-ce que l'oraison ?

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Sur l'oraison de silence :


"C'est donc une oraison, mais une oraison de silence.
La langue ne sait que dire de lui, il est ineffable.
L'esprit ne sait que penser, il est incompréhensible. La volonté ne sait que vouloir ni que désirer, il est infiniment aimable.
La mémoire n'ose se ressouvenir de rien, en se ressouvenant de celui qui est tout.
Pourquoi aussi feindre en l'imagination des images de piété ?
L'âme goûte et possède sensiblement la vérité.
Ce silence qui se fait avec grâce et avec attrait est suivi d'un grand repos.
Car contempler ce n'est pas simplement cesser d'agir, c'est se reposer en Dieu et concentrer dans ce repos toutes ses actions."



François Malaval, La belle ténèbre, 1670

mercredi 9 décembre 2015

Que puis-je dire ?


Que puis-je faire
et que puis-je dire,
puisque vous êtes tout entier
dans ma propre chair ?
N'est-ce pas tout dire ?
Oui, puisque c'est être tout.

...

Que reste t-il à dire et à penser de cela,
puisque nous sommes tous deux en notre centre et repos ?
On a beau parler sur ce sujet,
je sais la différence avec la réalité elle-même.

...

Et vous étonnerez-vous
si, dans l'élan de mon amour ardent,
je vous embrasse tout nu,
tout divin en votre divinité
et tout divin en votre humanité,
vous qui n'êtes et qui n'avez pour votre gloire et votre félicité
qu'un seul et unique moi personnel divin et humain,
en votre divinité et en votre humanité.

Jean de Saint-Samson, Epithalame (Dialogues entre l'épouse et l'époux), vers 1620