jeudi 3 janvier 2019

"Mon centre est le néant"



Pour rencontrer des amis ou des maîtres dans la sagesse, 
nul n'est besoin d'aller loin.
En France, le Grand Siècle (XVIIe) a produit des yogis profonds qui ont enseigné une voie complète, celle du ressenti viscéral. Ce que j'appelle, dans le Smara Yoga, le Yoga du Coeur ou Yoga du Désir.
Voici un poème de François Malaval :

Mon centre est le néant, c'est un vrai lieu de paix. 
L'imposture et l'erreur ne s'y trouvent jamais. 
Lorsque je ne veux rien, l'ennemi se retire, 
Il ne sait où me prendre, il ne sait que me dire. 
Quand il veut raisonner, je ne l'écoute pas, 
Quand il flatte mes sens, je sais me tenir bas. 
Que ce néant est beau ! qu'il est doux et tranquille. 
Ce néant me fait voir que je suis inutile, 
Que je n'ai rien de bon, et que je ne puis rien ; 
Que je n'ai de mon fonds ni force ni soutien ; 
Que tout mon être humain n'est qu'un flux d'inconstance. 
Ainsi Dieu parait mieux mon unique assistance. 
C'est beaucoup de faveur qu'il me lance un regard. 
S'il ne me donne rien, le néant est ma part ; 
Souvent de l'oraison toute l'heure est passée, 
Que je ne sens en moi ni désir ni pensée ; 
S'il m'en vient, c'est un trait de sa bénignité, 
Ainsi je vois sa grâce, et mon indignité. 
Lorsque je suis, stérile, une retraite entière, 
Mon néant me tient lieu d'attrait et de lumière, 
Et je me réjouis par un élan de foi 
Qu'en Dieu tout bien se trouve, et le néant en moi.
Laissez-moi mon néant, jouissez de votre être, 
Seigneur, tout mon repos est de me bien connaître. 
Vous n'êtes que grandeur, que gloire et que bonté, 
Et moi rien par nature, et rien de volonté. 
À vous seul tout hommage, à vous seul toute gloire, 
Et moi de mon néant je chéris la mémoire. 
Dieu, vivez dans vous-même, et moi dans mon néant 
Que je sois toujours bas, et mon Dieu toujours grand. [...]

Extrait de ses Poésies Spirituelles.



Ce poème est récité dans cette vidéo :



Malaval (1627-1719) était aveugle. Mais ses parents avaient les moyens de lui faire faire de belles études à la Sorbonne. Surtout, il était engagé dans son quartier. Il vivait dans le silence intérieur. Mais ce silence est animé par le ressenti viscéral et la libre intelligence, comme un soleil dans un ciel limpide. Il mourut un an avant la la Grande Peste qui frappa Marseille (par des imprudences dues à la cupidité) dans une ambiance de fin du monde. On estime que 100 000 personnes moururent durant cette épidémie.

Ce poème évoque pour moi la Vision Sans Tête, le Yoga de l'Espace, voir l'immensité transparente ici, au-dessus de mes épaules.
Sur Malaval, une belle étude biographique du XIXe siècle :



Bien sûr, il fut mis à l'Index des Auteurs interdits par l'Eglise.

La Belle ténèbre ou Pratique facile pour élever l'âme à la contemplation est son chef-d'oeuvre. 

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