mardi 6 novembre 2018

Pourquoi le Tantra est-il un chamanisme ?



Le tantrisme en général, et en particulier le mouvement kaula (kula-, kaula-dharma) sont des pratiques chamaniques.

Qu'est-ce que le chamanisme ?
N'importe quelle pratique visant un résultat matériel ou spirituel au moyen d'une possession. La possession, c'est se laisser envahir par un être.

Or, la pratique kaula est précisément fondée sur cette idée. Que ce soit l'initiation, le yoga, le rituel du feu, l'énoncé (plutôt que la récitation mécanique) d'un Mantra, l'adoration d'une divinité dans un mandala, ou encore le rituel sexuel, il s'agit toujours de se laisser posséder (samâvesha en sanskrit) par le divin pour être exorcisé des démons du Surmoi, le conditionnement social, cause principal de nos souffrances selon la tradition kaula.

Ce geste de se laisser envahir est la clé du Tantra traditionnel, et on la retrouve dans le néotantra. Il ne s'agit pas de quelque chose de rare ou réservé à une élite. C'est ce que l'on fait spontanément quand on joue un personnage, quand on se met en condition, quand on fait du théâtre, quand on invoque le rire, les larmes ou autre émotion, quand on se reconnecte à la sensation de joie en soi...

Selon le shivaïsme du Cachemire, tout acte, jusqu'au plus banal, est rendu possible par la possession divine. Sans cela, on ne pourrait même pas bouger le petit doigt. Mais d'ordinaire, on n'a pas conscience de cette plongée dans la conscience universelle. Même quand je suis identifié à mon personnage, je dois me replonger, ne serait-ce qu'un infime instant, dans la Source, car mon corps et mon esprit n'ont aucun pouvoir en eux-mêmes. Ils ne peuvent absolument rien. Quand je cherche à me souvenir d'un mot, par exemple, cette possession est un peu plus évidente. Mais en fait, nous faisons des allers-retours à chaque instant, à chaque geste. 
La vie intérieure consiste alors seulement à aller plus loin dans la conscience de cette possession, c'est-à-dire à se rendre attentif à ces instants fugaces de plongée, et aussi à plonger longuement lors de séances de "méditation", qui peuvent être de la danse, du chant ou n'importe quoi d'autre, pourvu que se fasse ce geste intérieur ou l'on s'ouvre à la Puissance, à la Présence. C'est un peu comme flairer une piste, ou chercher ses mots : on se mets, spontanément, dans un état réceptif, un état d'écoute, un état où l'âme se met à savourer et à invoquer cette Présence. Comme l'inspiration.

C'est la clé du Tantra et de la dimension affective de la vie intérieure. Et c'est juste du pur chamanisme. Aussi un pur état de créativité poétique. Voilà pourquoi la tradition kaula s'exprime par des poèmes (qui on l'air "ésotériques") plutôt que par des techniques, bien qu'il y ait des astuces. Voilà pourquoi la notion de grâce est si importante. C'est de l'art.

Musique chamanique :


Autre musique chamanique, plus douce, analogue à l'absorption dans le ressenti viscéral dans un cadre contemplatif :



1 commentaire:

  1. A lire sur l’argument pour approfondire Georg Feuerstein, Tantra. The path of extasy.

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