mardi 14 novembre 2017

Le Jeu de la conscience - verset XXXI

Suite du Jeu de la conscience (Bodha-vilâsa), 
poème du shivaïsme du Cachemire attribué à Kshéma Râdja.



L'accomplissement de l'humain est,
selon le "shivaïsme du Cachemire",
 la reconnaissance de ce qu'il y a
de divin en nous, c'est-à-dire la conscience,
décrite comme "vibration", ou mouvement immobile, 
ou subtil (selon les interprétations).
Cette reconnaissance procure
"la force du Soi", c'est-à-dire la conscience en sa plénitude,
avec tous ses pouvoirs.
L'expression "la force du Soi" ou "notre force"
est centrale dans l'Enseignement sur la Vibration
(Spanda-shâstra ou kârikâ), et Kshéma Râdja
s'en inspire beaucoup.

Mais comment atteindre cette "force" ?
Par la reconnaissance, et plus particulièrement
par l'observation de l'expérience ordinaire,
pour y reconnaître l'activité divine (les "cinq Actes" de Shiva).
Dans cette méditation où l'on reconnait 
la conscience comme source créatrice des perceptions
et des pensées, on se plonge en particulier
dans les intervalles entre deux pensées, deux perceptions.
Pour l'auteur, Kshéma Râdja, c'est le "moyen" 
le plus puissant.
Mais il y en a d'autres, d'où ce verset :

Quant aux moyens d'épanouir le royaume du centre
- repos dans la force -
ils sont multiples :
détruire les doutes, contracter

ou dilater (l'énergie)... 31

Le "centre", c'est la conscience, car la conscience
se révèle en sa nudité "au centre", dans l'intervalle
entre deux pensées, deux perceptions, deux actes,
comme par exemple entre deux respirations.


"Détruire les doutes" est, après l'observation directe
de l'expérience quotidienne, le moyen le plus élevé,
car "non-mental" : en-deçà de tout doute,
on plonge dans le pur jaillissement de l'énergie,
du désir, aussi appelé "volonté", "jaillissement",
"vague", "énergie", "élan" et "vibration".
Et donc, on détruit les doutes,
car on se plonge en ce qui est en amont
de toute alternative.
Kshéma Râdja, dans le Coeur de la Reconnaissance,
dont ce poème est un abrégé,
emploie aussi l'expression
"ne penser à rien".

"l'Energie" (shakti), c'est le corps, mais le corps perçu,
à la première personne. Ce qui inclut l'entendement, 
la mémoire et l'imagination.
La "contraction de l'énergie", c'est simplement la concentration
au sens classique, le "retrait des sens", non par un effort violent,
mais en s'ouvrant au ressenti spontanément présent
qui nous entraîne vers l'intérieur.
"Dilater l'énergie", c'est la méditation de Shiva (shiva-mudrâ),
les yeux et les autres sens grands ouverts,
sans barrière entre l'extérieur et l'intérieur,
"comme un vase plongé dans l'eau,
plein dehors, plein dedans".

le "etc." suggère la sensualité : boisson, gastronomie,
art et jeux érotiques, tels qu'indiqués dans le Vijnâna Bhairava.
On notera que le yoga (avec postures et prânâyama) est absent,
de même que les mantras.

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