dimanche 9 septembre 2018

A poil et à contre-poil


Le dialogue millénaire entre hindouisme et bouddhisme est porteur d'une signification qui va bien au-delà de l'anecdote historique.

En effet, l'acte fondateur du bouddhisme est d'aller à contre-courant, à rebrousse-poil (pratiloma en sanskrit). Le dharma du Bouddha partage avec la science moderne cet énorme handicap : être contre-intuitif.

L'hindouisme, au contraire, est intuitif, il va dans le sens du poil (anuloma). Il fait confiance au ressenti spontané. Son dharma "de toujours" (sanâtana) est l'ordre naturel des choses, donné et non construit par un homme ou par un dieu.

Bien sûr, au cours des siècles bouddhisme et hindouisme vont être conduits à nuancer leur propos jusqu'à devenir quasi indiscernables. Avec la révélation d'une "nature de Bouddha" subjective, éternelle, simple et bienheureuse, le bouddhisme va mettre du vin dans son eau, jusqu'au baroque dans le cas du bouddhisme tantrique. Avec la philosophie shankarienne et des œuvres monumentales comme le Yoga selon Vasishta, ou même avec les Yogasutras "de Patanjali", l'hindouisme va mettre de l'eau dans son vin, se confronter à l'impersonnel ; il va devoir affiner son idée du Soi (âtmâ) jusqu'à en faire un nirvâna et, parfois peut-être, une absolue négation.

Ce double mouvement d'enrichissement mutuel atteint son point de perfection, en Inde, au XIe siècle, avec la Reconnaissance (Pratyabhijnâ) et la Mahâmudrâ (sachant que j'enveloppe, sous ce terme, aussi bien le yogâcâra sophistiqué d'un Ratnakîrti).

En un sens, à ce moment de l'histoire, les deux dharmas, celui qui suit le courant et celui qui va à contre-courant, ont finit par coïncider pour un temps, comme deux voyageurs qui seraient partir en sens opposés sur la terre auraient fini par se rejoindre. On aurait aimé que ce moment dure, qu'il ne fut pas interrompu par la barbarie abrahamique. Mais l'histoire et l'aveuglement de certains en ont décidé autrement. Heureusement, aujourd'hui ce dialogue peut reprendre.

Pour illustrer mon propos, voici deux versions des suites de Bach.
D'abord la version bouddhiste, discontinue, invitation au recul et à la légèreté :



Puis la version hindoue, continue, invitation à la plongée dans les flots de la vie :


Quelle richesse !
Puissions avoir le courage de défendre les conditions politiques nécessaires à la poursuite de cette aventure humaine.

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