mardi 12 février 2019

La conscience est-elle une chose comme une autre ?



Certains affirment que la conscience
(la "lumière" qui éclaire ces mots 
et tout le reste en cet instant)
n'est qu'une illusion.
Une illusion presque parfaite,
mais une illusion.
Une illusion si parfaite
qu'il est presque impossible
de voir que c'est une illusion.

Le philosophe Thomas Metzinger, par exemple,
dit dans cette vidéo que la conscience est une illusion.
En quel sens ?


En ce sens que la conscience est "transparente".
En effet, nous ne voyons pas la conscience 
comme nous voyons les autres choses.
Pourtant, elle est là,
comme le cerveau ou nos propres yeux :
mais c'est tellement "bien fait" qu'on ne réalise pas
que la conscience est une illusion engendrée
par le cerveau. 
C'est comme des bonnes chaussures : 
on ne les sent pas. Pourtant elles sont là.
Et on peut les retirer des pieds pour les examiner.

C'est aussi comme une fenêtre, dit-il :
quand on regarde à travers une fenêtre,
on voit les oiseaux qui volent dans le ciel,
mais on ne voit pas la fenêtre elle-même.
Pourtant, il suffit de reculer pour bien voir ce cadre.

La conscience serait une illusion du même ordre.
On la croit transparente parce qu'on fait corps avec elle.
Mais en réalité, elle est un phénomène comme un autre,
une chose comme une autre.


Je ne suis pas d'accord avec lui.

En effet, je ne vois pas la fenêtre parce que je suis trop près d'elle. Mais je le sais parce que je peux reculer
pour voir la fenêtre.

Mais je ne peux jamais "reculer" pour voir la conscience. Il n'y a pas d'au-delà de la conscience, pas de "dehors" de la conscience.

On peut pointer ceci :
La conscience reste toujours "ce qui voit". 
Elle ne devient jamais "ce qui est vu". 
Et d'ailleurs, à quoi ressemblerait une conscience qui serait objet de conscience ? Serait-ce encore une conscience ? 
Car, comme le fait remarquer Outpala Déva (parmi tant d'autres), le propre de la conscience est d'illuminer, d'éclairer, de manifester les choses. Si elle devient elle-même illuminée, elle n'est plus illuminante : elle n'est plus consciente, elle n'est plus conscience. 
Parler d'une conscience comme d'une chose, c'est parler de ce qui est impossible, comme un cercle carré.

Donc la conscience ne peut jamais être perçue à la manière d'une chose, d'un objet, d'un "ceci" ou d'un "cela" objectif. Le langage, certes, nous fait croire que c'est possible, mais c'est ça qui est une illusion ! 
Le langage, en effet, nous fait parler facilement de "la conscience", comme si la conscience était une chose, une chose parmi les autres choses. Mais il n'en est rien. 

La conscience est unique en son genre. Le langage nous oblige à l'objectiver (à en parler comme d'une chose), mais elle n'est jamais un objet, en réalité, c'est-à-dire dans l'expérience. Elle est la "lumière" dans laquelle apparaissent et disparaissent tous les objets, illusions ou réalités. Réaliser cela, c'est l'éveil, du moins l'éveil principal dans la vie intérieure.

Quand on parle de "la conscience qui serait un phénomène du cerveau", on met la conscience et le cerveau sur le même plan, celui des objets que l'on peut désigner objectivement. 
Mais l'expérience -l'expérience commune, "ordinaire" - prouve qu'il n'en est rien. Il y a en effet une différence essentielle entre le cadre de la fenêtre et le "cadre" de toute chose qu'est la conscience : je ne vois pas la fenêtre, mais je peux la voir. Alors que je ne vois pas la conscience, mais je ne peux pas la voir. 
Du moins, pas objectivement. Car bien sûr la conscience peut s'illuminer elle-même mais, là encore, d'une façon unique en son genre. Elle se connaît elle-même sans se diviser, en une évidence parfaite, en une intuition immédiate, plus immédiate que n'importe quelle autre intuition.

Il n'est donc pas non plus possible de parler d'un "dehors" de la conscience, ni d'un "au-delà" de la conscience. Enfin si, bien sûr, on peut en parler, mais cela n'a aucun sens.

De même, ceux qui font de la conscience une vibration "quantique" ou un autre genre de substance subtile, une énergie très raffinée, s'égarent de la même manière en faisant de la conscience une chose. La conscience n'est pas un contenu de la conscience. Elle est, en vérité, l'expérience elle-même, indépendante des contenus de l'expérience. 
En sanskrit, Shankara par exemple emploie ces mots comme des synonymes : la conscience (cit) est l'expérience (anubhava). C'est en ce sens qu'elle est "toujours déjà réalisée" (nitya-siddha), "toujours déjà éveillée" (nitya-buddha) et "toujours déjà libérée" (nitya-mukta). 

Comme disait l'Oupanishad : "Mais enfin ! comment connaître ce qui connaît ? Comment voir ce qui voit ?"

(je cite de mémoire ; mais depuis 30 ans que je lis et relis ces lignes, cela me fait toujours le même effet, magique, unique)

Retourner l'attention, remonter en amont, aller vers l'intérieur, jusqu'à ce que cela ne soit plus possible... Alors on peut dire que la conscience s'est trouvée elle-même. Voilà pourquoi on parle de "vie intérieure", de centre et de source. Sinon, à quoi bon utiliser ces mots ? C'est cela l'éveil au sens traditionnel.

"Conscience" : ce petit mot recèle un mystère insondable, et pourtant familier ; une évidence à jamais insaisissable ; une vérité ineffable ; une clarté invisible , une transparence qui imprègne tout.

Elle n'est pas une illusion, 
mais elle est ce qui rend possible toute illusion.

La conscience n'est pas une chose comme les autres.
Elle n'est pas une chose du tout.
Elle n'est pas rien non plus.
Unique, je vous dis :)

2 commentaires:

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