dimanche 21 avril 2019

Plus que la simple conscience


On me demande souvent quelle est la différence entre le shivaïsme du Cachemire, d'une part, et les doctrines mieux connues comme le bouddhisme, le yoga et le Vedânta, de l'autre.

J'ai consacré de nombreux articles à cette question importante.

Mais voici, en bref, ce que dit en propre le shivaïsme du Cachemire à propos de la croyance selon laquelle l'absolu serait "pure conscience" au-delà des concepts, etc.


L'absolu, notre essence, n'est pas seulement conscience (saṃvinmātra). 
Il est aussi souveraineté, c'est-à-dire liberté, c'est-à-dire désir. 
C'est ce qu'affirme Abhinava Goupta dans ce passage :


kāpilābhyupagatasaṃvinmātrasvabhāvādhikaṃ 
saṃvidaiśvaryam icchātmakam urarīkṛtameva kāraṇatayā 
svātantryaṃ nāma 

(extrait de l'īśvarapratyabhijñāvivṛtivimarśinī, vol. 2 KSTS, p. 161)

Traduction :

Ce que l'on doit admettre comme étant 
la cause [de tous les phénomènes],
qui est la souveraineté de la conscience,
c'est ce que l'on appelle "liberté",
qui consiste en désir,
et qui, en son essence, est quelque chose de plus (adhika)
que la "pure conscience" à laquelle croient les disciples de Kapila.



Kapila est le fondateur du Sâmkhya, une philosophie dualiste
selon laquelle chacun est, en essence, pure conscience passive, 
immobile, face à un monde 
totalement dépourvu de conscience.

Le Vedânta reprend cette doctrine 
(qui est aussi celle du "yoga" de Patanjali) 
en ajoutant simplement que 
le monde est sans aucune réalité.
Seule existe la "pure conscience" parfaitement statique.

Dans cette perspective, l'absolu est masculin, 
face à un monde (qui inclut "le mental") féminin, inconscient,
doué de conscience mais statique, impuissant, stérile,
inerte, mécanique, séduisant mais trompeur, 
sans réalité, sans vérité.

Aujourd'hui encore, cette doctrine dualiste
reste la base théorique de la plupart des "éveillés non-duels".

Mais le monde (extérieur et intérieur, commun ou individuel)
n'est pas une mystérieuse et méchante illusion venue se plaquer 
d'on ne sait où
sur un absolu immaculé.

Le monde est la manière dont l'absolu
prend librement conscience de soi.


Le monde, 
c'est moi,
qui me réalise ainsi,
par libre désir. 

La "pure conscience" n'est pas l'absolu,
mais seulement l'une des manières dont l'absolu
se réalise - partiellement.

Comment le savoir ?
En observant l'expérience.

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