mardi 24 janvier 2017

Les Deux ailes du désir

Comme tous le monde, j'ai soif d'expérience.
Mais l'expérience ne suffit pas.
Encore faut-il la comprendre...
Combien de fois pouvons nous vivre une expérience sans la comprendre ?

La vie intérieure est comme un oiseau.
Pour qu'elle s'envole dans le ciel,
"sans laisser trace",
il lui faut ses deux ailes.
Expérience et compréhension.
Fait et interprétation.
Être et conscience.



Vivre et réfléchir.
Bien sûr, 
on peut dire aussi
qu'il n'y a pas d'expérience sans un minimum de réflexion,
et que comprendre est une expérience.
Mais ici, j'entends ces deux termes comme deux pôles de la vie intérieure.
Souvent, je vis des expériences merveilleuses sur le moment, mais je n'en comprend pas le sens, ou la valeur. Et alors, comme toute expérience passe, je suis déçu. Il se peut que j'ai trouvé, par hasard ou par grâce, un joyaux. mais, faute de réfléchir, je le prend pour du verre et je le jette. Il se peut alors que je parte en quête du joyau, ne trouvant en fait que des débris de verre.
A l'opposé, il ne faut pas se contenter d'une pure compréhension abstraite, en s'interdisant de vivre, ou d'attendre de la vie, sous prétexte que l'expérience est aveugle et toujours illusoire. Mais il faut avouer que cette attitude est plutôt rare. Aujourd'hui, c'est plutôt la tyrannie de l'expérience qui tend à prédominer. Comme si une perception, un sentiment, une impression, pouvaient illuminer ! Or, c'est vrai et c'est faux tout à la fois. L'expérience montre vite ses limites.
Il faut les deux.
Une ouverture à l'expérience.
Et une réflexion.

On pourrait croire que l'expérience se rapporte à la Shakti, et la compréhension, à Shiva, l'aspect intellectuel, masculin
selon les stéréotypes actuels.

Mais selon la philosophie tantrique de la Reconnaissance (pratyabhijnâ), l'expérience est Shiva. La compréhension est Shakti. Et ce pouvoir de comprendre inclue la pouvoir de penser, de juger, de désirer, de ressentir, de réfléchir, de se rappeler, d'imaginer, de parler : autant d'aspects du pouvoir de comprendre, qui est la Shakti.

Ces deux facettes sont inséparables.
Mais l'expérience (presque) pure, est quand la Lumière consciente (prakâsha, "lumière" en sanskrit, qui est Shiva) prédomine, alors que la Compréhension/Réflexion (vimarsha, "pensée", "jugement" qui est Shakti) reste "endormie". A l'état brut, nous avons alors l'expérience du sommeil profond, de l'"inconscience", du coma, de l’évanouissement, de certains états de méditation. L'expérience est alors indifférenciée, mais privée de réflexion, elle ne mène nulle part, en dehors d'une sensation provisoire de bien-être.
A l'opposé, quand la Shakti prédomine, nous faisons l'expérience d'une compréhension peut-être, mais "mentale", abstraite, coupée de l'expérience de l'unité. Shiva est là, la Lumière brille, mais comme fragmentée, dispersée en mille pensées.
Notons que la Lumière consciente (Shiva) est inséparable de la Pensée (Shakti). 
Shiva est l'Être, qui devient tout ce qui est, réel ou non.
Shakti est la Conscience que l'Être prend de lui-même, sous les formes des consciences individuelles.

Ce vase bleu est Shiva - Manifestation, Illumination (prakâsha - "lumière").
La conscience de ce vase bleu - "Oh, le vase bleu !" est Shakti - Conscience, Pensée (vimarsha - "jugement").
Ils sont respectivement l'aspect "objectif" et l'aspect "subjectif" de la Vie, du Couple créateur, de la Source originelle.
Or ils sont inséparables. Deux faces d'une même pièce.
Donc, expérience et compréhension doivent aller de concert.

Comme les ailes d'un oiseau.
Et ainsi, nous pouvons, peu à peu, selon nos capacités, redevenir des anges.

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