mercredi 23 janvier 2019

Mort et renaissance dans la vie intérieure



La mort de Jésus sur la croix symbolise la mort spirituelle.
Du reste, ce mythe apparaît dans d'autres traditions.
La mort de l'ego est incontournable.

Pourquoi ?
Parce que c'est l'ego qui est la cause de la souffrance.

Qu'est-ce que l'ego ?
Difficile à définir... car il n'est pas vraiment réel. Comme un fantôme, il vit dans les marges de la conscience, sur les rebords du champs d'attention. Souvent, il se manifeste comme des murmures indistincts. Ils exercent une pression de peur ou de colère, mais jamais rien de très distinct. Dès que la lumière de la conscience tombe sur lui, il disparaît.

L'ego est cet aveuglement qui nous pousse à nous identifier au mental, c'est-à-dire à croire à ces petites voix qui nous hypnotisent et nous tourmentent.

Si l'on regarde l'ego en face, il s'évanouit.
Mais il revient, encore et encore, car il est fait d'habitudes inconscientes. Leur point commun est la tension ou, disons, la contraction, la crispation. L'ego est une tendance à résister à l'évidence, une pulsion de nier la joie intérieure, de fuir le silence. Tous les prétextes sont bons. 

L'essentiel est que l'ego se nourrit d'inconscience, de fuite et de crispation. Tant que nous restons les yeux fermés, la télé allumée et la radio intérieure branchée, l'ego y trouve sa viande, même si, en réalité, il n'est rien de réel.

L'ego corrompt tout.
Il faut donc voir l'illusion du mental, du corps, de l'intellect, du langage, de la personne, du monde, du Moi, de la séparation, de la dualité.

Tout cela doit "mourir". Voir qu'il n'y a pas d'ego, voir qu'il n'y a personne, ni âme ni Moi ni dualité.

Dans l'enseignement contemporain de la non-dualité, on a souvent tendance dire que la personne n'existe pas, mais que le monde existe, fait d'un flux de perceptions. Mais en toute rigueur, selon cette approche, le monde n'existe pas non plus, car "ce qui change n'est pas réel et ce qui est réel ne change pas".

Cependant même en s'en tenant à cet "éveil" impersonnel, il me semble que nous serions loin de la paix et de la joie.
En effet, dans cette approche, tout est rejeté dans le domaine de l'illusion : le mental, le langage, le Moi, le corps, femmes, enfants, les autres... bref tout, car tout est basé sur le Moi. Si "je" n'existe pas, rien ni personne d'autre n'existe. Il n'y a personne. Donc pas de jalousie ni de haine, mais pas d'amour non plus. La vie est une maladie ou une illusion. L'éveil est la fin de cette illusion. Point final. C'est d'ailleurs ce qu'affirmait Nisargatta, ce sage indien qui est la principale source d'inspiration de cette approche.

Mais est-ce bien ce qui se passe ?

A mon sens, voir l'illusion de l'ego est nécessaire.
Et plus le lâcher-prise est profond et répété, plus on lâche le Moi, le corps, le mental et tout le reste, plus on ressent de la joie. Mais le mental, la personne, ne disparaissent pas, pas plus que le corps et le monde.

Comment expliquer ce paradoxe ?

En fait, l'ego n'est pas le Moi. La crispation égotique n'est pas la personne. 

Quand je lâche prise, le corps se détend. L'ego s'évanouit. Le mental s'apaise, le langage se transforme, de même que le monde entier. Tout change par un changement de regard. Délivré de l'ego, la vie renaît. 

Le mental est moins présent, mais plus vif.
Le langage devient poétique.
La personne s'épanouit, devient unique, alors qu'elle était un amoncellement de clichés.
Le corps se détend.
Les perceptions s'affinent.
Le Moi se révèle comme vie, source de tout.
Le monde est manifestation de cette vie.
La vie quotidienne est yoga de l'instant,
du lâcher-prise.
Toutes les tensions se dénouent dans la présence
et deviennent offrandes à l'espace.


Quand l'ego se manifeste au contraire, la personne se mécanise.
"Moi, je..." tend à n'être qu'un tas de schémas
impersonnels.
Mais quand l'ego s'évanouit, paradoxalement, la personne se révèle en sa singularité, en ce qu'elle a d'unique.

Quand je vois qu'il n'y a pas d'ego, "je" me révèle.
Quand je vois que la personne n'est qu'une psycho-machine,
la personne s'épanouit, redevient un organisme vivant.
Quand je sens la tension du corps, il se détend.
Quand j'entends le bavardage mental, il s'apaise, redevient souple et puissant.
Quand je renonce à tout, tout devient magique.

Être libre de la personne, c'est offrir à la personne l'espace pour s'épanouir, enfin.

La personne n'est pas une illusion.
Le Moi n'est pas une illusion.
Le corps n'est pas une illusion.

C'est seulement l'ego qui "grippe" ces énergies,
comme un petit grain de sable. C'est l'ego qui fait de tout cela une illusion. Or l'ego vit d'inconscience (avidyâ), de négligence, d'aveuglement. La conscience éveillée, la Présence, élimine l'ego et restaure le Moi et le Monde.

Alors oui, il y a bien des morts dans la vie intérieure,
mais elles sont suivies de renaissances.

Je crois que c'est aussi l'expérience des éveillés "non-dualistes" qui affirment que "il n'y a personne". C'est une autre manière d'exprimer la même chose. Car, de toute évidence, leur personne ne disparaît pas, ni leur corps, ni leur mental. 

Il me semble toutefois que cette façon de s'exprimer est un peu sèche et que, de plus, elle est à chaque instant contredite par l'expérience. En outre, elle provient de traditions indiennes (le Vedânta et le bouddhisme ancien) qui ont une forte tendance à rejeter la vie, le corps, les émotions, donc les femmes et les enfants. Certes on pourra toujours dire, dans cette perspective que "je ne rejette rien, je suis juste au-delà de tout", mais on reste ainsi dans la transcendance, à distance, dans une sorte de dualité, de séparation. 

Cette posture risque d'empêcher toute intégration. On découvre un vide silencieux au-delà de tout et on croit que c'est le fin mot de l'histoire. Mais peut-être que la Vie a prévu un au-delà de cet au-delà ? La Vie ne tend t-elle pas à intégrer ? à réconcilier ? 

Non pas vivre une paix profonde malgré le mental, le corps et les enfants, mais bien une vie de paix aussi manifestée dans le mental, le corps et les enfants. Je crois que c'est l'enseignement de la vie.

La vie est mort et renaissance.

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