mardi 5 mars 2019

L'absolu a-t-il conscience de soi ?

conscience, ressenti, désir, vibration, frémissement, vague, ébullition, palpitation


Abhinava Goupta affirme que 
"la conscience ininterrompue brille également 
dans les oiseaux et autres [animaux]...
Cette Lumière est par nature une conscience 
qui se ressaisit elle-même en son essence. 
Et cette conscience de sa propre essence 
a pour chair la Parole transcendante."
(Parâtrîshikâ-vivarana, p. 213)

"Cette Lumière est par nature une conscience qui se ressaisit elle-même en son essence" 
bhāsā svabhāvena svarūpāmarśanātmikā
Cette Lumière ne se contente pas de manifester les choses,
ni m^me de se manifester comme chose.
Elle se manifeste en manifestant les choses.
Et, même en se manifestant comme chose,
elle se manifeste au-delà de toute chose.
Même en se manifestant dans l'absence,
elle se manifeste au-delà de cette absence,
comme présence même de cette absence.

L'absolu est donc conscient de soi-même.
Non pas de manière accidentelle.
Mais de façon essentielle.
Cette conscience de soi est son essence, ce sans quoi il ne serait pas l'absolu.
Pourquoi ?
Parce que rien n'est possible sans conscience, que ce soit l'absolu ou le relatif, le réel ou l'irréel, l'être ou le néant.
Si l'absolu n'était pas conscient, il ne serait pas l'absolu.
Il ne serait pas même "rien".
Car "rien" est un objet qui n'existe que par et pour la conscience.
Il n'y a pas d'être sans conscience.
Il n'y a pas de non-être sans conscience.
Il n'y a pas d'existence sans conscience.
Il n'y a pas d'inconscience sans conscience.
Il n'y a pas de "il n'y a pas" sans conscience.
Quelque soit l'expérience, 
elle est conscience.

Soit, dira t-on.
L'absolu est conscient de ceci ou de cela.
Mais il n'est pas conscient de soi,
sans quoi cela introduirait en lui une dualité,
une séparation.

A cela, Abhinava Goupta répondrait peut-être : 

- Il n'y a pas dualité dans la conscience de soi, car dans la pure conscience de soi, le l'objet est le sujet, conscience de conscience. Il n'y a pas deux entité, donc il n'y a pas dualité.

- Même s'il y avait là un semblant de dualité, pourquoi systématiquement présumer que la dualité est mauvaise ? Même si l'absolu, qui est conscience de soi, désir se connaître, se réaliser, se manifester, se perdre et se retrouver, en quoi est-ce un mal ? N'est-ce pas au contraire d'assumer la dualité comme un mal, qui est un mal ? Car d'où vient la dualité, si ce n'est de l'absolu ? 

- Si l'on dit que l'absolu est conscient des choses (car il faut bien un "témoin") mais n'est pas conscient de soi, nous demandons comment est-il donc possible que pour l'absolu la conscience des choses soit possible, mais pas la conscience de soi ? Si l'on répond que la conscience-des-choses n'est pas dualité parce que les choses sont irréelles, nous répondons que la conscience de soi n'est pas non plus dualité, sans pour autant nier les choses, du reste.

- Enfin, "l'absolu-pas-conscient-de-soi" n'est pas l'absolu, c'est juste une manière pour l'absolu de se réaliser comme "rien" transcendant tous les objets. C'est l'expérience du sommeil profond. C'est une manière, pour l'absolu, de prendre partiellement conscience de soi, de cette façon là, en se dégageant de tout objet (y-compris de ceux auxquelles elle s'identifie durant la veille), mais en persistant dans l'oubli de soi. C'est certes un moment dans la vie de l'absolu, mais non pas l'absolu lui-même. L'absolu n'est pas statique, il n'est pas seulement tel ou tel aspect, il est balancement entre l'être et le néant, entre affirmation et négation, entre goût et dégoût, entre veille et sommeil, entre vie et mort. Sa vérité est dans cette totalité, et non dans l'une de ses parties. 

Donc l'absolu a conscience de soi, sous toutes les formes, à travers tous les états, et jusque dans l'expérience de l'inconscience.

3 commentaires:

  1. lorsque vous dites ' il Est le balancement entre l'etre et le néant '
    yvan amar disait 'l'éveil est la fluidité..de l'éveil et du non éveil..
    pareil !
    ce balancement fait partie du jeux, sans lui tout serait statique comme vous dites !
    Merci :)

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  2. Bonjour David,

    En suivant ce qui se dit sur Facebook, en comparant ce que vous publiez ici et ce que José Le Roy publie, il est amusant de constater qu'il y a une différence fondamentale qui vous oppose sur ce sujet (i.e. l'absolu et la conscience) ! Rigolo pour deux personnes souvent présentées comme ayant une expérience de première main de l'absolu... Rigolo...

    Vous-même, estimez-vous avoir changé d'avis depuis ces articles https://shivaisme-cachemire.blogspot.com/2018/08/bilan.html et https://shivaisme-cachemire.blogspot.com/2018/08/cit-ne-signifie-pas-conscience.html ?

    Enfin, avez-vous soumis ce problème à Douglas Harding ? Qu'en aurait-il pensé ?

    Cordialement,

    C.L.

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    1. Bonjour, très bonne question !
      Je n'ai pas changé d'avis : quand je proposait de traduire cit- par "inconscience", c'était pour souligner un aspect de la conscience, à savoir sa transcendance. C'est l'état de sommeil profond : sans objet sur lequel se réfléchir, la Lumière semble invisible. Mais elle est toujours là. La conscience est toujours présente. Mais son côté vivant, palpitant, est en veille. Il faut dire aussi que cet article ("cit ne signifie pas conscience") était un peu un jeu de remise en question.
      La conscience balance entre pleine conscience de soi et conscience pure/ inconscience. Cit=inconscience vaut pour l'aspect conscience pure, transcendante, de la conscience. Simplement, pour moi ces deux moments sont complémentaires. Le sommeil profond est une expérience (assez banale je crois), mais elle ne transcende pas la conscience, puisqu'on en a conscience.
      Sur un plan plus personnel, j'avoue que la chose dépend en partie de mes humeurs : il y a des printemps ("la Vibration du coeur, généreuse, conciliante") et des hivers ("au-delà de tout et puis basta"). Et pour José et moi, oui il y a des différences. Il y a aussi des différences entre nous et nous, on évolue, on change d'avis, on reformule, des doutes apparaissent parfois, d'autre disparaissent. Bref, c'est la vie. Mais en effet, si le Bouddha, Abhinavagupta et Shankara avaient la même expérience directe de l'absolu, pourquoi se sont-ils opposés ?
      Là où j'ai changé depuis cet été, c'est sur le rapport entre conscience et matière. J'ai traversé une belle période de questionnement. A présent, les choses se sont éclaircies : tout est conscience. Et l'inconscience est englobée dans la conscience, dans son jeu si vous voulez.
      Oui, j'avais interrogé D. Harding à Paris. Je l'avais mis sur l'ancien blog Skynet, aujourd'hui disparu. Pour lui "au-delà du Je Suis" voulait dire que l'absolu s'étonne d'être. Il voulait souligner la surprise, l'émerveillement, la nouveauté, la liberté de l'absolu.

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