dimanche 13 janvier 2019

Yoga du ressenti



Selon une ancienne tradition, le yoga est l'union de l'individu avec le divin. D'ailleurs le mot sanskrit yoga est apparenté à nos "joug" et "juguler". Il y a donc une notion de contrôle, mais ça n'est pas le sens évoqué ici.

Pourquoi cette union ?
Parce que l'individu se croit séparé du divin. Il se croit incomplet. Il cherche alors cette complétude à l'extérieur ou à l'intérieur. Mais aucune chose n'est complète. Aucune pensée n'est complète. Alors l'insatisfaction disparaît pour un temps, puis réapparaît. La recherche de la situation, du partenaire, de la philosophie idéales continuent. Jusqu'au yoga, jusqu'à l'union. 

Cette union n'est pas une union de deux choses séparées, comme quand on met un pied dans une chaussette. C'est la réalisation que l'individu n'a jamais été séparé du divin.

Qu'est-ce que le divin ?
C'est l'être, la plénitude que l'on ne peut définir ni saisir. Mais sa nostalgie nous habites. Malheureusement, par inconscience, nous projetons l'éternité dans le futur, alors qu'elle se donne à chaque instant. 

La vie intérieure commence par un réveil de la conscience. Nous nous reconnaissons au-delà du mental, dans le silence entre deux pensées. Mais comment vivre dans ce silence ? Comment ne pas retomber dans l'état d'hypnose ?

Si l'on se sent incapable de faire silence, nous pouvons poser notre attention dans le ressenti du "corps", ou sur une zone du corps. Souvent, on peut s'offrir quelques instants où le ressenti de la peau pétille dans l'espace alentour. Les tensions se révèlent et s'ouvre, se dénouent peu à peu. C'est l'essence de la vie intérieure, le yoga du ressenti.

Dans la tradition du Cachemire, nous trouvons ce conseille de "tout déposer en un seul lieu". Ce "tout" est notre corps ressenti qui surgit instant après instant. En un seul lieu, c'est-à-dire dans l'espace silencieux, immobile. Nous pouvons vaquer à nos occupations en veillant cet arrière-plan de ressenti global du corps. Ce "corps subtil" est notre lien au silence. Il est le pont entre le monde physique et l'espace divin. 

Si cela nous paraît encore trop difficile, nous pouvons revenir à ce ressenti corporel en nous donnant entièrement à deux ou trois expirations naturelles. Expirer, c'est un peu mourir, lâcher, s'offrir. C'est l'acceptation concrète de "ce qui est" et qui commence par notre corps.

Nous pouvons aussi entrer dans une posture, danser ou faire quelques gestes de Taïchi ou de Qigong. Mais je dirais, faites attention à ne pas devenir dépendants. Plus c'est simple et disponible, plus la pratique est continue, plus c'est puissant. Vous sentez alors les effets dans votre vie, dans vos relations.

Le corps subtil ou corps ressenti est notre plus grand ennemi. En l'embrassant dans l'attention, il est rendu à l'espace. L'attention bascule du contenu (les tensions, les émotions, le bavardage) vers le contenant. Et cette énergie, vécue d'habitude comme agitation et source d'anxiété, se révèle comme la créativité de l'Être, du Mystère que nous sommes.

Le Poème de la Vibration, un enseignement du Cachemire, en fait la promesse :

Cette énergie d'activité divine est source d'aliénation quand elle se manifeste dans l'inconscience et la croyance en la séparation. Mais reconnue et laissée libre de ses voies, elle est la source de la réalisation spirituelle.

C'est le yoga du ressenti, l'union des sensations et de l'espace.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pas de commentaires anonymes, merci.