samedi 22 juin 2019

La conscience est-elle un effet de la nouveauté ?

Dans un texte célèbre, Bergson défend la thèse selon laquelle la conscience est un effet de la nouveauté ou, plus précisément, du choix.

Son raisonnement est le suivant : quand nous apprenons une tâche nouvelle, nous nous sentons davantage conscients. Par exemple quand nous apprenons à faire du vélo. Puis, au fur et à mesure que la nouvelle tâche devient plus facile, automatique, la conscience retourne à son niveau d'intensité normal. Bergson en conclut que la conscience est un effet de nouveauté, c'est-à-dire de contraste. Puis il ajoute que ce contraste est lui-même du a des choix. Donc la conscience est choix. En fait, il ne dit pas que la conscience est créée par des choix, mais plutôt que la conscience est choix.
Je suis d'accord avec lui.

Mais comment réconcilier cette affirmation avec l'idée que la conscience serait immuable ?

Je pense que ça n'est pas possible. Je pense que ce fait, cette identité ou cette proximité entre conscience, choix et nouveauté, dit quelque chose de l'essence même de la conscience qui, selon moi, est la substance de tout.
La conscience est nouveauté, car elle se réalise sans cesse sous des formes nouvelles, inédites, imprévues. La conscience est évolution créatrice. La conscience, c'est-à-dire l'expérience en général, est délectation de soi, étonnement, conscience de soi qui est toujours, en son fond, émerveillement. L'expérience est un miracle, le miracle de la prise de conscience de soi en train de se créer, instant après instant. Le vertige de jouer à exister ainsi, puis autrement. L'ivresse de séparer puis d'unir, d'affirmer puis de nier, de se souvenir puis d'oublier, de goûter puis de se sentir dégoûter, de s'attacher et de se détacher. Ce balancement, cette danse, certes sauvage, terrifiante et souvent douloureuse, ce chaos, comporte en son cœur une palpitation qui est émerveillement devant l'imprévu de soi. Et cet étonnement d'exister ne va pas sans une non moins profonde assurance d'être indestructible. Je sens, en mon centre, que je ne suis pas une chose, que je suis donc libre de devenir toutes choses, que je suis assez sensible pour en souffrir, mais tout cela sur fond de sécurité.

Pourquoi choix ? Parce que le choix, c'est la liberté d'exclure, de nier, d'oublier, pouvoir indispensable, sans lequel il serait impossible de faire l'expérience de quelque chose. Et ce choix, qui est aussi bien le pouvoir de conceptualiser en disant c'est ça et pas autre chose", exige aussi celui de mémoire.
La conscience est donc pouvoir de se conceptualiser, c'est-à-dire de se réaliser comme autre tout en s'identifiant à certains de ces "autres", et donc pouvoir de choix et de mémoire.
La conscience, l'expérience, la vie, l'absolu, est ce jaillissement toujours nouveau (abhinava) et pourtant insondable (gupta) que nous sommes. Une liberté terrifiante (bhairava) et un miracle délectable.
Au fond, le non savoir est inséparable d'un savoir absolu. La sécurité et l'aventure.

2 commentaires:

  1. je n'ai encore rien écrit de personnel sur la conscience.. mais j'aime bien ce que vous en dites.. la conscience est dans mon ressenti la vie en moi intérieure extérieure elle englobe tout le vivant sans séparation quand je suis unifiée, là la conscience lumineuse resplendit, c'est plus facile de sentir cela dans la solitude, dans la nature, dans mes lectures, dans la musique, jadis sur mon tapis de yoga et avec les élèves, dans l'amour avec un être cher, mais cela devenait pour moi difficile dans le quotidien
    j'écoute bcp Francis Lucille en ce moment, moins mystique mais si intelligent, avec bcp d'humour qui utilise les mentations avec délice dans des discussions qui me ramène à l'essentiel, je vous fais part d'un petit extrait : "Enquêtez, voyez par vous même. Voyez s'il est vrai que vous êtes conscient en permanence. Voyez s'il est vrai que ce que vous savez fondamentalement est conscience. Ne prenez pas mes assertions pour des faits établis. Mettez les en question, ainsi que vos propres croyances. Interrogez aussi la notion d'une conscience limitée et personnelle. Vivez avec ces questions, et surtout vivez dans l'ouverture silencieuse qui suit le questionnement, dans le "je ne sais pas créateur". Dans cette ouverture viennent des réponses qui modifient et purifient peu à peu la question initiale, la rendant de plus en plus subtile jusqu'à ce qu'elle devienne informulable par la pensée. Laissez ce dynamisme résiduel s'épuiser de lui même dans votre attention bienveillante jusqu'au moment où la réponse ultime jaillit en vous dans toute sa splendeur". cet homme aime la pensée, aime le corps, aime la science, rien n'est mis de côté je me régale avec ses videos, il reçoit chez lui les "chercheurs" c'est très chaleureux et éclairant…

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    1. Oui j'avais écouté Francis Lucille en 1994 et en 1998. Il va parfois jusqu'à s'affranchir du modèle védântique, en effet.

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