mardi 13 novembre 2018

L'absolu se connait-il ?



Dans le silence intérieur se révèle le simple.
Nu, dépouillé comme un ciel limpide.

Voici ce qu'en disait Giordano Bruno, ce moine fou exécuté par la Sainte Inquisition en 1600. Il parle ici via la bouche de Sofia :

La Simplicité ressemble à la Divinité en ceci 
qu'elle ne peut rien ajouter à son être propre 
par la Jactance, 
ni rien en soustraire par la Dissimulation.
Cela provient de ce qu'elle n'a pas l'intelligence, la notion d'elle-même.
Ce qui est absolument simple ne saurait, sans chercher à être différent de soi, avoir conscience de soi ;
car l'être qui a le sentiment très net de son existence
et qui s'observe, celui-là, en quelque sorte, se multiplie,
ou pour mieux dire, se dédouble : 
il devient à la fois sujet et objet 
- objet connu et sujet saisissant -, l'activité intellectuelle embrassant dans son unité plusieurs éléments.
A cette intelligence essentiellement simple, 
il ne faut donc pas attribuer une exacte conscience de soi, comme si,
par le moyen d'une activité réfléchie, elle distinguait en elle un sujet intelligent et un objet intelligible.
Puisqu'il est question de la Lumière en sa simplicité absolue et totale, ce terme de conscience ne peut avoir 
qu'une acception négative :
il signifie qu'elle ne saurait rester rester un mystère pour elle-même.
Ainsi donc, en tant qu'elle ne se "connait" pas, qu'elle ne "réfléchit" pas sur son être, 
la Simplicité présente évidemment beaucoup d'analogie avec la Divinité.
En revanche, l'orgueilleuse Jactance s'en éloigne autant qu'on peut l'imaginer !"
(L’Expulsion de la bête triomphante, II, 3, trad. J. Roger-Charbonnel)

Je ne suis pas d'accord, et je jacte ! 
Ceci :
Pourquoi la Lumière ne saurait-elle se connaître
sans se dédoubler ?
Cet argument, que l'on trouve chez Plotin et Nâgârjuna,
ne tient pas. 
Le propre de la conscience n'est-il pas justement 
de pouvoir se connaître sans se dédoubler ?
Une lampe a-t-elle besoin de se dédoubler pour s'éclairer ?
En fait, si l'on observe l'expérience, 
c'est-à-dire la conscience,
on s'aperçoit que "la conscience se connaît elle-même"
signifie simplement qu'elle n'a besoin d'une autre Lumière
pour s'illuminer, pour se connaître.
D'autre part, l'Inconscience, la Simplicité, l'Un, sont-ils
sans conscience ?
Non. De fait.
Je vois plutôt ce Rien comme une façon pour la Lumière de se réaliser elle-même, d'éprouver sa liberté sans bornes :
"je ne suis pas" signifie "je suis libre de tout, même de moi-même". Car n'est-ce pas cela la liberté : être libre de soi.
La Lumière est libre, elle peut s'illuminer comme ténèbres.
La Présence brille jusque dans l'Absence.
La Présence n'est pas prisonnière de la Présence.

Conséquence : l'état de sommeil profond n'est pas plus profond
que l'état de veille.

...

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