mercredi 23 août 2017

Le Jeu de la conscience - IV et V

Le Jeu de la conscience (Bodhavilâsa), attribué à Kshéma Râdja, verset 4 et 5 :

La diversité merveilleuse des choses et des univers
dépend de la nature des objets qui y sont connus,
unie à la variété des différentes sortes (de sujets),
de sorte qu'il existe d'innombrables univers,
aussi bien vers le haut, que vers le bas. 4
Bien que la conscience soit le Maître des maîtres,
elle devient l'âme quand elle se contracte.
Les sages savent que l'âme contient toutes choses,

comme la graine d'un grand arbre. 5



Il n'y a qu'une seule conscience 
en d'innombrables corps.
Une seule conscience
qui se goûte
à travers d'infinis perspectives.
Comme une comédienne
aux mille masques.

Mais d'où viennent ces masques ?
D'où vient leur variété ?
Le verset 3 avait déjà donné la 
cause profonde de cette richesse : 
la liberté.
La conscience
- ce que nous sommes réellement -
se multiplie librement, gratuitement,
seulement pour se donner,
s'épancher, se partager,
entrer en relation,
avec soi,
par l'intermédiaire d'innombrables expériences 
qui sont comme autant de points de vue.
L'amour.
Le don de soi,
tout entier,
gratuit,
gracieux.
Chaque expérience,
chaque sensation,
chaque pensée,
chaque désir,
est un essai
pour se dire.
Mais comme la conscience est infinie,
cela prend un temps infini.
C'est cela, le devenir :
l'amour de la conscience pour elle-même,
qui la meut à se dire
dans une expérience limitée.
Comme l'océan dans la goutte :
vous vous rappelez ?
D'où l'apparition de l'individualité,
de l'âme.
Mais l'âme n'est pas simplement
un objet qui est contenu dans la conscience,
dans l'espace conscience que "je suis".
L'âme, comme dit Kshéma Râdja,
est la conscience "contractée".
Il faut comprendre que l'individu (jîva, purusha)
n'est pas une partie de la conscience,
ou un aspect de la conscience, ni une apparence de la conscience. 
Non, l'idée la plus profonde de la Reconnaissance à ce sujet,
est que l'individu est engendré par contraction de la conscience infinie.
Qu'est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire que l'individu n'est pas créé
"à partir de rien".
Il n'est pas un fantôme surgit de nulle part,
ni le simple produit d'une interaction aléatoire.
De toutes façons, la Reconnaissance voit 
dans les forces physiques des étincelles
du Désir infini qui est la conscience,
la conscience comme Acte parfait,
complet, auquel rien ne manque.
L'individu n'est pas engendré par division, 
mais par contraction.
Cela veut dire
- et c'est incroyablement profond -
que l'individu est, en un sens,
doué de tous les pouvoirs de l'Absolu,
mais librement limités.
La différence entre la conscience universelle
et la conscience individuelle
est une différence de degré.
Mais, c'est la même conscience !
Avec les mêmes pouvoirs :
conscience, liberté, désir, création
dans la connaissance et dans l'action.
Voilà pourquoi
"les sages savent
que l'âme contient toutes choses".
En modèle réduit.
Et même, elle contient réellement tout,
en acte, ici et maintenant.
Car, répétons-le, 
il n'existe pas de "bouts" de conscience.
La conscience n'est pas mesurable.
Elle est, tout entière,
même quand elle se "contracte" librement.
Donc elle contient tout.
De plus, même quand la conscience assume des limites,
ces limites ne la limitent pas, ne la font pas disparaître.
Pourquoi ?
Parce que ces limites n'existent,
comme toutes choses,
que dans, par et pour la conscience.
La conscience n'est pas comme l'eau,
qu'une paroi peut venir diviser en deux parties.
La conscience est plutôt comme l'espace,
qui est toujours présent,
même dans les objets qu'il accueille.

De plus, les possibilités sont sans limites.
Il existe des mondes 
"vers le haut, et vers le bas aussi".
Qu'est-ce qu'un "monde" ?
C'est une relation sujet objet,
un type de rapport de la conscience avec elle-même,
de soi à soi.
En général, la conscience-comédienne
se prend pour les choses
qu'elle perçoit.
"Le semblable connait le semblable"
disent les platoniciens :
Quand la conscience perçoit des corps
(après avoir oublié sa propre omniprésence),
elle se prend pour un corps.
Quand elle perçoit des illusions,
elle se prend pour une illusion.
Quand elle voit l'impermanence,
elle se croit impermanente.
Quand elle voit de la beauté, 
elle se voit belle.
Et ainsi de suite...
Le sujet et l'objet s'adaptent l'un à l'autre.
Shiva-Shakti,
jusque dans les moindres détails
de la plus humble expérience.
Comme deux miroirs
se reflètent,
mis en abîme,
comme une boucle causale,
comme deux ondes qui interagissent
à perpétuité.
Voilà pourquoi ce que je contemple
est ce que je deviens.
En contemplant le ciel bleu,
je "deviens" limpide, transparent,
immense, ouvert, accueillant.
Mais ça n'est pas une règle absolue,
car je peux voir une chose sans m'identifier,
bien que ce détachement ne soit pas 
la liberté véritable et complète, selon la Reconnaissance.

"Comme la graine d'un grand arbre",
comme un grain de moutarde,
l'individu n'est pas destiné à disparaître,
mais à grandir à l'infini.
Sauf à comprendre que la graine
"disparaît" pour laisser place à l'arbre...

Je suis l'univers,
"je suis" est les univers,
et au-delà.

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