samedi 4 juin 2016

Transcendance

Et si l'engouement pour "l'éveil impersonnel" et le "développement personnel" étaient les deux faces d'une même pièce ? Deux caricatures de deux tendances inhérentes à toute spiritualité authentique ?
L'impersonnel, avec son culte du "fonctionnel" serait la forme corrompue de la juste quête de la transcendance, du dépassement du Vieil Homme.
Le développement personnel, avec son idolâtrie de l'ego, serait le visage dévoyé de la légitime aspiration à l'immanence, de la réintégration de la personne dans l'amour divin.




Mais que nous sommes loin de cette droiture. 
Et que la confusion est profonde et limpide !
Prenez n'importe quel texte ou slogan non-duel ou psycho-machin : il ne détonnerait pas dans un centre commercial. "Vivez l'instant avec Charal". 
"A l'écoute des ressentis avec Nestlé". 
"Il n'y a pas de but, quand on coure en Nike". 
"Lâchez-prise avec Séphora". 
"Soyez-libre de toute référence avec Evian". 
"Avec la crème Machin, je ne suis personne, et je suis bien". "Avec le savon Bidule, nettoyez vos mémoires énergétiques". "Rajeunissez votre ADN, avec les bio-saucisses quantiques Quantoc !". 
"Avec Axa, passez de l'avoir à l'être !" 
Etc.

Nous prenons notre étroitesse d'esprit pour l'instant éternel.
Nous prenons nos caprices pour les courants de la grâce.
Nous prenons notre dilettantisme pour la grande absence de but.
Nous prenons notre inconstance pour la liberté intérieure.
Nous prenons l'ego pour le Soi.
Nous prenons nos bavardages pour des messages divins.
Nous prenons les mots pour des concepts.
Nous confondons le mental et l'intellect.
Nous confondons l'imagination et la raison.
Nous confondons le Cœur et les impressions.
Nous confondons simplicité et infantilisme.
Nous confondons spontanéité et laisser-aller.
Nous confondons indépendance et nombrilisme.
Nous prenons nos divagations pour des révélations.
Nous prenons nos régressions pour des progressions.
Nous prenons notre ignorance crasse pour la docte ignorance.
Nous prenons nos démangeaisons pour des vibrations d'outre-monde.
Nous prenons notre indifférence pour un lâcher-prise.
Nous prenons notre aveuglement pour la Lumière.
Nous prenons les vessies pour des lanternes.
Nous prenons les charismatiques pour des sages.
Nous prenons notre faiblesse intellectuelle pour de l'intuition.
Nous prenons notre paresse pour une bénédiction.
Nous prenons le bonheur pour le sens de la vie.
Nous prenons la partie pour le tout.
Nous prenons nos ressentis pour des guides.

La plupart, même, de ceux qui prétendent s'inscrire dans des traditions ne font que mettre ces traditions - ou du moins les bribes qui leur conviennent - à leur propre service. Méditer n'est plus se mettre à l'écoute de ce qui est plus vaste que soi, mais asservir l'infini pour assouvir nos fins étroites. Faire silence n'est plus se donner à l'être, mais "travailler sur soi". "Qu'est-ce t'a fait, toi ?" "- Oh, bah moi, j'ai fais Untel, un archi-bien stage de la méthode Truc, j'ai eu telle vision, fais un super trip chamanique", etc, etc. C'est ce qu'on appelle "s'ouvrir à l'autre" ou "prendre soin de soi", "s'aimer soi"... Mais quel soi ?

L'intellect est dénigré. Mais chacun se croit intelligent.
La raison est dénigrée. Mais chacun raisonne à tort et à travers.
La parole est dénigrée. Mais chacun bavarde.
La personne est dénigrée. Mais chacun a son portrait.
Le savoir est dénigré. Mais chacun butine au petit bonheur.
Le livre est dénigré. Mais chacun publie ses livres.
La science est dénigrée. Mais on l'invoque comme alibi.
La démocratie est dénigrée. Mais on profite de ses droits.
La technique est dénigrée. Mais on se contente de son confort.

Bref. 
Bonne pluie à tous.

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