lundi 8 août 2016

"Les mystiques ne sont pas des surhommes..."


 


Un texte d'une clarté exemplaire sur ce qu'est la mystique authentique, par un immense historien religieux du XXè siècle :

Bon ou mauvais, païen ou chrétien, Dieu est en nous. Ou mieux, nous sommes en lui ; nous ne pouvons agir qu'il n'agisse en nous et par nous ; il est en nous, avant tous nos actes, et dès que nous sommes. Il y est, non comme une chose, comme une brochure religieuse au fond d'une armoire, mais comme le principe vivant de toute vie. Il n'y est pas comme une idée, car, infuse ou acquise, l'idée de Dieu n'est pas Dieu. Soit que nous pensions à lui, soit que nous pensions à un autre objet, soit que notre esprit sommeil, Dieu est là. Ce qui le fait entrer en nous, ce n'est pas non plus tel ou tel acte de dévotion ; il est en moi sans que je l'aime, avant que je l'aime...., présent à tout ce qu'il y a de plus moi en moi. Présence obscure, insensible, puisqu'elle précède tous nos actes, mêmes inconscients ; présence qui...n'a été méritée par aucune prière, par aucun effort. Il est là très agissant. Il y entretient, il y forme, y crée, y soutient cette inclination à l'aimer, ce besoin de lui dont François de Sales a si bien parlé. Cette inclination constante, substantielle, c'est tout notre être, orienté nécessairement vers Dieu présent par Dieu présent...
Les mystiques ne sont pas des surhommes. La plupart d'entre eux n'ont pas d'extase, pas de visions.... Nous sommes tous mystiques en puissance, nous le devenons en fait, dès que nous prenons une certaine conscience de Dieu en nous ; dès que nous expérimentons, en quelque sorte, sa présence ; dès que ce contact, d'ailleurs permanent et nécessaire entre lui et nous, nous paraît sensible, prend le caractère d'une rencontre, d'une étreinte, d'une prise de possession. Il se peut, du reste, et, pour moi j'en suis quasi persuadé, que, dans la plus chétive prière, plus encore, dans la moindre émotion esthétique, s'ébauche une expérience du même ordre et déjà mystique, mais imperceptible et évanescente.

Henri Brémond, Autour de l’Humanisme, pp. 248-249


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