vendredi 29 juillet 2016

Au-delà de l'étonnement


 


Dans l'union, il n'est plus à craindre de séparation, tout est mis en commun :

"Mais quoi, ne vous semble-t-il pas, ô mon Amour,
que je craigne, en mon abondance,
d'être frustrée de votre jouissance,
comme je 'lai été dans le passé ?

Non, quoi que je dise, je ne le crains pas,
car vous êtes mien
et je suis vôtre.
Vous me possédez et je vous possède tout à tout,
tout entier et totalement.

Et nous ne sommes qu'un,
en l'un et l'unique de nous deux,
également ravis
de l'amour et de la beauté
de l'un et de l'autre,
l'un en l'autre,
et par les mutuels et ineffables embrassements
l'un de l'autre,
l'un en l'autre.

Dans cet état, nous nous possédons
à égalité de jouissance,
à égalité de simplicité,
dans un amour simple,
en cet être que nous formons
simple et simplement unique,
au-delà de l'action,
au-delà de la passion,
au-delà de l'inondation,
au-delà de l'amour même,
dans l'amour-donné au même amour-reçu.

Tout ceci se réalise en la très simple,
la très unique et très attentive
vision réciproque et mutuelle de nous deux,
dans l'unique indivision de nous deux.

C'est au-delà de la compréhension
au-delà de l'étonnement, sans étonnement,
tout à fait indescriptible.

J'y suis totalement submergée,
perdue d'amour et de joie,
au-delà de l'amour et au-delà de la joie,
dans l'unique Objet
qui me tient dans un état immuable,
à la fois prise de force et consentante,
en une perpétuelle attention sans tension,
en vous et à vous,
mon unique Objet et mon Epoux.

Qu'est-ce que tout cela ?
Le conçoive qui pourra ;
l'exprime, s'il le veut, qui le connaîtra ;
s'il le peut, cela lui est permis.
Mais surtout, qu'il le taise s'il le doit.

Car c'est le domaine où notre jouissance intuitive
parle en nous deux
de façon respective et mutuelle,
non pas de cette réalité
ni de rien qui s'y rapporte,
mais d'infiniment autre chose,
qui est hors de ceci
par son profond, perpétuel et ineffable silence."

Jean de Saint Samson, Chant d'amour, 31, début du XVIIè siècle

Tout est dit.
Et pourtant, rien n'est dit.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pas de commentaires anonymes, merci.