jeudi 26 avril 2018

Brahman - l'Absolu ?

Le mot brahman est souvent traduit par "absolu".

Il ne doit pas être confondu avec Brahmâ, 
un dieu hindou mineur 
Toutefois, il est intéressant de constater que les deux mots sont dérivés de la même racine. 
Brahmâ désignait à une époque la personnification de l'absolu impersonnel.



La traduction par "absolu" renvoie au Védânta, 
selon qui brahman (prononcer "brarmanne")
est l'absolument réel, la réalité, 
par opposition aux apparences.
Or qu'est-ce que la réalité ? 
C'est ce qui ne change jamais.
Ce qui est réellement ne change jamais.
Ce qui change n'est jamais réel.
"Ce qui n'est pas présent au début et à la fin" 
n'est pas non plus réellement présent... à présent.
Ce qui n'est pas toujours présent ne l'est jamais.
La question est ensuite de savoir ce qui ne change pas.
Pour le Védânta, ce qui ne change pas,
ce qui est toujours présent, 
c'est la Lumière conscience, cit ou prakâsha.
Brahman est l'impérissable, l'immuable,
à l'opposé d'un songe ou d'un trompe-l'oeil.
Aucune expérience ne peut le démentir,
il ne disparaît jamais.
Lui seul existe.
Il est la seule et unique réalité.
Un et sans second : ekam eva advitîyam.
Telle est la non-dualité (a-dvaita) selon le Vedânta.
Il ne s'agit pas de réconcilier les opposés,
pas de yoga en ce sens, 
juste la constatation d'un fait :
seul l'absolu est réel : le monde est une apparence.

Mais il existe une autre interprétation de brahman :
ce mot neutre vient de la racine -brih "croître", "grandir", 
"se développer",
"s"épaissir", "prendre du volume", "forcir".
Le brahman est donc la vie qui grandit, qui pousse et s'étend.
Le brahman n'est plus l'absolu transcendant, 
mais la vie (jîva), 
l'énergie vitale (prâna)
incarnée dans ses grands cycles : 
respiration, ouverture des yeux, veille-sommeil, 
vie-mort, été-hiver, création-destruction.
Et c'est pourquoi, à côté de l'interprétation du Vedânta, 
il existe tout un courant
qui reconnait le brahman dans la vie, 
dans ses causes et ses manifestations.

Ainsi dans le shivaïsme du Cachemire ou tantra non-dualiste,
brahman est le plaisir intime, 
la joie qui est la conscience d'être libre,
vivant, conscient, l'émerveillement d'être 
et la délectation de savourer,
jusque dans la souffrance. 
Brahman est le désir et le plaisir (kâma, icchâ)
sous-jacent à tout désir, à toute émotion, 
à tout mouvement vital.
Brahman est le plaisir intense, l'orgasme, 
tout ce qui fait entrer
la conscience en expansion, 
en décontraction, en relaxation,
en libération. 
Voilà pourquoi l'alcool est prescrit dans les rituels
de la tradition Kaula : 
pour désinhiber la conscience, la réveiller,
la stimuler, l'inciter à secouer le joug des dualités 
qu'elle a elle-même créées.
La vie se dilate alors, la poitrine se gonfle, 
le coeur bat plus fort, et ainsi de suite.
C'est dans cet état d'excitation que la vie peut créer la vie.
Pour le shivaïsme du Cachemire, 
brahman est aussi la conscience.
Mais cette conscience n'est pas immuable. 
En fait, elle peut changer tout en restant elle-même : 
elle est indépendante.
Elle s'élance d'elle-même, se meut d'elle-même.
Et c'est ce dont je fais l'expérience quand j'éprouve
du plaisir, de la joie ou quand je m'étonne.
La lumière de la conscience se dé-contracte, 
entre en expansion, s'ouvre. 
Elle se met à "bâiller" (brihmati eshâ), à s'élargir
comme une bouche béante, comme l'éclosion d'un regard.

Le brahman est l'expansion de la vie.
Le brahman est évolution sans fin,
désir insatiable.

3 commentaires:

  1. Bonjour,
    Vous dites " Et c'est pourquoi, à côté de l'interprétation du Vedânta, il existe tout un courant qui reconnait le brahman dans la vie,
    dans ses causes et ses manifestations.", du coup je me demandais, alors que j'étais en train d'essayer de comprendre la notion de pravriti (un "t", deux "t" ?), si cela était en correspondance directe.
    Je tente juste d'essayer de comprendre tout cela de manière élémentaire, donc excusez-moi, je suis vraiment au niveau zéro.
    Aussi, je recherchais ce que vous aviez dit dans vos articles sur la notion de grâce, si vous pouviez juste me mettre en commentaire un ou deux liens à ce propos, je vous en serais infiniment reconnaissante.
    Encore merci.

    RépondreSupprimer
  2. Oui, il existe dans la culture indienne,
    un dilemme récurrent entre "renoncer" (nivritti)
    à la vie, et au contraire "s'engager" (pravritti)
    dans la vie. D'où des conceptions différentes
    du brahman.

    Sur la grâce, il y a ceci :

    http://shivaisme-cachemire.blogspot.fr/2015/05/leffort-ou-la-grace-la-volonte-ou-la.html

    Mais il y a sûrement pas mal d'autres articles sur ce sujet.
    Dans le shivaïsme du Cachemire,
    la grâce est simplement la conscience qui se réveille
    elle-même par elle-même.

    Bien à vous,
    David


    RépondreSupprimer
  3. Ah oui, je comprends cette notion simple de conscience qui se réveille -et se révèle, ou auto-révèle.
    Merci de votre réponse.

    RépondreSupprimer

Pas de commentaires anonymes, merci.