samedi 12 mars 2016

La Nuit divine

Lundi dernier était célébrée la nuit de Shiva.



Durant cette fête, les Cachemiriens adoraient un linga de terre cuite à cinq faces. Ses cinq faces symbolisent cinq aspects du féminin créateur, de la Shakti. Selon un maître cachemirien du XIXème siècle,

"On réalise la quintuple essence du Corps de conscience dans ce linga fait de terre :
Ses cinq faces sont les cinq éléments du corps :
D'abord l'espace, la résonance, 
la Souveraine de l'immensité céleste.
Puis, toujours auspicieuse, l'Energie du désir jaillissant, 
qui a le corps pour sanctuaire.
Puis la Déesse qui danse dans l'espace du centre, 
qui est vent, caresse et claire manifestation (de l'instant).
Puis la Souveraine qui dévore le Temps :
Elle est pareille à un champs de crémation.
Elle est la gardienne du Sanctuaire,
car elle protège le Sanctuaire de la félicité de la Lumière consciente
sous la forme d'un couple en rituel d'union.
Déesse qui oriente dans cet espace,
elle est ensuite les formes visibles,
la lumière, l'immensité flamboyante,
dégustation de chaque instant.
Puis, elle même embrassée par
la Déesse qui avale la Mort,
elle est l'eau, 
l'eau qui est fusion des fluides dans l'amour...
L'eau est aussi saveur.
L'union est la délectation dans laquelle 
chaque moment disparaît, tour à tour.
Le rituel est cette délectation
qui avale chaque instant.
Enfin, elle est les cinq éléments, le repos dans le royaume du Soi,
elle est ce corps
aux cinq aspects,
corps de conscience,
Lumière consciente ininterrompue."

Shivopâdhyâya, Le Secret de la nuit de Shiva, 89-96

La Nuit de Dieu est donc, dans cette tradition hyper-ésotérique, coeur du tantra non-duel, la vie intérieure même, la vie de la conscience, vie de toute vie. Elle engendre chaque instant et dévore chaque instant. mais elle dévore aussi la disparation des choses. Elle tue la Mort. Concrètement, ceci signifie qu'en vivant chaque instant comme s'il était le premier et le dernier, on accède paradoxalement à l'instant atemporel, éternel. C'est en acceptant pleinement le temps que l'on accède à l'éternel. En accueillant chaque instant dans une parfaite transparence, un silence absolu, chaque pensée retombe en l'immensité de la conscience, comme des flocons sur une pierre chaude. La clé de ce silence à l'unisson du bruit des pensées et de réaliser que les pensées disparaissent, sont englouties, instant après instant, dans le mystère béant de la présence.
En gras, j'ai indiqué les cinq phases de la danse du féminin créateur :
jaillissement, manifestation, dégustation, dégustation de cette dégustation (engloutissement du Temps, de la Mort), et repos.
Tel est le sens profond de la Nuit de Shiva.

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