dimanche 28 août 2016

Le moi n'est-il qu'une illusion ?



Des scientifiques et des éveillés nous le disent : le moi n'est qu'une illusion.
L'un des arguments avancés, par exemple celui de Metzinger dans son livre N'être personne est que, quand on retourne son attention pour scruter ce moi, on ne voit rien qui ait couleur ou forme. 
Cet argument d'un moi invisible alors qu'il devrait l'être avait déjà été invoqué par David Hume au XVIIIè siècle et par certains bouddhistes : Toutes les conditions de la perception étant réunies, on ne voit pas de moi. Donc il n'existe pas. C'est la preuve par la "non-perception" (anupalabdhi en sanskrit).

Je trouve cet argument très faible.
En effet, qui a jamais prétendu que le moi avait figure et couleur ?
Personne, à ma connaissance.
L'âme - l'un des synonymes du moi - n'a pas de forme, elle est intangible, transparente et omniprésente. C'est là le B-A BA de la connaissance de soi, dans le platonisme comme dans les philosophies de l'Inde. 
Or, pourquoi diable faudrait-il qu'une entité sans qualités sensibles soit pour autant inexistante ? 
Je ne vais pas rentrer ici dans les détails de cette immense polémique, mais je pense que les arguments brahmanistes et platoniciens sont concluants, contre les sceptiques et les bouddhistes. D'autant plus que ces derniers ont finalement, à leur manière circonvolue, admis l'existence de l'âme. Pour prendre un exemple qui m'a frappé, dans les descriptions bouddhistes tardives de l'essence de l'esprit (mais on pourrait aussi bien traduire le sanskrit citta par "âme"...), cet esprit est décrit comme "sans forme ni couleur". Mais ces textes (il y en a des dizaines) ajoutent aussitôt que l'âme n'est pas pour autant inexistante, car elle est consciente. C'est donc simple : l'âme "n'existe pas" car elle n'a ni forme ni couleur, mais elle n'est "pas inexistante" car elle est consciente. Ce qui, en clair, donne : l'âme est une présence immatérielle. Où est la difficulté ?

La philosophie de la Reconnaissance est à mon avis la plus aboutie parmi celles qui défendent l'existence du moi, ou du Soi, comme on dit. Le principal argument avancé par la Reconnaissance pour établir (=réaliser) l'existence du Soi est que, sans cette conscience synthétique qu'est le Soi, aucune expérience ne serait possible, car toute expérience, sans exception, nécessite une telle synthèse.

Mais alors qu'en est-il des arguments sur la mémoire qui se reconstruit au fil du temps ? De la puissance des habitudes inconscientes , etc.?
La réponse est que oui, le moi que l'on se construit, c'est-à-dire notre personnalité, est souvent une illusion en ce sens qu'elle ne correspond pas à notre personne, à notre tempérament profond, ni à notre âme avec la destinée qu'elle appelle. Tout cela est rabâché à longueur de temps et n'est pas faux. Mais l'important est de ne pas confondre personne et personnalité, l'acteur et ses masques. Je peux bien rêver que je suis Napoléon ou Néfertiti, je n'en suis pas moins une personne, une âme qui imagine ainsi. 
Il y a bien un (des ?) moi illusoire, mais il est l'oeuvre du moi réel.

3 commentaires:

  1. L'âme est comme l'écume de sel qui émerge de la vague. Tout part de l'océan qui est le tout, et puis dans un élan de désir, la vague prend naissance afin de goûter l'air qui l'effleure. La vague qui est extraite de cette conscience pure expérimente au fur et à mesure de sa croissance le frottement de l'élément air. En se reconnaissant dans ce qu'elle n'est pas, la vague désire retomber pour retourner dans l'océan de ses origines. Plus elle replonge en elle, plus le sel qu'elle contient manifeste sa présence, après l'éclatement du retour, l'écume continue sa course sur les rivages de l'illusion. Le sel est le soi pur extrait de la conscience suprême, l'écume est l'âme qui finit par s'échouer sur le sable de l'oubli.

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  2. J'aime bien cette image de la mer et du sel. On la trouve dans la plus ancienne Upanishad, la Brihad Aranyaka, mais sans "l'élan de désir". Les Indiens croyaient que le sel n'est pas DANS l'eau de mer, mais qu'il est de l'eau de mer cristallisée.
    Et puis c'est audacieux d'un "soi pur extrait de la conscience suprême". Comme si il y avait une réelle évolution.
    Par contre, je vois pas pourquoi la vague finirait par s'échouer sur le sable de l'oubli. Faudrait une fin plus optimiste, une apothéose :)

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  3. La seule question à se poser pour pouvoir répondre à cette question est : est ce que ce petit animal a un moi lui aussi https://fr.wikipedia.org/wiki/Tardigrada
    On devrait d'ailleurs plonger dans l'infiniment petit encore plus loin en parlant des bactéries, des virus et de tous ces organismes vivants. Et encore plus loin vers les molécules, puis les atomes, les électrons. Et pourquoi pas dans le macro, les planètes nébuleuses, trous noirs, galaxies. Ont ils un Moi ?
    D'après moi rien de tout ça n'a un ego personnel autre que temporaire et donc purement fictif.
    On sait aujourd'hui que l'univers lui même est en expansion et qu'il est lui aussi sans personnalité.
    Il est donc fort probable que la personnalité, l'individualité, le moi soient les plus absentes de la création.
    Certainement un principe de sauvegarde pour éviter les coups d'états... :)

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