samedi 18 août 2018

La conscience est-elle dans le monde, ou le monde dans la conscience ?


J'ai dit qu'il existait une sorte d'antagonisme apparemment indépassable :

D'un côté, tout dépend de la conscience

De l'autre, la conscience dépend de tout

Mais en fait, il s'agit plutôt d'une boucle sans fin, que d'une opposition statique. 
Car si tout dépend de la conscience, la conscience elle-même dépend de tout, tout dépendant de la conscience, et ainsi de suite, sans fin...

Cela fait penser aux figures récursives qui semblent s'emboîter elles-mêmes :


La conscience et le monde, le sujet et l'objet sont comme deux animaux, tour à tour proie et prédateur, cause et effet, poule et œuf.
Comment trancher ?

L'une des pistes qui revient à la mode est le panpsychisme.
Mais le panpsychisme, dont la Reconnaissance est une figure, tranche de fait en faveur du sujet.
Comment réconcilier les affirmations du panpsychisme avec les découvertes de la science ?
Il y a mille pretensions en ce sens. Mais bien peu de théories explicatives. La Reconnaissance (Pratyabhijnâ) constate que les pommes font des pommiers. Certes, mais pourquoi ? La Reconnaissance invoque "la liberté de la conscience". Oui, mais pourquoi ces lois ? Pourquoi les phénomènes s'enchaînent-ils ainsi et pas autrement ? Parce que la conscience le veut ? Mais pourquoi le veut-elle ainsi et pas autrement ?
Le matérialisme peine à expliquer comment la conscience pourrait émerger d'objets dépourvus de conscience. Mais le panpsychisme peine de la même façon : pourquoi, si la conscience est partout présente, émergerait-elle seulement "à travers" le cerveau et autres objets complexes ?
De plus, le panpsychisme affirme que la conscience est partout présente. Mais alors, la conscience est objectivée. Une conscience peut-être être objectivée et être conscience ? Mais dans ce cas, comment éviter un dualisme du sujet et de l'objet ?

Bref, ce problèmes me semblent indépassables.

Et la récursion sujet/objet, inévitable.
Le sujet est dans l'objet, et l'objet dans le sujet.
La conscience est dans le monde, et le monde est dans la conscience.
Le point de vue en Première Personne est dans le point de vue à la Troisième Personne, et le point de vue à la Troisième Personne est dans le point de vue à la Première Personne.

On peut aussi voir ces deux "points de vue" (ce qui constitue déjà un choix, car qui dit "point de vue" dit conscience) comme des branches d'une même souche. Mais là encore, il faut finalement choisir si cette source est conscience ou matière, sujet ou objet. On peut tenter une conscience inconsciente ou une sorte de matière consciente, mais on finit toujours par retomber dans l'un des deux côtés. C'est inévitable. Toute tentative de dépassement de ces alternatives est en réalité un choix en faveur de l'une des deux. Reste à savoir si un tel choix peut représenter un véritable progrès qui laisse l'autre alternative en arrière, ou bien si l'on tourne en rond. Car le propre de ce mouvement du sujet à l'objet, puis au sujet, etc., est justement de ne pas être une alternative, mais plutôt une récursion par englobement nécessaire. Si je "choisis" la conscience, je suis ensuite forcé (par les faits mis au jours par la science) d'admettre le cerveau. La conscience est englobée dans le cerveau, c'est-à-dire dépendante de lui. Si je choisis alors le cerveau (en une sorte de résignation mêlée de soulagement), je suis ensuite forcé d'admettre la conscience, à cause de l'expérience à la Première Personne. Et ainsi de suite. C'est un mouvement qui donne l'illusion d'un progrès, mais qui en fait ne progresse par réellement, comme la petite animation ci-dessus.

Peut-on s'en sortir par la suspension du jugement ? Je n'en suis pas certain, car cette suspension est un replis subjectif, vers la conscience. De plus, le scepticisme est lui aussi dans une situation de récursion par rapport au dogmatisme. Il y a de fortes raisons d'être sceptique. Mais aussi de fortes raisons en faveur du dogmatisme (qui désigne ici la doctrine selon laquelle il existe au moins une vérité). Ainsi, si j'affirme que rien n'est vrai, j'implique que cette affirmation au moins est vraie. Sans quoi, elle se réfute elle-même. Et donc le scepticisme présuppose ou implique le dogmatisme. Mais le dogmatisme lui-même doit faire face à la contingence de la vérité qu'il pose (pourquoi celle-là et pas une autre ?), à une embarrassante pétition de principe (poser une opinion comme vraie sans la justifier). Qui reconduit au scepticisme, qui lui-même... Il n'y a pas de fin. 



Une issue serait peut-être expérimentale :

- en faveur du matérialisme/naturalisme : si l'on parvenait à produire une conscience artificielle ;
- en faveur du spiritualisme/dualisme : si l'on parvenait à prouver l'existence d'une conscience indépendamment du cerveau.

Mais, à ma connaissance, ça n'est pas le cas. D'où des débats interminables et qui laissent un sentiment de frustration ou d'émerveillement, selon les humeurs du moment.

Pour l'instant, j'en reste donc à cette récursion indépassable de la conscience et du monde. 

2 commentaires:

  1. "si l'on parvenait à produire une conscience artificielle ;" C'est à mon sens impossible, cela aura peut etre l'apparence d'une conscience mais ce ne sera pas une conscience. Elle sera une sorte de conscience zombique artificielle pour la simple bonne raison qu'elle n'aura jamais eu l'étincelle primordiale de vie.Je crois plus à un homme augmenté cognitivement, quoi qu'il en soit on aura la réponse avant la fin du siècle.
    Concernant le panpsychisme, je pense qu'il faut voir ça plus comme un champ en physique. Ce champ est présent dans l'univers, il se manifeste dans des agencements complexes de matière qui ont la propriétés d'etre homéostatique. cf le proto-psychisme de Nagel, Philip Goff, Bernardo Kastrup

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. j'aime ton propos, Boson de geek, mais attention tu te laisses emporter par tes biais de confirmation.

      PS : article bien écrit qui met en lumière le paradoxe de l'auto référence.

      Supprimer

Pas de commentaires anonymes, merci.